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Comment l’Education nationale noie la haine des juifs dans la lutte contre les discriminations

L'école du déni


Comment l’Education nationale noie la haine des juifs dans la lutte contre les discriminations
"Le plus beau métier du monde", film avec Gérard Depardieu.

Dans le formatage de la pensée, l’école a pris une part prépondérante. Avec les meilleures intentions du monde, elle contribue à nier l’émergence d’un antisémitisme musulman en le noyant dans une myriade de « racismes » réels ou imaginaires.


Explorons le Réseau Canopé,  éditeur sous tutelle du ministère de l’Éducation nationale. Les supports pour « agir en classe » de sa rubrique « Eduquer  contre le racisme et l’antisémitisme » sont édifiants. Fruits d’un partenariat annoncé entre la DILCRAH (Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Haine anti-LGBT), le Ministère de l’Education et l’Institut Français de l’Education), ils donnent à voir une série de témoignages.

Témoignages en vrac

Citons-les en vrac. Abdelkader Goutta, fils de harkis, témoigne de ma dureté du camp de Rivesaltes, de la méfiance née de la guerre d’Algérie « et de ceux qui le regardaient de travers mais sont devenus ses meilleurs amis ». Lina Jackson raconte en 1997 le rejet des Roms dans l’Europe d’avant la seconde guerre mondiale. Anne Altmann et Hélène Frydman évoquent l’antisémitisme de la fin des années 30. Antonio Cordoba Alcaide explique qu’il est devenu français « parce qu’il voulait être fonctionnaire », Roland Rutili « ne commettra pas l’erreur qu’ont commis ses parents de ne pas lui parler italien » et l’enseigne à sa petite fille pour « pérenniser ses racines ». Samia Messaoudi « ne voyait pas de différence avec ses copines Marie-Laure et Hélène » mais devait cacher ses mains au henné « parce que l’on trouvait ça sale ». Enfin Yamina Benchenni explique que bien que née en France, elle n’est devenue française qu’en 1990 car « si eux ils pensent qu’on n’est pas français, pourquoi moi je dois l’être ?», puis raconte le meurtre de son frère par un militant du Front National alcoolique.

Nous sommes loin de Patrice Quarteron. Seule Gaye Petek, rentrée à la maison en pleurs après un cours d’histoire parlant des « turcs barbares » éclaire de la sagesse de son père ces récits, en évoquant sa réponse consolatrice : « Il y a des sales pages dans l’histoire de tout le monde ». Le parti pris idéologique est donc posé : le Français de souche est empli de préjugés racistes qui font souffrir l’immigré. Un dessin animé permet même de s’en convaincre dès le plus jeune âge.

Légitimer « l’islamophobie »

Les enseignants régulant au quotidien les conflits entre élèves d’origine gitane et maghrébine, ceux dont les collégiens subissent le racisme anti-blanc décrit par Tarik Yildiz et bien sûr ceux confrontés à l’antisémitisme n’ont qu’à circuler, il n’y a rien à voir.

Pourtant, Canopé a su faire preuve d’une très grande réactivité à l’actualité employant dès la page d’accueil de la rubrique « Education contre le racisme » le terme d’islamophobie,  concept controversé ainsi légitimé.

Les enseignants sont en première ligne face aux effets du communautarisme et désarmés. D’autant plus désarmés qu’un tropisme pousse souvent leur cœur à gauche, parfois jusqu’à ces espaces où la défense de l’opprimé mène à épouser la cause palestinienne, comme le montre le site de Sud Education. Le piège se referme alors. Comment lutter contre l’antisémitisme des élèves nourri, entre autres, d’une vision orientée du conflit au Proche-Orient, sans une solide formation factuelle et historique démêlant l’écheveau ?

Shoah pour tous

Alors, on se replie sur ce que Régis Debray nomme l’ « abus de mémoire qui ne permet plus de regarder l’histoire en face, hic et nunc » : l’enseignement de la Shoah, évidemment essentiel et nécessaire, mais qui produit ici l’effet inverse de celui attendu, puisque, dans leur vision du monde, ces néo-antisémites s’identifient aux Palestiniens victimes de ces nouveaux nazis que sont pour eux les Israéliens.

Que penser de « cette résignation et cette indifférence des professeurs » face au départ des élèves juifs de leur lycée dont parle Jean-Pierre Obin[tooltips content= »Obin, alors Inspecteur Général de l’Education Nationale rédigea en 2004 un rapport sur les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires. »]1[/tooltips] ou de ceux commentant ce phénomène par : « Ils n’étaient pas assez nombreux pour se défendre » ? Que répondre à cette amie conteuse qui s’est entendu dire, en fin de spectacle dans un établissement scolaire, « Vous êtes juive Madame ? C’est dégueulasse ! » et à qui les enseignants ont exprimé leur sollicitude sans juger utile de faire formuler des excuses à l’élève? Comment accepter de travailler dans une école maternelle dont l’équipe a décidé de ne plus faire fabriquer des étoiles pour décorer à Noël, « pour ne pas avoir de problèmes »?

Les hussards noirs étouffés

Enfin, il est désormais indispensable de  reconnaitre que les communicants autant que les idéologues achèvent d’étouffer les derniers hussards noirs. Jean-Pierre Obin lui-même reconnaît « la tendance de l’institution à dissimuler les faits déplaisants afin de préserver l’image de l’école publique ou comme on dit de nos jours, à « communiquer » autrement dit à livrer une version édulcorée et édifiante de certains faits plutôt qu’à en informer honnêtement le public ». Lire comment cet inspecteur général de l’Education nationale prit conscience en 1996 de la gravité de la situation entre élèves juifs et « arabes » et tenta, en vain d’agir est effarant : « J’alertai de manière circonstanciée, dans ma note de synthèse sur l’Académie de Lyon, les deux rapporteurs nationaux. Je n’en retrouvai nulle trace dans le rapport national » rédigé par Catherine Moisan et Jacky Simon. Force est hélas de constater que lorsque sa parole, claire et sans ambages, parvint enfin sur le bureau d’un ministre, elle ne fut pas plus suivie d’action sur le sujet que le rapport Stasi qui, en 2003 parlait déjà explicitement de ce nouvel antisémitisme.

Il semble donc que ce soit une lutte contre la culture d’entreprise de l’Education nationale mêlant totems, tabous, omerta et  plans de communication  qu’il reste à entreprendre. Jean-Pierre Obin concluait son rapport en soulignant « qu’il était chez les responsables deux qualités qui permettent beaucoup et qu’on devrait  davantage rechercher, développer et promouvoir à tous les niveaux (…), la lucidité et le courage ». Nous en sommes toujours là.

Alors bien sûr, aujourd’hui, on ne peut que se réjouir de voir cette part enfouie de l’antisémitisme atteindre l’agora. Souhaitons que nous parvenions toujours à y nommer clairement et promptement les faits qui en relèvent.  Et n’oublions pas qu’Aristote  nous a prévenus : « Partout où l’éducation a été négligée, l’État en a reçu une atteinte funeste ».

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est enseignante et ex-directrice d'école.

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