Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…
La valeur peut attendre, parfois, le nombre des années. La preuve : il y a peu, ma Sauvageonne et moi, sommes allés à la Comédie de Picardie, à Amiens, pour assister à la soirée animée par Michel Fallet, 76 ans, qui lisait ses textes. Soixante-seize ans, oui ; vous avez bien lu.
Ce n’est pas lui faire injure de dire que Michel n’est plus un jeune homme. Il n’empêche qu’il a prouvé à l’auditoire qu’il détient un sacré talent d’écrivain. Ce n’est pas ma Sauvageonne qui me démentira car, en matière de plumes, elle y connaît un rayon. Sans parler de celles qui ornent son adorable tête et qui lui donnent l’allure d’une punkette des seventies, elle adore lire. Bref : on a beaucoup aimé. Michel Fallet a mené à bien une carrière d’enseignant ; il a dispensé des cours d’anglais et de maths-physique à des jeunes gens, notamment à ceux du collège Arthur-Rimbaud, à Amiens. Aimait-il cette profession ?

Sans nul doute mais il a toujours eu une idée en tête : écrire. On est en droit de ne pas lui donner tort. À l’âge de 15 ans, il a commencé à rédiger. Puis, il s’est abstenu longtemps, très longtemps, puisqu’il ne s’est remis à écrire que dans les années 1990. Depuis, il ne s’est plus arrêté ; il a bien fait. À la Comédie de Picardie, il était accompagné dans sa lecture par Claudie, par Henri, son deuxième fils, et par Monique, la mère de ce dernier. (Une lecture en famille !)
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Modeste et discret, on sentait bien qu’il avait un peu le trac. On le comprend ; il s’agissait presque de sa première vraie lecture puisqu’il en fit une, plus courte, il y a quelques années, au Musée de Picardie. Sous la table, ses pieds, nus, comme ceux de Sandie Shaw chantant « Un tout petit pantin » en 1967, remuaient sous l’effet de l’émotion. Le trio nous donna à entendre des textes poétiques et des nouvelles de grande qualité.
Michel écrit bien ; très bien. Son style est limpide, aérien, et surtout, surtout, empreint d’un humour subtil et d’une délicate mélancolie qu’il dissimule souvent sous des ambiances déjantées, presque dadaïstes. Ma sauvageonne et moi avons particulièrement aimé « Le chapeau de la girafe » et « Les portes du pénitencier » (j’ai tout de suite songé à Eric Burdon et ses géniaux Animals, et à Johnny Hallyday qui avait eu la bonne idée – Yday – d’adapter en français la chanson éponyme).
Sa prestation terminée, je l’ai retrouvé au bar de la Comédie autour d’un verre de Tariquet ; je lui ai demandé s’il avait déjà été édité. « Non ! », m’a-t-il répondu avec un doux sourire qui m’a laissé penser qu’il en avait envie. Éditeurs, vous savez ce qu’il vous reste à faire…
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