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Dominique Bernard n’aurait pas dû mourir

Un professeur français de nouveau tué, aux cris d' «Allah Akbar»


Dominique Bernard n’aurait pas dû mourir
Devant le lycée Gambetta, Arras (62), hier © FRANCOIS GREUEZ/SIPA

La France, la ville d’Arras et le monde enseignant sont traumatisés. Après les enfants juifs de l’école de Toulouse, après le parent d’élève Alban Gervaise à Marseille, après Samuel Paty, un terroriste islamiste a tué hier un professeur à Arras (62) et blessé trois autres personnes avec son couteau, dont une très grièvement. L’ancien élève du lycée, âgé de 20 ans, était fiché S et est dans les mains de la police. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a confirmé un lien entre cette attaque sur notre sol et ce qui se passe en Israël. Le pays passe en alerte « Urgence attentat », le niveau maximum. Le pays se repose une question: que faire des islamistes fichés S?


Il s’appelait Dominique Bernard, et avait 57 ans. Il était professeur de français au lycée Gambetta, à Arras. Il a été assassiné hier, par un islamiste originaire du Caucase. Il est mort en défendant ses élèves contre la barbarie. Après la révélation des massacres atroces de civils en Israël par le Hamas, voilà que la branche islamiste en France frappe à nouveau un lieu d’enseignement et un professeur. Dominique Bernard va être pleuré par toute une nation et il mérite cet hommage, mais la vérité est qu’il n’aurait pas dû mourir.

Pourquoi ? Parce que le terroriste, Mohammed Mogouchkov et sa famille auraient dû être expulsés en 2015. Mais suite à divers recours et grâce aux soutiens d’associations et de partis (MRAP, Cimade, RESF 35…), l’expulsion a été empêchée. La fédération d’Ille-et-Vilaine du PC avait d’ailleurs à cette occasion publié un communiqué attaquant violemment la décision et vantant l’intégration de la famille. Cette mort aurait pu être également évitée car le suspect était censé faire l’objet d’une surveillance renforcée. La famille entière était suspectée de dérive radicale. Un des frères du terroriste est d’ailleurs en prison, dans le cadre d’un projet d’attentat déjoué et Mohamed Mogouchkov était fiché S.

Le terroriste cherchait un professeur d’histoire, comme Samuel Paty

Cet attentat terroriste est aussi lié à deux évènements. D’abord, l’appel lancé par le Hamas, par la voix de Khalid Mashal, qui enjoignait tous les musulmans de faire du 13 octobre un jour de jihad, donc à verser le sang. Ensuite la date anniversaire de l’assassinat de Samuel Paty par un islamiste au profil similaire à celui de Mohamed Mogouchkov. Assassinat qui eut lieu aussi un vendredi d’octobre, le 16. D’ailleurs selon le témoignage d’un professeur de philosophie, l’assassin cherchait explicitement un professeur d’histoire.

Pourquoi cette quête ? On se doute bien que ce n’est pas par passion pour la matière. Il se trouve que c’est dans le cadre des cours d’histoire-géographie que sont dispensés les enseignements civiques. Or les islamistes haïssent la liberté d’opinion et sont vent debout contre la laïcité. Pour eux, un état laïque comme la France est une offense à leur Dieu. En effet la laïcité à la française, ce n’est pas seulement la séparation des Eglises et de l’Etat, c’est surtout un monde où les sociétés politiques n’ont pas besoin de Dieu car elles peuvent compter sur la capacité d’échange et de confrontation d’hommes doués de raison pour créer leurs lois et règles. Chez nous, le divin n’a rien à voir avec l’organisation de l’Etat ou la légitimation du pouvoir. Notre sphère publique s’en passe très bien. Cela est inenvisageable pour un islamiste qui ne connait que la charia et la loi du clan…

Plus jamais ça ?

Et maintenant. Que faire après cette énième tuerie ? On aimerait pouvoir dire « plus jamais ça », mais on sait que c’est faux. On aimerait pouvoir dire « cette fois-ci nos dirigeants vont se réveiller », mais après l’assassinat de Samuel Paty, rien n’a bougé. On aimerait pouvoir dire qu’enfin les islamistes vont être combattus, le droit adapté, les frères musulmans dissous, les associations noyautées privées de subventions, mais on peut fort raisonnablement en douter. Sommes-nous donc condamnés à enchaîner les deuils en contemplant la lâcheté de nos gouvernants ? Devrons-nous encore supporter longtemps les larmes de crocodiles de LFI sur la mort du professeur d’Arras alors qu’elle refuse de traiter de terroriste un Hamas qui n’est pas pour rien dans le déchainement de violence de ce vendredi 13 octobre ? Supporterons-nous longtemps les tweets de condoléance d’une Panot, alors que son parti est l’illustration de la dérive islamisto-friendly d’une partie de la gauche ?

Il est probable que oui. Mais à chaque fois quelque chose se brise en nous et monte le désespoir de se voir autant attaqué et si peu défendu. Je crains que les jours à venir ne se perdent en tortillement de l’arrière-train, où sous prétexte de ne pas toucher à l’Etat de droit, on va mettre en scène l’impuissance politique et refuser de réfléchir à la question de la déchéance de nationalité, de l’indignité nationale, à la question des expulsions, à celle du droit du sol, au fait de stopper certaines accréditations et certaines subventions, d’interdire les frères musulmans et de supprimer leurs instituts de formation des imams, de s’intéresser à la grande mosquée de Paris qui vient de leur faire allégeance, de combattre leur influence dans les banlieues comme auprès de la Commission ou du Parlement européen, de les chasser de l’université et du CNRS… Et s’il faut changer la loi pour s’adapter à certaines situations, ce n’est pas toucher à l’Etat de droit, c’est au contraire lui faire jouer tout son rôle.

Ils ne sont forts que parce que nous sommes à genoux

Mais surtout, ce qui serait utile est qu’enfin la France ait une doctrine claire sur ces questions. Tous ceux qui ont alerté sur la montée de l’islamisme et sa dangerosité se sont fait traiter de tous les noms, ostraciser, marginaliser. Aujourd’hui que l’on peut constater qu’ils ont raison, il faut dire les choses : les islamistes sont puissants et implantés en France, leur influence et leur emprise sur la communauté musulmane est réelle et importante mais n’est hélas pas combattue.

Des spécialistes ont travaillé sur ces questions. On a une idée de la cartographie de ces mouvements. Il manque juste la volonté et le courage politique de les nommer et de les affronter. Pourquoi ? parce qu’en partie nos gouvernants pensent qu’ils ont perdu le contrôle d’une partie du pays et craignent qu’en affrontant les islamistes ils fassent face à la colère de tous les musulmans. Ils se trompent. C’est justement parce que nos dirigeants ne les affrontent pas que les islamistes sont puissants et ont de plus en plus d’influence. J’aimerais bien croire que cet assassinat de plus, cet assassinat de trop, comme tous ceux qui l’ont précédé, marquera le début du sursaut. Mais si je me fie à l’expérience, nos gouvernants vont attendre que l’émotion retombe et ressortiront la litanie des paroles définitives et inutiles au prochain bain de sang.




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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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