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Rentrée des artistes

On ne sait jamais de quel côté de son brillant cerveau Emmanuel Macron va pencher...


Rentrée des artistes
Photo © Pierre Olivier

L’éditorial de septembre d’Elisabeth Lévy.


Si ça se trouve, on ajoutera bientôt le terme « autorité » à la devise nationale. C’est qu’à défaut de changer les choses, le macronisme se paye volontiers de mots et celui-là fait un tabac. Dans son entretien-fleuve du Point, le président l’emploie treize fois, pour constater qu’elle est en crise et qu’il faut la rétablir. La belle découverte que voilà. La disparition de l’autorité à tous les étages de la vie sociale, beaucoup de Français l’observent tous les jours et pas seulement sur leurs écrans. Les honnêtes gens qui doivent montrer patte blanche à des dealers pour rentrer chez eux ou voient des gamins de douze ans brûler des bâtiments publics, les professeurs sommés de remonter leurs notes (voir l’édifiant article de Corinne Berger, pages 14-17 du magazine) ou de faire profil bas devant des parents hargneux, sans oublier les policiers priés d’endurer sans broncher violences et insultes de sauvageons qu’une juge compassionnelle sermonnera gentiment parce que c’est pas bien, promettez de ne pas recommencer vous voulez un bonbon ?, tous ceux qui subissent, impuissants, sont certainement charmés d’apprendre que le retour de l’Autorité est en tête de l’agenda présidentiel.

Du reste, il paraît que le président cherche des thématiques consensuelles pour causer avec ses opposants –réserver le débat aux sujets sur lesquels on est d’accord, cela résout tous les conflits. Eh bien, il en tient une : de Fabien Roussel à Zemmour, on s’accorde pour penser que tout fout l’camp et qu’il n’y a plus de respect. Seuls les Verts (parti du bordel par atavisme indécrottable) et les Insoumis trouvent qu’il y a encore trop d’autorité, surtout dans la police. Il est vrai que chez ces derniers, il n’est pas question d’autorité, mais d’un pouvoir tyrannique qui se maintient par la coercition et la peur.

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Donc, promis, le président va s’employer à remettre de l’autorité partout : dans la famille, dans les relations avec la police et, bien entendu, à l’école : « Il n’y aura aucune forme d’accommodements avec l’autorité des savoirs et l’autorité des maîtres. » On attend donc que les correcteurs du bac recouvrent leur liberté de notation, quitte à faire chuter à 50 % le taux de réussite.

Ne soyons pas ingrats. À peine arrivé Rue de Grenelle, Gabriel Attal ne s’est pas contenté de belles paroles, il a fait acte d’autorité. L’abaya est désormais interdite dans les établissements publics. Ce n’est pas difficile, il suffit de dire non. Et de laisser les pleureuses mélenchonistes aboyer, vitupérer le racisme du ministre et la police du vêtement avant de se réfugier dans les jupes du Conseil d’État. Si le Conseil d’État n’est pas content, on pourra toujours voter une loi – ou menacer cette éminente institution d’une réforme qui changerait le rapport de forces idéologique en son sein. L’État de droit ne signifie pas qu’une assemblée de technos largement issus du même moule idéologique peut imposer ses fariboles différentialistes au bon peuple.

Le nouveau ministre est aussi le premier à reconnaître explicitement que le niveau baisse, évidence unanimement partagée et presque aussi unanimement niée, sous peine d’être désigné comme réac. Le réel est réac, c’est bien fâcheux. C’est, suppose-t-on, en accord de son patron qu’il va mettre le paquet sur ce terrain, avec la prise en charge des décrocheurs et le retour des maths en 1re.  On se demande d’ailleurs dans quel cerveau fatigué avait germé l’idée de les supprimer. En attendant, à en croire Robert Ménard (pages 32-37), il est prévu en cette rentrée d’offrir aux élèves « une sensibilisation à l’écologie, une initiation au permis de conduire, un apprentissage de la diététique ». Les savoirs fondamentaux, vous dit-on.

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Certes, ces délicieuses innovations sont l’œuvre de Pap Ndiaye. Mais sauf erreur, il avait été choisi par le même président qui employait déjà les mêmes mots. C’est tout le problème : on ne sait jamais de quel côté de son brillant cerveau Emmanuel Macron va pencher. Son surmoi progressiste peut-il assumer l’existence de hiérarchies sans lesquelles il n’est pas d’autorité ? On s’interroge quand on découvre, entre une ode au savoir et un appel à la discipline, qu’il s’est entiché de l’école flexible, testée paraît-il à Marseille. « Les élèves peuvent être debout, assis ou à genoux pendant la classe. » Et pourquoi pas couchés, quelle odieuse discrimination ! Il faudra expliquer comment des élèves suivant le cours debout pourront se lever à l’entrée du professeur comme le souhaite Gabriel Attal. Peut-être le président va-t-il proposer d’instaurer un « Yes Day » à l’école. Cette ânerie qui a déjà des adeptes en France a été inventée par je ne sais quelle psychologue américaine pour que « chacun puisse réinterroger sa place dans la famille ». Il est en effet essentiel que les enfants se demandent s’ils ne seraient pas plutôt les parents. Il s’agit d’une journée au cours de laquelle vous dites oui à tout ce que demandent vos chers bambins (et quand ils veulent coucher avec maman on fait quoi ?).

Je blague, pour l’heure, il n’est pas question de Yes Day à l’école. Reste que le pas de côté présidentiel sur l’école flexible où, comme chez McDo, on vient comme on est, fait quelque peu douter de sa cohérence. Dire Fais ce qu’il te plaît à la génération J’ai le droit n’est peut-être pas le meilleur moyen de rétablir l’autorité. Sur une question aussi vitale pour le pays, le président devrait s’interdire le baratin du en même temps.

Septembre 2023 – Causeur #115

Article extrait du Magazine Causeur




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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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