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Guaino se fâche et se lâche


Guaino se fâche et se lâche

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Que Henri Guaino me pardonne, mais je trouve cet ancien homme de l’ombre bien trop sentimental et à fleur de peau pour survivre dans le monde politique. La télévision se montre souvent impitoyable avec le député des Yvelines, tantôt colérique, tantôt naïf, souvent victime de ses propres excès et de la roublardise voire de la malhonnêteté de ses contradicteurs.

Mais il arrive que cet objet politique non identifié nous gratifie de moments de grâce, comme dirait NKM, des moments où la com’ et la langue de bois laissent place à la sincérité et la franchise, offrant au téléspectateur une vraie bouffée d’oxygène.

Ce fut le cas avant-hier, lorsque Guillaume Durand recevait l’ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy  dans son émission co-diffusée par Radio Classique et LCI. Henri Guaino a profité de cette tribune pour dire tout le mal qu’il pensait des dirigeants de l’UMP et de leur soutien à François Bayrou pour l’élection municipale de Pau. Guaino en a marre de ce parti qui fonctionne de manière « clanique », où « chaque clan et chaque écurie avancent ses pions », où « on se partage les postes dans le dos de tout le monde ». « Qui ? », interroge Durand. « Copé, Fillon, Juppé. C’est extravagant, il faut que tout le monde le sache, et je vais l’écrire au Président Copé […], pour renouveler le bureau politique, on se partage les postes entre partisans de Copé, de Fillon et de Juppé, auxquels on ajoutera accessoirement (sic) Bruno Le Maire et Xavier Bertrand, on file en douce une liste unique au conseil national pour qu’il l’avalise, et voilà ! Circulez, y a rien à voir ! »

Guillaume Durand a soudain la bonne idée de lui causer de l’Aquitaine. Cela tombe bien, Juppé a l’air encore plus dans le viseur que Copé et Fillon. Cela continue de plus belle. « Alain Juppé a décidé d’emblée de soutenir François Bayrou. Je le dis aussi : les principautés indépendantes ont disparu de France depuis longtemps. Donc l’Aquitaine n’est plus une principauté, si mes souvenirs sont exacts, depuis le XVe siècle. Donc, il n’y a plus de duc d’Aquitaine. ». Quelques secondes plus tard, il lâche le morceau « moi, je déteste les postures en politique ». On l’avait bien compris, et on se régale. Il poursuit sur le pacte de responsabilité, dont Durand lui fait remarquer que certains de ses amis l’ont approuvé : « ça les regarde, c’est une absurdité ». « Ils ont approuvé le tournant », rétorque le journaliste. « Quel tournant ? […] Y’a eu le CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) ».

Et Guaino de détailler, en le dispersant façon puzzle, comment le gouvernement en est arrivé cahin-caha à cette fameuse suppression des cotisations familiales puis de conclure : « c’est n’importe quoi ! Ce qu’a raconté le Président de la République n’avait aucun sens. ». Guillaume Durand s’arrête : «  je vous connais un peu ; il n’y a pas de sentimentalisme dans tout ça ? ». On y est. Retour de service : «  parce qu’il ne faut pas de sentiments en politique ». Non, Henri. Tu devrais quand même commencer à t’en apercevoir. Lorsque Durand fait remarquer à son invité que l’émission touche à sa fin, ce dernier ajoute : « C’est dommage on n’a pas parlé de Lamassoure ! ». D’habitude, c’est plutôt le journaliste qui essaie de pousser le politique à  taper sur ses petits camarades. Là, il a oublié de le faire et l’invité réclame du temps de parole en rab !

À propos de la désignation d’Alain Lamassoure comme tête de liste en Ile-de-France pour les élections européennes, il dégaine : « C’est inacceptable ! ». Il ajoute « J’ai beaucoup de respect pour ses convictions fédéralistes, mais ça n’est pas du tout ma ligne politique […] Le mettre en tête de liste conduit à faire incarner la ligne politique de l’UMP – parce que c’est quand même la liste la plus importante dans la région la plus importante – par quelqu’un qui a des idées aux antipodes de ce que pensent la plupart des militants de l’UMP, la plupart de ces élus et, disons-le, la plupart des Français ». Et puisque tout le monde fait désormais ce qu’il veut dans ce parti, Guaino conclut : « Je ne soutiendrai pas une liste conduite par Monsieur Lamassoure […] Et c’est la meilleure chose que je puisse faire pour l’UMP parce que je serais tenté de faire campagne contre ! »

Franchement, une intervention comme celle-ci, quels que soient ses convictions, on en redemande ! À défaut de peser à l’UMP, Guaino a le mérite de nous offrir quelques grands moments de télé. Cela nous change de ceux qui promettent d’arrêter la langue de bois, pour nous en faire ingurgiter jusqu’à la nausée.



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