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Ukraine : Y a-t-il encore un pilote dans la révolte ?


Ukraine : Y a-t-il encore un pilote dans la révolte ?

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« On résistera et si nécessaire, on attaquera » était l’expression retenue par Le Monde hier pour résumer l’état d’esprit des manifestants de Kiev. Le vocabulaire guerrier est de mise, bien loin de l’évocation du « sitting pacifique place Maïdan », pour dépeindre le mouvement ukrainien actuel. Les médias locaux ne parlent plus de « manifestants » mais de contestataires « enragés ». Les opposants, donc, se lèvent et prennent les armes.

Le combat s’envenime, s’étend et se déplace. La rue Grushenki (hautement symbolique puisqu’elle mène à toutes les institutions gouvernementales) est devenue la nouvelle zone d’affrontement principale.
De leurs faucilles, les Ukrainiens forgent des lances et des épées. Depuis deux mois, on pouvait déjà voir les manifestants brandir des haches, des pelles, des massues, des lames et même des râteaux, bref tous les outils du paysan. Les pelles recourbées, particulièrement utiles pour renverser les boucliers des policiers, et les catapultes, montées de bric et de broc, ne sont plus que des accessoires au côté des traditionnels cocktails Molotov. De nombreux commentateurs parlent désormais de « guérilla ».

Le temps des négociations est passé. Sur place, un correspondant du journal russe indépendant Novaya Gazeta (où officiait Anna Politkovskaïa) avoue son incompréhension face au changement de situation : « Je viens pour comprendre les exigences de cette nouvelle révolution furieuse. Mais la seule chose que je comprends, c’est que toutes les exigences sont restées à Maïdan. Il n’y a, à Grushenki, plus de patience, seulement des nerfs à vif. »

«Les dirigeants des partis d’opposition Klitschko et Iatsenyuk sont totalement dépassés par cette violence qu’ils ne souhaitaient pas. « Ce n’est pas notre plan ! » hurle sans succès Iatsenouk dans un mégaphone, « Nous vous demandons de ne pas tomber dans la provocation ! ». Klitschko, lui, a bien du mal à se faire entendre d’un côté et de l’autre des barricades, d’après la correspondante Olga Mussafirova. Son charisme semble écorné. Certains le rejettent comme un vendu et le lui font bien comprendre en lui projetant le contenu d’un extincteur à la figure.

Le directeur du Centre d’études sociales ukrainien , Rostislav Ishenko, expose le problème : « Klitschko et Iatsenyuk n’en ont pas encore conscience mais ils se retrouvent dans le même bateau que le Président Ianoukovitch. Quand le gouvernant sera renversé, ils s’en prendront aux représentants de l’opposition. Ils ne veulent aucun leader sur leur dos et aucune négociation sur la table, ni avec l’Ouest, ni avec l’Est. »
C’est à se demander s’il y a un pilote dans cette révolte. Bien sûr, le peuple ukrainien est à bout. L’économie du pays ne surmonte pas la fracture entre l’Est russophile et l’Ouest occidental. La corruption gangrène toute l’activité financière du pays. L’abandon des négociations avec l’Europe, l’achat de la collaboration par la Russie, le durcissement jusqu’à la censure du régime de Ianoukovitch explique le ras-le-bol des citoyens ukrainiens. Malgré tout, il a fallu quelque chose de plus pour passer de la contestation à la révolte populaire.

D’après de nombreux journalistes, l’arrivée de groupuscules ultranationalistes tels que « Marteau blanc »,« Secteur juste » ou encore « Patriote d’ Ukraine » serait la cause de la radicalisation du mouvement. Ils auraient cherché volontairement, en distribuant des armes, à faire monter la violence.
Il y a aussi une idée populaire selon laquelle « c’est maintenant ou jamais », comme l’a crié l’un des chefs de l’opposition Sergeï Koba. Le peuple doit saisir sa « dernière chance ». Après l’échec de la révolution orange et de la manifestation de Maïdan, pacifiques, le peuple de Kiev, désabusé et hors de lui, veut faire couler le rouge dans l’orange.

*Photo: Sergei Chuzavkov/AP/SIPA.AP21512263_000006.



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est journaliste à Causeur

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