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Ronet, l’homme que les femmes aimaient


Ronet, l’homme que les femmes aimaient

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Ces jours-ci, Ronet est un peu à la mode de Paris. Deux livres lui sont consacrés : une chronologie suivie d’une filmographie complète brièvement commentée[1. Maurice Ronet, le splendide désenchanté, de José-Alain Fralon, éd. Équateur, 2013.] et un essai, amoureux comme le sont les cinéphiles, suivi d’un « Panthéon subjectif », filmographie incomplète plus largement commentée[2. Maurice Ronet, les vies du feu follet, de Jean-Pierre Montal, éd. Pierre Guillaume de Roux, 2013.].

Évoquer Ronet, c’est parler d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, quand le cinéma était fabriqué par les producteurs, artisans qui achetaient les droits de romans, payaient des dialoguistes écrivant des partitions pour acteurs typés. Aujourd’hui, le cinéma est fabriqué par la télé, pour la télé, et les gros plans s’imposent aux dépens des plans larges. Pourtant, c’est sur la télé que Ronet s’appuya pour réaliser un film d’auteur, Bartleby (1976), d’après Herman Melville. Elle était encore « culturelle ».

Maurice Ronet (1927–1983) s’est marié en tout début de  carrière et puis à la fin, devenant père avant de mourir. Entre ces deux noces, il fut un don Juan romantique – ce n’est pas un pléonasme, presque un oxymore –, un papillon de nuit, et avant tout un acteur.[access capability= »lire_inedits »] Dans ses grands rôles, il meurt souvent (deux fois assassiné par Delon), mais surtout, il n’a peur de rien. Il participe à la Résistance (cinq films – le meilleur : La Dénonciation, 1962 ; le pire : Casablanca, nid d’espions, 1963), à la guerre d’Indochine (Les Parias de la gloire, 1963), à celle d’Algérie (Les Centurions, 1965), tourne dans d’épouvantables navets et dans au moins une douzaine de films dits « cultes » mais aujourd’hui, de même que des « livres événements » paraissent chaque semaine, tout film est « culte ».

Les meilleurs critiques considèrent que ses chefs-d’oeuvre sont Plein Soleil (1960), La Piscine (1969) et Le Feu follet (1963). Feu follet, au sens figuré : agile, rapide, insaisissable mais aussi, en sciences nat’, une exhalaison de gaz « spontanément combustible ». Il est presque trop évident de faire converger ces définitions pour dresser le portrait d’un homme qui « brûla la chandelle par les deux bouts », avalant des cargaisons d’alcool et préparant ainsi vraisemblablement le cancer qui le tua.

Un chef-d’oeuvre, Le Feu follet ? Probablement, mais qui doit autant à Ronet que Ronet lui doit sa légende[3. Chef-d’oeuvre, oui, mais pas de technique. Rue de Vaugirard, là où se trouve aujourd’hui une poste, Ronet / Leroy se regarde dans une vitrine, mais, en plus de son reflet, on voit la caméra et les techniciens !]. Sans lui, le film n’atteindrait sans doute pas – pas autant – au tragique. Et sans ce film, Ronet n’aurait pas imposé l’image qui marqua la suite de sa carrière.

On peut avancer deux explications à son actuel comeback[4. Une âme damnée, Paul Gégauff, d’Arnaud Le Guern et Les Insoumis, d’Éric Neuhoff, participent de ce mouvement. Pas Le Père Dutourd de François Taillandier.].

Tout d’abord, le « politiquement correct » tolère la droite « hussarde », parce que les « hussards » apparaissent en général comme antigaullistes – Laurent, Nimier, Blondin plutôt que Malraux, Dutourd et Mauriac. Ensuite, rien n’attire plus une femme – et certains hommes particulièrement sensibles révélant ainsi leur caractère féminin – qu’une déchirure dans le regard, un voile de tristesse qui submerge l’œil, une faiblesse non dissimulée. Ça rassure. Il faudra un jour écrire un Éloge de la faiblesse[5. Je l’ai d’ailleurs écrit et publié en 1988 (éd. Robert Laffont)]..

Au fond, la femme veut faire l’amour avec Alain Delon, consoler Maurice Ronet et, en prime, trouver la sécurité près du Jean Gabin des années cinquante.[/access]

*Photo : Plein soleil.

Novembre 2013 #7

Article extrait du Magazine Causeur



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est né et ne vit qu’à Paris. Il a développé une certaine idée de la contradiction et du paradoxe dans 33 livres à ce jour, notamment : Les Criminels du béton (1991) ; La crétinisation par la culture (1998) : Éloge du cul (2006) ; Manuel de résistance à l’art contemporain (2009). Dernier ouvrage paru : La France de Michel Audiard (Xenia, 2013).

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