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Maison de cohérence


Maison de cohérence

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La cohérence, il y a certainement des maisons  pour ça. À l’évidence, pas celles où résident les députés et les jeunes-de-gauche qui ont décidé de s’occuper de nos fesses. Par amour de la liberté, bien sûr. Mais pas de la façon que vous pensez, gourgandins et gourgandines à l’esprit mal tourné. C’est même tout le contraire. En attendant d’interdire, il convient de dissuader lourdement les égarés qui persistent à recourir à l’amour tarifé. Encore qu’en fait d’égarés, il s’agisse plutôt de brutes archaïques. La preuve, selon une impayable, quoique terrifiante, « Pétition des jeunes pour l’abolition de la prostitution »[1. « Pétition des jeunes pour l’abolition de la prostitution », parrainée par les grandes boutiques étudiantes et toutes les variantes des jeunesses de gauche.] : « Les clients sont toujours des hommes.» Et d’après vous, ça fait quoi un homme ? Ça « achète et impose ses propres désirs », pardi ! Qu’une femme puisse décider librement de « vendre son corps », voilà qui rend dingues nos petits gardes roses : « La seule liberté, poursuivent-ils, est celle donnée aux clients d’abuser sexuellement des femmes. » Fallait commencer par là, les copains : le micheton est un violeur ![access capability= »lire_inedits »]

C’est jeune et ça ne rigole pas. Quand les pétitionnaires déclarent avoir leur « mot à dire sur la société dans laquelle ils veulent grandir et s’épanouir »  (il serait temps de grandir, en effet), précisant que 73 % des 18 / 25 ans pensent comme eux, on les voit dénoncer leurs pères, coupables d’être allés aux putes.

Bizarrement, la « société libérée » qu’ils entendent édifier à coups d’interdictions me fiche la trouille. Des lois ! Des châtiments ! Écrasons le mâle infâme ! Ces messieurs-dames-patronnesses trépignent d’aise à l’idée de pouvoir surveiller et punir : « Il faut en finir avec l’impunité !»

Pas d’inquiétude, camarades, c’est comme si c’était fait. Grâce à Maud Olivier, députée socialiste de l’Essonne, le Parlement devrait examiner en novembre un texte sanctionnant les clients, tenus d’emblée pour des « auteurs de violences ». Bon, le recours à la fornication payante sera passible d’une simple contravention de 5e classe, punie d’une amende de 1 500 euros maximum. Ça finira tout de même par faire cher la passe.

Qu’on ne croie pas que ces braves gens manquent de coeur – de sexe, peut-être ? Leur aguichant programme ne vise qu’à protéger les prostituées, décrétées victimes même quand elles jurent qu’elles ne le sont pas. Les perroquets abolitionnistes sont donc massivement favorables à la suppression du délit de racolage passif, inscrite dans un texte ensablé au Sénat, provisoirement sans doute. On se ralliera sans hésiter à cette mesure de bon sens. Il n’y en a pas moins une bizarrerie logique dans le fait d’autoriser la prostitution tout en interdisant d’y recourir. Un peu comme si on légalisait le trafic de drogue tout en sanctionnant la consommation. Les professionnelles du sexe apprécieront sûrement cette sollicitude qui aura pour effet de leur couper les vivres.

À cause sacrée, union sacrée : cette gentillette croisade est soutenue par des élus de tous bords. Reste que ces prétentions normatives sont devenues la marque de fabrique des fanatiques de toutes les libérations. Maud Olivier brandit une directive européenne qui somme les États de « prendre les mesures nécessaires pour décourager et réduire la demande ». Apparemment, il n’est pas envisagé de procéder à des castrations collectives.

On commencera par rééduquer les contrevenants au cours de « stages de sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution ». Pour les plus jeunes, la « génération abolition » réclame la « généralisation des actions d’éducation à la sexualité et à l’égalité » afin d’en finir avec « toutes les représentations sexistes qui nourrissent le système prostitueur »[2. Vous ne connaissez pas ce mot, camarades ? Peu importe, puisque vous parviendrez à détruire la chose.]. Dommage, moi j’aimais bien les représentations sexistes.

Il s’agit donc d’édicter les règles du « sexuellement correct ». Maud Olivier a des idées très arrêtées. Chers lecteurs, c’est une députée qui vous le dit : il n’y a pas de pulsions, et encore moins de besoins sexuels. D’ailleurs, précise-t-elle, la moitié des clients sont en couple.

Faudrait qu’ils soient bien pervers pour se payer de petits extras : « On doit apprendre, poursuit la dame, à réguler, à organiser son envie de relations sexuelles en fonction, déjà, des préférences de sa partenaire, et aussi des contraintes de la vie sociale. »[3. Rappelons que la loi, heureusement, punit déjà le proxénétisme ainsi que toutes les formes de violence et de contrainte exercées sur les professionnelles du sexe – et d’ailleurs sur n’importe qui.]

Il faudrait songer à créer un délit de tromperie. Et publier la liste des pratiques autorisées. Notre mère-la-vertu est prête à tout pour « soustraire la sexualité à la violence et à la domination masculine ». Il serait plus prudent de la soustraire aux hommes. Finalement, c’est le sexe lui-même qu’il faudrait abolir. Tu montes, camarade ?[/access]


*Photo : 00637292_000010/ TIMUR EMEK/SIPA.

Octobre 2013 #6

Article extrait du Magazine Causeur



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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