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Macron cocufie les laïques

Gilles Clavreul et Amine El Khatmi se sont fait avoir par la majorité


Macron cocufie les laïques
Amine El Khatmi et Gilles Clavreul du "Printemps républicain" © DR / Erez Lichtfeld/SIPA

« Ensemble » n’a accordé au « Printemps républicain » qu’une seule circonscription pour les élections législatives de juin. C’est vraiment pas cher payé pour le mouvement qui avait rallié Emmanuel Macron en mars ! Pire, la nomination d’un ministre de l’Éducation nationale partisan d’une laïcité ouverte et qui pense que l’islamo-gauchisme n’existe pas est un désaveu.


Ils étaient entrés avec entrain dans la macronie, sûrs de faire le bon choix, d’échapper à la « tenaille identitaire »… Ils ? Je parle des figures du « Printemps républicain », mouvement politique orphelin de son cofondateur Laurent Bouvet depuis décembre, et plus largement, je parle de ce qu’il reste de la gauche laïque.

Professionnels de l’entrisme et pas économes d’éloges à l’égard du président sortant – « Macron a coché toutes les cases dialectiques du camp laïc », déclarait Zineb El Rhazoui en janvier, lors de son ralliement – ces acteurs ont pourtant été bien mal récompensés de leur soutien.

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Au moment de découvrir les investitures pour les législatives, au moment de connaître le nouveau gouvernement, la moisson est bien maigre : point de Zineb El Rhazoui, pourtant un temps pressentie pour être candidate des Français du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest ; point d’Amine El Khatmi non plus, pourtant président du « Printemps », pressenti pour affronter Aurélien Taché dans le Val d’Oise… Seule Marika Bret, directrice des ressources humaines de Charlie Hebdo, est parvenue à obtenir une investiture dans la 5e circonscription de Meurthe-et-Moselle.

Cinquième roue du carrosse macronien, cette gauche républicaine restera bien au chaud au fond du coffre, et n’aura pas à se donner la peine de sillonner les routes de France pour ces législatives. Point de Rachel Kahn ou de Manuel Valls au gouvernement non plus; ce dernier se contentera de briguer la députation des Français d’Espagne et du Portugal, exauçant son vieux rêve de faire de la politique en-deçà et au-delà des Pyrénées…

Sur la laïcité, l’embarrassant « en même temps » du président

Sur le sujet de la laïcité, comme sur beaucoup d’autres, mais plus encore sur celui-ci, Emmanuel Macron aura été particulièrement louvoyant. De la loi contre le séparatisme aux hommages à la femme voilée « et féministe » de Strasbourg, en pleine campagne pour sa réélection, le président aura su faire plaisir, en cinq ans, un peu à tout le monde. Avec un peu d’optimisme, on s’était dit qu’au fil des ans Macron s’était quand même peu à peu raidi sur ces sujets, confronté au réel, entre la tuerie au sein de la préfecture de police de Paris et l’affaire de Samuel Paty.

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Après tout, le camp laïc n’avait-il pas raison de tenter sa chance ? Puisqu’il s’agissait de son dernier mandat, et que le souci de sa réélection ne se poserait plus, on pouvait imaginer un président Macron choisissant franchement son camp en 2022, entre les partisans d’une laïcité ouverte et les partisans d’une version plus tatillonne, plus « 1905 ». Malheureusement, les premiers signaux du deuxième mandat sont assez mauvais. Le choix de Pap Ndiaye à l’Éducation nationale, occupé encore en mars dernier à « penser les discriminations en France aujourd’hui » au Musée d’Aquitaine, a donné un début d’émotions jusque dans les rangs de la France insoumise (Jean-Luc Mélenchon en tête, qui a salué une « audace »). La France insoumise s’est bien reprise tout de suite après, campagne électorale oblige…

Challenges rapporte ainsi que les « différents travaux » d’historien de Pap Ndiaye « l’ont conduit à contester la toute-vertu, la toute-efficacité, la toute-puissance de l’universalisme républicain et de la laïcité dite à la française dans la lutte nécessaire contre toute une série de discriminations, notamment raciales. S’en tenir à un universalisme abstrait, théorique, idéologiquement « pur », lui semble intenable, inefficace, sans portée, confronté à la réalité et à la puissance des injustices sociales et raciales. »

Pap Ndiaye, partisan d’une laïcité ouverte, photographié ici en mars 2021, remplace Jean-Michel Blanquer à l’Education nationale © Francois Mori/AP/SIPA

Gilles Clavreul tente de masquer son désarroi

Revenu bredouille de la chasse aux investitures, Gilles Clavreul, cofondateur du Printemps républicain, s’est fendu d’un communiqué :

« Que les adhérents, les amis et les sympathisants du Printemps Républicain ne s’inquiètent pas : nous avons fait beaucoup de choses ensemble depuis six ans, et nous allons continuer. D’une façon ou d’une autre.
Passer de l’interpellation à l’action n’est pas facile ; surtout quand on ne compte que sur la force des idées et de l’engagement bénévole. Mais cette faiblesse est aussi notre force : nous n’avions rien à gagner (et même, certains l’oublient aujourd’hui, beaucoup à perdre et bien des coups à prendre…) et très peu de support, mais nous avons quand même réussi à faire valoir des thèmes, très au-delà de la laïcité, sans se laisser enfermer dans le prisme « souverainiste », et en nous montrant précurseurs sur des sujets dont tous les partis politiques ont fini par s’emparer. Les « premières lignes de la République » et les « travailleurs du back-office » en sont deux exemples majeurs.

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Avons-nous réussi à peser ? Oui, et on nous l’a suffisamment reproché ; pas assez tout de même, et on nous le reproche aussi ! Ce qui nous manque, nous le savons depuis le départ : le poids militant qui créé un rapport de force. Il faudra trouver les moyens de l’établir. »

Un peu plus tard, sur son compte Facebook, le grand prêtre du Printemps républicain réglait un peu ses comptes avec ceux qui lui ont barré la route au sein la macronie, en rapportant les propos acerbes de l’un des interlocuteurs quotidiens du président qui ont cocufié son mouvement: « Finalement, du point de vue du président, c’est une nomination [celle de Pap Ndiaye] qui annonce un été républicain, plus qu’une réduction à un printemps étriqué ».

Sur les réseaux sociaux toujours, les rieurs se sont amusés à superposer sur la scène du bunker dans La Chute le coup de gueule imaginaire de Clavreul contre ses troupes dépitées. Cruel !



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