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PS-SPD : retenez-moi ou je fais votre bonheur !


PS-SPD : retenez-moi ou je fais votre bonheur !

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Il rampe, il rampe le serpent de mer. Quelques flèches de Montebourg décochées contre José Manuel Barroso et voilà le carquois populaire du PS soudain regarni. Il n’empêche, en ces temps de rigueur, la vilaine « gauche souverainiste » conspuée par le président de la Commission européenne n’a pas oublié son internationalisme et continue sa quête de l’Europe sociale comme d’autres cherchent le dahu.
Dernier épisode de la grande amitié franco-allemande, couple moteur de l’Europe, fourrier de la paix, poumon du continent, et tutti quanti : la signature d’une Déclaration commune PS-SPD la semaine dernière, qui scelle la prétendue communauté de vues entre les fils de Mitterrand et d’Helmut Schmidt. Le 26 juin, Harlem Désir – dont une méchante rumeur dit qu’il dirige le premier parti de France – et Sigmar Gabriel en ont publié l’intégralité, laquelle tient à l’aise sur une feuille A4.
Quoi de neuf sous le soleil de l’Europe socdem ? Pas grand-chose, vous répondront les esprits chafouins. On y trouve pourtant un abrégé de la pensée politique d’Harlem Désir : « Céceluikidikiest ! », répond-il en substance à Barroso. À cinq reprises, le texte répète qu’il faut batailler contre les « conservateurs et libéraux en Europe » en leur imputant la responsabilité exclusive de l’atrophie de l’économie européenne. « Croissance et emploi »  pâtiraient de la « politique d’austérité » amorcé par les gouvernements de droite, tandis que l’alternance politique amènerait des lendemains qui chantent conjuguant avec le doigté d’un équilibriste rigueur et progrès social. Traduit en volapük socdem, cela donne : « Même si le sérieux budgétaires et des finances publiques solides conservent leur importance, une politique commune pour la croissance et un pacte ambitieux contre le chômage des jeunes doivent devenir des priorités de la politique européenne dans les semaines et les mois à venir. » La syntaxe souffre, l’honnêteté politique aussi.
Parce que PS et SPD auront beau s’égosiller, restent quelques vérités dures à avaler. Pour ne pas paraître trop péremptoires, exposons-les sous forme de questions : à quelle sensibilité appartenaient l’anglais Tony Blair, le portugais Socrates, l’espagnol Zapatero, l’allemand Schröder et le français Jospin ? Au début des années 2000, lorsque la majorité des gouvernements européens étaient à gauche, quelle avancée sociale majeure ont-ils réalisé hormis la stratégie de Lisbonne privatisant la recherche et l’accord de Barcelone ouvrant les marchés publics à la concurrence ? Qui a lancé l’Agenda 2010 dérégulant le marché du travail allemand ? Avec qui gouverna Merkel de 2005 à 2009 ?
Assez regardé dans le rétroviseur, revenons au texte SPD-PS qui, à défaut de propositions concrètes, ne manque pas de piquant. En quoi invoquer la « taxation des transactions financières » défendue en son temps par Nicolas Sarkozy au nom du PS et du SPD permettra de relancer l’Europe sociale ? Il n’y a pas si longtemps, Laurent Fabius et l’ensemble du PS tonnaient de concert contre la taxe Tobin, accusée de favoriser la spéculation financière. Mais qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse des mots : comme le pacte de croissance et les appels répétés à la jeunesse, dans cette énième déclaration commune, l’incantation le dispute à la (fausse) candeur.
Si l’on sortait deux minutes de l’ornière politique, on comprendrait néanmoins que ce texte et ces orientations communes ne servent que de leurres. Primo, Hollande et Ayrault, au pouvoir hic et nunc à Paris, se gardent bien de lancer la grande politique keynésienne qu’à tort ou à raison, la gauche du PS réclame depuis des années. Secundo, parce que ni le PS ni le SPD n’aspirent à gouverner de conserve. Leur mariage blanc idéologique n’est que le paravent d’ambitions inavouables : fricoter avec les affreux « libéraux-conservateurs » de Merkel côté SPD – où on refuse d’ores et déjà toute alliance avec Die Linke d’Oskar Lafontaine, preuve que les promesses n’engagent que ceux qui les croient. Faute de pouvoir viser une majorité absolue à l’automne prochain, les sociaux-démocrates allemands rêvent d’une nouvelle idylle avec la CDU, quitte à éconduire Désir et consorts le moment venu.
Quant aux « socialistes » français, leur pas de deux avec leurs kamarades d’outre-Rhin cache la profonde discordance économique entre Paris et Berlin. Le pire cadeau que pourrait leur faire leurs amis du SPD serait de revenir aux affaires : les promesses d’amour céderaient alors le pas à la realpolitik, l’Allemagne socdem ne transigeant pas davantage avec l’euro fort et l’austérité que sa version libérale-conservatrice.
Les progressistes de tous les pays auront beau s’unir à coups de déclarations enamourées, les antagonismes nationaux gardent la peau dure. Kiel ou Tanger, en 2013, il faut toujours choisir. Tout cela promet une belle partie de rigolade l’an prochain à Marienbad, pardon, aux Européennes.

*Photo : Parti socialiste.



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est journaliste.

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