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«Matrix 4»: Lambert Wilson seul contre les robots

"Matrix Resurrections", en salles depuis le 22 décembre 2021


«Matrix 4»: Lambert Wilson seul contre les robots
Keanu Reeves dans "The Matrix Resurrections" (2021). Capture d'écran de la bande annonce.

Le nouveau volet de la saga de science-fiction nous propose 2h30 d’auto-ironie un peu pénible


Surfant largement sur la nostalgie de la fin du siècle précédent et de la sortie du premier volet en 1999, « Matrix » revient, vingt ans. En cours de route, on a perdu l’un des deux frères Wachowski, lesquels sont entretemps devenus des sœurs ; Lana Wachowski était donc toute seule aux manettes de ce quatrième opus, « Matrix Resurrections ».

Un film qui faisait phosphorer

Le premier volet avait réussi à réunir trois genres en un : film d’action avec des scènes de combat très esthétisantes et l’apport du fameux bullet-time (ces moments où l’image se ralentit à l’extrême de façon à éviter les balles de l’agent Smith) ; film de science-fiction, avec la vieille hantise de voir les machines se retourner contre leurs créateurs humains ; et enfin, fable philosophique, avec discussions sur le choix et le destin, le réel et l’illusion, allusions religieuses et référence entre autres au mythe de la caverne et à Alice au pays des merveilles.

Le tout de façon suffisamment cryptique pour permettre à l’époque la naissance d’une copieuse exégèse sur les forums (avant les réseaux sociaux) et chez les philosophes (Alain Badiou avait participé en 2003 à un ouvrage collectif, Matrix, machine philosophique). L’intérêt du premier épisode reposait à mon sens dans ces envolées philosophiques, notamment quand le personnage Cypher, traître revenu parmi la Matrice et pouvant de nouveau manger un steak après s’être coltiné la bouffe infâme des rebelles, admet que son steak n’est qu’illusion mais jure que « l’ignorance, c’est le bonheur ».

Keenu Reeves ne vieillit pas

Dans le quatrième opus, Neo (Keenu Reeves) n’est plus un post-adolescent mais un quadra, barbu et cheveux longs, christique (les amateurs de football verront le sosie d’Andrea Pirlo). Neo est désormais un développeur de jeux vidéo, qui a connu un franc succès en sortant vingt ans plus tôt un jeu nommé Matrix. Warner Bros. (cité nommément dans le film !) le pousse alors à en produire un quatrième volume. Jolie façon de critiquer l’exploitation à l’envi des sagas du passé et joli exercice d’auto-ironie, qui aura le don d’agacer ou de faire sourire le spectateur, selon son humeur du moment. C’est aussi un aspect ambigu de la saga, à la fois critique, un peu révoltée (avec les sons énervés de Rage against the machine en renfort) et en même temps superproduction et machine à fric.

Si l’on retrouve pour cet épisode Keenu Reeves, Laurence Fishburne n’est plus Morpheus et Hugo Weaving n’est plus l’agent Smith. Avec ses costumes bariolés (lui conférant un côté sapeur congolais), le nouveau Morpheus (Yahya Abdul-Mateen II) ne donne plus vraiment l’impression de sagesse froide de l’ancien ; malgré de vrais efforts pour imiter son célèbre rictus, on ne reconnaît pas forcément non plus l’agent Smith. Aussi, le film est truffé d’incursions d’images des épisodes précédents (surtout le premier, bien sûr), petits flashs où l’on revoit des scènes d’il y a vingt ans, avec le vrai Morpheus, le vrai agent Smith de l’époque. Ce n’est pas la moindre des exploitations de la nostalgie faite par le film.

Lambert Wilson clochardisé

Dans la deuxième partie, place au film d’action un peu foutraque. C’est dans ce deuxième temps qu’apparaît Lambert Wilson, surnommé le Mérovingien. Aperçu dans le deuxième volet, buvant des vins français au bras de Monica Bellucci, le voilà désormais clochardisé, et son syndrome Gilles de la Tourette ne s’est guère amenui.

En 2003, le film était sorti au même moment que le discours de Villepin à l’ONU contre la guerre d’Irak ; et la logorrhée pompeuse du Mérovingien avait fait écho à la « Vieille Europe » (France chiraquienne en tête) pointée du doigt par Donald Rumsfeld. Dans ce nouvel opus, le Mérovingien, précieuse ridicule plus que déclassée, regrette le temps béni de la conversation (en français dans le texte) et s’en prend à Facebook et aux machines.

L’apparence et l’intonation de Lambert Wilson est suffisamment ridicule pour discréditer son propos. Décidément, la France est bien seule contre les robots.

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Professeur démissionnaire de l'Education nationale

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