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Bilger, pas fanatique de la notion de parité…


Bilger, pas fanatique de la notion de parité…
L'historienne et philosophe Mona Ozouf, février 2020 © BALTEL/SIPA

Le féminisme au détail comme le masculinisme !


Je sais qu’on risque le pire si on ne se déclare pas fanatique de la notion de parité. Pour ma part, elle m’a toujours gêné non pas à cause d’une quelconque misogynie mais au contraire parce qu’elle prétend apposer sur l’immense champ des possibles, des virtualités, des dons et des compétences un quadrillage qui mécaniquement proposerait une approche quantitative au lieu d’une appréciation qualitative.

La parité, c’est pas perdu pour tout le monde…

Un exemple gouvernemental m’est apparu très signifiant parce qu’il a montré à quel point le dogme était l’ennemi du bon sens. François Hollande président, on nomme par raccroc Christiane Taubira garde des Sceaux parce qu’elle était une femme et qu’il convenait d’avoir une égalité parfaite dans le gouvernement entre les hommes et les femmes. La conséquence de ce choix calamiteux est qu’on s’est privé d’un homme, André Vallini, à qui le poste avait été promis et qui aurait été fait pour lui.

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Christiane Taubira, 2015. Sipa. Numéro de reportage : 00733309_000019.

La parité, aussi pétrie d’humanisme qu’elle apparaisse, n’est qu’une idéologie qui force la nature et pas seulement dans un sens favorable au masculinisme. Combien de services publics, d’institutions, d’instances, de structures partisanes et de listes électorales seraient à mon sens mieux pourvus si les femmes y étaient plus nombreuses, d’abord parce qu’elles pourraient laisser espérer que la passion de l’action ne se dégraderait pas, chez elles, en vulgarité du pouvoir.

A lire ensuite, Elisabeth Lévy: Moreno, drame de la parité

Ma réserve face à la parité assénée tel le remède miracle d’un monde déséquilibré vient principalement du fait que je n’ai jamais surestimé le masculinisme, ses capacités, son omnipotence et sa supériorité de principe. En ce sens, plus que la parité, système bêtement stéréotypé, il aurait fallu instaurer, avec d’authentiques et fiables critères de sélection, des évaluations qui auraient laissé toutes leurs chances à l’infinie diversité des caractères et des ambitions, quel que soit le sexe.

Drôle de progrès

Je ne crois pas que ressasser la phrase de Françoise Giroud selon laquelle l’égalité sera réalisée quand une femme médiocre occupera une fonction importante, soit opératoire. Combien d’hommes ou de femmes qui ne sont pas à la hauteur des missions qui leur ont été assignées vont demeurer tranquilles, sans l’ombre d’une réprobation, protégés par le système pervers français qui ne sanctionne jamais l’échec une fois qu’on est dans la boucle du pouvoir et de l’élitisme !

Il y a évidemment des épisodes, notamment politiques, dont il serait absurde de contredire l’importance. Ils révèlent que des femmes de caractère – je songe par exemple à Ségolène Royal en 2007, littéralement affaiblie par ceux qui auraient dû être ses soutiens – font encore l’objet d’un traitement discriminatoire non pas parce qu’elles seraient mauvaises mais au contraire trop bonnes.

Il y a eu une évolution insupportable entre la période où une femme qui réussissait voulait être jugée sur sa seule compétence, sans considération de son sexe, et la période actuelle où dans beaucoup de métiers on n’est pas loin de nous faire accroire, au nom d’un féminisme qui se parerait magiquement de toutes les vertus, qu’être femme suffirait pour avoir du talent.

On voulait faire oublier qu’on était une femme, maintenant on l’invoque telle une preuve. Je ne suis pas sûr que ce soit un progrès.

Féminisme au détail

Comparer sur ce plan la remarquable première femme à présider la Cour de cassation, Simone Rozès, pour laquelle il était hors de question de se prévaloir de son sexe, à nos féministes d’aujourd’hui nous fait passer du jour à la nuit. La parité est un leurre pour faire illusion : les pépites, il faut les chercher et les trouver, dans le masculinisme comme dans le féminisme.

Pour le premier, il n’y a pas beaucoup d’Alain Finkielkraut, de BHL agaçant mais nécessaire, de Fabrice Luchini, de Michel Onfray ou de Michel Bouquet. Pour le second, si on veut bien sortir de l’adhésion forcément admirative à l’égard de n’importe quels propos de femmes (intellectuelles, philosophes, actrices, chanteuses, journalistes), il y a des merveilles qui ont le plus heureux effet sur l’homme qui en bénéficie. Récemment sur France inter, j’ai écouté l’éblouissante Mona Ozouf, son intelligence lumineuse, son langage parfait. Elle a rendu Augustin Trapenard moins mièvre. À plusieurs reprises, Sylviane Agacinski m’est apparue plus impressionnante que quiconque. Yasmina Reza est toujours exceptionnelle.

Je voudrais prendre un exemple étranger, celui de la romancière américaine Anne Rice, récemment disparue et qui avait défini la mort avec cette approche incroyablement fine : « La mort. L’idée que nous puissions cesser d’exister, l’idée que nous pouvons nous retirer sans jamais savoir que nous nous évanouissons. » (Le Monde). C’est magnifique.

Pour conclure, qu’on me pardonne : je serai toujours pour le féminisme au détail, pour le masculinisme à la carte.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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