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François, Benoît et les autres


François, Benoît et les autres

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Le dimanche de Pâques, j’ai assisté à une messe tout à fait exceptionnelle dans une paroisse proche de chez moi mais que je n’avais pas encore fréquentée : Notre-Dame de Bonne-Nouvelle. Un mélange d’église des origines et de rituel joyeux et enthousiaste. Des cantiques faciles à retenir avec deux chanteurs guitaristes remarquables. Une gravité gaie.
J’ai souvent pensé que si la foi chrétienne appelait la messe, certaines, en revanche, étaient susceptibles de vous décourager ; mais d’autres étaient tellement émouvantes, rythmées et réussies qu’elles pouvaient raffermir des croyances chancelantes. Celle de Pâques relevait de cette grâce.
Cette cérémonie m’est apparue naturellement accordée avec le sujet que je désirais traiter et qui était relatif au formidable début du pontificat du pape François qui, clairement, lui, bénéficie d’un état de grâce qu’il ne cesse, jour après jour, de justifier et de magnifier.
En dehors de cette simplicité et modestie revendiquées et consacrées, de cet altruisme manifesté à chaque instant par des attitudes dépouillant le pape d’une charité indiscutable mais abstraite, il me semble que François ouvre des perspectives qui dépassent, de très loin, le champ même étendu du catholicisme pour concerner la communauté universelle des hommes, croyants et incroyants.
D’abord il n’a pas hésité, le dimanche de Pâques, à s’adresser à ces derniers, ce qui à la fois révèle un désir de persuasion et la volonté subtile de sortir d’une frilosité qui, trop souvent, confondait tolérance et assujettissement.
Ensuite, la force de son discours et la nouveauté de sa pratique plus de proximité que de distance sont d’autant plus efficientes et démonstratives que personne, même parmi les ennemis de l’Eglise catholique, ne songe à dénier la parfaite et authentique conviction du pape. Il n’agit pas comme un politique inspiré par la démagogie mais tel un homme dont l’existence même se fonde sur des vertus et des principes qui, seulement formels, le disqualifieraient. L’exemplarité est une obligation pour lui, pas un argument destiné à attirer l’électeur.
Par ailleurs, il sera passionnant d’observer comment, à côté des généralités humanistes, un message dur et sans complaisance sur le respect intangible des « fondamentaux » du dogme – notamment refus de l’avortement et du mariage pour tous, mise en garde dans le domaine de la sexualité, plus généralement affirmation obstinée d’une intransigeance doctrinale et de l’absolu contre le relatif de l’évolution et du fil trop facile du temps – saura se concilier avec un comportement et une philosophie plus souples, plus chaleureux, une relation directe, immédiate, presque trop familière avec autrui. Le pape n’hésite pas à tutoyer et la télévision montre des fidèles enthousiastes qui lui tapent sur l’épaule !
Enfin, et surtout, le pape François, invitant les cardinaux et, au-delà d’eux, la multitude des agents de pouvoir et d’autorité, à ne pas être « des gestionnaires » au sens négatif du terme, met l’accent sur une quotidienneté dépourvue de sens si elle n’est pas éclairée par une vision et une humanité.
L’intervention du cardinal Bergoglio, le 7 mars dernier, lors du préconclave, a lumineusement exposé ce que que le pape une fois élu cherche à mettre en oeuvre et dont les fondements sont accessibles à tous et valables pour chacun d’entre nous (Le Figaro, Le Parisien, Le Monde).
Quatre orientations essentielles, en effet.
Évangéliser. L’importance du témoignage et de l’exemple. L’Eglise doit sortir d’elle-même et aller vers les périphéries aussi bien géographiques qu’existentielles : là où il y a douleur, mépris et dérision à l’égard de la religion.
Le rejet donc d’une Eglise autoréférentielle et imprégnée de narcissisme théologique. Le Christ n’appartient pas à l’Eglise : elle doit le laisser sortir, faute de quoi, repliée sur elle-même, elle « tombera malade ».
Si l’Eglise demeure autoréférentielle, elle tombera dans « la spiritualité mondaine » : une Eglise « repliée sur elle-même et pour elle-même » qui s’oppose à une Eglise pour tous. Au fond, fi du Père de La Morandais !
L’Eglise, enfin, doit avoir pour principale vocation de ne pas se préférer « à la périphérie existentielle de l’humanité ». Si elle ne se quitte pas, elle se perdra.
Anticipant les ricanements et les sarcasmes, je ne prétends pas imposer un enseignement qui serait purement catholique et seulement adapté à l’Eglise. Je crois au contraire qu’il m’a comblé parce que dans ces quatre axes, il y a une méthode et un esprit qui devraient être assimilés par chaque institution de la République et par la démocratie elle-même. Pour n’évoquer que la Justice, je n’ai cessé de soutenir que, faute de savoir ouvrir portes et fenêtres et appréhender le grand large, elle se condamnerait à péricliter et à perdre l’estime des citoyens. C’est exactement le message papal. Pour se retrouver, il faut accepter de se perdre de vue.
Il serait absurde, pour louer le pape François, de dénigrer la démarche plus rationnelle, plus intériorisée, plus froidement doctrinale de Benoît XVI. Ce qui est sûr, en revanche, tient au bouleversement positif qu’en si peu de temps le successeur de celui-ci a créé.
Mais quand viendront les inévitables critiques, le discrédit voire l’insulte, qu’on n’oublie pas que le pape n’est pas une personnalité politique : ce n’est pas un adversaire.
Ce serait déjà beaucoup si on le faisait bénéficier d’autant de mansuétude et de respect que les hauts dignitaires de l’Islam et du judaïsme.

*Photo : Wikipedia.



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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