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La droite, cette anomalie


L’inénarrable Jérôme Fouquet, de l’Ifop, livre dans Le Monde daté du 16 janvier l’une de ces analyses de haute volée qui font tout le sel de cette exception culturelle universellement reconnue qui s’appelle la France. Enfin, la France de Normal Dernier, parce que j’avoue que personnellement j’ai de plus en plus de mal à m’y reconnaître. Bref, notre Fouquet constatant, sans doute à l’aide de savants graphiques, de minutieuses enquêtes d’opinion et de statistiques pleines de science – et la science, elle, ne ment pas – que « la France se droitise », en infère immédiatement cette équivalence-ci : « Sous l’effet de la crise, du vieillissement de la population et des difficultés accrues de notre modèle d’intégration, la société française se serait durcie et fermée ces dernières années. » J’avoue que bêtement, j’avais toujours cru ce genre de verbes intransitifs et coulant de source réservés à l’extrême droite, ce qui me paraissait d’ailleurs déjà une aberration. Mais non, dans cette République où l’on se fait fort de prôner l’alternance, comme ils disent, il faut maintenant savoir qu’il existe définitivement un camp doux et ouvert qui s’appelle la gauche, et un camp dur et fermé qui s’appelle la droite. La dureté et la fermeté étant répréhensibles et punies par la loi morale du temps, qu’attend-on pour interdire la droite, je vous le demande ?

Je ne vois pas quel intérêt l’on a, quand l’on est sûr non seulement qu’il existe un Bien moral et politique, mais encore qu’on l’incarne à la perfection, à tolérer la possibilité du mal, c’est-à-dire la dureté et la fermeture. Et que l’on ne vienne pas m’agacer les neurones avec l’obligation du respect de la liberté d’expression : on a bien interdit le nazisme, alors pourquoi pas la droite ? Comme aucun de mes concitoyens, je ne veux vivre dans un monde de la dureté, donc de la violence, ni de la fermeture, c’est-à-dire de la haine. Pour préserver le principe sacré de l’alternance, il suffira de découper la gauche en deux : la première et la deuxième. Rien de simple. On ne demandera plus aux gens s’ils sont de gauche ou de droite, mais s’ils sont pairs ou impairs. Et les machines à voter seront simplifiées à l’extrême : pour la douceur collective, tapez 1. Pour l’ouverture à tous, tapez 2.

Voilà l’avenir.



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est journaliste et essayiste.

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