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Michel Foucault dans la Vallée de la Mort

Le billet du vaurien


Michel Foucault dans la Vallée de la Mort
Le philosophe Michel Foucault (1926-1984) © OZKOK/SIPA Numéro de reportage : 00359534_000031

Le billet du vaurien


En 1975, alors que Michel Foucault enseignait à l’université de Californie à Berkeley, il connut une expérience inoubliable dans la Vallée de la Mort, en compagnie de deux jeunes amis qui lui firent goûter au L.S.D.

C’était la première fois qu’il prenait de l’acide – il avait alors 49 ans. La légende colportée par Simeon Wade, présent avec lui, veut qu’au matin il pleura et déclara connaître la Vérité. À la suite de cette expérience métanoïaque, il brûla un manuscrit de son Histoire de la Sexualité et se mit à travailler sur les freaks, persuadé depuis toujours qu’il en était un. Il partageait cette conviction avec Ludwig Wittgenstein. Il est surprenant d’ailleurs de comparer leurs biographies respectives – Wittgenstein hantant la nuit les allées du Prater et Foucault le cimetière de Sidi Bou Saïd en quête de jeunes proies. Et hantés tous les deux par la folie et par un singulier mysticisme, plus politique chez l’un, plus masochiste chez l’autre. 

SIDA et LSD

Dix ans après avoir goûté au L.S.D., Michel Foucault demanda à son ami américain, Simeon Wade, de lui apporter de l’acide à Paris, alors qu’il agonisait. Il voulait s’en aller comme Aldous Huxley auquel sa femme avait injecté du L.S.D., substitut sans doute plus jouissif que l’extrême-onction. Hélas pour Foucault, il était trop tard. Le 25 juin 1984, à l’âge de 57 ans, il rendait son âme de freaks au mauvais démiurge qui lui avait réservé un destin hors du commun, tout comme il l’avait fait pour Wittgenstein.

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On notera en passant que Michel Foucault serait aujourd’hui qualifié de complotiste : il ne croyait pas à la réalité du Sida. À son ami Edmund White, il confia : « Vous autres, puritains américains, vous inventez toujours des maladies. Et celle-là ne touche que les noirs, les drogués et les homosexuels, c’est vraiment parfait. »

En 1990, Simeon Wade parvint à publier son  Foucault en Californie  jugé par les éditeurs prétendument sérieux trop sulfureux et extravagant. Se plonger dans le livre de Simeon Wade est en soi une expérience psychédélique susceptible de modifier notre état de conscience et, de surcroît, de nous rendre Michel Foucault plus proche, tout au moins tel que je l’ai un peu seulement hélas connu.

Morale de l’inconfort

Avant de se séparer, Wade voulut faire une émission avec Foucault. Il voulut savoir pourquoi. Wade répondit : «  J’aimerais que tout le monde vous voie comme une personne. » 

« Mais je ne suis pas une personne », répondit Foucault sèchement. 

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« Très bien, alors comme un être humain ! » 

« C’est pire encore ! » dit encore Foucault en éclatant de rire.

Dans l’avion qui le ramenait à Paris, Foucault lut une nouvelle de Borges que lui avait offerte Wade et qui s’intitulait : « Utopie d’un homme fatigué ». Moi qui le suis, il faudra que je la lise. Ce sera mon dernier lien avec Foucault dont je partage la morale de l’inconfort, la seule qui vaille.

Foucault en Californie de Simeon Wade. Ed, Zones.

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