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Pascal Praud: « Je ne crois pas à l’influence des médias dans l’élection présidentielle »

Entretien avec Pascal Praud


Pascal Praud: « Je ne crois pas à l’influence des médias dans l’élection présidentielle »
Pascal Praud © Xavier Lehache / Canal+

Alors que s’achève la cinquième saison de « L’Heure des pros », le journaliste affirme se moquer des innombrables attaques de ses excellents confrères. Et remarque que, pendant l’épidémie, ils se sont soumis sans broncher à la pensée dominante des médecins de l’APHP. Mais il n’aspire nullement à peser sur le rapport des forces politiques.


Causeur. Après une longue carrière de journaliste sportif, vous animez une émission d’actualité. Était-ce une décision ou le fruit de hasards de rencontres et d’opportunités ? Compte tenu de votre parcours, de votre style et de votre formation plutôt classique, n’étiez-vous pas déjà un drôle d’oiseau dans le monde des footeux ?

Pascal Praud. J’ai adoré être journaliste de foot à TF1 de 1988 jusqu’en 2000. L’OM et l’équipe de France étaient au top. À partir des années 2000, une lassitude est arrivée. J’ai demandé dix fois, cent fois à Jean-Claude Dassier ou à Étienne Mougeotte de quitter le service des sports. Je me souviens encore de leur réponse : « Personne ne comprendrait ! » C’était l’époque ! Les étiquettes avaient la vie dure. RTL et Jacques Esnous m’ont offert en 2014 une première tribune dans la matinale d’Yves Calvi, qui m’éloignait du foot. Je faisais une chronique d’une minute à 7 h 59. Puis Serge Nedjar m’a fait confiance en 2016 avec « L’Heure des pros ». Je ne le remercierai jamais assez.

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Qu’est-ce qui explique le succès de « L’Heure des pros » ? Le contenu ? Le style ? Les participants ? Acceptez-vous le qualificatif d’émission « populiste » ?

« L’Heure des pros » traite de sujets que les autres médias ne traitent pas forcément. Nous avons été la première chaîne info à évoquer la tribune des militaires avant que nos concurrents enchaînent. Je crois aussi qu’il y a un ton, une liberté, une couleur, une humeur que le public a repérés. Vous ajoutez à cela des personnalités pertinentes, originales, courageuses et vous avez le cocktail de cette réussite. Populiste ? Si le populisme est ce qui oppose le peuple aux élites, je ne crois pas que nous répondions à cette définition.

Vous êtes devenu l’un des personnages les plus influents du PAF, et aussi l’un des plus attaqués, non seulement par la gauche médiatique, mais aussi par des politiques. Ce n’est pas seulement une question d’audiences. Pourquoi mettez-vous tous ces gens dans un tel état ?

Mystère et boule de gomme ! Demandez-leur !

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CNews, chaîne d’extrême droite, ça vous énerve ou ça vous fait rire ?

Tant que nos adversaires répéteront à l’envi que nous sommes des suppôts de Satan, les audiences monteront. Les grands prêtres de la bien-pensance, les thuriféraires du camp du bien sont nos meilleurs attachés de presse. Je m’étonne qu’ils ne nous envoient pas leur facture en fin de mois.

Ces dernières semaines, il y a eu au moins une trentaine d’articles sur vous, le plus souvent contre vous. Il arrive que ces critiques soient argumentées et raisonnables (ne pas aimer l’HDP est un droit de l’homme), mais elles sont souvent dégueulasses. Lisez-vous les articles sur vous ? Souffrez-vous de cette détestation ?

Je lis tout et je m’en moque ! Je crois qu’au fond, c’est ça qui énerve le plus mes détracteurs. Ils devinent que ça glisse. Tout cela n’est rien.

On vous accuse d’être un représentant/artisan de l’ère du clash. L’engueulade est-elle un ingrédient indispensable de la bonne télé ?

Je ne crois pas. Les clashs sont rares et appartiennent plutôt au commencement de l’émission, notamment durant les deux ou trois premières saisons. Avouons-le, ils ont parfois été utiles pour nous faire connaître. Je termine la cinquième saison quasiment sans avoir élevé la voix… C’est fou, non ?

Sébastien Thoen a-t-il été viré pour un sketch vous parodiant ? Et si oui, n’est-ce pas contradictoire avec votre parti pris de liberté ?

Je n’ai pas l’habitude de commenter les décisions prises par ma direction, mais je ne crois pas que Sébastien Thoen ait quitté Canal à cause de ce sketch.

Pendant longtemps, critiquer les autres médias a été considéré comme quasi inconvenant. Pensez-vous que cela fait partie de votre mission ? Qu’avez-vous appris, en cinq ans, sur le monde médiatique ?

Je n’ai pas appris grand-chose que je ne sache déjà. Les journalistes penchent globalement à gauche. Ils sont d’un conformisme intellectuel qui me sidère eu égard à une profession où l’esprit critique devrait encourager plus de variété dans les idées. La pandémie a montré qu’ils pensaient le plus souvent de la même façon. Pour le dire de façon brève, le monde journalistique s’est soumis à la pensée dominante des médecins de l’APHP et des conseillers du ministère de la Santé. Tous confinés ! Tous vaccinés ! Et tant pis pour les dégâts collatéraux. Chanteurs, acteurs, artistes sont globalement sur la même ligne. Sur beaucoup de sujets, de Marine Le Pen à l’énergie nucléaire en passant par la place de la voiture dans les villes, l’immigration, la justice ou la sécurité, vous retrouverez une quasi-unanimité de pensée. Appelons ça le politiquement correct pour faire court.

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Malgré l’influence croissante de la gauche indigéno-médiapartiste on ne voit jamais ses représentants dans « L’Heure des pros ». Refusent-ils de venir ou refusez-vous de leur donner la parole ? Plus généralement, quelles sont les limites que vous vous imposez ou qu’on vous impose dans le choix de vos invités ?

Tout le monde peut venir ! Personne n’est interdit d’antenne. J’observe que certains se défilent tout en nous critiquant. Éric Dupond-Moretti est très fort pour nous attaquer. Mais il le fait sans qu’on lui réponde directement. Qu’il vienne sur le plateau !

Vous ne cédez pas à l’injonction de la parité. On fait d’ailleurs aussi à l’émission un procès en testostérone. Trouvez-vous que les femmes soient des invitées/chroniqueuses plus difficiles à « gérer » ?

Je ne choisis pas les invités, les éditorialistes en fonction de leur sexe, de leur âge, de leur couleur de peau ou de je ne sais quel autre critère. Je les choisis en fonction de leur pertinence, de leur originalité, de leur courage. Et s’ils ont de l’humour, c’est encore mieux ! L’humour est-il de droite ? Voilà une bonne question ! Sur France Inter, il y a paraît-il des humoristes. Il faudrait que vous me donniez leur horaire de passage. Je ne dois pas écouter au bon moment.

Selon Frédéric Rouvillois, vous serez l’un des arbitres des élégances de la présidentielle. Vous y croyez ?

Non ! Je ne crois pas beaucoup à l’influence des médias dans une élection présidentielle. En 1981, la télé était giscardienne, Francois Mitterrand fut élu. J’ai connu TF1 balladurienne et Chirac président. Je ne suis pas encore devenu fou au point de penser que je puisse devenir arbitre d’une élection.

Vous animez trois émissions quotidiennes où la spontanéité exige beaucoup de travail. Êtes-vous un drogué du boulot ? Est-ce que vous vous amusez dans votre métier ?

Oui ! Et c’est même l’essentiel ! Je mets le plaisir au cœur de mon activité. Je n’ai de conseils à donner à personne, mais j’ai passé mon temps à répéter à mes filles cette antienne : faites un truc qui vous plaît ! Ne cherchez pas être la première, à devenir la plus riche du cimetière ou à courir derrière je ne sais quelle gloire, mais faites-vous plaisir ! C’est trop dur de se lever le matin pour un job qu’on n’aime pas. De ce point de vue, depuis 1988, je n’ai pas à me plaindre. J’ai eu beaucoup de chance…

Été 2021 – Causeur #92

Article extrait du Magazine Causeur




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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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