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Van Booy : un luthier des mots arrive en France


Simon Van Booy est pour la première fois édité en France et il est à parier que ce ne sera pas la dernière. Ce jeune auteur né à Londres en 1975 et qui a passé son enfance au Pays de Galles aborde l’hexagone avec un genre (la novela, un format court qui se situe entre la nouvelle et le roman) et une histoire qui illustre à merveille le principe physique de l’inertie d’un corps. C’est-à-dire la résistance même d’un corps à une variation de vitesse ou celle qui fait basculer un homme et une femme asservis au souvenir dans une célébration à l’avenir.

Bruno Bonnet a perdu une amie qu’il considérait comme sa sœur lorsqu’elle avait douze ans. Le visage d’une petite fille qu’il n’arrive plus à oublier depuis vient hanter systématiquement les représentations de violoncelle qu’il donne à travers le monde. Hannah conserve précieusement une encyclopédie sur les oiseaux que son frère Jonathan a du abandonner le jour où il trouva la mort en chutant d’un arbre. Bruno est français et Hannah Galloise, ils ne se connaissent pas. Ils ont en commun le refus de l’ekstatikos ; mais comment le partager lorsque précisément ce refus consiste à se consacrer à soi, à la solitude et à l’austérité ?

La vraie vie est absente disait Arthur Rimbaud. Ce sera l’instant à ne pas laisser passer pour la reconquérir ajoutait André Breton. Cet instant, Bruno Bonnet le rencontre un soir où il vaque, erratique. Une silhouette trace sur une vitre – et c’est comme cela que L’amour commence en hiver- une injonction quasi christique qui déclenche l’existence : « Allez ». Alors vient le choc de la rencontre avec Hannah dans les couloirs d’un hôtel californien qui constitue tout autant un exorcisme qu’une invitation à vivre. Qui a lu Cercle de Yannick Haenel ne pourra s’empêcher de faire l’analogie avec la première phrase du roman qui en donne la substance : « C’est maintenant qu’il faut reprendre vie. » Cette disposition à la grâce s’agrémente de coïncidences, d’objets et d’hommes. Quelques akènes, des pierres, une moufle et un oiseleur – qu’on ne peut voir autrement que comme une sorte de paraclet- accompagnent le récit et lui donnent son essence.

L’amour commence en Hiver est une certitude et une invitation sucrée à la phénoménologie de l’esprit. On ne saurait mieux le dire que Simon Van Booy lorsqu’il écrit : « Les mots se formaient en silence, des nuages qui allaient finir par tomber sur elle, comme de la pluie. En parlant avec elle, je réalisai qu’il y avait des choses que j’avais toujours sues sans en être conscient. »

Simon Van Booy, L’amour commence en Hiver (Autrement), sortie le 5 septembre.



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