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Les soignants nous sauvent, l’Etat-nounou nous materne


Les soignants nous sauvent, l’Etat-nounou nous materne
Personnel soignant de la clinique la Roseraie, a Aubervilliers. Auteurs : Bastien LOUVET/SIPA. Numéro de reportage : 00959104_000003

Avec l’avènement de l’Etat-nounou, d’individuelle, la santé est devenue un bien collectif sur lequel il nous faut veiller comme des vestales. 


Par la grâce d’un virus ayant entamé un tour du monde au départ de Wuhan, la santé est devenue la préoccupation de tous, y compris de ceux qui s’en foutaient vaguement et qui seraient très malvenus de l’affirmer aujourd’hui.

La santé au petit bonheur…

Pourtant, il y a quelques siècles à peine, la santé, c’était plutôt une question de bol. On en avait une bonne ou une mauvaise, on faisait avec, et on mourait à la fin. Si l’on était vraiment malade, les Bonnes Sœurs ou les Petits Pères vous ouvraient les portes de leurs hospices ou de leurs léproseries et, entre mâtines et vêpres, soignaient vos corps et recommandaient votre âme à Dieu.

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Mais dans la seconde moitié du XIXe siècle, les choses changèrent diamétralement. Les mouvements positivistes et scientistes martelaient à qui voulait l’entendre – et même à qui ne voulait pas, d’ailleurs – que la science allait libérer l’homme de tous les maux qui l’accablent, l’émanciper de sa condition de dieu tombé, le débarrasser du psoriasis, de la famine, de la calvitie précoce et de la pesanteur. Il faut dire que c’est précisément à cette époque que Dieu était mort, ce qui faisait de la place. Malheureusement, il n’avait pas emmené dans son trépas la cohorte des prêcheurs, des duègnes et des amateurs de mortifications en tout genre.

Soignants vs. gnangnans

La santé devint un nouveau Graal et ceux qui en ont la charge se virent subitement nimbés d’une nouvelle aura, genre auréole, mais en version profane. Très vite, le législateur vit qu’il fallait impérativement qu’il s’en mêlât et la santé devint une matière politique.

Le Sida nous avait déjà donné injonction de baiser sous cellophane, le Covid-19, lui, fait mieux encore : il nous assigne à résidence!

Soutenu par la cohorte susmentionnée des prêchi-prêchas automatiques, l’État fit entrer la santé dans tous les domaines où il avait déjà étendu son empire, de l’instruction à la fiscalité en passant par la conduite automobile ou l’alimentation. Et, suivant une habitude extrêmement bien rodée par des siècles de pratique, il sortit ses deux atouts : taxes et interdictions. Il ne s’agissait plus tant d’être en bonne ou en mauvaise santé que de se plier aux règlements et de passer à la caisse. D’individuelle, la santé était devenue un bien collectif sur lequel il nous fallait veiller comme des vestales. Car si la santé est devenu un bien collectif, géré, à l’instar de la conservation des bâtiments historiques ou la distribution d’eau, par l’Etat-nounou – ou l’Etat-gendarme, ça dépend -, il n’en demeure pas moins de la responsabilité de chacun. Fumeur ? Alcoolique ? Obèse ? Fini de rire et de chanter qu’on en fait à sa guise. Si tu te mets en danger, tu nous mets en danger, ta santé ne t’appartient pas, ton corps de moins en moins et, comme dans Le meilleur des mondes, n’oublie pas que « chacun appartient à tous les autres. »

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Et nul n’ignore plus que, du climat qui ne veut pas rester tranquille aux insecticides qui veulent tuer les insectes, une menace collective permet mieux que tout une intrusion de l’État et une surveillance de nos comportements. Le Sida apparu à la fin des années 70 nous avait déjà donné injonction de baiser sous cellophane, le Covid-19, lui, fait mieux encore : il nous assigne à résidence. Il nous masque et nous efface. Il nous fait renoncer à des libertés aussi élémentaires que celle d’aller et venir et à d’autres, plus subtiles, comme le droit à l’intimité. La surveillance sociale et la délation refont leur apparition, et la dictature des soignants – applaudis à 20 heures – s’installe peu à peu. Et surtout celle des gnangnans.

Les infirmiers montent au front

Qu’on ne s’y méprenne pas. Les infirmiers, médecins et autres qui se rendent chaque jour aux soins intensifs comme un soldat monte au front, qui galèrent avec un matériel insuffisant – voire inexistant -, qui sont confrontés à la mort, à la détresse et à la souffrance ont sans équivoque droit à l’admiration et à la reconnaissance de toute une nation. Même si voir et savoir ne sont pas la même chose, il n’est pas nécessaire d’être sous respirateur pour prendre la mesure de leur dévouement et de leur courage. À eux de comprendre que, dans cette nation qui les acclame, se trouvent des personnes qui ont fait d’autres choix que celui de la santé collective, qui ont d’autres préoccupations, que l’avocat ou le garagiste ne leur donnent pas de marche à suivre pour l’avenir, eux, et se contentent de réparer leur bagnole quand ils ont dérapé ou de les défendre en justice quand ils ont fait une bêtise.

Beaucoup d’États, malgré des budgets « soins de santé » pharaoniques, ont laissé le personnel hospitalier désarmé et sous équipé face à cette crise. À ceux-ci d’avoir la lucidité de ne pas devenir les « idiots utiles » de ces mêmes États qui vont sans doute tenter de les instrumentaliser dans des quêtes liberticides.



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Romancière et scénariste belge, critique BD et chroniqueuse presse écrite et radio. Dernier roman: Sophonisbe.

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