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Etudiant qui s’immole par le feu: l’extrême gauche responsable

Honte à ceux qui l'ont inspiré!


Etudiant qui s’immole par le feu: l’extrême gauche responsable
L'immeuble du CROUS à Lyon, où Anas Kournif, un étudiant de 22 ans, s'est immolé par le faut le 8 novembre 2019 © NICOLAS LIPONNE / NURPHOTO

Vendredi 8 novembre, un étudiant de 22 ans s’est immolé par le feu, à Lyon. Il est aujourd’hui entre la vie et la mort. Membre du syndicat d’extrême gauche Solidaires étudiant-e-s, il a justifié son geste en accusant les autorités publiques de maintenir les étudiants dans la précarité. Mais qui doit-on vraiment blâmer?


Un étudiant lyonnais a commis vendredi 8 novembre un acte bouleversant: il s’est immolé par le feu devant le restaurant universitaire du CROUS de Lyon. La presse rapporte qu’il est brûlé à 90%, et est entre la vie et la mort, aux soins du service des grands brûlés de l’hôpital Edouard-Herriot. Stupéfaction devant ce drame, qui soulève une vague de compassion: comment expliquer un tel acte de désespoir ?

Dans un message publié sur Facebook et rapporté par le syndicat dont il était un membre actif, Solidaires étudiant-e-s Lyon, l’étudiant explique son geste : « Cette année, faisant une troisième L2, je n’avais pas de bourses, et même quand j’en avais, 450 €/mois, est-ce suffisant ? […] J’accuse Macron, Hollande, Sarkozy et l’UE de m’avoir tué, en créant des incertitudes sur l’avenir de tous-tes, j’accuse aussi les Le Pen et les éditorialistes d’avoir créé des peurs plus que secondaires. Mon dernier souhait, c’est aussi que mes camarades continuent de lutter, pour en finir définitivement avec tout ça. Vive le socialisme, vive l’autogestion, vive la sécu ». Et d’ajouter la revendication du salaire étudiant, du salaire à vie et des 32 heures de travail par semaine.

A lire, du même auteur: A Toulouse, l’extrême gauche colonise et bloque l’université du Mirail

Le syndicat Solidaires étudiant-e-s Lyon, en publiant ce message samedi, l’a assorti d’un communiqué : « Ce sont bien ces institutions inhumaines, cette précarité, cette violence trop commune que l’Etat et l’Université exercent contre les étudiant-e-s dans l’indifférence générale qui ont guidé son geste, profondément politique, acte désespéré mais aussi et surtout geste de lutte contre un système fascisant et raciste qui broie. Elles sont à ce titre responsables et coupables. » Depuis, sur Twitter, le hashtag lancé par le syndicat, #LaPrécaritéTue, enregistre des centaines de messages expliquant comment le système capitaliste écrase et tue les étudiants (et tout le monde par la même occasion). Un appel à manifester mardi devant tous les CROUS a été lancé.

Un discours éculé

Si la situation du jeune homme en question n’était pas si critique, la rhétorique bien huilée qui nous est servie nous ferait rire. Macron, Hollande, Sarkozy et l’UE responsables et coupables, parce qu’ils créent des « incertitudes sur l’avenir de tous-tes ». « Vive l’autogestion », et en même temps « vive la sécu ». L’appel à la lutte contre le système fascisant et raciste.

Voilà un discours que je connais par cœur. Je l’ai vu à l’œuvre pendant plusieurs années, alors que j’étudiais à l’université du Mirail, à Toulouse. Université qui se dispute d’ailleurs avec la fac de Lyon II, dont est issu l’étudiant qui s’est immolé, et quelques autres comme Tolbiac ou Rennes II, le titre de « fac la plus à gauche de France ». Au moment de la vague de blocages, il y a un an et demi, j’avais tenté de montrer à quel point la pression idéologique de l’extrême-gauche y était écrasante. Le pauvre étudiant lyonnais y aura, lui aussi, succombé. Militant depuis deux ou trois ans, rapportent ses camarades, il avait fréquenté divers groupes et syndicats avant Solidaires, traçant son parcours dans ce petit milieu d’activistes ; se familiarisant alors avec l’explication « systémique » des phénomènes, l’anarchisme autogestionnaire, l’écriture inclusive, ou le fantasme de la lutte contre la bête immonde. Sans doute aura-t-il flotté autour de lui l’imaginaire des printemps arabes, érigeant en héros le vendeur de légumes tunisien s’étant immolé en 2010, à l’origine des manifestations. Sans doute l’exaltation des martyrs de la révolution (la révolution en soi) l’aura conduit à envisager ce geste irréparable.

Bouillie idéologique

Voilà ce qui ressort de cette histoire : l’écosystème de l’extrême-gauche, notamment dans les universités, n’est pas un vague délire sans influence réelle. Dans des lieux comme le Mirail ou Lyon II, il récupère et écrase des gens faiblement armés sur le plan idéologique, exploite leurs difficultés personnelles, leur explique que tous leurs malheurs sont dus à une cause unique : le système patriarcal/raciste/capitaliste. Bien sûr, il y a les donneurs de leçons qui vont reproduire cette rhétorique sans rien changer à leur mode de vie – et ce sont eux les plus coupables. Mais il y a aussi un certain nombre de gens qui vont se métamorphoser, de la façon la plus inoffensive à la plus autodestructrice. Par exemple : le travail est une catégorie historique du capitalisme, qui détruit et exploite les individus ? Sortons du travail. Et voilà une jeune fille qui décide de vivre dans un squat, d’abandonner toute activité professionnelle ou étudiante pour dessiner et écrire des poèmes. J’ai aussi vu un camarade de lycée, après deux ans passés au Mirail, dire avec une souffrance interne manifeste que tous les hommes étaient, c’est vrai, des violeurs en puissance ; et que par ailleurs, il combattait l’Etat fasciste dans les manifs, recouvert de sa cagoule. J’ai vu un transsexuel expliquer qu’il avait changé de sexe parce qu’il lui était devenu insupportable de participer à la domination patriarcale, alors qu’il voulait se mettre du côté des opprimés. 

L’acte de l’étudiant lyonnais est du même ordre : à l’origine, des problèmes personnels, sans doute, mais surtout la puissance dévastatrice d’une bouillie idéologique sans queue ni tête, d’une logique circulaire délirante, totalement détachée de la réalité.

Alors, tristesse pour ce garçon qui a cru donner sa vie pour une cause noble en s’immolant par le feu devant une antenne du CROUS. Et honte à ceux qui l’ont inspiré.



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