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Une histoire de la lose dans le football européen

Une longue tradition des clubs européens...


Une histoire de la lose dans le football européen
Le joueur d'Arsenal Mesut Ozil dépité à la fin du match © James Marsh / BPI / REX / SIPA (10255717bm) Numéro de reportage : Shutterstock40712194_000078

La semaine dernière, deux équipes anglaises se sont affrontées en finale de League Europa : Chelsea – Arsenal (4-1). Idem pour la Ligue des Champions avec en finale Liverpool face à Tottenham (2-0). Les résultats sont l’occasion pour notre expert du ballon rond Frédéric Magellan de rappeler que les clubs européens entretiennent une longue tradition de la lose…


La semaine dernière aura ponctué la saison de football en Europe, avec deux finales 100% anglaises : Arsenal-Chelsea, mercredi ; Liverpool-Tottenham samedi. A l’instar d’une série laissant sur sa fin un public tenu en haleine depuis près de dix ans, les deux finales auront pas mal déçu les observateurs.

Une finale de Ligue Europa sans ambiance

La première finale aura surtout manqué d’ambiance, exilée dans l’extrême périphérie européenne (doux euphémisme pour ne pas dire Asie centrale) avec des tribunes loin du terrain, des caméras éloignées de la pelouse et des supporters restés pour la plupart au pays. Tout semblait loin dans cette finale. Heureusement, Eden Hazard, pour son dernier match en Blues, et Olivier Giroud, mieux qu’un Stéphane Guivarc’h des années 2000, ont illuminé la seconde période, renvoyant Arsenal à sa tradition de lose en Europe.

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La deuxième finale promettait, avec deux des entraîneurs les plus palpitants du moment : l’Allemand Jurgen Klopp (Liverpool) et l’Argentin Mauricio Pochettino (Tottenham). Les scenarii fous des demi-finales laissaient présager une finale haute en couleur, mais les équipes anglaises, dont le championnat est terminé depuis trois bonnes semaines, semblaient manquer de rythme. Liverpool sortait d’une saison pleine en Premier League, terminant la saison avec 97 points et une seule défaite. Dans n’importe quelle saison de championnat d’Angleterre, un tel bilan aurait permis aux Reds d’être champion domestique : n’importe laquelle, sauf en 2017-2018 et en 2018-2019. Manchester City fit légèrement mieux, à quelques centimètres près (on va y revenir).

Ligue des champions : Liverpool remporte la finale avec un jeu digne d’une équipe de bas de tableau…

Pourtant, lors de la finale de samedi, Liverpool, surpris de mener aussi tôt dans la partie, avait troqué son heavy metal football pour jouer comme une équipe de bas de tableau : 64% de passes réussies, soit le ratio de Cardiff, antépénultième du championnat anglais de cette saison 2018-2019. Incapable d’accrocher un championnat d’Angleterre qui lui échappe depuis maintenant vingt-neuf ans malgré un quasi-record en nombre de points, Liverpool s’offre la plus prestigieuse des Coupes d’Europe, en jouant comme une équipe galloise bientôt en D2. La même Coupe d’Europe qui échappe depuis tant d’années au Paris Saint-Germain et à Manchester City, malgré le soutien de leur suggar daddy moyen-oriental respectif (Qatar pour les uns, Emirats arabes unis pour les autres). C’est tout le paradoxe de cette fin de saison : Manchester City aurait bien troqué son titre de champion d’Angleterre (le quatrième depuis l’arrivée des Emiratis en 2008) contre la Ligue des Champions qui lui échappe depuis toujours ; Liverpool aurait troqué volontiers cette sixième Ligue des Champions de son histoire contre un championnat domestique qui lui échappe depuis 29 ans.

C’est qu’il y a de tenaces traditions de lose dans le football. Arsenal, en perdant sa quatrième finale de Coupe d’Europe depuis 1995, a montré qu’il ne suffisait pas de se débarrasser d’Arsène Wenger pour se défaire de cette tradition. Les Lisboètes de Benfica vivent pour leur part dans la malédiction de Béla Guttmann depuis 1962 : l’entraîneur juif hongrois avait promis cent ans de malheur en Coupe d’Europe aux dirigeants portugais qui avaient refusé de l’augmenter. Depuis, Benfica en est déjà à huit finales perdues. Quant à Liverpool, les Reds ont poussé encore très loin cette année les limites de la lose en championnat. Lors de leur seule défaite de la saison, le 3 janvier, contre Manchester City, la goal line technology avait refusé un but aux Reds pour 1,1 centimètre manquant ; quelques mois plus tard, la même goal line technology allait offrir une victoire ric-rac à City pour trois petits centimètres : suffisants pour conserver sa couronne d’Angleterre. Ce Liverpool maudit rappelle l’Inter Milan non moins maudit en Série A des années 1990-2000. Pendant plus de quinze ans, l’Inter passait chaque année à côté du scudetto, parfois d’un cheveu, souvent au profit de la Juventus, souvent à cause d’une ou deux décisions d’arbitrage litigieuses, souvent lors de la dernière journée de championnat. Des auteurs sérieux avaient même qualifié l’Inter de « coïtus interruptus du football »[tooltips content=’Guido Liguori, Antonio Smargiasse, Calcio e neocalcio. geopolitica e prospettive del football in Italia, Il Manifesto, Rome, 2003, p.25.‘]1[/tooltips]. Heureusement, à Rennes, on sait désormais que toutes les mauvaises séries doivent prendre fin un jour. En gagnant la Coupe de France après tirs au but contre le PSG, fin avril, les Bretons ont mis fin à 48 années sans le moindre titre. « Indépendamment de ce qui arrive, n’arrive pas ; c’est l’attente qui est magnifique » (André Breton).

 



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Professeur démissionnaire de l'Education nationale

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