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« Mâles blancs »: quand la gauche abandonne l’antiracisme à la droite

Macron divise pour mieux régner


« Mâles blancs »: quand la gauche abandonne l’antiracisme à la droite
Emmanuel Macron, mai 2018. SIPA. AP22207527_000018

Les propos du président Macron sur les « mâles blancs » ont totalement bouleversé le clivage droite-gauche ces derniers jours. La droite joue à fond la carte de l’antiracisme quand la gauche l’abandonne…


Les partis traditionnels PS et LR sont affaiblis. A gauche, c’en est au point que le retour de Hollande apparait comme envisageable ! A droite, malgré des positions plutôt radicales, le président des Républicains, Laurent Wauquiez, ne parvient pas à émerger.

Difficile de remettre en cause le génie tactique de l’hôte de l’Elysée, à l’origine de cet oubli. Mais force est de constater que sur la laïcité et l’identité, la lente interversion des partis politiques de l’ « Ancien Monde » ont contribué à son succès. La gauche en particulier a entamé une longue dérive sur ces questions.

Tollé à droite, indifférence à gauche

L’exemple de l’antiracisme est éclairant. Les positions politiques se sont éparpillées sur la question, ces dernières années. Si la thématique a longtemps été la propriété de la gauche, l’électeur a intérêt à s’accrocher pour suivre…

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« Ca n’aurait aucun sens que deux mâles blancs ne vivant pas dans ces quartiers », s’échangent un plan sur la banlieue. La déclaration détonante d’Emmanuel Macron pour écarter le plan banlieue de Jean-Louis Borloo est pour le moins déboussolante. Calculée ou non, elle a provoqué un légitime tollé. Enfin… surtout à droite ! Valérie Pécresse, Lydia Guirous et Virginie Calmels sont montées au front cette semaine. Sur Europe 1, Valérie Pécresse (LR) s’est dite « profondément choquée » que le président « racialise le discours ». Elle a même ajouté que ces propos « dangereux » du président pourraient « ouvrir la porte au communautarisme ». Lydia Guirous, porte-parole du même parti, a enfoncé le clou: « Faut-il être ‘racisé.e. pour parler des banlieues ?», a-t-elle ironiquement tweeté. Sur Radio Classique, enfin, Virginie Calmels a regretté qu’ « Emmanuel Macron [soit] non seulement absent mais inquiétant sur la lutte contre le communautarisme ».

A LREM et au PS, en revanche, l’expression « mâle blanc » n’a pas choqué, elle passe crème ! Même inversé, le racisme reste pourtant du racisme. Alors que des militants pro-Erdogan s’en prennent à des kiosques, qu’une femme de 25 ans se fait tondre à Nancy parce qu’elle ne respecte le ramadan, des députés LREM regardent ailleurs et ne trouvent rien à redire sur les propos de notre « homme blanc » de président. Ils sont sans doute trop occupés à défendre la responsable voilée de l’Unef (que Charlie Hebdo a « osé » caricaturer), ou à écouter les blagues de Yassine Belattar sur Radio Nova.

Le « blanco » Valls et la très sage Marine Le Pen

Manuel Valls, ancienne figure socialiste de premier plan attachée aux questions de laïcité, n’a pas non plus condamné les propos du président. Il y avait pourtant de quoi le faire sursauter. Isolé politiquement, Manuel Valls ne peut, semble-t-il, plus vraiment se permettre de rebondir là-dessus. Sauf à s’exiler en Catalogne, il entend peser en Macronie. De plus, n’a-t-il pas lui-même fort maladroitement parlé de « blancos » en « off » par le passé ? L’ancien Premier ministre socialiste se contentera de déclarer mercredi sur France Inter : « Je ne sais pas ce qu’il [ndlr : Macron] a voulu dire exactement (…), je pense qu’il ne faut pas parler de la banlieue dans ces termes si on veut de la mixité. » On l’a connu plus exigeant !

Au Front national, Marine Le Pen s’est offusquée sur Twitter de l’utilisation par Macron d’ « un argument racial digne des Indigènes de la République » qui consacre ainsi le communautarisme. Mais, invitée de Paris Première mercredi, elle n’a pas évoqué la question de la soirée. Étonnamment sage face à Eric Zemmour, la patronne du futur Rassemblement national montre, quoi qu’elle en dise, des signes de fatigue.

Un peu chafouin, Eric Zemmour lui a expliqué qu’elle avait perdu parce qu’elle n’avait pas assez, selon lui, parlé d’islam en 2017. Madame Le Pen lui a répondu que si quelqu’un de mieux placé qu’elle pour défendre les idées nationales émergeait, elle lui cèderait volontiers la place. L’expression « mâle blanc » ressemblait pourtant furieusement au fameux racisme anti-blanc si cher à son père. Visiblement, la fille ne compte plus exploiter le filon. Le FN s’est moins engouffré dans la brèche que LR cette semaine. L’extrême droite la plus sage du monde ?

La gauche préfère taper sur Collomb

Formé par François Hollande, Emmanuel Macron est une émanation de la gauche. Une gauche tactique qui exploite et détourne la lutte légitime contre le racisme. Dans une société où la tyrannie des susceptibilités s’installe, l’emploi du terme « mâle blanc » permet de remettre une pièce dans la machine et de diviser l’adversaire, l’air de rien. En vrai, le combat antiraciste est gagné depuis longtemps, même si un racisme marginal peut toujours subsister.

Une bonne partie de la gauche, qui a longtemps détesté l’américanisation, adhère maintenant aveuglément à la mondialisation chérie par Macron. Malheureusement, cette mondialisation se pique partout de concepts très anti-républicains et bien peu français comme la discrimination positive ou la laïcité à la carte.

Les propos de Macron sur les « mâles blancs », la presse de gauche n’en parle plus à l’exception peut-être de Marianne. En fin de semaine, la gauche préférait taper sur le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb qui a émis l’idée que des migrants puissent comparer les différentes législations des pays européens, avant de décider où poser leurs balluchons. Un petit scandale !

Inutile de chercher midi à quatorze heures : sur la question de l’antiracisme, qu’elle soit de gouvernement ou aspire à le devenir, la droite a clairement une carte à jouer face à Emmanuel Macron et son inquiétante inclination communautariste.



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Rédacteur en chef du site Causeur.fr

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