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Italie: vous avez dit « populismes » ?

Quand le clivage droite-gauche n’existe plus


Italie: vous avez dit « populismes » ?
De gauche à droite: Luigi Di Maio, Silvio Berlusconi et Matteo Salvini. SIPA. 00847730_000007 / AP22173864_000037 / 00847483_000001

Dès les premières estimations sur le résultat des élections législatives en Italie, Marine Le Pen a tweeté : « L’Union européenne va passer une mauvaise soirée. » Et pour cause. Son ami Matteo Salvini, patron de la Ligue dont les députés européens siègent dans le même groupe que le FN au parlement européen, arrive en tête au sein de l’alliance tactique avec Forza Italia du revenant Berlusconi et Fratelli d’Italia, un petit parti nationaliste et identitaire. Tout ce monde ferait 37% mais Salvini remporterait le morceau d’une courte tête.

La (fausse) gauche défunte

L’autre poids lourd, le fameux Mouvement 5 étoiles (M5S) fondé par Beppe Grillo et désormais conduit par Luigi Di Maio, présenté assez étrangement comme « populiste de gauche » à la une de Libé, arrive tout seul en tête avec 32%.

De gauche, vraiment ? Flou, surtout. Entre discours anti-migrants démentis une fois sur deux, refus de la « caste », propositions sociales et anti-bruxelloises tout en arrondissant un peu les angles sur la question de la sortie de l’euro.

Et la gauche, me direz vous ? Si vous entendez par « gauche » le Parti démocrate (PD) de Renzi, ex-président du Conseil, qui atteint à peine les 20%, c’est que décidément les mots ne veulent plus rien dire. Dans une tradition désormais fortement ancrée en Europe, le PD de Renzi, comme les travaillistes de Blair ou le SPD de Schröder en leur temps ont continué à prétendre, contre toute évidence, qu’ils étaient de gauche alors que tout leur programme a tendu à une libéralisation à tout crin de leur pays pour le mettre aux normes européennes, c’est-à-dire du libre-échangisme le plus échevelé qui se paye au prix de régressions sans précédent sur le marché du  travail, les retraites, la protection sociale et un creusement toujours plus grand des inégalités.

Pour ce qui ressemblerait encore à la gauche, celle du monde d’avant, c’est l’effondrement qui était déjà pourtant bien entamé. Libres et égaux est estimé entre 3 et 5%. Cette liste rassemble la Gauche italienne, qui avait obtenu 3,2% en coalition avec le PD il y a cinq ans. Elle a également vu le renfort de la « gauche » du Parti démocrate. Sans succès visiblement.

Mystère du berlusconisme

Devant ce résultat, n’ayons pas trop de crainte cependant pour l’Union européenne qui se caractérise par une grande capacité d’assimilation et de plasticité quand il s’agit de sauver l’essentiel, c’est-à-dire les intérêts de l’oligarchie financière. L’Italie est juste le laboratoire de ce que Bruxelles prépare pour la suite. Cette vocation de laboratoire, c’est celle de l’Italie au XXe siècle. Le fascisme de Mussolini, après sa phase sociale, est devenu le meilleur ami du patronat italien. La stratégie de la tension des années de plomb a instrumentalisé le terrorisme des deux bords pour empêcher l’accession du Parti communiste italien en mesure d’accéder au pouvoir dans un compromis historique avec la Démocratie chrétienne, idée qui coûtera la vie à Aldo Moro. Puis il y a eu le berlusconisme, ce pré-sarkozysme et ce pré-trumpisme, qui est un mélange d’affairisme décomplexé et de calibrage des imaginaires par la télé poubelle. On finira par la mue du PCI, le seul Parti communiste européen qui aurait pu accéder au pouvoir en « parti démocrate » ouvertement libéral.

Mélenchon en 5 étoiles ?

Mais voilà ces chimères de laboratoire connaissent des usures de plus en plus rapides. On tentera encore, sans doute, sans y croire, de présenter médiatiquement Renzi du PD comme la gauche. Non, Renzi, ce n’est que Macron. Mais un Macron qui, après avoir gouverné, a perdu contre Marion Maréchal et Wauquiez (Berlusconi et la Ligue) ou contre la France insoumise (FI) du Mélenchon de ces derniers temps. La FI en ce moment, n’est, en effet, pas sans rappeler le Mouvement 5 étoiles dans sa volonté d’abandonner la référence à la gauche.

Le voilà peut-être le scénario de la présidentielle de 2022, une fois que la magie macronienne se sera dissipée dans une France libéralisée et précarisée.

Et la gauche? Elle n’existe plus la gauche. Il n’y a plus que Philippe Rickwaert, le héros de la série Baron Noir, pour se battre afin de la faire resurgir et avec elle le clivage droite-gauche, un bon vieux clivage dépassé paraît-il mais qui avait encore le mérite de structurer nos vies démocratiques en ne laissant pas des fantoches au pouvoir qui ne sont que les employés du mois des marchés financiers.



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