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17 heures de garde à vue pour un masque sous le menton en plein Paris!


17 heures de garde à vue pour un masque sous le menton en plein Paris!
Photo: DR

Même à Saint-Germain-Des-Prés, la vie n’est plus si «paisible», ma bonne dame…


« Je me bats pour le droit à la vie paisible » a déclaré il y a quelques jours le président à un journal du matin. Il devrait utilement se pencher sur le fait divers qui suit.

18 h 50 samedi, deux jours avant, quai d’Orléans, à deux pas de Notre-Dame : l’écrivain, professeur de philosophie, Emmanuel Carpentier, rentre tranquillement chez lui de l’autre côté de la Seine avant le couvre-feu, en compagnie de son amie Juliette et de son éditrice, Victoria Nguyen. Il fait bon, les berges de la Seine sont dégagées avec une petite brise, le masque sanitaire est porté sous le menton. Surgit une voiture de police : verbalisation immédiate, 135 €, aucune discussion possible. L’écrivain reçoit paisiblement la contravention et ajoute verbalement, comme tout Français gaulois réfractaire et râleur : « je ne la paierai pas, cette putain d’amende ».

Au trou !

Sortie en furie des forces de l’ordre de leur véhicule, placage au sol, menottes. Effarement des accompagnantes et des promeneurs de l’Île Saint-Louis. S’agit-il d’un dangereux délinquant ou d’un factieux révolutionnaire caché derrière le tranquille enseignant de 35 ans, connu pour son professionnalisme bienveillant? Il est en tout cas embarqué en trombe et sans ménagement. Ce n’est qu’un peu avant minuit que Juliette et Victoria arriveront à localiser Emmanuel : il est derrière les barreaux, en garde à vue dans le commissariat du quatrième arrondissement, dans les faits, au secret. Son portable lui a été confisqué. Grâce à la mobilisation de ses proches et en dépit de ce moment peu propice du samedi soir, un membre du barreau, interloqué par cette situation orwellienne, intervient. Il transmet une alerte au parquet, comme c’est l’usage. Mais il est déjà trop tard.

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Emmanuel ne sort de sa geôle qu’à midi le lendemain, soit 17 heures après son arrestation. Le médecin dont il avait besoin n’est jamais arrivé. Ce n’est tout de même pas « Midnight Express », et il n’a pas été violé par ses camarades de cellule… Nous sommes  en France en 2021. La problématique générale, c’est comment donner aux forces de l’ordre le bon cadre d’exercice de leur mission, les moyens correspondants, la bonne articulation avec l’institution judiciaire facilement taxée de laxisme ainsi que le soutien des citoyens. La récente décision de justice concernant les graves évènements de Viry-Châtillon ne contribue pas à la sérénité des débats.

Un fait divers secondaire qui en dit long

Ce fait divers, de nature totalement secondaire, en dit long sur la vraie nature de la situation. Une telle interpellation n’aurait jamais eu lieu dans une zone de non droit, dans une banlieue traversée par les multiples séparatismes, et on peut comprendre les agents de police. Elle a eu lieu dans une zone éminemment paisible de la capitale, sans risque pour les intervenants policiers et dans un contexte de facilitation gouvernementale des espaces ouverts pour les gestes barrières. Ceux-là devaient hélas faire du chiffre. Juste après le couvre-feu, donc en fin de journée, le décompte des « scalps » sanitaires était obscènement réalisé devant le pauvre Emmanuel, emmené dans le véhicule policier vers sa prison d’un jour : 63 contraventions pour la petite équipe. Le ministre de l’Intérieur va être content. Les supérieurs immédiats aussi.

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Nous ne sommes pas sûrs que l’institution policière sorte grandie de ce type d’exaction mineure, laissant coexister d’une part, une délinquance multiforme ainsi qu’une insécurité préoccupante sur les territoires abandonnés de la République et, d’autre part, une inflexibilité caporaliste réservée aux Français respectueux de l’ordre public, digne d’un État totalitaire, où tout bon sens est abdiqué et où les libertés les plus élémentaires sont oubliées au profit de l’urgence sanitaire et de la nécessité de faire semblant que la sphère publique agit avec efficacité.

Évitons ce type de dérapage. Les Français en seront reconnaissants vis-à-vis de leurs gouvernants, actuels et à venir.



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