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Vaccin et pass sanitaire : la colère n’est pas un argument


Vaccin et pass sanitaire : la colère n’est pas un argument
Konarzewski/SIPA/2107312333 Manifestation contre le pass sanitaire, Montparnasse, 31 juillet 2021

On a le droit d’être d’accord ni avec le pouvoir ni avec ceux qui le contestent. Ainsi, je suis pour le vaccin tout en m’opposant au pass sanitaire.

Depuis quelques semaines je reçois des messages indignés. « Comment, Causeur du côté du pouvoir ? » « Pour la dictature sanitaire ?! » « Vous vous soumettez au politiquement correct ? » Certains vont jusqu’à « Collabos ! »

Si je n’ai pas répondu plus tôt, c’est un peu parce que je ne sais pas comment convaincre des gens qui pensent vraiment que ce que nous vivons s’apparente à l’occupation nazie et au génocide des juifs, à supposer qu’il y en ait, et beaucoup parce que, pour l’essentiel, j’étais en vacances et que, je l’avoue, je suis moins passionnée que la plupart de mes contemporains par cette histoire de pass sanitaire. Je suis bien obligée de constater, cependant, que c’est la grande affaire du moment. Et si elle suscite tant de remous, c’est probablement parce qu’elle révèle autre chose que ses enjeux manifestes.

Quelques rappels s’imposent.

Il n’y a pas de ligne de Causeur, chacun dans la rédaction et parmi nos auteurs pense ce qu’il veut. Le point de vue que je défendrai ici est seulement le mien. Et le déterminer en réaction au politiquement correct serait une autre façon de se soumettre à lui. Inutile de le nier, il est plus gratifiant d’être minoritaire mais je ne vais pas changer d’avis parce que je suis (plus ou moins d’ailleurs) d’accord avec la majorité. La France qui se rebiffe a certainement d’excellentes raisons de se sentir oubliée, voire surnuméraire (voir Guilluy), je n’approuve pas pour autant le nouveau combat qu’elle s’est choisie. La colère ne prouve pas qu’on a raison.

J’aimerais faire entendre à tous les amoureux sincères de la liberté qui manifestent chaque samedi qu’il est paradoxal de vouer aux gémonies (macronistes et/ou totalitaires) tous ceux qui ne partagent pas leur opinion. En clair, j’en ai marre de me faire insulter parce que je n’éprouve pas d’aversion pour le vaccin anti-Covid. Gil Mihaely m’a fait remarquer récemment que, pour la plupart des gens, un débat pluraliste, c’est quand on est d’accord avec eux. Pas ça, pas vous, chers lecteurs de Causeur ! De grâce, contestez mon point de vue, mais épargnez-moi ces conjectures sur mes troubles motivations. Si un labo me propose un pot-de-vin, promis je balance !

Sur le fond, en résumé, je suis pro-vaccin et plutôt anti-pass sanitaire.

Alors que nous ingérons quotidiennement et volontairement des tas de cochonneries concoctées par l’industrie agro-alimentaire, que nous sommes les plus gros bouffeurs de médocs du monde (et je ne parle pas de ce que nous nous envoyons quotidiennement dans le cerveau à coups de tweets idiots et de séries stupides ou le contraire), il me parait étrange de considérer qu’un vaccin déjà testé sur 4 milliards d’êtres humains est une menace terrible, pour la santé et pour la liberté. On a le droit d’avoir peur du vaccin. On a aussi le droit de ne pas avoir peur.

On peut s’inquiéter de notre incapacité collective à accepter le moindre risque et, partant, à accepter la mort comme une circonstance de la vie. Nous ne tolérons plus les morts que nous décrétons « évitables », qualificatif qui mériterait une longue discussion. Quoi qu’on en pense, le précautionnisme ambiant n’est pas une invention ex absurdo de politiciens passablement trouillards mais leur réponse paniquarde à une demande sociale pimentée d’une frénésie de procès. Si nos élus se prennent pour nos mères juives, connues pour s’ingérer dans les moindres recoins de la vie de leurs fils, c’est parce qu’ils entendent toute la journée que les citoyens veulent être protégés et que s’ils ne répondent pas à cette exigence, ils seront traînés au tribunal. L’ennui, c’est que toute cette protection finit par étouffer.  

Ce n’est pas l’argument de la plupart des contestataires. Au contraire, beaucoup invoquent les dangers inconnus (et qu’on voudrait nous cacher) du vaccin. En somme, on ne prendrait pas assez de précautions et il faudrait attendre d’avoir des certitudes absolues. À ceux-là, on a envie de dire, primo que même les plus cyniques des capitalistes et des gouvernants n’ont intérêt à encourager un produit dangereux, et deuxio que les dangers d’une technique vaccinale utilisée pour bien d’autres maladies sont bien mieux connus que ceux de la Covid, dont certains médecins redoutent les conséquences à long terme, notamment sur les enfants.

En revanche, l’argument principal contre le pass sanitaire, celui des libertés, ne saurait être rejeté en bloc. La multiplication des contrôles et des personnes habilitées à y procéder représente un changement qu’il ne faut pas sous-estimer. Et aussi légitime soit le motif (enrayer l’épidémie ou minimiser ses conséquences, conformément à l’exigence d’une majorité de la population), une fois le pli pris, on ne sait pas où ça nous mènera. Pourquoi ne pas interdire de restau les fraudeurs fiscaux qui, après tout, font aussi du tort à la collectivité ?  

Le contrat social suppose l’acceptation de certaines limitations de nos libertés. Personne ne s’offusque de devoir s’arrêter au feu rouge (sinon les libertariens dont parlait Jeremy Stubbs dans Causeur). Encore faut-il que ces restrictions soient justifiées et proportionnées. L’obligation de porter le masque dans la rue ou de présenter un pass sanitaire en terrasse ne répondent à aucun de ces critères. C’est de la com.  Du « vous voyez bien qu’on agit » destiné à rassurer les foules ­ – en leur rappelant en permanence le danger, ce qui est assez paradoxal.

Je ne serais nullement choquée en revanche que le vaccin soit obligatoire pour les adultes.  Le rôle d’un gouvernement est de faire prévaloir l’intérêt général, parfois en faisant violence (symbolique) à une minorité réfractaire. Il y a pas mal de raisons de penser que la vaccination de tous est le moyen d’y parvenir. La plupart des mesures prises par le pouvoir font des mécontents.

Seulement, notre Jupiter de comédie a été incapable d’imposer une décision qu’il considère pourtant comme indispensable à la collectivité – la vaccination pour tous. Très mauvais calcul politique : pour ne pas s’aliéner une minorité qui pour l’essentiel, le vomit déjà, Emmanuel Macron choisit de pourrir la vie de tous, y compris celle de ces Français qui sont allés se faire vacciner, parce qu’on leur a dit que c’était la condition de leur liberté. C’est ce que la macronie appelle la persuasion. On n’impose pas, on tracasse, on enquiquine, on flique, bref, on surveille et punit. En plus du pass sanitaire, on a donc le droit, à la carte c’est-à-dire au gré des pulsions protecto-répressives des maires et préfets, au couvre-feu, au masque en extérieur et à d’autres diableries hygiénistes. C’est Macron au pays des merveilles, comme la Reine de Lewis Carroll qui décrète qu’Alice sera pendue et décapitée. Nous, nous sommes vaccinés et fliqués, vaccinés et masqués, vaccinés et protégés à en mourir, pour paraphraser le titre de Neil Postman, Se divertir à en mourir

L’obligation vaccinale est attentatoire à nos libertés mais beaucoup moins somme toute que l’usine à gaz qui est en train de se mettre en place, usine à gaz à la mise en œuvre de laquelle notre administration pleine de sollicitude apportera certainement une amusante couche de complications. Le vaccin, c’est deux coups de cuillères à pot. L’alternative qu’on nous propose est une litanie d’interdits et d’intrusions dans nos vies.

Paniquant à l’idée d’imposer une décision brutale, Macron veut nous avoir à l’usure. In fine, il s’agit bien d’obliger les gens à se vacciner sans le dire tout en le disant puisque les ministres ne s’en cachent pas. C’est ajouter l’hypocrisie à la faiblesse. Et en prime, nos dirigeants se prévalent de quelques ultras, éventuellement antisémites, pour disqualifier toute contestation. Dans ces conditions, au risque de mécontenter tous mes lecteurs, je ne me sens en phase ni avec le gouvernement, ni avec ceux qui le contestent chaque samedi.  Reste à comprendre pourquoi ce combat est en train de devenir symbolique. Le diesel, les ronds-points, l’URSAFF, c’était clair. Mais cette détestation d’un médicament, je ne vois pas. Les antibiotiques font peut-être le bonheur du Big pharma, mais qui voudrait vivre sans antibiotiques ? Quoi qu’on pense des décisions, elles sont le fait d’un gouvernement légitimement élu. Et s’il s’agit de dénoncer la démocratie représentative, encore faudrait-il dire par quoi on propose de la remplacer. Pour ma part, je dénie à une assemblée de citoyens que je n’ai pas élus tout droit de s’immiscer dans ma vie. Enfin, alors que la campagne présidentielle approche, je meurs d’ennui à l’idée qu’elle pourrait être focalisée sur cette fichue épidémie. Apprendre à vivre avec elle, c’est d’abord penser à autre chose.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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