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Paris, le bois de Vincennes n’est pas épargné (et pourquoi le serait-il d’ailleurs?)

Spéciale dédicace à saccage Paris, comme l’on dit.


Paris, le bois de Vincennes n’est pas épargné (et pourquoi le serait-il d’ailleurs?)
Bois de Vincennes © Lionel Urman/SIPA Numéro de reportage : 01015856_000002

Le bois de Vincennes est soumis à la même campagne de saccage que Paris intra muros.


En cette période estivale, l’on pourrait se dire que Paris étant devenu infréquentable, que peu séduit par les délires de Paris plage, l’on pourrait se retirer comme à la fin du XIXᵉ siècle, dans l’est Parisien, et prendre un bol d’air dans le Bois de Vincennes.

Après tout, il n’y a aucune raison pour que ce site ne soit malmené par la frénésie écoïdéologique parisienne intramuros, vu que l’on n’y circule quasiment plus en auto depuis la tempête de 1999.

Eh bien non. Les délires écolos ravageurs ont encore frappé et de fort belle manière.

Trois éléments pour preuve :

D’abord, l’enlèvement des bancs 19ème en bois dessinés par Gabriel Davioud, composés de lattes, courbés, gondoles, ou droits installés dans l’alignement des arbres et qui faisaient la signature visuelle de Paris et sa proche banlieue, comme les colonnes Morris ou les kiosques à journaux dessinés par le même remarquable architecte Haussmannien, Davioud. 

Ces derniers, donc sont remplacés au mieux par des rondins de bois, au pire par des troncs à peine dégrossis, mais sans dossiers quelle que soit leur configuration. Moyennant quoi, et en toute cohérence – l’ancien est vil –  les personnes âgées, ou tout simplement fatiguées ne peuvent retrouver le même confort que celui procuré par les anciens bancs centenaires qui se fondaient si bien dans le paysage. Désormais, au fil du temps on voit ces nouveaux « bancs » totalement désertés, par ses anciens utilisateurs, probablement réactionnaires…

A noter l’arbre le plus vieux du Bois de Vincennes, un chêne rouvre planté en 1784, et qui était en entouré d’un banc circulaire Davioud, qui a disparu au profit d’une bande de chantier rouge et blanche du plus bel effet.

À lire aussi, Josepha Laroche : Paris, la poubelle ville du monde

Ensuite, le creusement aux abords du château de Vincennes, d’un cheminement d’eau, entendez une fausse rivière, ou un étang longiligne d’une centaine de mètres, qui a nécessité pour son installation force pelleteuses et autres tractopelles, dont la naissance avait donné lieu aux louanges du Parisien dans un article ne reculant devant aucune outrance, avec son titre « Une rivière toute neuve et plus écolo dans le bois de Vincennes ». Cet article prend quelques libertés avec la notion même de rivière, ou d’écologie. Il demeure néanmoins amusant à lire en 2021 : ce bras d’eau dégage aujourd’hui une odeur d’eau croupie, recouvert d’une mousse blanchâtre, et fait la joie de nombreuses bestioles, au rang desquelles on compte les moustiques. Il est vrai qu’Aymeric Caron a souhaité en faire une espèce protégée. C’est réussi, et ici aussi c’est finalement très cohérent.

Enfin, et dans une perspective un tout petit moins cohérente, ou à tout le moins démontrant l’incohérence de cette belle idéologie Hidalgiennne : la navette autonome du bois de Vincennes. Là mes amis, accrochez-vous. Il ne s’agit rien de moins que de mettre dans une zone éminemment piétonne, faite pour se promener ou se dépenser physiquement, un engin automobile… qui présente de nombreux avantages, comme l’indique l’article de la mairie de Paris en lien. 40 000 passagers en plus de 3 ans, soit moins de 40 passagers par jour en moyenne. A l’échelle de Paris, quelle performance ! Cette navette peut recevoir 4 passagers en période Covid, 11 hors pandémie. Voilà pour le dépliant commercial. Abordons désormais le volet réalité.

La navette est donc réputée autonome, mais ne peut pas fonctionner sans conducteur. Rapporté au nombre de voyageurs comptabilisés, c’est assez amusant. Mais excellent pour l’emploi. Valorisant.

La navette circule au milieu des piétons, poussettes, vélos, trottinettes, sans voie délimitée, et donc doit se plier aux aléas des comportements de cette population multiple et indisciplinée. Résultat, le comportement du chauffeur de ladite navette est assez facilement assimilable à celui du conducteur parisien moyen : irascible et assez peu tourné vers la bienveillance. A plus forte raison quand lesdits utilisateurs, notamment piétons, du bois prennent un malin plaisir à se mettre devant, à ne pas accélérer le pas, et à ne pas répondre aux admonestations tocsinesques du klaxon doux et bienveillant de la navette, et de son chauffeur devenant de plus en plus dingo. Je confesse même avoir pu jouer, à mon corps défendant, à ce petit jeu. Il est intéressant de noter que l’article de la ville de Paris prévoit une vitesse à terme de 20km/h dans une zone aussi piétonne et anarchique que celle du parcours ce qui relève de la folie pure : soit ce sera le cas et alors on comptera plus d’accidents que n’importe où ailleurs, soit ça n’est pas applicable et il y a assez peu de chances pour que la navette dépasse les 5 km/h en moyenne… Et que le préposé doive prendre des calmants.

La navette relie des points de desserte de transport bien établis : stations de métro bien sûr, mais également arrêts d’autobus. Donc différents points de passage de cette dernière sont déjà fort bien desservis. Cette navette entre ces différents points ne fait donc qu’imposer à une zone qui était vierge de toute forme de motorisation (vélos à assistance électrique et trottinettes électriques, mis à part bien évidemment) un véhicule automobile.
La navette introduit donc une forme de pollution -motorisée- sur une zone qui en était totalement dépourvue jusqu’alors, et prive les usagers de la RATP, qui dessert pourtant bien la zone, d’espaces totalement végétalisés, horizon pourtant déclaré de la Mairie, et libres de pollution visuelle.

Parce que justement, la pollution visuelle induite par cette immonde chose n’est pas rien ! Voyez plutôt mes photos, je n’en ai trouvé ni sur le site de Paris, ni sur celui du Parisien. Le parcours de la navette est jonché de plots en béton circulaires d’un mètre de diamètre environ, tous les 20 à 30 m, du plus bel effet, parcourus par des câbles apparents. Des plots certes, mais, mais, mais, peints en vert… A ce titre un esprit malin avait tagué un message disant en substance « C’est vert, mais c’est du béton… ». Message repeint en vert quelques jour après son apparition. Comme quoi quand la mairie veut agir, elle le peut…

Pollution visuelle également avec ces stations de navettes, que Gabriel Davioud ne saurait renier, puisqu’il est mort, mais pour lesquelles je nourris quelques doutes esthétiques. Le lecteur avisé constatera que la maire de Paris n’aura pas comme précédemment fait effacer les tags, traces de génie créatif de notre sublime époque.

Enfin pour les plus acharnés fanatiques du Bois, à l’heure où le jour est tombé, il est utile de savoir pour les plus aventureux des lecteurs que la navette dispose d’un éclairage digne d’un A380 au décollage, pleins phares que le préposé semble adorer mettre en marche quand des badauds lui font face. Interrogeant l’un d’eux sur les raisons de l’usage de ces 150 mille watts, il m’a été répondu sobrement, « C’est parce que c’est comme ça ». Devant la force de l’argument, je suis restée sans voix.

Bref, s’il était encore possible de penser que l’ensemble des démarches de la mairie de Paris ne visaient maladroitement que la végétalisation à tout crin, l’exemple du traitement par la mairie du Bois de Vincennes démontre quant à lui, pour ceux qui en douteraient encore, qu’il n’y a aucune logique à chercher, sauf la somme anarchique de tout ce qui « fait » écolo, sans manifestement la moindre réflexion de bon sens. Où va-t-on, je vous le demande….



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