À l’école, certains rêvent de renommer les vacances de la Toussaint ou de Noël. Le gouvernement écarte l’idée, ayant pour l’instant d’autres chats à fouetter.
Décadi 10 vendémiaire de l’an républicain CCXXXIV, le Conseil Supérieur de l’Education a adopté par 44 voix « pour » et sept voix « contre », sur proposition du syndicat majoritaire des enseignants du 1er degré, la FSU-SNUipp, une motion visant à modifier le nom des vacances de la Toussaint et des vacances de Noël, afin de les « laïciser » en supprimant toute référence chrétienne dans leur appellation.
Avidité ultra-progressiste
Retour d’un fantasme au moins aussi vieux que la révolution, qui n’est qu’un aspect parmi beaucoup d’autres de la volonté d’effacer la culture française pour mieux laisser libre cours à l’ingénierie sociale des « avant-gardes éclairées », qu’on les appelle « cercle de la Raison », « partis de gouvernement » ou « arc républicain ». Comme l’écrivait Maurice Druon, certains sont avides de « couper les nouvelles générations des acquis ancestraux » afin de « fabriquer un homme nouveau pour un monde nouveau. »
Cette proposition a, semble-t-il, été rejetée par le ministère, du moins pour l’instant. Tant mieux. Le soutien massif qu’elle a reçu au sein du CSE doit néanmoins alerter, tout comme la volonté de déchristianisation assumée et militante qui l’inspire. Si tous les Français ne sont évidemment pas chrétiens (à commencer par votre serviteur), la France est de culture chrétienne, d’une culture littéralement impensable, impossible à penser, sans les références chrétiennes et l’ethos chrétien, plus précisément catholique (précisons que le catholicisme auquel je pense ici est celui de Saint Louis et Jacques de Longuyon, pas celui qui bénit les glaçons et glorifie l’islamisation migratoire). « Du passé faisons table rase » est par définition un projet totalitaire, et derrière le charme poétique du calendrier de Romme et de Fabre d’Eglantine, il y avait la guillotine, la baignoire nationale et les colonnes infernales !
Un nouveau séparatisme
Il est cocasse d’entendre la FCPE (parmi d’autres) invoquer la laïcité pour défendre cette mesure, quand on se souvient que la même FCPE ne s’était pas gênée pour encourager la normalisation du hijab – toujours au nom de la laïcité ! – dans une affiche qui avait beaucoup fait réagir il y a quelques années (la FCPE avait d’ailleurs porté plainte contre feu Laurent Bouvet, lui reprochant d’avoir parodié cette image pour en démontrer l’absurdité). Ironie de l’histoire, le député montagnard Pierre-Louis Bentabole (1756 – 1798), lui, avait fini par s’opposer au projet de calendrier républicain en déclarant : « Lorsque Mahomet, conquérant et législateur, donna une autre ère aux peuples soumis à sa puissance, son but fut de les séparer du reste des hommes et de leur inspirer un respect superstitieux pour le culte qu’il leur prescrivait. » On ne se prononcera pas sur la pertinence du propos de cet élu en ce qui concerne le calendrier islamique, mais on notera qu’en parlant de volonté de séparation, il touche probablement au cœur du projet moderne du CSE. Séparer les jeunes générations des traditions et des références culturelles de leur pays, en faire des déshérités sans repères, sans recul historique qui leur permettrait de porter un regard critique sur l’idéologie officielle et sur les modes du moment, « fabriquer un homme nouveau pour un monde nouveau. »
Aujourd’hui comme hier, la République aux mains de la gauche estime que la France lui appartient pour en disposer selon son bon plaisir : pour en capter les richesses aux moyens des impôts les plus élevés de l’OCDE, pour y faire venir du monde entier ses clientèles et ses alliés, pour en rééduquer le peuple du haut de son mépris et à coups de mensonges. Ainsi de cet « historien spécialiste de l’immigration », Gérard Noiriel, essayant de faire croire qu’il n’y aurait pas d’immigrés en Seine-et-Marne, ou de ce magazine, Télérama, qualifiant la cuisine régionale de « réactionnaire, passéiste et nationaliste ». Le « j’assume tout » de Napoléon n’est visiblement pas parvenu à refermer la boîte de Pandore, et les efforts de De Gaulle n’ont pas suffi à remettre le régime au service de la nation : la gauche continue à trouver normal que la nation soit au service du régime.
Déchristianisation et islamisation
Mais ce que Bentabole n’imaginait probablement pas il y a deux siècles, malgré sa référence à Mahomet, c’est que le projet de séparer les Français du passé et de l’identité de la France, finirait par s’accompagner d’un projet d’islamisation massive du pays, et plus largement de l’Europe. Ce n’est un secret pour personne, entre l’évidence de la politique migratoire (y compris le refus obstiné d’exercer les pressions nécessaires à l’exécution de plus d’une fraction des OQTF), les déclarations de Gérald Darmanin sur « la religion qui aura le moins de difficulté à travailler avec la République[1] » (ce qui nous en apprend beaucoup plus sur ladite République que sur l’islam) et celles sur « la France telle qu’on voudrait qu’elle soit[2] » de Delphine Ernotte (à la tête des médias officiels de cette République, en laquelle on peine décidément à trouver quoi que ce soit qui demeurerait de l’esprit du Grand Charles), ou encore les actions de l’Union européenne. Ce qui est moins clair, c’est de savoir quel est le but et quels sont les outils, entre disparition programmée de l’identité française, anti-christianisme, et volonté d’islamisation.

La gauche veut-elle aujourd’hui effacer le christianisme pour mieux laisser la place à l’islam, ou encourage-t-elle l’islam parce qu’elle voit en lui un allié contre le christianisme ? Veut-elle effacer le christianisme pour mieux se débarrasser de l’identité française, ou veut-elle effacer l’identité française parce que le christianisme en fait partie et qu’elle le hait ? Dans tous les cas, j’en tire la même conclusion : il est indispensable d’affirmer fermement, fièrement et même joyeusement cette identité, y compris dans ce qu’elle doit au christianisme, partie intégrante de ce que Marc Bloch appelait son « héritage spirituel ». « La France demeurera, quoi qu’il arrive, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur. J’ai bu aux sources de sa culture, j’ai fait mien son passé. Nourri de son héritage spirituel et de son histoire, je l’ai beaucoup aimée et servie de toutes mes forces. » (Oui, on croirait parfois entendre un autre intellectuel français, juif et patriote bien connu…) Nous ne sommes pas une page blanche sur laquelle des idéologues pourraient écrire selon leur bon plaisir : nous avons un passé, des traditions, un ancrage, une identité sur lesquels nous appuyer pour refuser que l’oligarchie gauchiste décide de notre avenir à notre place, pour refuser l’effacement de notre art de vivre et de notre décence commune, dont assurément nous n’avons pas à rougir. Au sein de la civilisation d’Athéna, nous sommes le pays de Jeanne d’Arc. Et ce n’est pas une nostalgie, c’est une promesse.
[1] https://www.la-croix.com/Religion/Gerald-Darmanin-lislam-religion-moins-difficulte-travailler-Republique-2020-09-18-1201114744
[2] https://www.lefigaro.fr/vox/medias/representer-la-france-telle-qu-on-voudrait-qu-elle-soit-ce-que-revele-l-aveu-de-la-presidente-de-france-tv-20230711
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