Une rentrée sans marques


Une rentrée sans marques

lycée jésuite marseille

Depuis juin dernier, les vêtements de marque sont bannis de l’école Provence de Marseille. Et si dans cet établissement privé jésuite, les polos et des chemises de grandes marques sont tolérés, le nouveau règlement intérieur encadre très strictement ces articles vestimentaires, limitant les dimensions du logo à 3cm2. Pour Pascal Sevez, directeur de l’établissement, la mode vestimentaire exacerbe les tensions sociales entre les parents, les élèves et le corps enseignant.

Cette situation est d’autant plus délicate pour Provence de Marseille, un  établissement jésuite qui applique le système de la péréquation : les parents payent en fonction de leur revenu. Ainsi, à Provence, une famille sur huit dépend de la caisse des bourses, certains parents ne payant ainsi que 50 euros par an pour la scolarité de leur enfant. Cela donne des résultats scolaires remarquables : en 2013, Provence affichait 100% de réussite au bac,  toutes sections confondues. Dans ces conditions, on ne peut pas admettre « que les parents déboursent une somme conséquente pour que leurs enfants soient intégrés du point de vue vestimentaire. Ca n’a pas de sens ! », s’exclame le directeur.

Or, l’engouement pour les vêtements de marques commence de plus en plus tôt. Le directeur raconte l’histoire de ce père en colère qui s’est présenté à l’école pour se plaindre après que son fils, élève au primaire, a égaré pendant la récréation un blouson d’une valeur de 800 euros.  « Si je peux comprendre la colère du père de cet enfant, je ne peux pas accepter cette logique », ajoute t-il.  Les parents sont soumis à une forte pression sociale et économique, et il doit les aider à faire face aux demandes (caprices ?) de leurs ados, explique Pascal Sevez.

C’est au collège que la situation devient vraiment inquiétante. Selon le directeur de l’établissement, ce moment particulier du début de l’adolescence rend le collège comme étant un véritable « lieu de violence ».  Au quotidien, il est d’abord un lieu de fortes tensions sociales qui se manifestent entre autre par la volonté de certains collégiens – fils et filles des familles fortunées – de se démarquer  des « payots » et des « populaires », comme ils appellent leurs camarades issus de milieux moins favorisés. Plus tard, affirme Pascal Sevez, au lycée, les tensions baissent et « les élèves sont plus heureux qu’au collège ».

Il fallait donc repenser le problème du collège. Pour Pascal Sevez, toute solution crédible devait avant tout apporter une réponse à la question des réseaux sociaux à travers lesquels « quelques chose qui a été dit ou fait dans la cour de récréation prend tout à coup une grande ampleur ». Ensuite, on peut s’attaquer au problème de la « pression vestimentaire ». La direction et l’équipe pédagogique de l’école ont donc décidé de mettre en place un système sécurisé ou les groupes sociaux et cercles d’amis seront plus encadrés et en même temps neutraliser une des sources de tension en réduisant la concurrence de la mode par un  nouveau « dress code ».

Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Pourquoi ne pas instituer d’uniforme ? Pour le directeur, une telle mesure « stigmatiserait » les étudiants de Provence qui seraient les seuls à Marseille à se plier à ce genre de discipline vestimentaire. Et puis cela ne correspond pas à la tradition de cet établissement : les jésuites n’ont jamais eu d’uniforme en tant que tel. Pas question non plus d’opter pour la blouse qui représente une « fausse solution » : à quoi bon cacher les logos des marques ?

Pour l’heure, la règle semble être bien acceptée à la fois par les parents et les élèves. Une discussion « retour d’expérience » est tout de même prévue, avec les surveillants notamment, afin d’ajuster si nécessaire le règlement. On ne sait pas encore si le nouveau code vestimentaire apportera l’apaisement espéré, mais on peut  déjà être sûr  que les résultats de cette expérimentation n’intéresseront pas uniquement les premiers concernés.

photo : WITT/SIPA.00624183_000005



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