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Un jour, mon prince est venu


Un jour, mon prince est venu
Albert de Monaco.
Albert de Monaco
Albert de Monaco.

Il a 52 ans et il se marie. « Il » c’est le Prince de Monaco. Et le détail sur l’âge du futur époux n’est pas anodin. Il est d’ailleurs repris en boucle par tous les médias qui se délectent par avance de la cérémonie qu’ils auront à couvrir les 8 et 9 juillet 2011… Ces jours-là, à l’âge où les hommes généralement divorcent, rangent au placard plus de vingt ans de vie commune avec leur légitime pour se jeter dans les bras d’une jeunette âgée d’à peine plus d’années que le temps que dura leur mariage, Albert II convolera avec la belle Charlène Wittstock, 32 ans, sud-Africaine, ancienne championne de natation, jeune juste ce qu’il faut pour être potentiellement porteuse d’un futur petit prince, bref, parfaite sous tout rapport. Et la question qui s’impose évidemment ici : pourquoi diable ce sujet m’intéresse-t-il au point d’en faire une chronique, non pour Match, Voici ou Voilà, mais pour Causeur ? Très simple.

Je suis admiratif. M’approchant moi-même de l’âge canonique du prince susnommé, ayant moi-même femme, enfants, chien et chat, étant bien évidemment frappé par la douloureuse crise de la cinquantaine, après avoir traversé avec plus ou moins de bonheur celle de la quarantaine et échappé de justesse à celle de la trentaine, je me dis : cet homme-là n’est pas n’importe qui. Au lieu de changer de voiture, s’offrir une moto de cylindrée suspecte par son volume, se mettre au yoga méthode Iyangar, celle qui tire le plus sur les articulations pour se tenir le plus droit possible, où encore adopter un régime plus bio que bio, Albert prend femme. Incroyable.

Les autres devenaient vieux. Lui rajeunissait chaque été

D’autant plus qu’à un âge comme le sien, il y a encore quelques décennies, surtout lorsqu’on avait sa coiffure, la coutume était de s’installer dans un rôle de grand-père en charentaises ou fauteuil à bascule, ou à tout le moins s’apprêter à le faire. Ou bien on vérifiait avec anxiété ses comptes pour s’assurer le confort d’une retraite peinarde. Ou bien, ce qui réglait nombre d’angoisses, on était emporté par une crise cardiaque pour cause d’embonpoint ou de cigarettes. Mais aujourd’hui, rien de tout cela. L’âge de la retraite recule, être grand-père semble être un état inaccessible aux moins de 75 ans, et on s’évertue à transpirer pour faire fondre la fameuse bouée, anciennement dite « poignées d’amour », réduire son taux de cholestérol et de nicotine, et, avec lui, le risque d’une crise cardiaque prématurée. Enfin, espérons.

Beaucoup d’attributs me viennent à l’esprit lorsque je pense à Albert: résistant ? Rebelle ? Dernier des Mohicans ? Non. Un Prince. Tout simplement. De la nuit d’abord. L’homme a ouvertement choisi de faire la fête 20 ans durant, pendant que ceux de son âge expérimentaient les joies du biberon, des couches-culottes, des poussettes qui ne se déplient plus, des vacances bruyantes, bref devenaient vieux pendant que lui rajeunissait un peu plus chaque été. Un malin, cet Albert. Un héros aussi puisqu’il a réussi à faire fi des convenances, celles qui exigeaient de lui la production rapide d’un héritier digne de présider un jour aux destinées du Rocher. N’écoutant que son courage, il a préféré prendre son temps pour choisir l’élue de son cœur de sportif, ne pas s’emballer, éviter un divorce tapageur, nous préserver des commentaires savants de spécialistes matrimoniaux nous expliquant qu’il s’était marié trop tôt, qu’il avait cédé aux pressions des Monégasques pressés de le caser et que la Princesse choisie prématurément n’était pas la bonne. Un drame qu’il a su nous éviter, nous ne l’en remercierons jamais assez.

Il joue à merveille son rôle de Prince. Donc d’exemple

Et puis il faut aussi noter sa générosité à notre égard, nous autres, gens des médias. Car il a su avec tact alimenter avec bon goût les pages des journaux avec belles photos couleur, si l’on en juge par les mensurations des différentes partenaires ayant accompagné son parcours d’adolescent attardé. Il est aussi devenu un exemple pour les feignants dont je me revendique qui hésitaient à se lancer dans des sports extrêmes, comme le parapente, l’alpinisme ou la descente périlleuse en rappel et en smoking de tapis rouge particulièrement glissant en vernis noir. C’est un petit peu grâce à lui que j’ai osé, à l’approche de mes 50 ans, me lancer dans l’aventure du VTT. Du coup, je lui dois probablement, il ne s’en doute même pas, les dix centimètres dont j’ai réussi à alléger mon tour de taille. Et je ne dois pas être le seul. Albert, au nom de tous les cinquantenaires, de tout cœur, merci.

Et il aurait pu continuer encore comme cela pendant quelques dizaines d’années, continuer à faire œuvre de fantasme pour les pères de famille épuisés, les grands-pères en puissance et bientôt impuissant. Et là, alors que je chevauchais justement mon vélo perfectionné, coup de théâtre ! En tout cas pour moi qui n’ai pas suivi son parcours princier dans la presse spécialisée : Albert annonce ses épousailles. Enfer et damnation. Un mythe s’effondre. Albert aussi va vieillir. A voir sa coupe de cheveux, j’aurais du me douter que cela lui pendait au nez, que lui aussi allait céder, craquer, lâcher prise.

Mais là encore, il joue à merveille son rôle de Prince. Autrement dit d’exemple. Il nous redonne de l’espoir. Il redevient un fantasme. La vie commence à 52 ans. Grâce à Albert, j’en suis désormais convaincu, passer le cap du demi-siècle, est un bienfait. Surtout après avoir fait la fête pendant 20 ans. Il ne me reste plus qu’à trouver une nageuse, ou une alpiniste, et pourquoi pas une championne de golf … Ah mais, j’oubliais, je ne suis pas né Prince.



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Patrick Anidjar, journaliste et écrivain, a travaillé en Europe, au Proche-Orient et aux Etats-Unis pour une agence de presse internationale. Il a collaboré à de nombreux médias français, européens et canadiens. Il est l’auteur d’un livre paru en 2008 aux éditions du Seuil, <em>La Bombe Iranienne, Israël Face à la Menace Nucléaire.</em>

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