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Un dimanche à Fort-Mahon

Les Dessous chics


Un dimanche à Fort-Mahon
Ricardo Boimare, CC BY-SA 3.0 Les étendues de sable de Fort-Mahon-Plage : plage et digue-promenade en front de mer. 4 February 2007. <http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/>, via Wikimedia Commons

Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


La Sauvageonne et moi (contrairement à ce qu’ont pu penser certains lecteurs, cette dernière n’a pas été enlevée ; ils s’inquiétaient car je ne parlais pas d’elle dans ma dernière chronique), avons été invités à Fort-Mahon, par des amis chers et accueillants. C’était un beau dimanche de fin juillet ; il faisait doux et chaud comme dans le cou de ma chérie. Après les fruits de mer dégustés au cours du déjeuner, nous fîmes une longue promenade dans la fameuse station balnéaire que je n’avais pas visitée depuis plusieurs années. En passant devant le casino, je me revoyais en juillet 1974 avec Purin, le groupe de blues-rock de Tergnier dans lequel j’officiais en tant que guitariste et harmoniciste. Il s’agissait de la première date d’une tournée qui devait nous mener ensuite en Bretagne. Les parents d’une amie de Fred (qui deviendra son épouse quelques années plus tard) possédaient une villa dans l’une des rues du bourg maritime. Nous campions dans le jardin ; Gérard Gabet et Thierry Langlet, nos chauffeurs, y avaient stationnés leurs voitures. Nous devions être l’un des seuls groupes de blues qui campait pendant ses tournées. Nous n’en avions cure ; nous étions jeunes, si jeunes. La vie nous semblait belle, joyeuse, interminable, lumineuse comme cet été-là. La bière pression coulait dans nos tendres veines comme l’eau blonde du petit fleuve Authie dans la Manche ; rien ne semblait pouvoir arrêter son cours. 

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Le soir du concert au Casino, nous devions être légèrement ivres. Bertrand (batterie), Gérard dit Dadack (RIP ; basse), Patrick (chant), Fred (RIP ; guitare Gibson SG) et moi (harmonica et guitare Burns prêtée par un copain de Saint-Gobain car j’avais brisé accidentellement le manche de la Gibson Lespaul Deluxe que je venais d’acheter en Belgique ; elle était en réparation chez Jacobacci, le luthier parisien aux mains d’or), nous nous appliquions sur les douze mesures de « Sam All Over » de Canned Heat, « Crawlin’ King Snake » des Doors, et « Bullfrog Blues » de Rory Gallagher. Nous distillions une blues-rock brutal alors que la mode musicale eût voulu que nous nous adonnâmes au jazz rock ou au rock progressif froid comme la corde mi grave de la Gibson double manche de John Mc Laughin. 

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Nous ne le savions mais nous étions dans la mouvance d’un pub rock britannique qui se transformerait, dès 1976, en punk rock virulent et salvateur.  Je revoyais tout ça, en arpentant la rue principale de Fort-Mahon. J’entendais les rires lointains, si lointains, de Dadack et de Fred qui se perdaient dans les sables roux et mous des dunes ainsi que les voix toutes aussi lointaines d’Al Wilson (RIP), de Rory Gallagher (RIP) et de Jim Morrison (RIP). Au loin, vers la plage, le soleil couleur de miel et de sang s’enfonçait doucement dans une mer d’opaline. On eût dit qu’il tirait sa révérence devant les années mortes de nos jeunesses consumées.

Philippe LACOCHE, le 4 août 2025, 18h02

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Il a publié une vingtaine de livres dont "Des Petits bals sans importance, HLM (Prix Populiste 2000) et Tendre Rock chez Mille et Une Nuits. Ses deux derniers livres sont : Au Fil de Creil (Castor astral) et Les matins translucides (Ecriture). Journaliste au Courrier Picard et critique à Service littéraire, il vit et écrit à Amiens, en Picardie. En 2018, il est récompensé du prix des Hussards pour "Le Chemin des fugues".

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