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UMPSFN ?


photo : Palagret

Dans le flot de réactions, analyses et supputations que provoque l’ascension de Marine Le Pen, on fait l’impasse sur une question essentielle : que se passerait-il, réellement, si le Front national accédait au pouvoir ?

À mon avis rien, ou pas grand-chose…

Je n’exclus pas de me tromper, mais j’observe paisiblement les trois présidentielles gagnées sur un programme de transformation radicale du cours des choses (Mitterrand 1981, Chirac 1995 et Sarkozy 2007) et les trois législatives du même métal (en fait, les trois expériences de cohabitation : Chirac 1986, Balladur 1993, Jospin 1997). Que s’est-il passé ? Ben, avec le recul, pas grand-chose, comme je le disais plus haut.[access capability= »lire_inedits »]

Au mieux, quelques mois après l’élection, il ne restait plus rien du « Changer la vie » mitterrandien ou du « Quand on veut, on peut » sarkozyste. Même la modeste « fracture sociale » de Chirac fut jetée publiquement à la poubelle cinq mois après les orgies de pommes du second tour. Ces abdications – ou trahisons, ou aggiornamentos ou rappels au réel, appelez ça comme vous voudrez – ont toutes été justifiées par la Crise, l’Europe, ou les contraintes extérieures, dont chacun sait qu’elles n’existaient pas avant le scrutin. Au nom de quoi Mitterrand détruira le tissu industriel français, Jospin permettra la privatisation d’EDF et Sarkozy n’ira jamais chercher la croissance avec les dents, si ce n’est celle des déficits.

On m’objectera qu’aucun de ces exemples de rupture avortée ne concerne le FN, et que ma démonstration conforte donc l’antienne mariniste de l’« UMPS ». Sauf que le FN n’a pas eu à se renier une fois aux affaires parce qu’il n’y a jamais été. J’ai du mal à comprendre la confiance aveugle de ses adorateurs mais aussi de ses pires détracteurs. Au nom de quelle singularité magique serait-il le seul parti de France (et on a un peu envie de dire « du monde ») à honorer ses promesses électorales ?

Marine ne rétablira pas le franc français et la France française

Personnellement, j’ai la certitude qu’un parti qui passe aussi facilement, sans douleur, sans crise interne, de l’ultralibéralisme à l’interventionnisme intégral peut tout aussi bien refaire, comme disait Dave, le chemin à l’envers. Une fois en place, Marine ne rendra pas leur boulot aux prolos, pas plus qu’elle ne rétablira le franc français et la France française. Il y a mille bonne raisons à invoquer (comme d’hab, l’Europe et la Crise et, en prime pour cette occurrence, les réticences des partenaires ex-UMP de sa majorité…) pour enterrer tout ça, avec les regrets qui s’imposent. Elle pourra cette fois citer Annie Cordy : « J’voudrais bien, mais j’peux point…»

Qu’on ne me raconte pas que le FN tiendra ses promesses parce qu’il est hors système, puisque l’hypothèse qui nous intéresse ici est celle où il serait projeté au cœur du système. Irrecevable aussi l’objection selon laquelle le Front serait plus fiable parce que plus honnête que les autres, comme le prouverait sa non-implication dans les multiples affaires politico-financières. Certes, jusqu’à présent le FN a été épargné par ce genre de scandales, mais force est de constater qu’il ne risquait pas d’accepter des dessous-de-table ou des rétro-commissions que personne ne lui proposait. Un parti qui pèse 25% des voix laisse le corrupteur indifférent, s’il n’est pas en mesure de passer des marchés publics, de favoriser des implantations d’hypermarchés ou d’influencer les textes de lois. Et si un jour le FN était en position de faire tout ça, en clair, s’il était associé à la majorité gouvernementale ou même seulement à une flopée d’exécutifs locaux, eh bien je ne me porterais pas garant de sa vertu…

Comme quoi les élites ont tort d’avoir peur de Marine Le Pen, et les exclus bien tort de lui faire confiance…[/access]

Avril 2011 · N°34

Article extrait du Magazine Causeur



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