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Mélenchon, pas si mal…


Je tiens à rassurer mes lecteurs et amis de droite : je suis plutôt déçu par le score du Front de Gauche. J’ai raconté dans Causeur Magazine la genèse depuis le non de 2005 au TCE de ce mouvement beaucoup plus atypique qu’on ne veut bien le dire quand on le présente, de manière contradictoire d’ailleurs, comme un rassemblement de néo-bolchéviques, ou alors de bobos, ou encore de petits fonctionnaires et ouvriers du publics effrayés par la fin de diverses protection statutaires. C’est une longue histoire et apparemment la route va encore être longue.

Je suis plutôt déçu par le score du Front de gauche et bien entendu, je ne devrais pas. Mais je suis comme vous tous un enfant du spectacle et tout ce que j’ai directement vécu de cette campagne (les meetings géants en plein air, les tractages, les « boitages », les rencontres thématiques dans les quartiers) s’est éloigné dans une représentation (les sondages qui grimpent, l’affolement de plus en plus hargneux de certains médias et de certains politique, y compris chez les socialistes et chez les Verts.) Alors j’ai rêvé de 14, 15% et de passer devant Marine Le Pen. Pour l’honneur, pour valider le sens du combat, celui de ramener le peuple vers des colères qui le grandissent et non qui l’abaissent. Et que l’on ne vienne pas me parler de mépris pour les électeurs du FN, c’est ici tout le contraire. C’est une question d’émancipation et vous le prendrez par le bout que vous voudrez, au moins sur un plan politique, les références à Jaurès sont tout de même plus émancipatrices que celles à Brasillach.

Non, je ne devrais pas être déçu si je constate d’où nous sommes partis et où nous sommes arrivés. Les observateurs ont remarqué justement que cette fois-ci, le FN dont la création remonte à 1972, a enfin un vote nationalisé et qu’il a même fait des scores imposants dans les régions de l’Ouest où semble-t-il, cette fois-ci, les vieilles défenses immunitaires catholiques sont tombées. Eh bien je voudrais juste faire remarquer que le Front de Gauche qui lui n’existe que depuis 2008, est aussi présent sur tout le territoire dans une fourchette allant de 8 à 17% selon les départements. Ce qui invalide au passage la thèse d’un vote bobo à moins d’avoir une vision extensive du terme et de penser que la Seine Saint-Denis, la Pas de Calais ou la Seine-Maritime sont des départements bobos.

Si, si, 11% pour la gauche, ce n’est pas mal. Et disons 12-13 si j’ajoute les miettes trotskistes. Car vous aurez bien compris qu’il est hors de question que je m’amuse à faire un total gauche en comptant le score de François Hollande ou d’Eva Joly. Ou alors c’est que les mots n’ont plus de sens. François Hollande est un social libéral, européen qui sent bien que le système est sur le point d’imploser si l’on continue à penser la nation sur une logique purement financière alors que les inégalités se creusent et que la grande pauvreté, quand elle se met à voter, vote Front National. Je devrais en être chagriné, de voir que lorsque les classes populaires sortent de leur auto-exclusion électorale, elles votent Front national. Figurez-vous que non. Cela veut juste dire qu’il y a encore du travail pour le Front de gauche.

Que l’air de rien, les observateurs et les gens de droite s’amusent à faire un total droite en additionnant l’UMP plus le FN, c’est leur affaire. C’est évidemment faux et ça en dit surtout long sur leur fameuse droitisation si évidente aujourd’hui.
Une gauche à 11% donc : ce n’est pas si mal dans un monde de droite, dans un monde où le « réel », construction idéologique de droite pour faire oublier la réalité, s’impose faussement aux consciences. Elisabeth Levy vient d’écrire La Gauche contre le réel, que nous recommandons chaudement au passage.
Je vais reprendre son titre et en inverser les terme : le réel contre la gauche. Cela résume assez bien, à mon avis ce que signifie être de gauche. C’est refuser la soumission au réel, précisément. C’est penser pouvoir agir sur lui. Bref, c’est faire de la politique. 11% de gens ont refusé le réel et vont continuer à le refuser, cela fait tout de même quatre millions de personnes…



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