Sparks, Barjot, zoophilie…


Sparks, Barjot, zoophilie…

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MON ROYAUME POUR UN EUROSTAR !

Rude saison pour les bûcherons, vous ne trouvez pas ? Ces dernières semaines encore, le sort s’est acharné sur moi. Non seulement j’ai passé mon temps à chercher des aiguilles dans ma botte de foin d’expulsé, mais il m’a fallu aussi batailler… contre des hommophobes en folie, et même pour défendre l’honneur zoophile de ma femme, injustement accusée cette fois-ci de non-assistance à lapins en danger.

Mais les mauvais jours finiront, et avant même le Paradis, j’aurai ma récompense ce mois-ci avec le concert de Sparks à Londres, en présence de la reine Élisabeth !

LECTURES SPIRITUELLES

Jeudi 30 octobre-Lundi 24 novembre/Comme l’explique Simon Leys en avant-propos à son recueil de citations Les Idées des autres[1. Magnifiquement commenté par Jean-Baptiste Baronian, ici-même, en septembre dernier], ce genre d’exercice nous en apprend plus sur le compilateur que sur les compilés. À titre d’exemple, ceux qui voudraient mieux me connaître liront avec profit les trois phrases qui suivent ; elles ont égayé, au hasard de mes lectures, ces quatre dernières semaines qui en avaient bien besoin.

– L’ennui selon Billy Wilder : « L’opéra, c’est un truc qui commence à 8 heures. Au bout de deux heures vous regardez votre montre, et il est 8 heures et demie ! »

– Le progrès selon Einstein : « Une hache entre les mains d’un psychopathe. »

– Les vertus théologales selon Chesterton (dans ma traduction) : « La foi, c’est croire en l’incroyable. L’espérance, c’est espérer quand il n’y a plus d’espoir. La charité, c’est aimer ceux qu’on n’aime pas. »

Vous me direz : « Va pour les deux premières citations, mais la troisième n’est pas super drôle ! » Relisez-la calmement, vous verrez : pour être profonde, la formule chestertonienne n’en est pas moins spirituelle.

HOMOPHOBE + CHATTOPHOBE + LAPINOPHOBE = FRIGIDE !

 Mercredi 5 novembre Après l’expulsion, l’acharnement continue ! Huit jours déjà qu’on a vidé les lieux, et voilà que Le Parisien titre : « Frigide Barjot avait laissé ses lapins dans son duplex. » Allons bon ! Mais les truffes du Huff Post ont reniflé encore mieux : « Dans son déménagement, Frigide Barjot oublie ses lapins et son chat ! » Ces gens-là n’ont vraiment rien à branler, pour inventer de pareilles fichaises.[access capability= »lire_inedits »]

« Au moment de la remise de clés, fantasme le Huff Puff, l’huissier a eu la surprise de découvrir deux lapins, Nicolas et François, et un chat, Connardeau »[1. À l’origine, je l’avais baptisé Vianney, du nom du saint du jour où Barjot l’a adopté. Et puis j’ai appris à le connaître…]. Les malheureux, peut-on lire, auraient passé toute la nuit seuls dans l’appartement désert, avec à peine de quoi se sustenter et pas la moindre distraction !

En vérité, cette nuit-là, toute la famille escroque dormait encore dans notre futur-ex-logement, et les pauvres bêtes n’auront été « livrées à elles-mêmes » que de 8 h 30 à 9 h 45 du matin – pendant que Madame était au commissariat.

Et voilà comment, le cas échéant, on monte de toutes (petites) pièces une lilliputienne « affaire », juste pour le plaisir d’en remettre une couche à la Barjot, cible décidément fastoche…

Je suis bien placé pourtant pour témoigner de la zoophilie active de ma femme. C’est elle qui m’impose, depuis dix ans déjà, ces bêtes à poils auxquelles elle semble ontologiquement attachée, pour des raisons qui m’échappent mais qu’une simple expulsion n’aura hélas pas suffi à ébranler. François, Nicolas et Connardeau sont toujours là ! Et même avant eux et moi, me suis-je laissé dire, Frigide a toujours eu une chatte[2. Ursule, Ursule II, Ursule III – toutes canonisées par la Grande Prêtresse. Vivement qu’on embaume Connardeau !]. 

ET LES RAGONDINS, DANS TOUT ÇA ?

Jeudi 6 novembre/Saisie de cette fausse nouvelle, la vraie Bardot va-t-elle donc porter plainte contre la fausse pour « maltraitance envers des animaux », comme le lui enjoignent déjà des dizaines de trolls zoophiles ? Non, finalement, elle préfère s’en prendre aux agriculteurs nantais qui ont « jeté sans ménagement » contre la Préfecture « des ragondins vivants ! » À coup sûr, s’ils les avaient tuées avant, les pauvres bêtes eussent moins souffert de ce mauvais traitement.

GROS CAMION ET PETIT VÉLO

Jeudi 13 novembre/Suite à une innocente blague sur Facebook, qui ne chahutait que la pauvre Barjot (voir copie d’écran ci-jointe), voilà-t-il pas que le groupe auto-intitulé Gouines Comme Un Camion se soulève contre moi comme un seul capot !

La semaine précédente, la presse noiseuse et le tout-à-l’égout Internet avaient fait des gorges chaudes à propos d’une nouvelle « gaffe » de Frigide, enrôlée contre son gré dans l’aile catho du parti sarko-fillo-juppéiste… D’un seul clavier, ils avaient recopié une dépêche AFP au titre imperceptiblement ironique : « Par inadvertance, Frigide Barjot adhère à l’UMP ». Bref, ça m’a inspiré sur Facebook un prolongement aberrant comme je les aime, et sans trace d’anticamionnisme primaire.

Gouines Comme Un Camion : si j’avais retenu le nom de ce mouvement, c’est justement pour ce qu’il laissait supposer d’humour, voire de distanciation brechtienne. Autant dire que j’étais à mille bornes d’imaginer que le glissement camion-déménagement pût leur paraître discriminant. J’avais oublié que l’humour militant est un oxymort. Un humour subordonné à la Cause, c’est-à-dire asservi, c’est-à-dire inexistant.

Ainsi ai-je découvert avec surprise, un matin vers 15 heures, l’invasion de ma « page » et de mon « profil » par des pelletées de commentaires fielleux, venimeux ou tout simplement orduriers.

Pourquoi tant de haine, surtout à propos de rien ? Au nom de leur intelligence et de ma charité chrétienne, je me refuse à croire que tous les GCC & Friends sans exception se soient senti-E-s agressé-E-s par cette innocente pique à Barjot. Je tiens plutôt que ces filles-là rongent leur frein en rond dans leur groupuscule – jalousant à mort le succès de ces salopes réformistes de Femen, démagos, sexy, et même pas gouines !

Il faut bien lâcher la vapeur de temps en temps, n’est-ce pas ? Alors, dès que leur nom apparaît sur la Toile, c’est la fête au dépôt central ! L’occasion, plutôt rare semble-t-il, de se faire une mini-flashmob 2.0…

Si ça se trouve, ces messieurs-dames auront peut-être même recruté au passage une ou deux routières sympas ! C’est tout le bonheur que je leur souhaite.

TOUCHE PAS À MA PUTE, LOLO !

Lundi 17 novembre/Invité de C à vous juste après Barjot, Baffie fait une entrée fracassante sur le plateau en s’exclamant : « Elle est partie, la pute ? » « Vous lui direz en face ! » rétorque Anne-Élisabeth Lemoine, l’animatrice du jour. De fait, Lolo et Frifri s’étaient croisés au (dé)maquillage, et n’avaient échangé qu’un aimable pia-pia. Notre « provocateur » gardait sa saillie pour l’antenne, en l’absence de l’insultée…

Au-delà du mépris qui s’impose, je reste un peu triste pour Baffie, parce que ce con aurait pu choisir de l’être moins. Mais là, ça va faire tard.

VIENS CHEZ MOI, J’HABITE DANS UN KIMONO

Jeudi 20 novembre/Dans un mois pile, si Dieu le veult, on sera à Londres en formation élargie pour applaudir une fois encore Sparks, parce qu’ils le valent bien. Même qu’Élisabeth sera de la party ! La saison passée déjà, elle avait adoré leur concert à l’Alhambra. Mais de là à traverser la Manche, c’est une autre paire de, euh.

À noter quand même, pour les connoisseurs : hormis les deux frères, rien à voir entre ces deux prestations. L’an dernier, les Sparks Brothers étaient seuls en scène, comme l’indiquait le titre de leur tournée, Two Hands, One Mouth (en français : « un clavier, une voix »).

Le 20 décembre au contraire, et pour la première fois de sa carrière, le duo revisitera toute son œuvre depuis Kimono my House (1974) en compagnie d’un orchestre symphonique ! Lourde infrastructure pour un si « petit » groupe, qui exclut a priori toute perspective de tournée. Ce sera Londres ou rien – et pour nous les gens courageux, comme d’habitude ce sera Londres !

En tant que sparksiste néophyte, Élisabeth a sur moi un avantage que je lui envie : elle découvre d’un coup un répertoire de quarante ans, toujours renouvelé au fil de vingt-deux albums.

Par comparaison, nos amis les Stones, c’est à dire Mick et Keith, n’auront vraiment roulé leur bosse d’auteurs-compositeurs de génie que pendant dix ans, et surtout d’Out of Our Heads (1965) à Sticky Fingers (1971). Depuis lors ils se contentent d’amasser la mousse et, contrairement au dicton, ils n’ont jamais autant bougé, enchaînant les tournées mondiales de plus en plus géantes, lucratives et vaines…

Seule la musique live semble apte à raviver encore la flamme d’une inspiration depuis longtemps éteinte. « Tu dis ça parce que Satisfaction te rappelle ton premier slow ! » objecteront les glands. Mais le répertoire du groupe sur scène en 2014 reste essentiellement composé de morceaux d’avant 1980 – alors même qu’on voit dans les salles des gens toujours plus jeunes que moi !

Mettons les choses au point, pour éviter un courrier inutilement agressif : non seulement je ne leur jette pas la pierre mais, dans les mêmes circonstances, je ferais pareil. L’inspiration est un papillon posé sur l’épaule, n’est-ce pas ? Qui sait combien de temps avant qu’il ne reprenne son vol, et s’il reviendra jamais ? Alors autant faire le selfie tout de suite, quitte à le revendre ensuite en sérigraphie à des milliards d’exemplaires…

Ainsi font les Stones, qui engrangent encore le blé produit par des semailles cinquantenaires – et ils ont bien raison ! Après tout, comme disaient les Rouleaux Sacrés, il y a un temps pour tout, un temps pour semer et un temps pour moissonner… 

GOD SAVE THE SPARKS !

Lundi 24 novembre/Un mot à la hâte, en relisant le précédent. Les Stones, vous et moi, c’est une chose ; mais Sparks, c’est différent ! « There’s no such thing as aliens », comme ils disent. Bien sûr les frangins vieillissent, mais pas leur inspiration, toujours aussi imprévisible et rafraîchissante. À chaque nouvel album, on dirait un jeune groupe soucieux de « faire ses preuves » – à ceci près que Ron et Russell n’ont plus rien à prouver qu’à eux-mêmes, sans souci du « qu’en-vendra-t’on ».

Trois succès internationaux en quarante ans, ça fait peu. Si c’était ça l’objet, croyez-moi que Ron et Russell, pas plus cons que d’autres, auraient lâché l’affaire depuis belle lurette… Par exemple pour en revenir à leurs premières amours respectives, le graphisme et le cinéma. Mais c’est la musique qui les a réunis, alors va pour la musique – et advienne que pourra !

Que dire de deux frères qui bossent ainsi ensemble pendant si longtemps sans jamais se fâcher, sinon que j’admire ? Leur secret partagé, c’est une échelle de valeurs plutôt rare de nos jours. Tout en haut, l’inaccessible perfection de leur art ; et d’un barreau l’autre, autant que possible, la fidélité de leur public, aussi petit soit-il. (À ce propos, si vous saviez comme on se sent plus important en tant que membre du fan club de Sparks que de celui, au hasard, des Stones…)

En tant que « loyal fan », j’ai même eu à traverser les basses eaux de l’inspiration sparksienne (1983-1993). Dix ans quand même, quatre albums laborieux – et même pas de quoi faire un single digne de leur nom… Je me suis consolé en réécoutant en boucle leur magnifique trilogie britannique des années 1974-1975 : Kimono My House/Propaganda/Indiscreet. Pourquoi diable ces Californiens sont-ils retournés aux États-Unis ? Et à quoi bon revenir ensuite à la civilisation, si c’était pour s’égarer aussitôt dans l’impasse pailletée du disco à la Moroder ?

Enfin 2002 vint – et son miracle, auquel sur le moment, bien entendu, je n’ai pas cru. Finis soudain la pop aérienne et le rock Castafiore qui avaient été mon absinthe, et dont je sniffais la bouteille vide… Finis, ou plutôt sublimés dans l’extravagant Lil’Beethoven. Imaginez un album où chaque chanson serait un mini-opéra, et dont l’ambiance marierait minimalisme hypnotique et symphonie baroque, avec quelques accès bienvenus d’art rock. Eh bien, Lil’Beethoven, c’est ça – même s’il m’a fallu plus de temps pour le comprendre que pour vous l’expliquer.

À l’âge où les autres groupes des 70’s se reforment entre survivants, après trente ans de brouille, pour payer leurs impôts à coups de tubes rouillés, Ron et Russell résurrectent ! Ils font une entrée fraîche et joyeuse, remarquable et même remarquée, dans le XXIe siècle.

À première écoute, donc, je suis tombé de cheval. « C’est quoi cette bouse ? », grondai-je le nez dans la galette de polycarbonate. Il a bien dû s’écouler un mois avant que je ne tente à nouveau l’expérience…

Subtilement dilué dans mon répertoire iPodique de l’époque, j’ai fini par aimer ce « Petit Beethoven », et même par convenir qu’ils n’avaient jamais fait mieux. Simplement, ils auraient pu prévenir.[/access]

*Photo : wikicommons.

Décembre 2014 #19

Article extrait du Magazine Causeur



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