Le président a nommé hier à Matignon l’ancien ministre des Armées de 39 ans, un bon petit soldat de la macronie.
C’est un homme intelligent et aimable qui a été nommé Premier ministre. J’avais eu la chance de le rencontrer lors d’un déjeuner et sa personnalité avait séduit tous les convives. On sentait chez lui un tempérament éloigné de tout sectarisme et très doué pour un dialogue tranquille et de bon aloi.
Première surprise. Pour une fois, le président a tenu sa promesse et a même agi plus vite que prévu. C’est à saluer : la France ne pouvait plus attendre.
Un fidèle du président
Sur un plan politique, j’avais apprécié en décembre 2024 la retenue et la discrétion avec lesquelles Sébastien Lecornu avait appris son remplacement de dernière minute par François Bayrou qui avait fait le forcing auprès du président.
Celui-ci l’a chargé de réunir tous les partis – lesquels accepteront l’invitation ? – afin de déterminer, avec eux, les conditions et les modalités de la préparation du futur budget. Ensuite, seulement, si un accord a été obtenu, le prochain gouvernement sera formé.
J’espère que sur ce plan nous aurons au moins une double bonne nouvelle : le maintien comme garde des Sceaux de l’ami proche de Sébastien Lecornu, Gérald Darmanin, et de Bruno Retailleau comme ministre de l’Intérieur.
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Tactiquement, on peut concevoir la volonté d’Emmanuel Macron, tellement dégradé dans l’estime publique, de se construire un système apparemment plus confortable, moins subtilement conflictuel, avec un Premier ministre dont la révérence, le dévouement et peut-être l’admiration seront acquis. Sébastien Lecornu est un proche, un fidèle, un organisateur hors pair. Aucun coup fourré ne viendra de lui contre Emmanuel Macron.
En demeurant sur le plan de la manœuvre, est-ce pourtant une si bonne idée de s’être installé avec lui dans un pré carré d’autant plus attaqué qu’il sera constitué par un président très largement désavoué et par son favori ?
Tout dépend de ce qu’Emmanuel Macron va demander à Sébastien Lecornu. Un respect absolu de la fonction présidentielle, une concordance totale de vues, une défense systématique des propos et des actions du président, une assurance d’avoir auprès de lui une assise sûre et respectueuse ? Il les aura.
Mais si Emmanuel Macron souhaite profiter de son Premier ministre pour reprendre pied véritablement dans la politique active, dans une présidence qui le sortira de l’inévitable léthargie qu’il a engendrée avec cette dissolution calamiteuse, ce sera beaucoup plus dangereux.
Art du compromis
Sébastien Lecornu, quels que soient ses talents, sa finesse, son art du compromis, sera lui-même menacé, comme ses prédécesseurs, par une Assemblée tripartite, donc non maîtrisable, avec les risques qui en découleront. Sébastien Lecornu protégera-t-il le président, comme l’a affirmé Yves Thréard sur BFM TV ? Ou au contraire son possible échec, les oppositions qu’il devra affronter, l’impossibilité même au coup par coup d’une majorité, l’éventuel délitement de ses projets, ne seront-ils pas perçus comme des opportunités supplémentaires de s’en prendre au président dont les enquêtes d’opinion montrent durablement un bas niveau ? La proximité va rassurer le président, mais ne va-t-elle pas ajouter à son discrédit ? Car avec Sébastien Lecornu, aucune défausse possible : il a tranché vite, il l’a voulu. Il sera associé à l’embellie si elle survient. Mais s’il y a fiasco, si l’implacable mécanique d’une démocratie parlementaire dévoyée prend le dessus, Emmanuel Macron continuera de descendre. Sa démission sera réclamée mais qui l’imagine capable de s’incriminer au point de s’effacer avant l’heure républicaine ?




