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« Sirât », d’Oliver Laxe, en salles aujourd’hui


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© Pyramide Distribution.

On connaît la chanson: la rentrée de septembre, c’est la grande sortie des films présentés en mai au Festival de Cannes. Pour le pire et pas pour le meilleur, hélas. « Sirât », d’Oliver Laxe, en salles aujourd’hui


La nouvelle coqueluche des cinéphiles snobs s’intitule Sirât, un film réalisé par le cinéaste franco-espagnol Oliver Laxe. Selon l’islam, « sirat » renvoie à un pont qui relie l’enfer et le paradis, et que l’on doit traverser le jour du Jugement dernier. Disons-le d’entrée de jeu, on reste en enfer durant ces très longues cent vingt minutes. Deux heures de vacuité absolue, mais qui se veulent à la fois métaphysiques, expérimentales, radicales et profondément cinématographiques. L’enfer est, dit-on, pavé de bonnes intentions. Ici, il est carrément envahi de clichés et de caricatures qui, durant le Festival de Cannes, ont déjà soulevé les passions de ceux qui confondent pensée et posture, mystique et fumisterie. Quant au jury de ce même festival présidé par l’ineffable Juliette Binoche, il n’a rien trouvé de mieux à faire que de lui attribuer ex aequo son prix du Jury (l’autre récompensé, Sound of Falling, de Masha Schilinski, s’avérant tout aussi boursouflé). Et pourquoi pas la Palme d’or tant qu’on y était ?

Que raconte ce monument d’emphase ? Un père (Sergi Lopez qui tout au long du film trimballe sa dégaine paresseuse) fait irruption dans une rave party interdite organisée dans le Sud marocain. Débutent alors trente minutes de musique techno expérimentale et assourdissante qu’on est obligé de subir, avant qu’apparaissent à l’écran le titre du film et son générique d’ouverture. Si cette coquetterie inutile était la seule, on serait indulgent à son égard, mais ce n’est que le commencement d’une série de facilités et autres positions « artistiques » se voulant audacieuses.

On comprend rapidement que ce père de famille est à la recherche de sa fille Mar, une jeune adulte disparue depuis plusieurs mois et habituée de ce type de festivités bruyantes. Il distribue avec son fils des photos de la disparue aux teufeurs, en vain. Mais apprenant qu’une autre rave party est prévue dans le désert, plus au sud, ils décident de faire route avec une bande de marginaux déglingués, clochards punks sortis d’une cour des miracles que n’aurait pas reniés le Tod Browning de Freaks. On est malheureusement à mille lieues des beautés vénéneuses de ce film culte. Littéralement abrutis par les drogues, écrasés par la musique et lestés parfois de lourds handicaps physiques (l’un d’eux porte une prothèse improvisée qui, évidemment, ne l’empêche pas de se lancer dans de torrides chorégraphies technoïdes), ces spécimens d’une humanité façon Mad Max nous sont présentés comme le condensé d’un monde alternatif possible et forcément émouvant – ils ne sont que pathétiques.

Il est sidérant de constater comment l’étalage de cette philosophie d’une pauvreté absolue trouve preneur. Selon le réalisateur, il s’agirait de mettre en avant un « chemin intérieur qui te pousse à mourir avant de mourir ». Comprenne qui pourra ou plus précisément qui aura la faiblesse d’adhérer à cet hymne béat aux forces telluriques et autres transes mystiques chères aux gourous de tous bords. Pour faire passer sa pilule d’ecstasy, Oliver Laxe nous fait le coup de la fin du monde à venir. La conclusion vire alors au jeu de massacre. Après avoir filmé une scène ignoble en créant un suspense autour de la mort d’un enfant, le cinéaste transforme son film en une immense salle de jeu vidéo ultra-violent. Le décor devient un champ de mines qui explosent une à une sous les pieds des protagonistes. Colère divine ? Bêtise stupéfiante – au sens propre du terme ? Délire démiurgique d’un scénariste en mal de puissance ou en panne totale d’inspiration ? Toutes les hypothèses se valent, car elles débouchent sur le même constat : en faisant exploser ses personnages, Oliver Laxe ne fait que révéler son attraction mortifère et douteuse pour le néant et le vide abyssal d’une pensée chic, choc et toc.

Sortie le 10 septembre

Septembre 2025 – #137

Article extrait du Magazine Causeur




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Critique de cinéma. Il propose la rubrique "Tant qu'il y aura des films" chaque mois, dans le magazine

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