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Bataillon sur le grill

Le président de la commission d’enquête sur le renouvellement des fréquences TNT est critiqué par ses pairs pour avoir accepté une invitation de Cyril Hanouna


Bataillon sur le grill
Le député Quentin Bataillon invité dans l'émission TPMP sur C8, 2 avril 2024. DR.

Le député Renaissance Quentin Bataillon est sous le feu des critiques pour avoir qualifié Yann Barthès d’«arrogant» sur le plateau de Cyril Hanouna, alors qu’il préside la commission d’enquête parlementaire sur l’attribution des fréquences de la TNT. Ses collègues semblent ignorer qu’aucun règlement l’en empêche.


En l’espace de 48 heures, certains politiques ont trouvé l’opportunité de ne pas se faire oublier des médias en dictant leurs éléments de langage minutieusement travaillés, quitte à dézinguer un de leurs proches : « erreur de jeunesse » ; « un manque de sens politique » ; « une nécessité de démissionner après avoir atteint la dignité de l’Assemblée » ; « une violation de son devoir de neutralité et de son impartialité » ; « un non-respect de ses obligations de président de commission » etc. À l’unisson de la méconnaissance des textes encadrant les commissions d’enquête parlementaires, de nombreux députés ont réalisé leur rêve de procureur pour embastiller l’inconvenant Quentin Bataillon.

À qui la faute ?

« Donnez-moi une phrase de n’importe quel homme et je me charge de le faire pendre », claironnait Fouquier-Tinville, dont l’ombre plane encore en 2024 sur l’Assemblée nationale. Le camp du Bien a donc frappé, depuis que l’édile a osé prendre place sur le plateau de Cyril Hanouna. Pire encore, le député a commis ce crime de lèse-majesté en qualifiant le présentateur Yann Barthès d’« arrogant ». Acculé – y compris par des membres de son camp ayant une méconnaissance manifeste des règles – Quentin Bataillon a fini par reconnaître au micro de France Info une « maladresse », tout en assumant sa venue dans l’émission TPMP.

La scène vécue par Quentin Bataillon est similaire à celle que nous pouvons voir durant une garde à vue profondément injuste. Assommés de question et en état d’anxiété face à une situation qui vous dépasse, vous en perdez votre latin et pouvez reconnaître, malgré la réalité des faits, des fautes que vous n’avez jamais commises.

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Les députés de La France Insoumise, partis en croisade contre le camp Bolloré depuis l’altercation violente entre un de leurs membres et Cyril Hanouna, certains députés du Parti Socialiste, et même des députés de la majorité, ont décidé de lyncher le soldat Bataillon quitte à littéralement détorquer les règlements de l’Assemblée nationale.

Pas de secrets entre nous…

Mais de quoi l’erreur de Quentin Bataillon est-elle le nom ? Nous n’avons toujours pas réponse à l’heure qu’il est. Le cadre de fonctionnement d’une enquête parlementaire est déterminé par les règlements respectifs de l’Assemblée nationale et du Sénat qui transposent les dispositions prévues à l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. La fonction de président revient naturellement à un député qui appartient à un groupe d’opposition. En l’espèce, la commission d’enquête sur « l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère nationale sur la TNT » ayant été lancée par La France insoumise, c’est au député LFI des Hauts-de-Seine, Aurélien Saintoul, que le rôle de rapporteur a été attribué. Le 6 décembre, les membres de la commission se sont réunis pour désigner un président, en l’occurrence Quentin Bataillon, et un « bureau », c’est-à-dire quatre vice-présidents et quatre secrétaires.

Une telle commission est régie par des règles strictement encadrées énoncées dans l’ordonnance précitée et les membres de la commission sont seulement soumis au secret des travaux parlementaires dont la violation est sanctionnée par un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.

La question unique à se poser est donc de savoir si Quentin Bataillon a violé le secret des travaux parlementaires en qualifiant d’arrogant son ancien interlocuteur à veste polaire. Si tel n’est pas le cas, il n’y a aucune raison qu’il soit sanctionné et a minima aucune raison qu’il démissionne ou qu’il s’excuse de quoi que ce soit. Agir a contrario serait, pour le coup, une erreur.

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Il est singulier que la droite ne réagisse pas avec véhémence concernant le comportement inadéquat du rapporteur Aurélien Saintoul – lequel s’est érigé en Pinard, procureur impérial, mais sans le talent ! Dans ses nombreux réquisitoires, notre procureur adoptait un ton méprisant en évoquant le travail de Pascal Praud, de Laurence Ferrari, mais plus généralement de CNews et de ses dirigeants à commencer par Serge Nedjar, dans une attitude non dissimulée de censurer la chaîne. Où est l’impartialité et la neutralité lorsqu’un des membres de la commission, Sophie Taillé-Polian, lançait une pétition en parallèle des travaux parlementaires pour dire « non au renouvellement de l’agrément de CNews et C8 » compte tenu d’un soi-disant manque de pluralisme sur ces chaînes… tout en refusant ouvertement l’invitation de Pascal Praud à venir débattre ?

En tout état de cause, il est toujours utile de rappeler que ni le président d’une commission ni son rapporteur ne peuvent être révoqués ; ils peuvent seulement démissionner, mais encore faut-il qu’il y ait une bonne raison. Les propos tenus par Jean-Michel Aphatie sur la prétendue atteinte à la « dignité de l’Assemblée » ne reposent sur rien, si ce n’est sur son appréciation, légèrement teintée d’une subjectivité ne dupant personne, à part son propre camp et servant une cause politique bien connue.

Bien évidemment, il en va sans dire que l’audition des membres de Quotidien – qui ont répété leur position tranchée de n’inviter aucun membre du Rassemblement national – a été vivement critiquée par plusieurs membres de LFI… Ces nouveaux inquisiteurs souhaitaient consacrer un temps politique à dézinguer le clan Bolloré. Il n’en reste pas grand-chose, si ce n’est un triste spectacle de ce que devient la politique jour après jour : des scènes de règlements de comptes, souvent personnels, et des actions menées souvent contre l’intérêt général pour maintenir au chaud, et coûte que coûte, son siège parlementaire.




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