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Le panache

Tesson était animé de colères de "délicieux scrogneugneu"


Le panache
Le journaliste Philippe Tesson dans l'émission "De bonne source" de TF1, en 1985. ©JAMES/TF1/SIPA

Je n’oublierai pas le regard bleu vif, ironique ou songeur, du journaliste Philippe Tesson.


Je ne l’ai jamais rencontré. J’arrivais après la bataille, après le légendaire Combat. Je lui transmettais des textes au Quotidien de Paris. Sans doute les lisait-il puisqu’il les publiait. L’imprimé est un miroir où l’on reconnaît sa figure.

Au tournant des années 80, je découvris une autre générosité chez le bretteur, peu tendre avec la mièvrerie des temps. J’appartenais à la bande de galopins qui exercèrent leurs griffes aux pages d’un mémorable petit journal littéraire. Les lecteurs de Matulu ne couraient pas les rues. Tesson imprima la gazette à ses frais. Coup de pouce à la jeunesse.

Nous ferraillâmes contre l’ignoble Globe de Benamou, Dray, Désir et autres «potes» intouchables… Il était odieux, intolérable pour nous que Bernanos et de Gaulle y fussent qualifiés de « fascistes ». Tesson finança les exemplaires d’Anti-Globe, la véhémente contre-attaque de Matulu. Nous ripostâmes sur-le-champ à l’escarmouche de Bergé, le mécène mitterrandien, et à ses misérables falsificateurs de mémoire.

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Tesson était animé d’une vertu d’un autre âge : le panache. Aucune tiédeur n’altérait une plume aussi tueuse qu’affectueuse. La philippique était une marque de fabrique.

Le vieux chroniqueur téméraire se plaisait au rituel des joutes télévisuelles. J’aimais l’œil bleu lunaire, vif, ironique et songeur. J’aimais ses colères de délicieux scrogneugneu.

Tesson adorait les planches. Il rêvait à une vie d’histrion. Comme Flaubert, il cherchait des gueuloirs sur la terre. Comme le grand Gustave, il savait que l’auteur n’était qu’un acteur raté, un grimacier empêché, un baladin dissuadé.

Tesson s’épargna le pensum des bouquins d’éditorialistes. Il n’encombrera ni les hospices, ni les bibliothèques. Tesson eut simplement le chic de ne pas écrire. Sauf à la sauvette, à chaud, à la une des gazettes.

L’écriture, brève, éphémère – comme une représentation de Molière – était un lot de consolation, une passion secondaire au regard du sublime jeu d’acteur.

La mort de Philippe Tesson nous laisse inconsolés parce que l’élégance d’un homme, sa verve, son brio demeurent aujourd’hui sans écho.

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