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Paris, c’est fini

Le retour d’Ulysse


Paris, c’est fini
Photo: George Kourounis / Unsplash.

Le billet du vaurien


Suite d’hier

Quand j’ai quitté Paris ce 13 juillet 2020, j’étais dans la peau d’Ulysse revenant à Ithaque. Mais nulle Pénélope ne m’attendait. Le voyage avait été tumultueux. Il touchait à son terme. Ma vie aussi d’ailleurs. Elle n’avait été ni pire, ni meilleure que ce que j’en espérais. J’avais échappé aux pièges de Calypso. Mais le spectacle qui s’offrait à moi, à la Gare de Lyon, me fendait le cœur. Des masques partout, des contrôles partout. De la misère partout. J’abandonnais une ville sinistrée qui m’avait procuré tant de plaisirs et qui peu à peu se délabrait : j’assistais à la fin d’un monde et d’un art de vivre. 

Je n’avais plus rien à y faire : la presse était moribonde, l’édition sinistrée et mes amis, quand ils n’étaient pas morts comme Dominique Noguez ou Clément Rosset, n’étaient guère en meilleur état que la ville qu’ils chérissaient encore. Ce qui m’attristait le plus, c’est que tout esprit de révolte avait disparu. Avec les masques, on était parvenu à museler un peuple. Une nouvelle religion, le covidisme, s’imposait au nom de l’hygiène sans rencontrer la moindre résistance. Elle était même plébiscitée.

Joseph Goebbels qui était un maître dans l’art de la propagande, avait écrit : « Nous ne voulons pas convaincre les gens de nos idées. Nous voulons réduire leur vocabulaire de telle façon qu’ils ne puissent plus exprimer que nos idées. » Ce dont il avait rêvé, s’était réalisé à l’échelle planétaire. Bref, j’avais connu le meilleur à Paris. Il n’était pas indispensable qu’à quatre-vingt ans, je subisse le pire. Dans le TGV Lyria où j’étais seul, je songeais au mot de Dostoieski : « Il n’y a qu’une seule chose que les hommes préfèrent à la liberté, c’est la servitude. »

Il me restait peu de temps à vivre. Autant m’installer dans un Palace, comme Nabokov ou James Hadley Chase. Mon ami Cioran en avait rêvé. À défaut de Pénélope, il serait à mes côtés. Je contemplais le lac Léman. Jamais il ne m’avait paru si beau. J’éprouvais le sentiment du prisonnier libéré de sa geôle. Ou d’Ulysse de retour à Ithaque. Était-ce le point final de ma vie ? J’ai bien peur que oui, tout en me réjouissant d’avoir évité le pire. Adolescent, je voulais être écrivain à Paris. Je l’ai été. Je pensais que Lausanne est la ville idéale quand on est très jeune ou très vieux. 

Aujourd’hui, je confirme.



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