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Venus d’ici, devenus d’ailleurs

C’est un phénomène méconnu de beaucoup de Français: figurez-vous que des musulmans quittent la France, pays bien trop inhospitalier. Du moins, c’est ce que constate Le Monde pour le déplorer…


Comme toujours quand s’accumulent les « faits divers » et que la réalité brutale de l’islamisation s’impose dans les médias, l’islamo-gauchisme tente d’allumer des contre-feux et de faire entendre sa complainte victimaire. Ainsi, un récent article du Monde évoquant des musulmans qui envisagent de quitter la France alors qu’ils y sont « bien installés », joue sa partition et rencontre ces jours-ci un certain écho[1].

A sa lecture, on pourrait d’abord être tenté par la compassion vis-à-vis des situations évoquées. Du moins au début du texte. Bien vite, l’absence totale d’évocation des victimes de l’islamisme devient insupportable, tout comme le refus de la moindre remise en cause. En 2014, déjà, Abdennour Bidar écrivait dans sa Lettre ouverte au monde musulman : « Tu te réfugies dans le réflexe de l’autodéfense sans assumer aussi et surtout la responsabilité de l’autocritique. Tu te contentes de t’indigner alors que ce moment aurait été une occasion historique de te remettre en question. » Rien n’a changé.

Une « islamophobie » d’atmosphère dénoncée

Le 7 octobre, par exemple, est mentionné dans le texte du Monde. Quatre fois. Comme un « paroxysme ». Mais pas comme un paroxysme d’horreur perpétrée au cri d’Allah akbar, non, seulement comme un paroxysme de « défiance » envers les musulmans. L’origine d’une « double peine », d’une atmosphère devenue « irrespirable, suffocante. » Pas un mot pour les victimes du Hamas. Pas un mot pour nos concitoyens Juifs. Pas un mot pour dénoncer la haine qui se hurle au nom de la Palestine et de l’islam, et qui pour beaucoup de non-musulmans (et même certains musulmans) rend l’atmosphère nettement plus « irrespirable, suffocante » que ne le fait pour les musulmans une « islamophobie d’atmosphère. »

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Pire, un de ceux dont Le Monde rapporte les propos déclare : « Depuis le 7 octobre, je ne parle plus. On me soupçonne de tellement de choses déjà, je ne veux pas que l’on rajoute “antisémite” à la liste. » On en déduit que dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas, les propos que l’intéressé souhaiterait tenir seraient interprétés comme antisémites par son entourage… voilà qui laisse songeur.

Le texte reconnaît que « plus personne ne nous traite de “sale Arabe” comme dans les années 1970 ou 1980, personne ne nous traite de “sale musulman” non plus, ni ne nous agresse. » Et si des actes perpétrés contre des mosquées sont décrits (des tags, le dépôt d’une tête de sanglier…), en comparaison des crimes du Hamas ou de ceux de Mohamed Merah (que l’article, répétons-le, ne mentionne que pour déplorer le fait qu’ils « ont contribué à dégrader l’image » des musulmans), leur caractère dérisoire prêterait presque à sourire.

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Rappelons d’ailleurs qu’en France, les actes anti-sémites et anti-chrétiens sont nettement plus nombreux que les actes anti-musulmans, alors que du côté des auteurs d’actes répréhensibles la proportion est toute autre, le recteur de la Grande Mosquée de Paris lui-même déclarant il y a peu que « 70% à 80% » des détenus dans les prisons françaises sont musulmans…

La litanie des doléances des musulmans français

Mais alors ? La liste des griefs est des plus révélatrices : on y trouve, pêle-mêle, la « loi sur l’interdiction du port de signes religieux ostensibles dans les écoles publiques, en 2004 », en clair la loi sur le voile dans les écoles, l’injonction de « condamner dans la seconde haut et fort les attentats » commis au nom de l’islam, la dissolution du CCIF, les « polémiques » sur le voile et le burqini, l’interdiction de l’abaya et du qamis dans les établissements scolaires, les « fermetures de mosquées », les « attaques, en décembre 2023, contre l’établissement scolaire Averroès ». Diantre ! Les musulmans « bien installés » sur le sort desquels Le Monde voudrait nous faire pleurer seraient donc gênés de devoir condamner les attentats commis au nom de la religion qu’ils choisissent de professer ? Troublés que l’on critique le voile et le burqini ? Dérangés par l’interdiction de l’abaya et du qamis dans les écoles ? Opposés aux fermetures de mosquées considérées comme trop radicales ? Favorables au CCIF et au lycée Averroès, dont la chercheuse Florence Bergeaud-Blackler rappelait les liens avec les Frères Musulmans (voir plus bas) ? Parmi les personnes que nous présente Le Monde, une femme pour qui il était hors de question d’ôter son voile au travail, et qui a donc choisi de travailler à son domicile, sans que l’article ne songe à questionner si peu que ce soit ses priorités. « La France est en train de perdre beaucoup de talents qu’elle a formés » : si ces « talents » sont favorables au CCIF et au port du hijab dans les établissements scolaires, considèrent le port d’un symbole sexiste militant comme indispensable, et trouvent gênant de devoir condamner les attentats islamistes, la perte ne sera pas bien grande ! On serait même tentés d’y voir un début de remigration qui ne serait pas forcément malvenu.

Peut-être y a-t-il une solution fort simple. La France serait horriblement islamophobe, alors qu’il n’y aurait – bien sûr – aucun problème avec l’islam. Soit. Si l’islam ne pose aucun problème, alors il ne devrait pas être problématique de s’en inspirer, n’est-ce pas ? Proposons donc aux musulmans qui trouvent l’atmosphère française « irrespirable, suffocante » que la France, s’ils préfèrent, les traite désormais de la manière dont beaucoup d’Etats musulmans traitent les non-musulmans. Ou mieux encore : de la manière dont la charia exige que soient traités les non-musulmans ! Comment pourraient-ils s’en plaindre ? Ce serait reconnaître qu’ils ont choisi d’adhérer à une idéologie qui pousse à un comportement inacceptable envers les non-musulmans, et donc qu’il y a bel et bien un problème avec l’islam…

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[1] https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/04/18/francais-de-confession-musulmane-la-tentation-du-depart_6228469_3224.html

Macron: l’Europe à quitte ou double

A La Sorbonne, le chef de l’Etat a présenté sa nouvelle feuille de route européenne, en dramatisant les enjeux. Selon lui, «nous devons être lucides sur le fait que notre Europe, aujourd’hui, est mortelle. Elle peut mourir et cela dépend uniquement de nos choix, mais ces choix sont à faire maintenant». Il a appelé à une réorientation profonde des paradigmes européens, mais force est de constater que même revisité, tout ce qui faisait la doxa européenne reste. Analyse.


Sept ans après le célèbre discours de la Sorbonne de 2017, Emmanuel Macron a délivré sa nouvelle feuille de route pour l’Europe, ce jeudi 25 avril 2024. Une heure quarante-cinq minutes d’intervention dense et multiforme1. Saluons la constance du propos. Le président avait déjà formulé à l’époque son concept d’Europe puissance et souveraine, avant tout le monde. Aujourd’hui, nous y sommes : sous l’impulsion explicite ou subliminale de la France, et avec bien sûr l’appui de nos petits camarades européens, la physionomie de l’Europe a changé et rejoint l’image idéale projetée en 2017 par notre visionnaire de président. Puissance, prospérité et humanisme.

« Notre Europe est aujourd’hui mortelle »

L’intervention de 2024 prend une dimension assez différente de celle de 2017 (un septennat…), après la période sanitaire de 2020/2021, la guerre aux portes de l’Union européenne et les reconfigurations géostratégiques mondiales Asie/États-Unis/Russie/Sud global. L’Europe est désormais « en danger ». Les grands agrégats macroéconomiques (production, commerce mondial, technologies, innovation, productivité, dette,…) sont en berne. En trente ans, le PIB américain a progressé de 60% contre seulement 30% pour l’Europe. Une civilisation peut disparaître : « Notre Europe est aujourd’hui mortelle ». Thème zemmourien par excellence. La campagne de la liste Renaissance pour les élections européennes est à la peine. L’intervention du président est bienvenue pour tenter de remonter la pente.

De gauche à droite, Edouard Philippe, Gabriel Attal, Valérie Hayer et Yaël Braun-Pivet. Meeting de renaissance pour les élections européennes, Lille, 9 mars 2024 © Jacques Witt/SIPA

Réorientation profonde des paradigmes européens

Le président prend donc le temps de rappeler les faits d’armes de l’Union européenne  ces dernières années : la lutte contre la pandémie, la mobilisation pour l’Ukraine, les renégociations de traités bilatéraux commerciaux (les « clauses miroir », grande invention terminologique porteuse de sens), la réindustrialisation, la décarbonation. Le moment « hamiltonien » européen, qui rappelle la période où les jeunes États-Unis d’Amérique ont accepté un endettement fédéral à la fin du XVIIIème siècle et ont, de fait, scellé le caractère fédéral des États-Unis. Il est vrai que l’Union européenne a accepté pour la première fois en 2020/2021 de s’endetter à son niveau, marquant ainsi l’entrée dans un mouvement l’éloignant de l’Europe des Nations du Traité de Rome de 1957, au profit d’une approche fédérale. Sans le claironner comme il se doit, les populations n’y étant pas favorables. Surtout si on leur avait explicitement posé la question. Le président coche toutes les cases. Humble, il reconnaît d’emblée que tout n’est pas parfait. L’Europe est néanmoins sur la bonne voie. Finies, les contraintes bureaucratiques. Simplifions. En filigrane, finies les surtranspositions. L’énergie ? Concilions le nucléaire et les énergies renouvelables, l’Europe a besoin des deux.

L’agriculture : enterrées les mauvaises manières du Pacte vert, dont on conserve néanmoins les grandes lignes. Place à une Europe qui comprend, aime et aide ses agriculteurs. Le grand ordonnateur français du « Green deal » européen, Pascal Canfin, écologiste ayant rejoint le bateau Renaissance, rase aujourd’hui les murs et ne sait toujours pas s’il sera en position éligible sur la liste Renaissance…

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Maîtrisons notre avenir numérique et mettons sous tutelle les GAFA. Thierry Breton, commissaire européen en charge du marché intérieur, était au premier rang de la conférence du jour. Le président serait-il en passe de le soutenir pour la future présidence de la Commission européenne, après avoir soutenu, contre vents et marées, la très autoritaire et controversée Ursula von der Leyen, qui a du reste depuis mis – beaucoup – d’eau dans son vin du Rhin ?

Le président aime dramatiser. La force du bon théâtre. Il en est un zélateur compulsif. C’est certainement une des raisons pour lesquelles les Français ne le détestent pas complètement. Le goût de l’unité de lieu, de temps et d’action. Le président convoque les périls que connaissent les vieilles nations européennes. Il fait de l’Union la vraie chance, pour les peuples européens, de ne pas inéluctablement décliner. Le fédéralisme, vous dis-je ! Il reste en fait en filigrane, car le concept n’a pas bonne presse.

Puissance, prospérité et humanisme

Que faut-il retenir ? Tout ce qui faisait la doxa européenne – libre circulation des personnes, des biens et des capitaux, ouverture des frontières, refus du protectionnisme, politique de concurrence centrée sur les consommateurs au détriment d’une politique industrielle proprement européenne, vision hégémonique et interprétative des droits de l’homme – est revisité. Croix de bois, croix de fer, nous Européens sommes d’abord souverains, protégeons nos entreprises et nos citoyens du monde extérieur, sécurisons et débureaucratisons. Nous préparons une vraie Europe puissance, prospère et néanmoins humaniste (vive le Pacte asile et migration).

Nous sommes endettés jusqu’à la gorge ? Qu’à cela ne tienne, endettons l’Europe en plus. Nous pourrons ainsi financer les 650 à 1 100  milliards d’euros annuel nécessaires aux investissements climatiques, numériques, en intelligence artificielle, quantiques, productiques, robotiques, biotechnologiques. Promouvons nos industries européennes de défense. Soutenons même une préférence européenne. Et pourquoi pas un bloc anti-missile européen, comme le proposent les Allemands ?

Nouveauté à souligner dans le discours : l’Union des marchés de capitaux. Serpent de mer européen depuis deux décennies, ce thème émerge enfin sur un plan médiatique. L’enjeu : réorienter la forte capacité d’épargne européenne vers les entreprises européennes directement. Ce sont ainsi 300 milliards d’euros par an d’épargne européenne qui partent aux États-Unis et qui reviennent, pour partie, en Europe pour financer tel ou tel investissement américain sur le continent européen. Pourquoi : parce qu’il n’y a pas de marché unifié européen des capitaux à la différence des États-Unis. Enrico Letta, ancien Premier ministre italien (centre gauche) vient de remettre un rapport en ce sens. Le thème va désormais s’intituler « Union de l’épargne et de l’investissement ». C’est un bon début. C’est évidemment plus parlant qu’« Union des marchés de capitaux ». Nous allons pouvoir passer d’un vilain capitalisme rassis au monde sympathique de l’épargne et de l’investissement. De long terme, cela va de soi.

A lire aussi, du même auteur: Ce que nos entrepreneurs ont à dire à l’Union européenne

Autre position majeure, qui passera probablement inaperçue pour le grand public. La BCE (Banque Centrale Européenne) est appelée à intégrer un « objectif de croissance, voire un objectif de décarbonation », au-delà de sa mission relative à la maîtrise de l’inflation. Le président ouvre la boîte de Pandore. À juste titre, à vrai dire. C’est là que l’on peut voir qu’il est bon dans cette capacité hors norme à anticiper ce qu’il faut faire sur un plan public. Il n’y a pas un seul politique français ou européen de bon niveau à l’avoir compris. Derrière cette proposition, il y a la perspective de financer la transition environnementale via la BCE, sans passer par l’endettement des États. La monnaie est une convention, tout le monde le sait (en tout cas, au moins, les spécialistes de politique monétaire). Pour la dette française, c’est évidemment majeur. Les besoins annuels d’investissement européens se rapprochent du trilliard d’euros par an et sont sans commune mesure avec les 50 milliards d’euros sur cinq ans prévus par le dispositif France Industrie. Avec de tels chiffres, il vaut mieux passer par la capacité de création monétaire de la BCE pour y arriver, sans endetter les États. Ceci est une remarque très LFI, c’est vrai. Comme quoi, ils n’ont pas toujours tort !

Triangulation souverainiste

Tout se passe enfin comme si le président avait intégré l’ensemble des critiques des souverainistes et populistes de tous poils pour en faire une brillante synthèse et présenter une nouvelle doctrine d’action. La sienne. Celle des bons Européens. Fédéraliste sans le dire mais en préparant l’avènement d’une Union européenne supervisant les nations, disposant d’une taille critique et au-dessus de la mêlée. En termes socio-politiques, cela s’appelle de la triangulation. Quand on y songe, le discours 2024 du président est consensuel sur le plan des principes énoncés. Il est dans son rôle de père de la nation. Qui aujourd’hui est contre l’indépendance, la souveraineté, l’innovation, la protection de la planète, les circuits courts, le programme Erasmus ?

Discours et action

Là où le bât blesse, c’est la mise en œuvre, l’exécution dans les détails et dans le temps. La magnifique intervention du président de 2024 après celle de 2017 n’arrive plus, hélas, à cacher une foncière incapacité à « délivrer ». Une délivrance aux deux sens du terme. Mais peut-on lui en faire grief, quand on pressent la même incapacité d’action de ses contradicteurs ? Nous touchons là le problème majeur du président : il ne peut pas tout faire tout seul, pourtant il ne s’entoure pas de ceux qui pourraient utilement l’épauler, et, contradiction intrinsèque, il estime qu’il n’est pas bien servi par ses proches. C’est bien connu. Un homme politique s’entoure des personnes qui ne lui font pas d’ombre. À l’inverse, un bon chef d’entreprise s’entoure de personnes plus compétentes que lui, chacun dans son domaine. L’action publique : Stanislas Guérini, sympathique ministre en charge de la fonction publique (HEC, comme sa prédécesseure, Amélie de Montchalin, cela ne s’invente pas pour piloter des agents publics !), a du pain sur la planche pour remettre d’aplomb la fonction publique, qui est évidemment à la base de la réussite des services publics et de la maîtrise des comptes. Et donc des perspectives en matière de prélèvements obligatoire et de dette. Voici une vraie ligne directrice pour les années à venir : que le meilleur des deux sphères, publique et privée, soit au rendez-vous.

  1. https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2024/04/24/discours-sur-leurope ↩︎

À Gaza, Israël fait le sale boulot

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À l’heure actuelle, les pires détracteurs d’Israël en Occident accusent ses forces militaires de perpétrer un « génocide » contre les Palestiniens de Gaza, pendant que même les gouvernements qui sont ses alliés demandent à l’État juif de faire preuve de retenue dans ses opérations contre le Hamas afin d’épargner les vies des civils. Pourtant, on peut légitimement se demander si les puissances occidentales ont elles-mêmes pris tellement de précautions dans leurs propres campagnes militaires et pourquoi on se montre toujours plus exigeant envers Israël qu’envers d’autres pays – ou soi-même.


À Raqqa, à Mossoul, avons-nous prévenu les civils de nos bombardements par flyers ou par textos afin qu’ils fuient les zones de combat ? Alors qu’Israël s’apprête à investir Rafah non sans évacuer préalablement les civils vers des « îlots humanitaires » dans le centre de Gaza, observons que l’exigence de « proportionnalité » c’est toujours pour les Israéliens…

Or imaginez un instant que le Hamas ait établi sa base au Grand-Duché de Luxembourg. Qu’elle ait occis l’équivalent de 6 000 Français à Longwy, Thionville et Metz, qu’aurait fait la France ? Probablement à peu près la même chose qu’Israël : investir le territoire luxembourgeois et éradiquer l’organisation terroriste avec son cortège de victimes collatérales. On demande à Israël de résoudre une équation impossible : se défendre mais ne faire aucune victime civile palestinienne. Ce qui est tout simplement impossible. Comme si en Serbie, en Libye et en Afghanistan, l’OTAN, la France et les États-Unis et la « communauté internationale », respectivement, n’avaient pas tué d’enfants ni de vieillards…

Les puissances sunnites demandeuses d’un accord avec Israël

En enlevant des nourrissons et en violant des femmes, le Hamas s’est mis hors de la communauté des croyants. Tuer un innocent, c’est tuer tous les musulmans, dit le Coran. Comment des dizaines de milliers d’Arabes sunnites peuvent-ils manifester en faveur de ce mouvement, proxy de l’ennemi héréditaire chiite ? Voyez la timidité des régimes arabes dans leur critique d’Israël, voyez comment la Jordanie et l’Arabie saoudite ont prêté main forte à la protection de l’espace aérien israélien face à l’attaque sans précédent de l’Iran…

L’élimination du Hamas, proche des Frères musulmans, serait applaudie chez les voisins sunnites d’Israël : l’Égypte a mis ses propres Frères musulmans en prison après qu’ils aient gagné les élections. Mais depuis 1967, l’Égypte refuse obstinément de gérer Gaza. Elle préfère laisser les Israéliens gérer le tropisme terroriste des Palestiniens : depuis que ceux-ci ont déstabilisé le fragile équilibre ethnico-religieux libanais, personne n’en veut dans le monde arabe.

A lire aussi : Les Otages et la fête de Pessa’h

L’Arabie saoudite se démène avec les Houtis chiites du Yémen. Chacun, comme le Maroc et la Jordanie, craint le djihadisme islamiste comme la peste. L’Algérie a expérimenté ses fous de Dieu (le FIS) avec son cortège de 200 000 morts dans les années 90 et qui, eux-aussi, étaient d’une violence inouïe, décapitant des bébés. Aucun pays arabe ne veut tuer les Accords d’Abraham… conscient que le 7 octobre avait pour but de faire imploser le rapprochement arabo-israélien.

Les Européens doivent reconnaître que leur aide humanitaire est massivement détournée par le Hamas. Le rapport Colonna qui dédouane l’UNWRA de ses compromissions fait fi des preuves avancées par UN Watch. On sait que rien ne se fait à Gaza sans l’accord du Hamas. L’Union devrait au contraire se réjouir d’une bande de Gaza pacifiée par Israël dans laquelle elle pourrait financer de véritables ambulances et non des transports de troupe déguisés. Si l’organisation terroriste venait à disparaître, les Gazaouis seraient sans doute les premiers à bénéficier de la prospérité retrouvée. Une chance inespérée de faire enfin de Gaza une « Singapour en Méditerranée ». En cas de cessez-le-feu intempestif, la survie du Hamas serait en revanche catastrophique pour l’Autorité palestinienne qui perdrait tout crédit en Cisjordanie.

La Palestine, une idéologie

Au lieu de quoi la Palestine demeure l’horizon indépassable du camp du Bien. L’« antisionisme compassionnel » rapporte des voix, permet aux antisémites de parader sur les plateaux de télé en citant le quotidien israélien d’extrême gauche Haaretz, véritable cape d’invisibilité : il suffit de remplacer « boycott des Juifs » par « boycott de l’État juif ». Quand des terroristes palestiniens tuent des Juifs, ils sont considérés comme des résistants.

Peu importe que la Charte du Hamas porte en elle une intention génocidaire univoque, le Palestinien, même en uniforme hamassiste, est devenu depuis 30 ans le parangon de l’opprimé, le « nouveau Juif » en quelque sorte. On a basculé dans l’irrationnel. Dans les dîners en ville, soutenir Israël vous range dans le camp génocidaire. Chacun semble porter un intérêt obsessionnel pour le sort des Palestiniens, sans égard pour celui des otages israéliens et inversement proportionnel au sort des Juifs de diaspora, condamnés à l’exil intérieur. Si Israël était un Etat arabe, par contre, la cause palestinienne n’existerait même pas : ce seraient des Arabes tuant d’autres Arabes. Personne n’en parlerait. Qui se souvient des milliers de Palestiniens massacrés par la Jordanie ?

« Les fils d’un peuple supplicié devraient savoir se tenir à table »

Aujourd’hui, les Ouïgours musulmans sont « sinisés » de force dans des camps de concentration chinois, les Rohingyas musulmans ont été pourchassés par le Myanmar… Les 300 000 Syriens tués par leur propre président… Sans réaction de la « rue arabe » ou des islamo-gauchistes. Seuls comptent les Palestiniens occupés par des Juifs. Si les Chinois étaient juifs, qui sait ? Peut-être que BDS boycotterait le « Made in China » ?

Quant au décompte des victimes, comment accorder un quelconque crédit au « ministère de la Santé du Hamas » ? Le Pentagone fait état de 25 000 morts, Israël décompte 13 000 terroristes tués, soit 12 000 civils. C’est évidemment dramatique mais ce n’est pas un génocide. Aurions-nous fait mieux dans une ville-Etat sillonnée de 1 000 km de tunnels dont les entrées et sorties sont adossées aux hôpitaux ? Pour limiter la casse, Israël a choisi justement d’exposer ses fantassins, la plupart âgés entre 18 et 25 ans, fruits de la conscription et sel de la nation.

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Il y a plus de vingt ans, Françoise Giroud écrivait déjà dans Le Monde (13 juin 2002) : « Avec une rapidité remarquable, dès la première pierre de la seconde Intifada, un retournement s’est produit, saisissant, qui serait inexplicable sans le tableau de fond sur lequel il s’inscrit. Enfin ! On a le droit de dire du mal des Juifs ! À Paris, les personnes de bon goût ne comptent que les morts palestiniens. Quand on arrive aux autres, on ne sait plus compter. D’ailleurs, ce sont des goujats… Les fils d’un peuple supplicié devraient savoir se tenir à table, je veux dire à la guerre, et prendre les coups sans les rendre. » L’analyse de François Giroud n’a pas pris une ride : on exige depuis des mois d’ailleurs un cessez-le feu des Israéliens alors que l’éradication du Hamas est loin d’être terminée. Aurions-nous osé demander la même chose à Churchill et Roosevelt au printemps de 1945 ? Ils auraient répondu : il faut d’abord finir le travail.

Et soudain Gabriel Attal parla de “charia”

Le Premier ministre a brisé un tabou sémantique en dénonçant la charia comme l’origine de nombreuses violences en France, notamment à l’école. À la presse désormais de s’emparer de ce mot, qui a le mérite de la justesse et de la précision.


Comme à l’accoutumée, il a éludé le sujet. Le 9 avril dernier à l’Assemblée, Éric Dupond-Moretti répondait à une question sur le décès de Shemseddine, un collégien de Viry-Châtillon (91) lynché à mort une semaine plus tôt par une bande de jeunes qui voulaient le punir d’avoir eu des échanges avec la sœur de deux d’entre eux. Aux yeux de ses agresseurs, l’adolescent méritait d’être roué de coups car il avait enfreint un interdit sexuel prescrit par l’islam.

Le garde des Sceaux a un train de retard

Mais pas question pour le garde des Sceaux d’évoquer cette dimension de l’affaire. « Il n’y a pas de crime d’honneur, que des crimes d’horreur » a-t-il préféré lancer, croyant sans doute qu’un effet de manche suffisait. Notons quand même que, dans ce dossier, “Aquitator” a renoncé au vocabulaire froidement juridique dont il se prévaut d’habitude. Lui qui, dès sa prise de fonction Place-Vendôme en 2020, invitait les Français à ne pas céder au « sentiment » d’insécurité s’est pourtant épanché sur « l’horreur » – c’est-à-dire un sentiment – que lui a inspiré ce terrible fait divers. Comme quoi il n’est jamais trop tard pour comprendre et partager les émotions de ses concitoyens.

À lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Et maintenant, le djihad scolaire

Soigneusement contourné par le ministre de la Justice, le problème n’en reste pas moins posé: de quoi un tel homicide est-il le nom ? Le système médiatico-politique éprouve un certain malaise à parler des agressions entre musulmans dans notre pays quand elles sont liées à la religion. Une autre actualité récente illustre cette difficulté à nommer les choses : la mort à Bordeaux, le 10 avril, d’un Algérien suite à des coups de couteau assénés par un Afghan furieux de le voir boire de la bière au sortir du ramadan.

Dans cette affaire comme dans celle de Viry-Châtillon, les termes “terrorisme” ou “islamisme”, qui désignent des entreprises criminelles dont les auteurs revendiquent la visée politique, ne sont pas adaptés. La notion de violences “intra-ethnique” ou “intra-communautaires” n’est pas davantage satisfaisante, car elle élude en revanche le mobile religieux, pourtant essentiel si l’on veut comprendre le phénomène.

Gabriel Attal, bien dans son époque !

Aussi Gabriel Attal a-t-il visé juste quand, interrogé par Apolline de Malherbe le 18 avril sur BFMTV au sujet de la violence à l’école, il a évoqué, avec plus de courage que les autres membres de son gouvernement, « des groupes plus ou moins organisés qui cherchent à faire un entrisme islamiste », qui prônent « les préceptes de la charia ». Découlant du Coran et de la Sunna (paroles et actes de Mahomet), la charia définit les droits et devoirs, individuels et collectifs, des musulmans. Comme tout système moral, elle varie dans le temps et l’espace, fait l’objet de débats d’interprétation, et ne saurait donc être vue comme un code figé.

A lire aussi, Dominique Labarrière: Ruffin: du rififi à LFI ?

Une chose est pourtant certaine: un grand nombre des règles chariatiques, telles qu’elles sont appliquées par plusieurs États musulmans, sont incompatibles avec les lois françaises. Or ce sont ces règles anti-républicaines, notamment relatives à la liberté sexuelle, à la consommation d’alcool ou à la tenue vestimentaires, que certains essaient d’imposer dans notre pays par l’intimidation, le passage à tabac, voire l’assassinat.

Dans l’affaire de Bordeaux, Le Monde a titré : “Un meurtre lié à la consommation d’alcool des victimes le soir de l’Aïd”. Il aurait été plus honnête et pertinent d’écrire: “un meurtre chariatique”. Car à force d’éviter des mots qui fâchent, le journal du soir en devient presque complaisant. Aurait-il osé évoquer, au sujet d’une agression sexuelle, “un viol lié au port de la minijupe de la victime” ?

Quand des Québécois veulent être Français de nouveau


C’était le 20 avril 1960. Le général de Gaulle, de passage à Québec, est reçu lors d’un dîner officiel. Les verres se lèvent et tous disent, « À la France ! ». Le Général, qui ne rate jamais une bonne occasion pour honorer le panache français, dit de sa voix basse : « Chacun de vous, j’en suis sûr, pense : « Le pays d’où je viens ! » ». Il relate alors dans ses Mémoires d’espoir que passa dans l’assistance un frémissement qui ne trompe pas…

Presque jour pour jour 64 ans plus tard, le Premier ministre français, Gabriel Attal, est venu à Québec et à Montréal. Sans flamme et sans poésie (les souliers du Général sont difficiles à remplir), il adopta la traditionnelle attitude de « non-ingérence, non-indifférence » pour souhaiter un nouveau rapprochement avec le Québec. Il y a toutefois une poignée d’âmes irréductibles, et moins tièdes que lui, de la Nouvelle-France qui en appellent de tout cœur à l’Ancienne : à quand la naturalisation pour les descendants des colons français ? La question est incommode, car elle ne touche ni aux projets de laïcité qui enflamment les médias, ni au réchauffement climatique, ni au numérique. La question est incommode, aussi, car elle est nette, claire et charnelle, confrontant les idées de « rapprochements » et de « collaborations » qui flottent en l’air depuis la fin de l’épopée gaullienne. La question se pose, toutefois, et sérieusement, depuis les années 1980 et réapparaît aujourd’hui dans l’actualité québécoise. Encore en 2024, il y a de ces Québécois qui demandent à l’administration française la naturalisation, constamment refusée sous prétexte que leurs ancêtres auraient renié leur statut de Français suivant la Conquête. Or, aucun traité et aucune loi n’a jamais indiqué le retirer à ceux et celles qui choisissaient de demeurer – et survivre, culturellement – sur le nouveau territoire britannique.

Le Premier ministre Gabriel Attal avec le Premier ministre du Québec François Legault, Québec, Canada, 12 avril 2024 © Jacques Boissinot/AP/SIPA

Un grand amour… déçu

Cette situation ne manque pas d’ironie. La citoyenneté est mise à mal en France depuis belle lurette : la mère patrie gère difficilement l’intégration de ses immigrés ; des migrants sous OQTF, même criminels, sont permis de demeurer sur le territoire ; d’autres Français issus de l’immigration font l’apologie du terrorisme et mériteraient la déchéance de l’honneur que leur a conférée la Nation ; des Français en masse quittent la France pour émigrer à Montréal et espèrent devenir Québécois… et pourtant, on se dit incapable d’accorder la citoyenneté française à quelques poignées de « cousins », ces cousins-là qui sont parmi les seuls restants dans le monde à voir encore en la France leur idéal et leur grand amour, enfin l’objet d’une fidélité et d’une foi qui a traversé les générations, les défaites et les abandons.

La nouvelle initiative en date pour réunir ces individus qui réclament la naturalisation est la création du collectif « Français de nouveau ». Madame Suzanne Lachance, une Québécoise retraitée de 72 ans, ancienne conseillère municipale et présidente de l’association bénévole Québec-France en Montérégie, en est la tête d’affiche. Dans les années 1980, elle avait déjà signé une pétition – avec 20 000 autres personnes – lancée en faveur de la naturalisation des Québécois qui faisaient le choix de la France. Mais son amour pour la mère patrie date de bien plus longtemps encore : biberonnée durant sa tendre enfance à la culture française, il lui semblait appartenir à la France depuis sa naissance. Désillusionnée à l’âge de 11 ans, elle n’a cessé depuis de se réfugier dans ce qu’elle appelle son « imaginaire français » au milieu d’un Québec qui – si on se fie à la littérature française classée « étrangère » dans les rayons des librairies québécoises – ne cesse de renier la culture et l’héritage de la France. Toute sa vie, en somme, est une quête existentielle pour creuser les racines : que ce soient les vieilles pierres, la littérature, les musées, la gastronomie ou les vins, tout est perçu en terre de France comme un patrimoine qui l’appelle de ses voix quinze fois séculaires. Alors que les êtres déracinés de part et d’autre de l’Atlantique voudraient voir en ces hauts lieux une nature achetable ou des ruines sans valeur, d’autres, comme Mme Lachance, y voient des lieux chargés d’histoire, de leur histoire.

Vagues de dérision

Aujourd’hui, elle relance l’assaut en soumettant sa propre demande de naturalisation au consulat. Elle a dû faire acheminer les preuves de sa généalogie et des « liens manifestes d’ordre culturel, professionnel, économique ou familial » avec la France, sans oublier l’artillerie lourde : le soutien de l’historien Édouard Baraton, un Français amoureux du Québec et installé à Montréal, dont la thèse novatrice démontre l’injustice juridique que subissent depuis 300 ans les Québécois d’origine française.

Toutefois, il n’y a pas que l’administration française qui lui donne du fil à retordre. Des Québécois indépendantistes qui croient avec un trop-plein d’orgueil pouvoir s’épanouir sans l’amitié spirituelle et le soutien moral de la France rejettent le collectif et son appel aux appuis. D’autres encore sont assourdis par le bruit de l’Amérique, puis ne veulent rien savoir d’une France jugée « raciste » ou « post-colonisatrice ». Comme ces bêtises donnent envie, au contraire, de déclamer une véritable appartenance à la France, celle qui permette de persister et signer un passeport ! Pourvu que cette mission historique aboutisse et que Mme Lachance devienne à nouveau Française, des Québécois pourront prononcer le nom « France » non plus seulement comme le nom donné à la patrie du cœur, mais à celle de l’identité. L’accent aigu de l’Amérique n’aura plus raison d’être isolé et timide, il pourra peut-être même cesser de penser à sa survivance pour mieux réfléchir à son épanouissement, sûr d’avoir aux arrières un courage de Bayard et un cocorico tonitruant. Il est temps de renouveler les relations franco-québécoises, de leur donner de l’éclat et autant de cœur que de corps en dehors des discours dans les Assemblées nationales.

Il semble donc que le Triton et le Goéland reprennent du service depuis leur mythique voyage de 1534. Les descendants des colons de la Nouvelle-France font le voyage en sens inverse, confrontent les vagues de dérision et foncent vers les rives françaises pour que l’on exclame à la vue de Saint-Malo, « le pays d’où je viens ! » Le havresac est rempli de vivres essentiels, entres autres Le Grand Meaulnes d’Alain Fournier, Thérèse Desqueyroux de Mauriac et Madame Bovary de Flaubert. Ce sont parmi les ouvrages préférés de Mme Lachance, qui a la foi modeste d’un Bernanos – et si l’administration française nous inspire 24 heures de doute, la France éternelle, elle, procure une précieuse minute d’espérance. N’est-ce pas le seul instant qui vaille ?

Okinawa: du culte des héros tombés au champ d’horreur

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Quoique féru de temples et de châteaux médiévaux, notre chroniqueur a pris le temps de se rendre, tout au bout de l’île, dans l’immense cénotaphe qui rend hommage aux 175 000 morts de la bataille d’Okinawa (estimation basse), menée du 1er avril au 22 juin 1945, et au Quartier général de la Marine où les derniers 4000 soldats nippons se sont suicidés plutôt que de se rendre. Hommage au passé ou avertissement pour l’avenir ?


Le ciel bas et lourd pesait comme un couvercle, la mousson menaçait, il a fallu prendre un bus, interminablement, puis un deuxième, tout aussi tortueux, pour arriver enfin au Parc d’Okinawa pour la Paix, au bout du Cap Kyan.
Site admirable — des dizaines d’hectares de pelouses et d’arbres adultes taillés avec la précision d’un bonsaï. Sur la gauche, un haut mémorial, comme une flèche, au-dessus d’une chapelle où repose un Bouddha magistral, sculpté et surtout laqué par l’artiste okinawaien Shinzan Yamada, en hommage aux deux fils qu’il avait perdus dans la bataille. À ses pieds, les centaines de guirlandes de grues en origami dont j’ai déjà parlé l’année dernière à propos d’Hiroshima, symboles de paix et de souvenir à l’usage des présents.
Il n’y avait d’ailleurs pour ainsi dire personne sur toute l’étendue du parc, sinon une centaine de lycéens venus retrouver là les noms de leurs grands-parents.

Car la particularité de ce gigantesque monument aux morts est de rassembler, sur des plaques de marbre noir alignées en trois-quarts de cercle comme les tombes à la fin du Bon, la Brute et le Truand, aussi bien les noms des Japonais tombés dans cet immense égorgement dont témoigna Tu ne tueras point, le film de Mel Gibson, que ceux des Okinawaiens (ne pas mélanger, je vais y revenir), des Coréens embauchés eux aussi de force, des Américains et de leurs Alliés… Des plaques encore vierges attendent les noms, qui viennent s’ajouter chaque année, des corps démembrés, conservés pour identification, et dont les identités finissent par émerger des cendres.
Une flamme inversée — en fait, une fontaine perpétuelle, belle idée — salue le souvenir des braves et des salauds, des trouillards et des héros, des Nippons et des Uncle Sam, tous ramenés à leur statut fragile d’êtres humains.

Imaginez, dans nos villes et nos villages, des monuments couplant dans la fraternité définitive de la mort les noms français et allemands… J’entends d’ici des voix scandalisées s’élever. Ce serait pourtant un beau symbole, puisqu’on en est à célébrer l’amitié franco-allemande…

Dans Goodbye Mister Chips (1934), James Hilton montre son héros, professeur déjà âgé dans une public school, rendre hommage devant une assistance stupéfaite, au plus fort des combats de la Grande Guerre, à un ex-professeur d’Allemand tombé pour le Kaiser Guillaume II, et cité parmi les anciens élèves morts pour George V. Une lubie ? Pas même : les morts ont (chèrement) gagné le droit de ne plus avoir de sentiments nationalistes.
Est-ce à dire que les Japonais, soudain, auraient abandonné leur identité nippone ? Ils sont plus complexes que ça. Le Monument tout entier est un avertissement aux Américains — qui ont encore une base dans l’île, avec près de 20 000 hommes (que l’on voit peu, mais qui ont enfanté dans les rues de Naha McDo et KFC, monuments culturels d’outre-Atlantique), et dont les avions de chasse s’entraînent à pilonner des îlots perdus des îles Ryukyu. « Nous vous avons combattu avec férocité, nous sommes désormais alliés, mais si vous comptez sur nous pour vous aider à sauver Taïwan, un de ces jours prochains, de l’emprise chinoise, il faudra que vous y pensiez à deux fois. »

L’idée m’est revenue quelques heures plus tard en visitant le QG souterrain de la Marine impériale, des centaines de mètres de tunnels creusés à la pioche dans la roche de corail fossile. Là se tassèrent les derniers soldats qui faisaient encore front. Quand tout fut perdu, ils se suicidèrent en masse — 4000 hommes se couchant sur leurs grenades dégoupillées — pendant que leurs officiers se faisaient seppuku selon la méthode traditionnelle.
Comme l’officier Yahara demandait au général Yushijima la permission de le suivre dans l’au-delà, il s’est vu refuser cet honneur : « Si vous mourez, il n’y aura pas un survivant connaissant la vérité sur la bataille d’Okinawa. Portez cette honte provisoire, mais supportez-la. Ceci est un ordre de votre Commandant. » Sur la table installée dans l’ultime bunker de l’Etat-major, les fleurs dans le vase sont constamment renouvelées, des bâtonnets d’encens fument devant un mini-temple, et hier, c’est toujours demain.
Trois lycéennes en uniforme visitaient les lieux de leur propre chef. Une façon de saluer, à distance, les 2016 collégiens venus de 21 écoles de l’île, 1418 garçons, 505 filles et une cinquantaine d’enseignants, tous utilisés pour porter les munitions ou secourir les blessés, et dont la moitié moururent pendant les combats, dégagés à lance-flammes.

Si mes collègues n’étaient pas, souvent, des gauchistes qui ont des comptes à régler avec la France, ils feraient d’utiles sorties scolaires dans les hauts lieux d’où transpire encore l’Histoire. Parce que le souvenir des morts sert d’enseignement aux vivants — et même à ceux qui ne sont pas encore nés.
Les morts okinawaiens ont été entassés dans des tombes-tortues typiques de l’île (leur forme rappellent, m’a-t-on expliqué, celle de l’utérus, afin que les défunts réintègrent le Grand Tout), cénotaphes collectifs qui tapissent les flancs de ces collines aujourd’hui fleuries d’hibiscus, hier dévastées au lance-flammes. Y nichent, prétend-on, les serpents mortels que l’on glisse dans les bocaux où infusent des eaux-de-vie recherchées.
Désastre supplémentaire de cette bataille d’Okinawa, les fûts pluri-centenaires où vieillissaient les grandes cuvées d’awamori, l’eau-de-vie typique de l’île, ont été détruits pendant les bombardements. Un à-côté des centaines de milliers de morts civils : ils n’ont pas été dénombrés exactement, ils représentent entre un quart et un tiers de la population, d’autant que des familles entières se sont suicidées pour éviter de tomber entre les mains des Américains. Imaginez une France avec 20 millions de morts en une seule bataille.
Le bilan des pertes fut si élevé qu’il fut l’argument suprême pour inciter Truman à lacer les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki, au mois d’août 1945. Une façon d’éviter un nouveau carnage humain des deux côtés.

Deux hommes et un couffin

Quiconque ose demander au couturier homosexuel Simon Porte Jacquemus et à son compagnon qui est la mère de leurs jumeaux, se voit accusé d’homophobie. Pourtant, la GPA, interdite en France, demeure une question éthique légitime.


Décidément il est de plus en plus compliqué d’aborder sans passion et anathèmes certaines questions fondamentales tant elles sont devenues des façons de faire le procès en fascisme des uns et en égocentrisme destructeur des autres. Le tout sans que tout ce cirque ne se termine jamais sur une façon intéressante d’analyser ce que ces accès de fièvre disent d’une société en pleine implosion.

Cette fois-ci, c’est Marion Maréchal qui se retrouve dans la tourmente pour avoir retweeté un post paru sur X émanant de Gossip Room, site spécialisé dans les nouvelles liées au monde du divertissement, qui annonçait que le designer Simon Porte-Jacquemus et son compagnon étaient devenus papas. Commentaire lapidaire de la numéro 2 de Reconquête : « Où est la maman ? ».

Fantasmes

La formulation du tweet initial du site people pouvait effectivement donner l’impression que l’on était dans un monde fictionnel où les hommes accouchent et où les femmes sont évacuées de l’histoire. Il se trouve que les images, qui accompagnaient les félicitations adressées aux deux hommes devenus pères, évoquaient également le monde de la maternité et de l’accouchement. Voilà pourquoi cela ne pouvait que faire remarquer l’invisibilisation de la femme qui venait d’accoucher comme la volonté de l’effacer pour déployer le récit d’un enfantement fantasmé. À ce titre la question « où est la mère » n’est pas illégitime et se pose d’autant plus que le refus des réalités biologiques est un des marqueurs d’une abolition du réel au profit d’une fiction où seule la volonté et le désir individuel comptent.

Le problème, c’est qu’en matière d’adoption cette fiction ne date pas d’hier. L’adoption plénière notamment efface l’origine des enfants et met en place une nouvelle filiation. Si un couple de même sexe adopte un enfant, les deux partenaires seront co-adoptants et auront une responsabilité parentale partagée. Ainsi, si pour faire un enfant, il faut bien un homme et une femme, pour l’élever les configurations peuvent être plus diverses et deux hommes peuvent parfaitement en être chargés. Effectivement, sur ce point-là, la réaction de Marion Maréchal peut être interprétée comme relevant d’une difficulté d’acceptation de l’homoparentalité.

GPA hors la loi

Autre point, si la communication du couple Jacquemus évacue soigneusement la question de la mère, c’est aussi parce que les deux hommes ne sont pas en règle vis-à-vis de la loi française. En effet, les jumeaux sont manifestement nés suite à une GPA, Gestation Pour Autrui. Un acte qui consiste pour des couples riches, à louer le ventre d’une femme pauvre pour y placer des embryons. Emmanuel Macron s’était même engagé en 2017 à maintenir l’interdiction de la GPA en en faisant « une question d’éthique et de dignité ». Il faut dire que le trafic financier autour de la GPA fait de l’enfant un bien que l’on peut vendre ou acheter le ramène à un statut d’objet. La mère et l’enfant sont réduits au statut de moyens au service des désirs d’autrui. Le corps devient une ressource comme une autre. Selon Sylviane Agacinski, qui a beaucoup travaillé sur ces questions, la GPA s’apparente au retour d’une forme d’esclavage où certains hommes ne sont plus sujets mais objet de droit, où certaines circonstances les réduisent à l’état de choses, susceptibles d’être vendues ou échangées, où leur corps n’est plus inaliénable mais peut être acheté ou occupé.

Il y a ici une dimension ultralibérale qui s’exprime : le droit est une triangulation. Le contrat ne met pas deux personnes en relation mais trois : les deux co-contractants et l’Etat qui assure le cadre au sein duquel le contrat est passé et qui permet d’en imposer le respect si l’un des partenaires est défaillant. Sans cette triangulation, il n’y a pas contrat, c’est la loi du plus fort qui s’abat sur le plus faible, du plus riche qui s’exerce sur le plus pauvre.

À ce titre il y a un vrai souci à hurler à l’homophobie pour exhiber sa vertu et à faire dans le même temps impasse sur les questions éthiques que pose la GPA. D’autant qu’en majorité ce sont aujourd’hui des couples hétérosexuels qui y ont recours. Poser la question de la mère est dans ce cadre pertinent, quel que soit le couple en cause, et ne marque pas une « homophobie décomplexée ». Même si dans le cas de Marion Maréchal on peut penser que le couple homosexuel n’est pas son idéal de configuration familiale et même si on peut penser qu’il est déplacé de se servir d’une annonce liée à la vie privée d’un couple pour déployer un discours politique.

La GPA vient d’être reconnue comme un crime au niveau de l’Union européenne au même titre que l’esclavage ou la prostitution forcée

Ce qui serait réellement homophobe serait de penser que les deux hommes en question ne sont pas susceptibles d’élever un enfant et de leur contester ce droit. En revanche être choqué de l’évacuation de la mère comme de l’utilisation de la GPA s’entend. D’ailleurs, l’Union européenne vient de réaffirmer son refus de la GPA en adoptant une loi qui la criminalise. Mais surtout, il y a une réalité de l’homophobie qui, elle, n’est pas combattue parce qu’elle heurte les représentations qui voient dans le vieux blanc d’extrême-droite, l’acmé de l’homophobie. Or aujourd’hui l’homophobie est plutôt l’apanage du jeune musulman. En effet, les agressions contre les homosexuels sont en forte hausse et sont liées en partie à l’explosion de l’islamisme et au rejet de l’homosexualité dans les cultures arabo-musulmanes. Comme dans le cas de l’antisémitisme, le vieux fond culturel d’extrême-droite n’a pas disparu mais de nouveaux acteurs apparaissent.

Pour preuve ? Alors que Rima Hassan voyait dans la possibilité de tomber à bras raccourci sur Marion Maréchal, l’occasion de se poser en grande conscience morale, ce que son image de soutien du Hamas rend impossible, elle a été vite rattrapée par la patrouille islamiste et son aversion de l’homosexualité. Un certain Youssef Hindi lui rappelant « qu’on ne combat pas le Diable sioniste en faisant équipe avec Sodome et Gomorrhe ». On ne saurait être plus clair. Et cette façon de penser ne s’exprime pas que sur X, mais est à l’origine de nombreux guets-apens tendus aux homosexuels. Rappelez-vous la démission de l’élu socialiste Boris Venon aux Mureaux qui disait avoir vécu 11 agressions physiques à raison de son orientation sexuelle. Suite à cela, un reportage tourné dans les quartiers difficiles des Mureaux avait montré le rejet très fort de l’homosexualité notamment chez les jeunes musulmans. État des lieux confirmé par un sondage IFOP en 2019 : 63% des musulmans estimaient que l’homosexualité était un crime contre 14% chez les catholiques (10% chez les personnes se déclarant sans religion). L’écart est énorme et parle de différences culturelles profondes.

Il y a là un travail important à faire auprès d’une population pour réellement faire progresser l’acceptation de l’homosexualité. Et se défouler à bon compte sur Marion Maréchal ne résoudra en rien le problème de fond de la réalité de l’explosion de l’homophobie.

Les otages et la fête de Pessa’h

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Cette année, la nuit du Seder de Pessa’h fut vraiment différente des autres nuits.


Dans beaucoup de foyers juifs dans le monde, un siège était vide parmi les invités et ce siège n’était pas destiné au prophète Elie, le précurseur du Messie.

Tout le monde n’a pas le cœur à la fête

Je suppose que beaucoup de familles d’otages n’ont pas eu le cœur à célébrer. S’appesantir sur les opinions divergentes de Rabbi Yossé, Rabbi Eliezer et Rabbi Akiba quant au nombre exact de plaies qu’ont subies les Égyptiens alors qu’on ignore si l’enfant, l’époux ou le père sont encore en vie et s’ils le sont, dans quel état ils se trouvent, réclame une faculté de mise à distance qui n’est pas à la portée du commun des mortels.

Et puis, il y a ceux dont un être cher a été tué ou gravement blessé, ceux ou celles, surtout celles, qui ne pourront jamais oublier les heures abominables. Il y a ceux qui ont vu leur quotidien bouleversé et il y a les familles de soldats qui vivent dans l’inquiétude. Il y a nous tous pour qui le 7 octobre restera une date noire et pour qui la fête de Simhat Tora et le Yom Hashoah qui adviendra dans quelques jours, ces deux moments de joie et de tristesse du calendrier, se grefferont désormais d’une signification supplémentaire et tragique.

Le cas de Hersh Goldberg-Polin

Hier 24 avril a été diffusée par le Hamas la vidéo d’un des otages1, un extraordinaire soulagement pour sa famille qui le voit vivant. Hersh Goldberg-Polin, 24 ans, a été enlevé et gravement blessé au festival Nova. Dans un texte probablement écrit par ses geôliers, il critique durement Benjamin Netanyahu, qu’il rend responsable de l’échec des négociations, de la mort lors de bombardements de 70 otages et auquel il demande de démissionner. La mère du jeune homme, Rachel Goldberg, est une israélo-américaine qui a rencontré les dirigeants du monde, dont le Pape et Joe Biden, pour défendre la cause des otages et qui a été nommée par le magazine Time parmi les 100 personnalités de l’année. C’est dire que le choix de présenter une vidéo de son fils pendant la fête de Pessah est un coup médiatique habile du Hamas, une arme de pression qui n’améliorera pas, surtout aux États-Unis, l’image d’un Premier ministre israélien fréquemment  accusé de se désintéresser du sort des otages et dont la relation avec leurs familles est déjà pour le moins houleuse.

À lire aussi, Gil Mihaely: Famine organisée à Gaza: mensonge de guerre

Seuls trois otages ont été directement libérés par l’armée israélienne et des informations alarmantes, que cette video semble confirmer, circulent sur le nombre de survivants. C’est à cause de la position maximaliste du Hamas que les négociations sont au point mort mais ce sont les Israéliens qui en seront mensongèrement rendus responsables, comme ils le seront bientôt d’avoir provoqué la mort des otages, et dès maintenant de commettre un génocide, d’organiser une famine et de massacrer des prisonniers. De fait, la situation des otages, cause majeure de la guerre, est passée au second plan des exigences internationales au regard de la souffrance de la population gazaouie. Bientôt peut-être on ne parlera d’eux que comme de simples prisonniers, car le mot « otage » pourrait offenser le Hamas…

La fête de la liberté

Israël, qui est en lutte contre un ennemi impitoyable et puissant, l’islamisme, rencontre dans le monde une déferlante d’hostilité là-même où il devrait trouver un soutien. La tentation existe d’en faire un autre épisode de la litanie des ennemis du peuple juif, celle de Had Gadya qui clôture la cérémonie du Seder. Mais plutôt que de ressasser cette conclusion amère, il faut rappeler que Pessa’h est avant tout la fête de la liberté.

Cette liberté, les Juifs de la diaspora ont d’autant plus les moyens de la revendiquer naturellement dans leurs pays qu’il existe un Etat du peuple juif, l’Etat d’Israël.

La liberté, rappelait David Ben Gourion, n’est pas synonyme de sécurité, et les citoyens israéliens doivent lutter durement pour la préserver. Mais liberté n’est pas non plus synonyme de soumission et grâce à Israël, les Juifs du monde entier savent que le temps de la dhimmitude, et pas seulement celui de l’esclavage en Egypte, est désormais un temps révolu.


  1. https://www.tf1info.fr/international/guerre-israel-hamas-le-hamas-publie-une-video-mettant-en-scene-un-otage-enleve-le-7-octobre-hersh-goldberg-polin-2297218.html ↩︎

Un bug politique

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Apple embarrassée. Quand les utilisateurs d’iPhone cherchaient une émoticône pour illustrer un message sur leur téléphone, l’entrée «Jerusalem» donnait comme résultat le drapeau palestinien…


La propagande propalestinienne s’infiltre presque partout dans les sociétés occidentales, même là où on s’y attend le moins, par exemple dans les fonctionnalités de votre iPhone.

Comme chacun le sait, quand on tape un texte sur un smartphone, le système prédictif propose des émojis selon les mots qu’on est un train d’écrire : l’image d’un cœur pour « amour », des mains qui prient pour « s’il te plait »… Or, si avec le clavier en anglais, on tape « Jerusalem » sur le téléphone d’Apple, c’est l’emoji du drapeau palestinien qui est proposé. Le 9 avril, Rachel Riley, présentatrice de télévision britannique dont la mère est juive, poste sur X (anciennement Twitter) une capture d’écran, rappelle ce que c’est que l’antisémitisme et ajoute une requête à l’intention de la marque à la pomme : « Veuillez expliquer s’il s’agit d’un acte intentionnel de la part de votre entreprise ou si vous n’avez aucune mainmise sur les interventions de pirates informatiques ». Elle fait remarquer que taper le nom d’aucune autre capitale ne suscite la proposition d’un drapeau national. L’apparition de l’emoji palestinien est le résultat d’une mise à jour du système opératoire qu’Apple a rendue disponible pour ses clients au mois de mars.

Interrogée par la BBC, l’entreprise de la Silicon Valley a prétexté, de manière très faible, un bogue informatique qui serait corrigé par une mise à jour ultérieure. Personne ne peut ignorer que Jérusalem est la capitale d’Israël, tandis que la partie est de la ville est réclamée par les Palestiniens pour la capitale de leur futur État, si jamais un tel État voit le jour. Dans la situation de crise actuelle, un « bogue » qui semble trancher dans ce débat et même effacer implicitement l’existence d’Israël, peut-il être le fruit du seul hasard ?

Maurice Renoma, l’homme qui se marre

La maison Renoma incarne un style chic et décalé. Une fantaisie insufflée par Maurice, son fondateur. Styliste, photographe et galeriste, ce jeune homme de 83 ans est mis à l’honneur dans un beau livre, et sa mascotte, un poisson rouge, s’expose à l’Aquarium de Paris…


La maison Renoma a 60 ans. C’est peu dire que Maurice, son juvénile fondateur et immarcescible patron, n’accuse pas ses 83 piges. Dans le regard de ce bonhomme de petite taille, pâle, chenu, nippé comme s’il avait toujours 20 ans, se lit une malice pétillante, quelque chose d’enfantin, j’allais presque écrire : d’immature, qui vous met à l’aise d’emblée. C’est pourtant un homme d’affaires madré, le Renoma ! En 1963, il ouvre à Paris avec son frère la boutique White House Renoma. Le style chic décalé de ses vêtements fait fureur chez les « minets » du XVIe. Plus tard, il multiplie les licences partout sur la planète. Fortune faite, il se recentre sur la fameuse boutique du 129bis, rue de la Pompe, adresse immuable, face au lycée Janson-de-Sailly. C’est là, dans les étages, qu’il aménage L’Appart, un espace tarabiscoté où il expose ses amis, mais surtout ses propres travaux. Autodidacte, travailleur infatigable, doué d’un optimisme et d’une confiance en lui à toute épreuve, Maurice Renoma, dans les années 1990, se met, en plus, à la photo. Depuis, ses images fantasques et gentiment transgressives tapissent les cimaises de nombre de galeries ou d’espaces prestigieux, en France comme à l’étranger.

Ce « roman d’une vie » nous est conté sous les auspices de Flammarion dans l’écrin d’un beau livre accordé au style Renoma : un collage. Titres pleine page en énormes caractères, portfolio sur papier glacé alternent avec les feuillets mats qui portent ces iconographies dissidentes ; quant aux témoignages, on les lit en lettres blanches sur fond noir, textes où Maurice, relayé par la plume de Sonia Rachline, confesse sans emphase son petit tas de secrets, comme disait l’autre.

Entre fashion et people, la mémorialiste est à son affaire, elle à qui l’on doit, entre autres, un Karl Lagerfeld de A à Z (Gallimard, 2019) ou encore, un David Bowie n’est pas mort (Robert Laffont, 2017). La voilà donc qui s’attaque désormais à un vrai vivant parmi les vivants. Le titre de l’ouvrage cadre avec son héros : Maurice Renoma : hors cadre – justement. Car la quadrature du créatif, c’est bien d’être curviligne, telle la route du poisson rouge dans l’aquarium, rebelle au parcours fléché : espèce amphibie, muette et furtive dont le Maurice plasticien s’est fait une mascotte en plastique, dotée même d’un prénom :« Cristobal » – ce que la banane est à Andy Warhol ? Sinon que, au contraire de la banane, « le poisson rouge n’est pas bête du tout, dixit Maurice. Si on le remet dans son élément aquatique, il grandit et retrouve ses réflexes. »

Et il lui consacre même une expo ! L’idée est née d’une rencontre, à La Havane, avec le célèbre israélo-cubano-argentin Enrique Rottenberg. Jusqu’au mois de mai, le fétiche à branchies de Maurice Renoma est à l’honneur à l’aquarium de Paris, enfoui sous la colline de Chaillot. Plus folâtre que militante, plus pulsionnelle qu’engagée, sa figurine y est en immersion, sous la forme de vidéos et de photographies, dans la mouvance du pop-art. Histoire de nous rappeler aussi que les poissons ingurgitent innocemment le plastique déversé par millions de tonnes dans les océans… Le recyclage est une vieille croisade de la griffe Renoma.

A lire aussi: Et l’art, c’est du poulet ?

Les témoignages égrainés dans le livre de Sonia Rachline sont précieux. À commencer par celui de Stéphanie, la fille de Maurice, créatrice de mode et photographe. Elle note : « Le rapport s’est d’ailleurs inversé : l’adulte, c’est moi. » De son côté, l’ex-patron de l’Espace Pierre Cardin, Nicolas Laugero Lasserre, à présent galeriste et « entrepreneur d’art » (sic), se présente comme le « fils spirituel » de Maurice, « sous le charme de tous ses rituels : les repas, les parties de ping-pong, les promenades en forêt, le marché ». Il a d’ailleurs acheté une maison en Normandie, à un kilomètre de celle où son mentor reçoit le week-end ses amis de tous âges. Il y a aussi Marc Held, « l’ami de longue date » – architecte et designer ; ou encore Jean-Jacques Feldman, « le presque frère », qui dit de Maurice :« c’est un vrai triste, mais un vrai triste juif… C’est-à-dire que sa tristesse est toujours accompagnée d’un sursaut de dérision. »

Il est vrai que venir au monde un 23 octobre 1940 n’est pas alors une sûre promesse d’avenir. L’enfant est « gaucher, (contraint à la main droite) dyslexique, bègue ». Dans le quartier du Sentier, ses parents, émigrés juifs polonais, tiennent atelier et boutique de confection. La famille trouve refuge à la campagne. Le père inscrit son fils turbulent dans une école de comptabilité : Maurice aime les chiffres ; ils le lui rendent bien. « Vierge de savoir, d’instruction, de connaissances », il laissera « parler son instinct, suivre son bon sens et sa sensibilité, sans aucun tabou, aux antipodes de l’académisme ». Son frère aîné Michel, démobilisé à son retour d’Algérie, le rejoint dans cette maison de couture qui « redistribue les codes vestimentaires » : recyclages, couleurs affirmées, patchworks, détournements de pièces d’ameublement, coupes cintrées, réactualisations vintage– Escher ou Vasarely comme inspirateurs d’un classicisme en rupture de ban. Dénichée par hasard, l’adresse de la rue de la Pompe devient l’épicentre d’une entreprise florissante. Les points de vente se multiplient, en France, en Europe, aux États-Unis, en Asie. « Chez lui, la spéculation est un muscle hyper développé », plaisante Sonia Rachline. Même si « le marketing, dans sa bouche, devient un gros mot. » C’est pourquoi Maurice finit par se délester de ses licences : leur gestion entravait sa créativité. Recentré sur la boutique, il lance L’Appart, « espace ouvert aux événements, happenings, expositions ». Le Renoma Café Gallery, sur l’avenue George-V, lui sert de QG relationnel. N’étaient les tables nappées d’un blanc immaculé, le chic déglingué du restaurant est bien à l’image de Maurice. Sonnez, trompettes de la Renoma !

À lire

Sonia Rachline, Maurice Renoma : hors cadre, Flammarion, 25 mars 2024.

À voir

« Mythologies du poisson rouge », carte blanche à Maurice Renoma, aquarium de Paris. Jusqu’au 3 mai 2024.

À fréquenter

Boutique Renoma et L’Appart,129bis, rue de la Pompe, Paris 16e.

Restaurant Renoma Café Gallery, 32, avenue George-V, Paris 8e.

Venus d’ici, devenus d’ailleurs

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Rassemblement des musulmans du nord de la France, UOIF, Lille, 7 février 2016 © Sarah ALCALAY/SIPA

C’est un phénomène méconnu de beaucoup de Français: figurez-vous que des musulmans quittent la France, pays bien trop inhospitalier. Du moins, c’est ce que constate Le Monde pour le déplorer…


Comme toujours quand s’accumulent les « faits divers » et que la réalité brutale de l’islamisation s’impose dans les médias, l’islamo-gauchisme tente d’allumer des contre-feux et de faire entendre sa complainte victimaire. Ainsi, un récent article du Monde évoquant des musulmans qui envisagent de quitter la France alors qu’ils y sont « bien installés », joue sa partition et rencontre ces jours-ci un certain écho[1].

A sa lecture, on pourrait d’abord être tenté par la compassion vis-à-vis des situations évoquées. Du moins au début du texte. Bien vite, l’absence totale d’évocation des victimes de l’islamisme devient insupportable, tout comme le refus de la moindre remise en cause. En 2014, déjà, Abdennour Bidar écrivait dans sa Lettre ouverte au monde musulman : « Tu te réfugies dans le réflexe de l’autodéfense sans assumer aussi et surtout la responsabilité de l’autocritique. Tu te contentes de t’indigner alors que ce moment aurait été une occasion historique de te remettre en question. » Rien n’a changé.

Une « islamophobie » d’atmosphère dénoncée

Le 7 octobre, par exemple, est mentionné dans le texte du Monde. Quatre fois. Comme un « paroxysme ». Mais pas comme un paroxysme d’horreur perpétrée au cri d’Allah akbar, non, seulement comme un paroxysme de « défiance » envers les musulmans. L’origine d’une « double peine », d’une atmosphère devenue « irrespirable, suffocante. » Pas un mot pour les victimes du Hamas. Pas un mot pour nos concitoyens Juifs. Pas un mot pour dénoncer la haine qui se hurle au nom de la Palestine et de l’islam, et qui pour beaucoup de non-musulmans (et même certains musulmans) rend l’atmosphère nettement plus « irrespirable, suffocante » que ne le fait pour les musulmans une « islamophobie d’atmosphère. »

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Pire, un de ceux dont Le Monde rapporte les propos déclare : « Depuis le 7 octobre, je ne parle plus. On me soupçonne de tellement de choses déjà, je ne veux pas que l’on rajoute “antisémite” à la liste. » On en déduit que dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas, les propos que l’intéressé souhaiterait tenir seraient interprétés comme antisémites par son entourage… voilà qui laisse songeur.

Le texte reconnaît que « plus personne ne nous traite de “sale Arabe” comme dans les années 1970 ou 1980, personne ne nous traite de “sale musulman” non plus, ni ne nous agresse. » Et si des actes perpétrés contre des mosquées sont décrits (des tags, le dépôt d’une tête de sanglier…), en comparaison des crimes du Hamas ou de ceux de Mohamed Merah (que l’article, répétons-le, ne mentionne que pour déplorer le fait qu’ils « ont contribué à dégrader l’image » des musulmans), leur caractère dérisoire prêterait presque à sourire.

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Rappelons d’ailleurs qu’en France, les actes anti-sémites et anti-chrétiens sont nettement plus nombreux que les actes anti-musulmans, alors que du côté des auteurs d’actes répréhensibles la proportion est toute autre, le recteur de la Grande Mosquée de Paris lui-même déclarant il y a peu que « 70% à 80% » des détenus dans les prisons françaises sont musulmans…

La litanie des doléances des musulmans français

Mais alors ? La liste des griefs est des plus révélatrices : on y trouve, pêle-mêle, la « loi sur l’interdiction du port de signes religieux ostensibles dans les écoles publiques, en 2004 », en clair la loi sur le voile dans les écoles, l’injonction de « condamner dans la seconde haut et fort les attentats » commis au nom de l’islam, la dissolution du CCIF, les « polémiques » sur le voile et le burqini, l’interdiction de l’abaya et du qamis dans les établissements scolaires, les « fermetures de mosquées », les « attaques, en décembre 2023, contre l’établissement scolaire Averroès ». Diantre ! Les musulmans « bien installés » sur le sort desquels Le Monde voudrait nous faire pleurer seraient donc gênés de devoir condamner les attentats commis au nom de la religion qu’ils choisissent de professer ? Troublés que l’on critique le voile et le burqini ? Dérangés par l’interdiction de l’abaya et du qamis dans les écoles ? Opposés aux fermetures de mosquées considérées comme trop radicales ? Favorables au CCIF et au lycée Averroès, dont la chercheuse Florence Bergeaud-Blackler rappelait les liens avec les Frères Musulmans (voir plus bas) ? Parmi les personnes que nous présente Le Monde, une femme pour qui il était hors de question d’ôter son voile au travail, et qui a donc choisi de travailler à son domicile, sans que l’article ne songe à questionner si peu que ce soit ses priorités. « La France est en train de perdre beaucoup de talents qu’elle a formés » : si ces « talents » sont favorables au CCIF et au port du hijab dans les établissements scolaires, considèrent le port d’un symbole sexiste militant comme indispensable, et trouvent gênant de devoir condamner les attentats islamistes, la perte ne sera pas bien grande ! On serait même tentés d’y voir un début de remigration qui ne serait pas forcément malvenu.

Peut-être y a-t-il une solution fort simple. La France serait horriblement islamophobe, alors qu’il n’y aurait – bien sûr – aucun problème avec l’islam. Soit. Si l’islam ne pose aucun problème, alors il ne devrait pas être problématique de s’en inspirer, n’est-ce pas ? Proposons donc aux musulmans qui trouvent l’atmosphère française « irrespirable, suffocante » que la France, s’ils préfèrent, les traite désormais de la manière dont beaucoup d’Etats musulmans traitent les non-musulmans. Ou mieux encore : de la manière dont la charia exige que soient traités les non-musulmans ! Comment pourraient-ils s’en plaindre ? Ce serait reconnaître qu’ils ont choisi d’adhérer à une idéologie qui pousse à un comportement inacceptable envers les non-musulmans, et donc qu’il y a bel et bien un problème avec l’islam…

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[1] https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/04/18/francais-de-confession-musulmane-la-tentation-du-depart_6228469_3224.html

Macron: l’Europe à quitte ou double

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Discours sur l'Europe à la Sorbonne, Paris, 25 avril 2024 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

A La Sorbonne, le chef de l’Etat a présenté sa nouvelle feuille de route européenne, en dramatisant les enjeux. Selon lui, «nous devons être lucides sur le fait que notre Europe, aujourd’hui, est mortelle. Elle peut mourir et cela dépend uniquement de nos choix, mais ces choix sont à faire maintenant». Il a appelé à une réorientation profonde des paradigmes européens, mais force est de constater que même revisité, tout ce qui faisait la doxa européenne reste. Analyse.


Sept ans après le célèbre discours de la Sorbonne de 2017, Emmanuel Macron a délivré sa nouvelle feuille de route pour l’Europe, ce jeudi 25 avril 2024. Une heure quarante-cinq minutes d’intervention dense et multiforme1. Saluons la constance du propos. Le président avait déjà formulé à l’époque son concept d’Europe puissance et souveraine, avant tout le monde. Aujourd’hui, nous y sommes : sous l’impulsion explicite ou subliminale de la France, et avec bien sûr l’appui de nos petits camarades européens, la physionomie de l’Europe a changé et rejoint l’image idéale projetée en 2017 par notre visionnaire de président. Puissance, prospérité et humanisme.

« Notre Europe est aujourd’hui mortelle »

L’intervention de 2024 prend une dimension assez différente de celle de 2017 (un septennat…), après la période sanitaire de 2020/2021, la guerre aux portes de l’Union européenne et les reconfigurations géostratégiques mondiales Asie/États-Unis/Russie/Sud global. L’Europe est désormais « en danger ». Les grands agrégats macroéconomiques (production, commerce mondial, technologies, innovation, productivité, dette,…) sont en berne. En trente ans, le PIB américain a progressé de 60% contre seulement 30% pour l’Europe. Une civilisation peut disparaître : « Notre Europe est aujourd’hui mortelle ». Thème zemmourien par excellence. La campagne de la liste Renaissance pour les élections européennes est à la peine. L’intervention du président est bienvenue pour tenter de remonter la pente.

De gauche à droite, Edouard Philippe, Gabriel Attal, Valérie Hayer et Yaël Braun-Pivet. Meeting de renaissance pour les élections européennes, Lille, 9 mars 2024 © Jacques Witt/SIPA

Réorientation profonde des paradigmes européens

Le président prend donc le temps de rappeler les faits d’armes de l’Union européenne  ces dernières années : la lutte contre la pandémie, la mobilisation pour l’Ukraine, les renégociations de traités bilatéraux commerciaux (les « clauses miroir », grande invention terminologique porteuse de sens), la réindustrialisation, la décarbonation. Le moment « hamiltonien » européen, qui rappelle la période où les jeunes États-Unis d’Amérique ont accepté un endettement fédéral à la fin du XVIIIème siècle et ont, de fait, scellé le caractère fédéral des États-Unis. Il est vrai que l’Union européenne a accepté pour la première fois en 2020/2021 de s’endetter à son niveau, marquant ainsi l’entrée dans un mouvement l’éloignant de l’Europe des Nations du Traité de Rome de 1957, au profit d’une approche fédérale. Sans le claironner comme il se doit, les populations n’y étant pas favorables. Surtout si on leur avait explicitement posé la question. Le président coche toutes les cases. Humble, il reconnaît d’emblée que tout n’est pas parfait. L’Europe est néanmoins sur la bonne voie. Finies, les contraintes bureaucratiques. Simplifions. En filigrane, finies les surtranspositions. L’énergie ? Concilions le nucléaire et les énergies renouvelables, l’Europe a besoin des deux.

L’agriculture : enterrées les mauvaises manières du Pacte vert, dont on conserve néanmoins les grandes lignes. Place à une Europe qui comprend, aime et aide ses agriculteurs. Le grand ordonnateur français du « Green deal » européen, Pascal Canfin, écologiste ayant rejoint le bateau Renaissance, rase aujourd’hui les murs et ne sait toujours pas s’il sera en position éligible sur la liste Renaissance…

A lire aussi : La fin de l’Europe écolo-woke ?

Maîtrisons notre avenir numérique et mettons sous tutelle les GAFA. Thierry Breton, commissaire européen en charge du marché intérieur, était au premier rang de la conférence du jour. Le président serait-il en passe de le soutenir pour la future présidence de la Commission européenne, après avoir soutenu, contre vents et marées, la très autoritaire et controversée Ursula von der Leyen, qui a du reste depuis mis – beaucoup – d’eau dans son vin du Rhin ?

Le président aime dramatiser. La force du bon théâtre. Il en est un zélateur compulsif. C’est certainement une des raisons pour lesquelles les Français ne le détestent pas complètement. Le goût de l’unité de lieu, de temps et d’action. Le président convoque les périls que connaissent les vieilles nations européennes. Il fait de l’Union la vraie chance, pour les peuples européens, de ne pas inéluctablement décliner. Le fédéralisme, vous dis-je ! Il reste en fait en filigrane, car le concept n’a pas bonne presse.

Puissance, prospérité et humanisme

Que faut-il retenir ? Tout ce qui faisait la doxa européenne – libre circulation des personnes, des biens et des capitaux, ouverture des frontières, refus du protectionnisme, politique de concurrence centrée sur les consommateurs au détriment d’une politique industrielle proprement européenne, vision hégémonique et interprétative des droits de l’homme – est revisité. Croix de bois, croix de fer, nous Européens sommes d’abord souverains, protégeons nos entreprises et nos citoyens du monde extérieur, sécurisons et débureaucratisons. Nous préparons une vraie Europe puissance, prospère et néanmoins humaniste (vive le Pacte asile et migration).

Nous sommes endettés jusqu’à la gorge ? Qu’à cela ne tienne, endettons l’Europe en plus. Nous pourrons ainsi financer les 650 à 1 100  milliards d’euros annuel nécessaires aux investissements climatiques, numériques, en intelligence artificielle, quantiques, productiques, robotiques, biotechnologiques. Promouvons nos industries européennes de défense. Soutenons même une préférence européenne. Et pourquoi pas un bloc anti-missile européen, comme le proposent les Allemands ?

Nouveauté à souligner dans le discours : l’Union des marchés de capitaux. Serpent de mer européen depuis deux décennies, ce thème émerge enfin sur un plan médiatique. L’enjeu : réorienter la forte capacité d’épargne européenne vers les entreprises européennes directement. Ce sont ainsi 300 milliards d’euros par an d’épargne européenne qui partent aux États-Unis et qui reviennent, pour partie, en Europe pour financer tel ou tel investissement américain sur le continent européen. Pourquoi : parce qu’il n’y a pas de marché unifié européen des capitaux à la différence des États-Unis. Enrico Letta, ancien Premier ministre italien (centre gauche) vient de remettre un rapport en ce sens. Le thème va désormais s’intituler « Union de l’épargne et de l’investissement ». C’est un bon début. C’est évidemment plus parlant qu’« Union des marchés de capitaux ». Nous allons pouvoir passer d’un vilain capitalisme rassis au monde sympathique de l’épargne et de l’investissement. De long terme, cela va de soi.

A lire aussi, du même auteur: Ce que nos entrepreneurs ont à dire à l’Union européenne

Autre position majeure, qui passera probablement inaperçue pour le grand public. La BCE (Banque Centrale Européenne) est appelée à intégrer un « objectif de croissance, voire un objectif de décarbonation », au-delà de sa mission relative à la maîtrise de l’inflation. Le président ouvre la boîte de Pandore. À juste titre, à vrai dire. C’est là que l’on peut voir qu’il est bon dans cette capacité hors norme à anticiper ce qu’il faut faire sur un plan public. Il n’y a pas un seul politique français ou européen de bon niveau à l’avoir compris. Derrière cette proposition, il y a la perspective de financer la transition environnementale via la BCE, sans passer par l’endettement des États. La monnaie est une convention, tout le monde le sait (en tout cas, au moins, les spécialistes de politique monétaire). Pour la dette française, c’est évidemment majeur. Les besoins annuels d’investissement européens se rapprochent du trilliard d’euros par an et sont sans commune mesure avec les 50 milliards d’euros sur cinq ans prévus par le dispositif France Industrie. Avec de tels chiffres, il vaut mieux passer par la capacité de création monétaire de la BCE pour y arriver, sans endetter les États. Ceci est une remarque très LFI, c’est vrai. Comme quoi, ils n’ont pas toujours tort !

Triangulation souverainiste

Tout se passe enfin comme si le président avait intégré l’ensemble des critiques des souverainistes et populistes de tous poils pour en faire une brillante synthèse et présenter une nouvelle doctrine d’action. La sienne. Celle des bons Européens. Fédéraliste sans le dire mais en préparant l’avènement d’une Union européenne supervisant les nations, disposant d’une taille critique et au-dessus de la mêlée. En termes socio-politiques, cela s’appelle de la triangulation. Quand on y songe, le discours 2024 du président est consensuel sur le plan des principes énoncés. Il est dans son rôle de père de la nation. Qui aujourd’hui est contre l’indépendance, la souveraineté, l’innovation, la protection de la planète, les circuits courts, le programme Erasmus ?

Discours et action

Là où le bât blesse, c’est la mise en œuvre, l’exécution dans les détails et dans le temps. La magnifique intervention du président de 2024 après celle de 2017 n’arrive plus, hélas, à cacher une foncière incapacité à « délivrer ». Une délivrance aux deux sens du terme. Mais peut-on lui en faire grief, quand on pressent la même incapacité d’action de ses contradicteurs ? Nous touchons là le problème majeur du président : il ne peut pas tout faire tout seul, pourtant il ne s’entoure pas de ceux qui pourraient utilement l’épauler, et, contradiction intrinsèque, il estime qu’il n’est pas bien servi par ses proches. C’est bien connu. Un homme politique s’entoure des personnes qui ne lui font pas d’ombre. À l’inverse, un bon chef d’entreprise s’entoure de personnes plus compétentes que lui, chacun dans son domaine. L’action publique : Stanislas Guérini, sympathique ministre en charge de la fonction publique (HEC, comme sa prédécesseure, Amélie de Montchalin, cela ne s’invente pas pour piloter des agents publics !), a du pain sur la planche pour remettre d’aplomb la fonction publique, qui est évidemment à la base de la réussite des services publics et de la maîtrise des comptes. Et donc des perspectives en matière de prélèvements obligatoire et de dette. Voici une vraie ligne directrice pour les années à venir : que le meilleur des deux sphères, publique et privée, soit au rendez-vous.

  1. https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2024/04/24/discours-sur-leurope ↩︎

À Gaza, Israël fait le sale boulot

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Des soldats israéliens photographiés devant Gaza, le 9 avril 2024 © Leo Correa/AP/SIPA

À l’heure actuelle, les pires détracteurs d’Israël en Occident accusent ses forces militaires de perpétrer un « génocide » contre les Palestiniens de Gaza, pendant que même les gouvernements qui sont ses alliés demandent à l’État juif de faire preuve de retenue dans ses opérations contre le Hamas afin d’épargner les vies des civils. Pourtant, on peut légitimement se demander si les puissances occidentales ont elles-mêmes pris tellement de précautions dans leurs propres campagnes militaires et pourquoi on se montre toujours plus exigeant envers Israël qu’envers d’autres pays – ou soi-même.


À Raqqa, à Mossoul, avons-nous prévenu les civils de nos bombardements par flyers ou par textos afin qu’ils fuient les zones de combat ? Alors qu’Israël s’apprête à investir Rafah non sans évacuer préalablement les civils vers des « îlots humanitaires » dans le centre de Gaza, observons que l’exigence de « proportionnalité » c’est toujours pour les Israéliens…

Or imaginez un instant que le Hamas ait établi sa base au Grand-Duché de Luxembourg. Qu’elle ait occis l’équivalent de 6 000 Français à Longwy, Thionville et Metz, qu’aurait fait la France ? Probablement à peu près la même chose qu’Israël : investir le territoire luxembourgeois et éradiquer l’organisation terroriste avec son cortège de victimes collatérales. On demande à Israël de résoudre une équation impossible : se défendre mais ne faire aucune victime civile palestinienne. Ce qui est tout simplement impossible. Comme si en Serbie, en Libye et en Afghanistan, l’OTAN, la France et les États-Unis et la « communauté internationale », respectivement, n’avaient pas tué d’enfants ni de vieillards…

Les puissances sunnites demandeuses d’un accord avec Israël

En enlevant des nourrissons et en violant des femmes, le Hamas s’est mis hors de la communauté des croyants. Tuer un innocent, c’est tuer tous les musulmans, dit le Coran. Comment des dizaines de milliers d’Arabes sunnites peuvent-ils manifester en faveur de ce mouvement, proxy de l’ennemi héréditaire chiite ? Voyez la timidité des régimes arabes dans leur critique d’Israël, voyez comment la Jordanie et l’Arabie saoudite ont prêté main forte à la protection de l’espace aérien israélien face à l’attaque sans précédent de l’Iran…

L’élimination du Hamas, proche des Frères musulmans, serait applaudie chez les voisins sunnites d’Israël : l’Égypte a mis ses propres Frères musulmans en prison après qu’ils aient gagné les élections. Mais depuis 1967, l’Égypte refuse obstinément de gérer Gaza. Elle préfère laisser les Israéliens gérer le tropisme terroriste des Palestiniens : depuis que ceux-ci ont déstabilisé le fragile équilibre ethnico-religieux libanais, personne n’en veut dans le monde arabe.

A lire aussi : Les Otages et la fête de Pessa’h

L’Arabie saoudite se démène avec les Houtis chiites du Yémen. Chacun, comme le Maroc et la Jordanie, craint le djihadisme islamiste comme la peste. L’Algérie a expérimenté ses fous de Dieu (le FIS) avec son cortège de 200 000 morts dans les années 90 et qui, eux-aussi, étaient d’une violence inouïe, décapitant des bébés. Aucun pays arabe ne veut tuer les Accords d’Abraham… conscient que le 7 octobre avait pour but de faire imploser le rapprochement arabo-israélien.

Les Européens doivent reconnaître que leur aide humanitaire est massivement détournée par le Hamas. Le rapport Colonna qui dédouane l’UNWRA de ses compromissions fait fi des preuves avancées par UN Watch. On sait que rien ne se fait à Gaza sans l’accord du Hamas. L’Union devrait au contraire se réjouir d’une bande de Gaza pacifiée par Israël dans laquelle elle pourrait financer de véritables ambulances et non des transports de troupe déguisés. Si l’organisation terroriste venait à disparaître, les Gazaouis seraient sans doute les premiers à bénéficier de la prospérité retrouvée. Une chance inespérée de faire enfin de Gaza une « Singapour en Méditerranée ». En cas de cessez-le-feu intempestif, la survie du Hamas serait en revanche catastrophique pour l’Autorité palestinienne qui perdrait tout crédit en Cisjordanie.

La Palestine, une idéologie

Au lieu de quoi la Palestine demeure l’horizon indépassable du camp du Bien. L’« antisionisme compassionnel » rapporte des voix, permet aux antisémites de parader sur les plateaux de télé en citant le quotidien israélien d’extrême gauche Haaretz, véritable cape d’invisibilité : il suffit de remplacer « boycott des Juifs » par « boycott de l’État juif ». Quand des terroristes palestiniens tuent des Juifs, ils sont considérés comme des résistants.

Peu importe que la Charte du Hamas porte en elle une intention génocidaire univoque, le Palestinien, même en uniforme hamassiste, est devenu depuis 30 ans le parangon de l’opprimé, le « nouveau Juif » en quelque sorte. On a basculé dans l’irrationnel. Dans les dîners en ville, soutenir Israël vous range dans le camp génocidaire. Chacun semble porter un intérêt obsessionnel pour le sort des Palestiniens, sans égard pour celui des otages israéliens et inversement proportionnel au sort des Juifs de diaspora, condamnés à l’exil intérieur. Si Israël était un Etat arabe, par contre, la cause palestinienne n’existerait même pas : ce seraient des Arabes tuant d’autres Arabes. Personne n’en parlerait. Qui se souvient des milliers de Palestiniens massacrés par la Jordanie ?

« Les fils d’un peuple supplicié devraient savoir se tenir à table »

Aujourd’hui, les Ouïgours musulmans sont « sinisés » de force dans des camps de concentration chinois, les Rohingyas musulmans ont été pourchassés par le Myanmar… Les 300 000 Syriens tués par leur propre président… Sans réaction de la « rue arabe » ou des islamo-gauchistes. Seuls comptent les Palestiniens occupés par des Juifs. Si les Chinois étaient juifs, qui sait ? Peut-être que BDS boycotterait le « Made in China » ?

Quant au décompte des victimes, comment accorder un quelconque crédit au « ministère de la Santé du Hamas » ? Le Pentagone fait état de 25 000 morts, Israël décompte 13 000 terroristes tués, soit 12 000 civils. C’est évidemment dramatique mais ce n’est pas un génocide. Aurions-nous fait mieux dans une ville-Etat sillonnée de 1 000 km de tunnels dont les entrées et sorties sont adossées aux hôpitaux ? Pour limiter la casse, Israël a choisi justement d’exposer ses fantassins, la plupart âgés entre 18 et 25 ans, fruits de la conscription et sel de la nation.

A lire aussi : L’Europe se défend à Kiev

Il y a plus de vingt ans, Françoise Giroud écrivait déjà dans Le Monde (13 juin 2002) : « Avec une rapidité remarquable, dès la première pierre de la seconde Intifada, un retournement s’est produit, saisissant, qui serait inexplicable sans le tableau de fond sur lequel il s’inscrit. Enfin ! On a le droit de dire du mal des Juifs ! À Paris, les personnes de bon goût ne comptent que les morts palestiniens. Quand on arrive aux autres, on ne sait plus compter. D’ailleurs, ce sont des goujats… Les fils d’un peuple supplicié devraient savoir se tenir à table, je veux dire à la guerre, et prendre les coups sans les rendre. » L’analyse de François Giroud n’a pas pris une ride : on exige depuis des mois d’ailleurs un cessez-le feu des Israéliens alors que l’éradication du Hamas est loin d’être terminée. Aurions-nous osé demander la même chose à Churchill et Roosevelt au printemps de 1945 ? Ils auraient répondu : il faut d’abord finir le travail.

Et soudain Gabriel Attal parla de “charia”

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Le Premier ministre Gabriel Attal sur l'antenne de BFMTV, 18 avril 2024. DR.

Le Premier ministre a brisé un tabou sémantique en dénonçant la charia comme l’origine de nombreuses violences en France, notamment à l’école. À la presse désormais de s’emparer de ce mot, qui a le mérite de la justesse et de la précision.


Comme à l’accoutumée, il a éludé le sujet. Le 9 avril dernier à l’Assemblée, Éric Dupond-Moretti répondait à une question sur le décès de Shemseddine, un collégien de Viry-Châtillon (91) lynché à mort une semaine plus tôt par une bande de jeunes qui voulaient le punir d’avoir eu des échanges avec la sœur de deux d’entre eux. Aux yeux de ses agresseurs, l’adolescent méritait d’être roué de coups car il avait enfreint un interdit sexuel prescrit par l’islam.

Le garde des Sceaux a un train de retard

Mais pas question pour le garde des Sceaux d’évoquer cette dimension de l’affaire. « Il n’y a pas de crime d’honneur, que des crimes d’horreur » a-t-il préféré lancer, croyant sans doute qu’un effet de manche suffisait. Notons quand même que, dans ce dossier, “Aquitator” a renoncé au vocabulaire froidement juridique dont il se prévaut d’habitude. Lui qui, dès sa prise de fonction Place-Vendôme en 2020, invitait les Français à ne pas céder au « sentiment » d’insécurité s’est pourtant épanché sur « l’horreur » – c’est-à-dire un sentiment – que lui a inspiré ce terrible fait divers. Comme quoi il n’est jamais trop tard pour comprendre et partager les émotions de ses concitoyens.

À lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Et maintenant, le djihad scolaire

Soigneusement contourné par le ministre de la Justice, le problème n’en reste pas moins posé: de quoi un tel homicide est-il le nom ? Le système médiatico-politique éprouve un certain malaise à parler des agressions entre musulmans dans notre pays quand elles sont liées à la religion. Une autre actualité récente illustre cette difficulté à nommer les choses : la mort à Bordeaux, le 10 avril, d’un Algérien suite à des coups de couteau assénés par un Afghan furieux de le voir boire de la bière au sortir du ramadan.

Dans cette affaire comme dans celle de Viry-Châtillon, les termes “terrorisme” ou “islamisme”, qui désignent des entreprises criminelles dont les auteurs revendiquent la visée politique, ne sont pas adaptés. La notion de violences “intra-ethnique” ou “intra-communautaires” n’est pas davantage satisfaisante, car elle élude en revanche le mobile religieux, pourtant essentiel si l’on veut comprendre le phénomène.

Gabriel Attal, bien dans son époque !

Aussi Gabriel Attal a-t-il visé juste quand, interrogé par Apolline de Malherbe le 18 avril sur BFMTV au sujet de la violence à l’école, il a évoqué, avec plus de courage que les autres membres de son gouvernement, « des groupes plus ou moins organisés qui cherchent à faire un entrisme islamiste », qui prônent « les préceptes de la charia ». Découlant du Coran et de la Sunna (paroles et actes de Mahomet), la charia définit les droits et devoirs, individuels et collectifs, des musulmans. Comme tout système moral, elle varie dans le temps et l’espace, fait l’objet de débats d’interprétation, et ne saurait donc être vue comme un code figé.

A lire aussi, Dominique Labarrière: Ruffin: du rififi à LFI ?

Une chose est pourtant certaine: un grand nombre des règles chariatiques, telles qu’elles sont appliquées par plusieurs États musulmans, sont incompatibles avec les lois françaises. Or ce sont ces règles anti-républicaines, notamment relatives à la liberté sexuelle, à la consommation d’alcool ou à la tenue vestimentaires, que certains essaient d’imposer dans notre pays par l’intimidation, le passage à tabac, voire l’assassinat.

Dans l’affaire de Bordeaux, Le Monde a titré : “Un meurtre lié à la consommation d’alcool des victimes le soir de l’Aïd”. Il aurait été plus honnête et pertinent d’écrire: “un meurtre chariatique”. Car à force d’éviter des mots qui fâchent, le journal du soir en devient presque complaisant. Aurait-il osé évoquer, au sujet d’une agression sexuelle, “un viol lié au port de la minijupe de la victime” ?

Quand des Québécois veulent être Français de nouveau

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L'Isle-aux-Coudres, Québec, 2018 © Bony/SIPA

C’était le 20 avril 1960. Le général de Gaulle, de passage à Québec, est reçu lors d’un dîner officiel. Les verres se lèvent et tous disent, « À la France ! ». Le Général, qui ne rate jamais une bonne occasion pour honorer le panache français, dit de sa voix basse : « Chacun de vous, j’en suis sûr, pense : « Le pays d’où je viens ! » ». Il relate alors dans ses Mémoires d’espoir que passa dans l’assistance un frémissement qui ne trompe pas…

Presque jour pour jour 64 ans plus tard, le Premier ministre français, Gabriel Attal, est venu à Québec et à Montréal. Sans flamme et sans poésie (les souliers du Général sont difficiles à remplir), il adopta la traditionnelle attitude de « non-ingérence, non-indifférence » pour souhaiter un nouveau rapprochement avec le Québec. Il y a toutefois une poignée d’âmes irréductibles, et moins tièdes que lui, de la Nouvelle-France qui en appellent de tout cœur à l’Ancienne : à quand la naturalisation pour les descendants des colons français ? La question est incommode, car elle ne touche ni aux projets de laïcité qui enflamment les médias, ni au réchauffement climatique, ni au numérique. La question est incommode, aussi, car elle est nette, claire et charnelle, confrontant les idées de « rapprochements » et de « collaborations » qui flottent en l’air depuis la fin de l’épopée gaullienne. La question se pose, toutefois, et sérieusement, depuis les années 1980 et réapparaît aujourd’hui dans l’actualité québécoise. Encore en 2024, il y a de ces Québécois qui demandent à l’administration française la naturalisation, constamment refusée sous prétexte que leurs ancêtres auraient renié leur statut de Français suivant la Conquête. Or, aucun traité et aucune loi n’a jamais indiqué le retirer à ceux et celles qui choisissaient de demeurer – et survivre, culturellement – sur le nouveau territoire britannique.

Le Premier ministre Gabriel Attal avec le Premier ministre du Québec François Legault, Québec, Canada, 12 avril 2024 © Jacques Boissinot/AP/SIPA

Un grand amour… déçu

Cette situation ne manque pas d’ironie. La citoyenneté est mise à mal en France depuis belle lurette : la mère patrie gère difficilement l’intégration de ses immigrés ; des migrants sous OQTF, même criminels, sont permis de demeurer sur le territoire ; d’autres Français issus de l’immigration font l’apologie du terrorisme et mériteraient la déchéance de l’honneur que leur a conférée la Nation ; des Français en masse quittent la France pour émigrer à Montréal et espèrent devenir Québécois… et pourtant, on se dit incapable d’accorder la citoyenneté française à quelques poignées de « cousins », ces cousins-là qui sont parmi les seuls restants dans le monde à voir encore en la France leur idéal et leur grand amour, enfin l’objet d’une fidélité et d’une foi qui a traversé les générations, les défaites et les abandons.

La nouvelle initiative en date pour réunir ces individus qui réclament la naturalisation est la création du collectif « Français de nouveau ». Madame Suzanne Lachance, une Québécoise retraitée de 72 ans, ancienne conseillère municipale et présidente de l’association bénévole Québec-France en Montérégie, en est la tête d’affiche. Dans les années 1980, elle avait déjà signé une pétition – avec 20 000 autres personnes – lancée en faveur de la naturalisation des Québécois qui faisaient le choix de la France. Mais son amour pour la mère patrie date de bien plus longtemps encore : biberonnée durant sa tendre enfance à la culture française, il lui semblait appartenir à la France depuis sa naissance. Désillusionnée à l’âge de 11 ans, elle n’a cessé depuis de se réfugier dans ce qu’elle appelle son « imaginaire français » au milieu d’un Québec qui – si on se fie à la littérature française classée « étrangère » dans les rayons des librairies québécoises – ne cesse de renier la culture et l’héritage de la France. Toute sa vie, en somme, est une quête existentielle pour creuser les racines : que ce soient les vieilles pierres, la littérature, les musées, la gastronomie ou les vins, tout est perçu en terre de France comme un patrimoine qui l’appelle de ses voix quinze fois séculaires. Alors que les êtres déracinés de part et d’autre de l’Atlantique voudraient voir en ces hauts lieux une nature achetable ou des ruines sans valeur, d’autres, comme Mme Lachance, y voient des lieux chargés d’histoire, de leur histoire.

Vagues de dérision

Aujourd’hui, elle relance l’assaut en soumettant sa propre demande de naturalisation au consulat. Elle a dû faire acheminer les preuves de sa généalogie et des « liens manifestes d’ordre culturel, professionnel, économique ou familial » avec la France, sans oublier l’artillerie lourde : le soutien de l’historien Édouard Baraton, un Français amoureux du Québec et installé à Montréal, dont la thèse novatrice démontre l’injustice juridique que subissent depuis 300 ans les Québécois d’origine française.

Toutefois, il n’y a pas que l’administration française qui lui donne du fil à retordre. Des Québécois indépendantistes qui croient avec un trop-plein d’orgueil pouvoir s’épanouir sans l’amitié spirituelle et le soutien moral de la France rejettent le collectif et son appel aux appuis. D’autres encore sont assourdis par le bruit de l’Amérique, puis ne veulent rien savoir d’une France jugée « raciste » ou « post-colonisatrice ». Comme ces bêtises donnent envie, au contraire, de déclamer une véritable appartenance à la France, celle qui permette de persister et signer un passeport ! Pourvu que cette mission historique aboutisse et que Mme Lachance devienne à nouveau Française, des Québécois pourront prononcer le nom « France » non plus seulement comme le nom donné à la patrie du cœur, mais à celle de l’identité. L’accent aigu de l’Amérique n’aura plus raison d’être isolé et timide, il pourra peut-être même cesser de penser à sa survivance pour mieux réfléchir à son épanouissement, sûr d’avoir aux arrières un courage de Bayard et un cocorico tonitruant. Il est temps de renouveler les relations franco-québécoises, de leur donner de l’éclat et autant de cœur que de corps en dehors des discours dans les Assemblées nationales.

Il semble donc que le Triton et le Goéland reprennent du service depuis leur mythique voyage de 1534. Les descendants des colons de la Nouvelle-France font le voyage en sens inverse, confrontent les vagues de dérision et foncent vers les rives françaises pour que l’on exclame à la vue de Saint-Malo, « le pays d’où je viens ! » Le havresac est rempli de vivres essentiels, entres autres Le Grand Meaulnes d’Alain Fournier, Thérèse Desqueyroux de Mauriac et Madame Bovary de Flaubert. Ce sont parmi les ouvrages préférés de Mme Lachance, qui a la foi modeste d’un Bernanos – et si l’administration française nous inspire 24 heures de doute, la France éternelle, elle, procure une précieuse minute d’espérance. N’est-ce pas le seul instant qui vaille ?

Okinawa: du culte des héros tombés au champ d’horreur

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Photos: Jean-Paul Brighelli

Quoique féru de temples et de châteaux médiévaux, notre chroniqueur a pris le temps de se rendre, tout au bout de l’île, dans l’immense cénotaphe qui rend hommage aux 175 000 morts de la bataille d’Okinawa (estimation basse), menée du 1er avril au 22 juin 1945, et au Quartier général de la Marine où les derniers 4000 soldats nippons se sont suicidés plutôt que de se rendre. Hommage au passé ou avertissement pour l’avenir ?


Le ciel bas et lourd pesait comme un couvercle, la mousson menaçait, il a fallu prendre un bus, interminablement, puis un deuxième, tout aussi tortueux, pour arriver enfin au Parc d’Okinawa pour la Paix, au bout du Cap Kyan.
Site admirable — des dizaines d’hectares de pelouses et d’arbres adultes taillés avec la précision d’un bonsaï. Sur la gauche, un haut mémorial, comme une flèche, au-dessus d’une chapelle où repose un Bouddha magistral, sculpté et surtout laqué par l’artiste okinawaien Shinzan Yamada, en hommage aux deux fils qu’il avait perdus dans la bataille. À ses pieds, les centaines de guirlandes de grues en origami dont j’ai déjà parlé l’année dernière à propos d’Hiroshima, symboles de paix et de souvenir à l’usage des présents.
Il n’y avait d’ailleurs pour ainsi dire personne sur toute l’étendue du parc, sinon une centaine de lycéens venus retrouver là les noms de leurs grands-parents.

Car la particularité de ce gigantesque monument aux morts est de rassembler, sur des plaques de marbre noir alignées en trois-quarts de cercle comme les tombes à la fin du Bon, la Brute et le Truand, aussi bien les noms des Japonais tombés dans cet immense égorgement dont témoigna Tu ne tueras point, le film de Mel Gibson, que ceux des Okinawaiens (ne pas mélanger, je vais y revenir), des Coréens embauchés eux aussi de force, des Américains et de leurs Alliés… Des plaques encore vierges attendent les noms, qui viennent s’ajouter chaque année, des corps démembrés, conservés pour identification, et dont les identités finissent par émerger des cendres.
Une flamme inversée — en fait, une fontaine perpétuelle, belle idée — salue le souvenir des braves et des salauds, des trouillards et des héros, des Nippons et des Uncle Sam, tous ramenés à leur statut fragile d’êtres humains.

Imaginez, dans nos villes et nos villages, des monuments couplant dans la fraternité définitive de la mort les noms français et allemands… J’entends d’ici des voix scandalisées s’élever. Ce serait pourtant un beau symbole, puisqu’on en est à célébrer l’amitié franco-allemande…

Dans Goodbye Mister Chips (1934), James Hilton montre son héros, professeur déjà âgé dans une public school, rendre hommage devant une assistance stupéfaite, au plus fort des combats de la Grande Guerre, à un ex-professeur d’Allemand tombé pour le Kaiser Guillaume II, et cité parmi les anciens élèves morts pour George V. Une lubie ? Pas même : les morts ont (chèrement) gagné le droit de ne plus avoir de sentiments nationalistes.
Est-ce à dire que les Japonais, soudain, auraient abandonné leur identité nippone ? Ils sont plus complexes que ça. Le Monument tout entier est un avertissement aux Américains — qui ont encore une base dans l’île, avec près de 20 000 hommes (que l’on voit peu, mais qui ont enfanté dans les rues de Naha McDo et KFC, monuments culturels d’outre-Atlantique), et dont les avions de chasse s’entraînent à pilonner des îlots perdus des îles Ryukyu. « Nous vous avons combattu avec férocité, nous sommes désormais alliés, mais si vous comptez sur nous pour vous aider à sauver Taïwan, un de ces jours prochains, de l’emprise chinoise, il faudra que vous y pensiez à deux fois. »

L’idée m’est revenue quelques heures plus tard en visitant le QG souterrain de la Marine impériale, des centaines de mètres de tunnels creusés à la pioche dans la roche de corail fossile. Là se tassèrent les derniers soldats qui faisaient encore front. Quand tout fut perdu, ils se suicidèrent en masse — 4000 hommes se couchant sur leurs grenades dégoupillées — pendant que leurs officiers se faisaient seppuku selon la méthode traditionnelle.
Comme l’officier Yahara demandait au général Yushijima la permission de le suivre dans l’au-delà, il s’est vu refuser cet honneur : « Si vous mourez, il n’y aura pas un survivant connaissant la vérité sur la bataille d’Okinawa. Portez cette honte provisoire, mais supportez-la. Ceci est un ordre de votre Commandant. » Sur la table installée dans l’ultime bunker de l’Etat-major, les fleurs dans le vase sont constamment renouvelées, des bâtonnets d’encens fument devant un mini-temple, et hier, c’est toujours demain.
Trois lycéennes en uniforme visitaient les lieux de leur propre chef. Une façon de saluer, à distance, les 2016 collégiens venus de 21 écoles de l’île, 1418 garçons, 505 filles et une cinquantaine d’enseignants, tous utilisés pour porter les munitions ou secourir les blessés, et dont la moitié moururent pendant les combats, dégagés à lance-flammes.

Si mes collègues n’étaient pas, souvent, des gauchistes qui ont des comptes à régler avec la France, ils feraient d’utiles sorties scolaires dans les hauts lieux d’où transpire encore l’Histoire. Parce que le souvenir des morts sert d’enseignement aux vivants — et même à ceux qui ne sont pas encore nés.
Les morts okinawaiens ont été entassés dans des tombes-tortues typiques de l’île (leur forme rappellent, m’a-t-on expliqué, celle de l’utérus, afin que les défunts réintègrent le Grand Tout), cénotaphes collectifs qui tapissent les flancs de ces collines aujourd’hui fleuries d’hibiscus, hier dévastées au lance-flammes. Y nichent, prétend-on, les serpents mortels que l’on glisse dans les bocaux où infusent des eaux-de-vie recherchées.
Désastre supplémentaire de cette bataille d’Okinawa, les fûts pluri-centenaires où vieillissaient les grandes cuvées d’awamori, l’eau-de-vie typique de l’île, ont été détruits pendant les bombardements. Un à-côté des centaines de milliers de morts civils : ils n’ont pas été dénombrés exactement, ils représentent entre un quart et un tiers de la population, d’autant que des familles entières se sont suicidées pour éviter de tomber entre les mains des Américains. Imaginez une France avec 20 millions de morts en une seule bataille.
Le bilan des pertes fut si élevé qu’il fut l’argument suprême pour inciter Truman à lacer les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki, au mois d’août 1945. Une façon d’éviter un nouveau carnage humain des deux côtés.

Deux hommes et un couffin

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Le styliste Simon Porte Jacquemus © SYSPEO/SIPA

Quiconque ose demander au couturier homosexuel Simon Porte Jacquemus et à son compagnon qui est la mère de leurs jumeaux, se voit accusé d’homophobie. Pourtant, la GPA, interdite en France, demeure une question éthique légitime.


Décidément il est de plus en plus compliqué d’aborder sans passion et anathèmes certaines questions fondamentales tant elles sont devenues des façons de faire le procès en fascisme des uns et en égocentrisme destructeur des autres. Le tout sans que tout ce cirque ne se termine jamais sur une façon intéressante d’analyser ce que ces accès de fièvre disent d’une société en pleine implosion.

Cette fois-ci, c’est Marion Maréchal qui se retrouve dans la tourmente pour avoir retweeté un post paru sur X émanant de Gossip Room, site spécialisé dans les nouvelles liées au monde du divertissement, qui annonçait que le designer Simon Porte-Jacquemus et son compagnon étaient devenus papas. Commentaire lapidaire de la numéro 2 de Reconquête : « Où est la maman ? ».

Fantasmes

La formulation du tweet initial du site people pouvait effectivement donner l’impression que l’on était dans un monde fictionnel où les hommes accouchent et où les femmes sont évacuées de l’histoire. Il se trouve que les images, qui accompagnaient les félicitations adressées aux deux hommes devenus pères, évoquaient également le monde de la maternité et de l’accouchement. Voilà pourquoi cela ne pouvait que faire remarquer l’invisibilisation de la femme qui venait d’accoucher comme la volonté de l’effacer pour déployer le récit d’un enfantement fantasmé. À ce titre la question « où est la mère » n’est pas illégitime et se pose d’autant plus que le refus des réalités biologiques est un des marqueurs d’une abolition du réel au profit d’une fiction où seule la volonté et le désir individuel comptent.

Le problème, c’est qu’en matière d’adoption cette fiction ne date pas d’hier. L’adoption plénière notamment efface l’origine des enfants et met en place une nouvelle filiation. Si un couple de même sexe adopte un enfant, les deux partenaires seront co-adoptants et auront une responsabilité parentale partagée. Ainsi, si pour faire un enfant, il faut bien un homme et une femme, pour l’élever les configurations peuvent être plus diverses et deux hommes peuvent parfaitement en être chargés. Effectivement, sur ce point-là, la réaction de Marion Maréchal peut être interprétée comme relevant d’une difficulté d’acceptation de l’homoparentalité.

GPA hors la loi

Autre point, si la communication du couple Jacquemus évacue soigneusement la question de la mère, c’est aussi parce que les deux hommes ne sont pas en règle vis-à-vis de la loi française. En effet, les jumeaux sont manifestement nés suite à une GPA, Gestation Pour Autrui. Un acte qui consiste pour des couples riches, à louer le ventre d’une femme pauvre pour y placer des embryons. Emmanuel Macron s’était même engagé en 2017 à maintenir l’interdiction de la GPA en en faisant « une question d’éthique et de dignité ». Il faut dire que le trafic financier autour de la GPA fait de l’enfant un bien que l’on peut vendre ou acheter le ramène à un statut d’objet. La mère et l’enfant sont réduits au statut de moyens au service des désirs d’autrui. Le corps devient une ressource comme une autre. Selon Sylviane Agacinski, qui a beaucoup travaillé sur ces questions, la GPA s’apparente au retour d’une forme d’esclavage où certains hommes ne sont plus sujets mais objet de droit, où certaines circonstances les réduisent à l’état de choses, susceptibles d’être vendues ou échangées, où leur corps n’est plus inaliénable mais peut être acheté ou occupé.

Il y a ici une dimension ultralibérale qui s’exprime : le droit est une triangulation. Le contrat ne met pas deux personnes en relation mais trois : les deux co-contractants et l’Etat qui assure le cadre au sein duquel le contrat est passé et qui permet d’en imposer le respect si l’un des partenaires est défaillant. Sans cette triangulation, il n’y a pas contrat, c’est la loi du plus fort qui s’abat sur le plus faible, du plus riche qui s’exerce sur le plus pauvre.

À ce titre il y a un vrai souci à hurler à l’homophobie pour exhiber sa vertu et à faire dans le même temps impasse sur les questions éthiques que pose la GPA. D’autant qu’en majorité ce sont aujourd’hui des couples hétérosexuels qui y ont recours. Poser la question de la mère est dans ce cadre pertinent, quel que soit le couple en cause, et ne marque pas une « homophobie décomplexée ». Même si dans le cas de Marion Maréchal on peut penser que le couple homosexuel n’est pas son idéal de configuration familiale et même si on peut penser qu’il est déplacé de se servir d’une annonce liée à la vie privée d’un couple pour déployer un discours politique.

La GPA vient d’être reconnue comme un crime au niveau de l’Union européenne au même titre que l’esclavage ou la prostitution forcée

Ce qui serait réellement homophobe serait de penser que les deux hommes en question ne sont pas susceptibles d’élever un enfant et de leur contester ce droit. En revanche être choqué de l’évacuation de la mère comme de l’utilisation de la GPA s’entend. D’ailleurs, l’Union européenne vient de réaffirmer son refus de la GPA en adoptant une loi qui la criminalise. Mais surtout, il y a une réalité de l’homophobie qui, elle, n’est pas combattue parce qu’elle heurte les représentations qui voient dans le vieux blanc d’extrême-droite, l’acmé de l’homophobie. Or aujourd’hui l’homophobie est plutôt l’apanage du jeune musulman. En effet, les agressions contre les homosexuels sont en forte hausse et sont liées en partie à l’explosion de l’islamisme et au rejet de l’homosexualité dans les cultures arabo-musulmanes. Comme dans le cas de l’antisémitisme, le vieux fond culturel d’extrême-droite n’a pas disparu mais de nouveaux acteurs apparaissent.

Pour preuve ? Alors que Rima Hassan voyait dans la possibilité de tomber à bras raccourci sur Marion Maréchal, l’occasion de se poser en grande conscience morale, ce que son image de soutien du Hamas rend impossible, elle a été vite rattrapée par la patrouille islamiste et son aversion de l’homosexualité. Un certain Youssef Hindi lui rappelant « qu’on ne combat pas le Diable sioniste en faisant équipe avec Sodome et Gomorrhe ». On ne saurait être plus clair. Et cette façon de penser ne s’exprime pas que sur X, mais est à l’origine de nombreux guets-apens tendus aux homosexuels. Rappelez-vous la démission de l’élu socialiste Boris Venon aux Mureaux qui disait avoir vécu 11 agressions physiques à raison de son orientation sexuelle. Suite à cela, un reportage tourné dans les quartiers difficiles des Mureaux avait montré le rejet très fort de l’homosexualité notamment chez les jeunes musulmans. État des lieux confirmé par un sondage IFOP en 2019 : 63% des musulmans estimaient que l’homosexualité était un crime contre 14% chez les catholiques (10% chez les personnes se déclarant sans religion). L’écart est énorme et parle de différences culturelles profondes.

Il y a là un travail important à faire auprès d’une population pour réellement faire progresser l’acceptation de l’homosexualité. Et se défouler à bon compte sur Marion Maréchal ne résoudra en rien le problème de fond de la réalité de l’explosion de l’homophobie.

Les otages et la fête de Pessa’h

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Jérusalem, Israël, 24 avril 2024 © UPI/Newscom/SIPA

Cette année, la nuit du Seder de Pessa’h fut vraiment différente des autres nuits.


Dans beaucoup de foyers juifs dans le monde, un siège était vide parmi les invités et ce siège n’était pas destiné au prophète Elie, le précurseur du Messie.

Tout le monde n’a pas le cœur à la fête

Je suppose que beaucoup de familles d’otages n’ont pas eu le cœur à célébrer. S’appesantir sur les opinions divergentes de Rabbi Yossé, Rabbi Eliezer et Rabbi Akiba quant au nombre exact de plaies qu’ont subies les Égyptiens alors qu’on ignore si l’enfant, l’époux ou le père sont encore en vie et s’ils le sont, dans quel état ils se trouvent, réclame une faculté de mise à distance qui n’est pas à la portée du commun des mortels.

Et puis, il y a ceux dont un être cher a été tué ou gravement blessé, ceux ou celles, surtout celles, qui ne pourront jamais oublier les heures abominables. Il y a ceux qui ont vu leur quotidien bouleversé et il y a les familles de soldats qui vivent dans l’inquiétude. Il y a nous tous pour qui le 7 octobre restera une date noire et pour qui la fête de Simhat Tora et le Yom Hashoah qui adviendra dans quelques jours, ces deux moments de joie et de tristesse du calendrier, se grefferont désormais d’une signification supplémentaire et tragique.

Le cas de Hersh Goldberg-Polin

Hier 24 avril a été diffusée par le Hamas la vidéo d’un des otages1, un extraordinaire soulagement pour sa famille qui le voit vivant. Hersh Goldberg-Polin, 24 ans, a été enlevé et gravement blessé au festival Nova. Dans un texte probablement écrit par ses geôliers, il critique durement Benjamin Netanyahu, qu’il rend responsable de l’échec des négociations, de la mort lors de bombardements de 70 otages et auquel il demande de démissionner. La mère du jeune homme, Rachel Goldberg, est une israélo-américaine qui a rencontré les dirigeants du monde, dont le Pape et Joe Biden, pour défendre la cause des otages et qui a été nommée par le magazine Time parmi les 100 personnalités de l’année. C’est dire que le choix de présenter une vidéo de son fils pendant la fête de Pessah est un coup médiatique habile du Hamas, une arme de pression qui n’améliorera pas, surtout aux États-Unis, l’image d’un Premier ministre israélien fréquemment  accusé de se désintéresser du sort des otages et dont la relation avec leurs familles est déjà pour le moins houleuse.

À lire aussi, Gil Mihaely: Famine organisée à Gaza: mensonge de guerre

Seuls trois otages ont été directement libérés par l’armée israélienne et des informations alarmantes, que cette video semble confirmer, circulent sur le nombre de survivants. C’est à cause de la position maximaliste du Hamas que les négociations sont au point mort mais ce sont les Israéliens qui en seront mensongèrement rendus responsables, comme ils le seront bientôt d’avoir provoqué la mort des otages, et dès maintenant de commettre un génocide, d’organiser une famine et de massacrer des prisonniers. De fait, la situation des otages, cause majeure de la guerre, est passée au second plan des exigences internationales au regard de la souffrance de la population gazaouie. Bientôt peut-être on ne parlera d’eux que comme de simples prisonniers, car le mot « otage » pourrait offenser le Hamas…

La fête de la liberté

Israël, qui est en lutte contre un ennemi impitoyable et puissant, l’islamisme, rencontre dans le monde une déferlante d’hostilité là-même où il devrait trouver un soutien. La tentation existe d’en faire un autre épisode de la litanie des ennemis du peuple juif, celle de Had Gadya qui clôture la cérémonie du Seder. Mais plutôt que de ressasser cette conclusion amère, il faut rappeler que Pessa’h est avant tout la fête de la liberté.

Cette liberté, les Juifs de la diaspora ont d’autant plus les moyens de la revendiquer naturellement dans leurs pays qu’il existe un Etat du peuple juif, l’Etat d’Israël.

La liberté, rappelait David Ben Gourion, n’est pas synonyme de sécurité, et les citoyens israéliens doivent lutter durement pour la préserver. Mais liberté n’est pas non plus synonyme de soumission et grâce à Israël, les Juifs du monde entier savent que le temps de la dhimmitude, et pas seulement celui de l’esclavage en Egypte, est désormais un temps révolu.


  1. https://www.tf1info.fr/international/guerre-israel-hamas-le-hamas-publie-une-video-mettant-en-scene-un-otage-enleve-le-7-octobre-hersh-goldberg-polin-2297218.html ↩︎

Un bug politique

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DR.

Apple embarrassée. Quand les utilisateurs d’iPhone cherchaient une émoticône pour illustrer un message sur leur téléphone, l’entrée «Jerusalem» donnait comme résultat le drapeau palestinien…


La propagande propalestinienne s’infiltre presque partout dans les sociétés occidentales, même là où on s’y attend le moins, par exemple dans les fonctionnalités de votre iPhone.

Comme chacun le sait, quand on tape un texte sur un smartphone, le système prédictif propose des émojis selon les mots qu’on est un train d’écrire : l’image d’un cœur pour « amour », des mains qui prient pour « s’il te plait »… Or, si avec le clavier en anglais, on tape « Jerusalem » sur le téléphone d’Apple, c’est l’emoji du drapeau palestinien qui est proposé. Le 9 avril, Rachel Riley, présentatrice de télévision britannique dont la mère est juive, poste sur X (anciennement Twitter) une capture d’écran, rappelle ce que c’est que l’antisémitisme et ajoute une requête à l’intention de la marque à la pomme : « Veuillez expliquer s’il s’agit d’un acte intentionnel de la part de votre entreprise ou si vous n’avez aucune mainmise sur les interventions de pirates informatiques ». Elle fait remarquer que taper le nom d’aucune autre capitale ne suscite la proposition d’un drapeau national. L’apparition de l’emoji palestinien est le résultat d’une mise à jour du système opératoire qu’Apple a rendue disponible pour ses clients au mois de mars.

Interrogée par la BBC, l’entreprise de la Silicon Valley a prétexté, de manière très faible, un bogue informatique qui serait corrigé par une mise à jour ultérieure. Personne ne peut ignorer que Jérusalem est la capitale d’Israël, tandis que la partie est de la ville est réclamée par les Palestiniens pour la capitale de leur futur État, si jamais un tel État voit le jour. Dans la situation de crise actuelle, un « bogue » qui semble trancher dans ce débat et même effacer implicitement l’existence d’Israël, peut-il être le fruit du seul hasard ?

Maurice Renoma, l’homme qui se marre

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Autoportrait, Maurice Renoma, 2008. ©Adelap - Renoma Archives

La maison Renoma incarne un style chic et décalé. Une fantaisie insufflée par Maurice, son fondateur. Styliste, photographe et galeriste, ce jeune homme de 83 ans est mis à l’honneur dans un beau livre, et sa mascotte, un poisson rouge, s’expose à l’Aquarium de Paris…


La maison Renoma a 60 ans. C’est peu dire que Maurice, son juvénile fondateur et immarcescible patron, n’accuse pas ses 83 piges. Dans le regard de ce bonhomme de petite taille, pâle, chenu, nippé comme s’il avait toujours 20 ans, se lit une malice pétillante, quelque chose d’enfantin, j’allais presque écrire : d’immature, qui vous met à l’aise d’emblée. C’est pourtant un homme d’affaires madré, le Renoma ! En 1963, il ouvre à Paris avec son frère la boutique White House Renoma. Le style chic décalé de ses vêtements fait fureur chez les « minets » du XVIe. Plus tard, il multiplie les licences partout sur la planète. Fortune faite, il se recentre sur la fameuse boutique du 129bis, rue de la Pompe, adresse immuable, face au lycée Janson-de-Sailly. C’est là, dans les étages, qu’il aménage L’Appart, un espace tarabiscoté où il expose ses amis, mais surtout ses propres travaux. Autodidacte, travailleur infatigable, doué d’un optimisme et d’une confiance en lui à toute épreuve, Maurice Renoma, dans les années 1990, se met, en plus, à la photo. Depuis, ses images fantasques et gentiment transgressives tapissent les cimaises de nombre de galeries ou d’espaces prestigieux, en France comme à l’étranger.

Ce « roman d’une vie » nous est conté sous les auspices de Flammarion dans l’écrin d’un beau livre accordé au style Renoma : un collage. Titres pleine page en énormes caractères, portfolio sur papier glacé alternent avec les feuillets mats qui portent ces iconographies dissidentes ; quant aux témoignages, on les lit en lettres blanches sur fond noir, textes où Maurice, relayé par la plume de Sonia Rachline, confesse sans emphase son petit tas de secrets, comme disait l’autre.

Entre fashion et people, la mémorialiste est à son affaire, elle à qui l’on doit, entre autres, un Karl Lagerfeld de A à Z (Gallimard, 2019) ou encore, un David Bowie n’est pas mort (Robert Laffont, 2017). La voilà donc qui s’attaque désormais à un vrai vivant parmi les vivants. Le titre de l’ouvrage cadre avec son héros : Maurice Renoma : hors cadre – justement. Car la quadrature du créatif, c’est bien d’être curviligne, telle la route du poisson rouge dans l’aquarium, rebelle au parcours fléché : espèce amphibie, muette et furtive dont le Maurice plasticien s’est fait une mascotte en plastique, dotée même d’un prénom :« Cristobal » – ce que la banane est à Andy Warhol ? Sinon que, au contraire de la banane, « le poisson rouge n’est pas bête du tout, dixit Maurice. Si on le remet dans son élément aquatique, il grandit et retrouve ses réflexes. »

Et il lui consacre même une expo ! L’idée est née d’une rencontre, à La Havane, avec le célèbre israélo-cubano-argentin Enrique Rottenberg. Jusqu’au mois de mai, le fétiche à branchies de Maurice Renoma est à l’honneur à l’aquarium de Paris, enfoui sous la colline de Chaillot. Plus folâtre que militante, plus pulsionnelle qu’engagée, sa figurine y est en immersion, sous la forme de vidéos et de photographies, dans la mouvance du pop-art. Histoire de nous rappeler aussi que les poissons ingurgitent innocemment le plastique déversé par millions de tonnes dans les océans… Le recyclage est une vieille croisade de la griffe Renoma.

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Les témoignages égrainés dans le livre de Sonia Rachline sont précieux. À commencer par celui de Stéphanie, la fille de Maurice, créatrice de mode et photographe. Elle note : « Le rapport s’est d’ailleurs inversé : l’adulte, c’est moi. » De son côté, l’ex-patron de l’Espace Pierre Cardin, Nicolas Laugero Lasserre, à présent galeriste et « entrepreneur d’art » (sic), se présente comme le « fils spirituel » de Maurice, « sous le charme de tous ses rituels : les repas, les parties de ping-pong, les promenades en forêt, le marché ». Il a d’ailleurs acheté une maison en Normandie, à un kilomètre de celle où son mentor reçoit le week-end ses amis de tous âges. Il y a aussi Marc Held, « l’ami de longue date » – architecte et designer ; ou encore Jean-Jacques Feldman, « le presque frère », qui dit de Maurice :« c’est un vrai triste, mais un vrai triste juif… C’est-à-dire que sa tristesse est toujours accompagnée d’un sursaut de dérision. »

Il est vrai que venir au monde un 23 octobre 1940 n’est pas alors une sûre promesse d’avenir. L’enfant est « gaucher, (contraint à la main droite) dyslexique, bègue ». Dans le quartier du Sentier, ses parents, émigrés juifs polonais, tiennent atelier et boutique de confection. La famille trouve refuge à la campagne. Le père inscrit son fils turbulent dans une école de comptabilité : Maurice aime les chiffres ; ils le lui rendent bien. « Vierge de savoir, d’instruction, de connaissances », il laissera « parler son instinct, suivre son bon sens et sa sensibilité, sans aucun tabou, aux antipodes de l’académisme ». Son frère aîné Michel, démobilisé à son retour d’Algérie, le rejoint dans cette maison de couture qui « redistribue les codes vestimentaires » : recyclages, couleurs affirmées, patchworks, détournements de pièces d’ameublement, coupes cintrées, réactualisations vintage– Escher ou Vasarely comme inspirateurs d’un classicisme en rupture de ban. Dénichée par hasard, l’adresse de la rue de la Pompe devient l’épicentre d’une entreprise florissante. Les points de vente se multiplient, en France, en Europe, aux États-Unis, en Asie. « Chez lui, la spéculation est un muscle hyper développé », plaisante Sonia Rachline. Même si « le marketing, dans sa bouche, devient un gros mot. » C’est pourquoi Maurice finit par se délester de ses licences : leur gestion entravait sa créativité. Recentré sur la boutique, il lance L’Appart, « espace ouvert aux événements, happenings, expositions ». Le Renoma Café Gallery, sur l’avenue George-V, lui sert de QG relationnel. N’étaient les tables nappées d’un blanc immaculé, le chic déglingué du restaurant est bien à l’image de Maurice. Sonnez, trompettes de la Renoma !

À lire

Sonia Rachline, Maurice Renoma : hors cadre, Flammarion, 25 mars 2024.

Maurice Renoma: Hors cadre

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À voir

« Mythologies du poisson rouge », carte blanche à Maurice Renoma, aquarium de Paris. Jusqu’au 3 mai 2024.

À fréquenter

Boutique Renoma et L’Appart,129bis, rue de la Pompe, Paris 16e.

Restaurant Renoma Café Gallery, 32, avenue George-V, Paris 8e.