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Euthanasie: la France de Macron en passe d’être le pays le plus permissif du monde?

L’examen du texte sur la fin de vie se déroule en ce moment à l’Assemblée nationale. Mais le militantisme de députés de gauche et de la majorité, très engagés sur cette question, a conduit à faire sauter nombre de garde-fous du texte. Analyse.


Le projet de loi sur la « fin de vie », en discussion jusqu’au 7 juin, est devenu une des lois les plus permissives au monde, alors même que des dérives importantes de ce droit à l’euthanasie sont dénoncées et que les problèmes rencontrés sont réels : l’exemple canadien a montré que l’euthanasie avait tendance à se substituer aux soins palliatifs. Plus le recours à celle-ci se développe, plus la qualité des soins de fin de vie se dégrade. Mais ces réalités-là sont niées au nom du libre choix de sa fin. Les députés ont ainsi supprimé le fait que le pronostic vital soit engagé à court ou moyen terme, ont fait sauter le verrou du discernement du patient, ont créé un délit d’entrave au suicide assisté.

La protection du patient, de ses proches ou du soignant, a été écartée d’un revers de main, comme si pouvoir tuer ou se tuer était devenu la dernière liberté à conquérir. Alors l’euthanasie, dernière frontière à conquérir ou vrai recul humaniste à dérive eugéniste ? Dernier acte de volonté ou dérive liée au fait que les sociétés pensent que la vie d’un handicapé ou d’un malade ne vaut rien et pèse sur les ressources de la collectivité ? Un chiffre à méditer : au Canada, ils sont désormais 27% à penser que les gens devraient avoir accès à l’euthanasie pour des raisons de pauvreté et 50% pour le handicap. Et les chiffres sont encore plus élevés chez les jeunes. Bienvenue dans le monde réel.

Ce devait être la loi consensuelle de ce quinquennat. Celle qui devait illustrer le fait que le « et de droite et de gauche » qui fit le succès d’Emmanuel Macron en 2017 n’était pas qu’une arnaque fumeuse bien vendue mais correspondait à quelque chose de concret. Elle devait montrer que la nation s’exprime au-delà des clivages politiques quand on touche à l’essentiel. La loi sur la fin de vie était vue comme l’occasion de trier le bon grain progressiste de l’ivraie identitaire et traditionnaliste. Hélas ce n’est pas ce qui est en train de se passer. Et c’était prévisible.

Une question trop sensible pour être traitée avec dogmatisme

La question de la fin de vie, donc de la mort, du fait de la donner ou de la recevoir, est une question bien trop sensible, intime et délicate pour être traitée avec dogmatisme et idéologie. Tout critiquable qu’il ait pu être, l’ancien monde politique connaissait l’existence de limites anthropologiques et ne les approchait que la main tremblante. Mais les amateurs du camp présidentiel et les exaltés irresponsables d’une certaine gauche, faute d’avoir encore de grandes utopies et même de petites, se sont rués sur « l’aide à mourir » comme si c’était la dernière frontière du progrès. Ils en ont fait l’occasion d’exhiber leur vertu et leur absence de tabous et ont refusé d’entendre toutes les sonnettes d’alarme tirées par le corps médical, le comité d’éthique, les représentants des cultes ou tout simplement les avertissements des humanistes.

Comme si, incapables d’envisager une possibilité d’amélioration individuelle et collective de la condition humaine, une partie des politiques avait décidé de faire du suicide assisté la dernière frontière de démonstration de leur puissance. D’où l’étonnante passion de nombre de députés de la majorité et de la gauche pour que tuer un patient ou l’aider à se suicider soit vu comme la liberté ultime. Ils ignorent ainsi délibérément ce que les acteurs des soins palliatifs savent : rares sont les malades qui veulent vraiment mourir ; ce qu’ils souhaitent c’est ne pas mourir dans la souffrance, la détresse, l’abandon. Ils ne désirent pas qu’on les tue, mais qu’on ne les abandonne pas et qu’on soulage la douleur. Les situations nécessitant un suicide assisté, comme la maladie de Charcot, sont rares. La restrictivité des critères était donc la solution parfaitement adaptée pour que le modèle de fin de vie reste humaniste, donc fondé sur l’accompagnement et non l’élimination.

Soins palliatifs coûteux versus euthanasie économique

Souvent, les soins palliatifs apportent une réponse adaptée et la prise en charge des patients élimine en grande partie les demandes d’aide à mourir. Mais ceux-ci sont coûteux, réclament beaucoup de personnels et n’existent pas dans nombre de départements. Ils sont mêmes attaqués au sein de l’hôpital, où l’on se sert souvent dans leur personnel pour combler les manques et boucher les trous. Au quotidien, le modèle commence à être détricoté au nom des nécessités des autres services et à moins de chefs de service puissants, l’idéal d’accompagnement qu’il incarne est mis à mal par les obsessions budgétaires. L’euthanasie, elle, est très économique et épargne l’investissement dans des soins et des médicaments très lourds financièrement. Comme ce qui coûte le plus cher à la Sécurité sociale, ce sont les dernières années de la vie, ouvrir largement l’aide à mourir est une source d’économie. Surtout si l’aide à mourir fait de l’euthanasie un droit, alors que l’accès garanti aux soins palliatifs n’en est pas un. La loi sur la fin de vie mettrait ainsi symboliquement le fait de donner la mort au-dessus des soins indispensables pour prolonger la vie et accompagner la fin. Les soins palliatifs ne sont pas en effet un droit et même pas une possibilité ouverte à tous.

L’aide à mourir, une démarche purement humaniste ?

« Comment osez-vous parler ainsi ! », voilà ce que me répondraient les défenseurs de la loi sur l’aide à mourir, choqués de voir caricaturer en démarche cynique ce qu’ils voient comme une frontière humaniste et le respect de la volonté de la personne. Je les renvoie à la statistique canadienne qui montre à quel point cette façon purement utilitariste de considérer l’existence amène à porter un jugement violent sur certaines vies qui ne vaudraient pas la peine d’être vécues. Autre point très gênant, le flou concernant les conditions de l’expression de la volonté du patient ou la référence à des directives anticipées. Ici on peut craindre les abus de faiblesse, la famille n’étant pas toujours exempte de violence et de toxicité, des troubles cognitifs peuvent par ailleurs amener à des décisions non éclairées… Et surtout, pour qui a accompagné des personnes en fin de vie, c’est fou la différence entre le discours tenu vis-à-vis de la mort et de la maladie par une personne valide et par la même personne quand elle y est confrontée. Enfin c’est aussi oublier l’épuisement et les perturbations que provoque cet accompagnement pour l’aidant, les réactions ambivalentes que cela implique, la déstabilisation que cela provoque. Il faut pouvoir dire cette envie de fuir que l’on a parfois quand il faut pousser la porte de celui ou celle qui part à petit feu. Il faut pouvoir dire cet investissement dans le matériel et le soin parce que parler devient compliqué, plein de non-dits ou trop plein d’attentes. Bref ne pas prévoir de contrôle et de garde-fous préalables alors que l’on parle de donner la mort à quelqu’un est profondément choquant et irresponsable.

Pourtant je suis sensible à l’idée que quelqu’un dont le pronostic vital est engagé à court et moyen terme et dont les souffrances sont intolérables puisse choisir d’en finir. Mais ces situations doivent être très encadrées. La priorité est avant tout le développement des soins palliatifs et le respect de leur modèle d’accompagnement. Est-on vraiment un humaniste quand on refuse de regarder en face ce que le fait de supprimer certains garde-fous a produit au Canada ou en Belgique ? Pays où la loi est malgré tout plus restrictive que le texte proposé au vote du Parlement français.  

Des députés de la majorité et de la gauche choqués par l’évolution du texte de loi

C’est en ce sens que se sont exprimés des députés qu’on ne peut soupçonner d’être d’abominables réactionnaires ou des adorateurs de soutanes. C’est le cas d’Astrid Panosyan, députée Renaissance qui explique dans un entretien au Figaro qu’ «il est rare que des malades disent « je veux mourir ». La plupart d’entre eux envoient le message : « je ne veux pas vivre ainsi » ». La députée sait de quoi elle parle car elle a été confrontée à cette situation en accompagnant son mari, Laurent Bouvet, intellectuel atteint par la maladie de Charcot. Dans ce cas particulier la sédation profonde et continue jusqu’au décès, prévue par la loi Leonetti n’était pas possible. Mais celle-ci ne fait pas de son ressenti ni de son expérience, un dogme inattaquable. Outre le fait qu’elle rappelle qu’ « une expérience personnelle ne vaut pas vérité universelle », elle explique aussi qu’il y a une tension entre le respect de la liberté de vouloir mettre fin à ses douleurs et celui de la fraternité qui consiste à ne jamais laisser une personne se sentir de trop. Dans le cas de la maladie de Charcot, où le malade se retrouve enfermé dans son propre corps, fauteuils adaptés et ordinateurs à commande oculaire sont extrêmement chers par exemple. Or ils sont déterminants pour permettre le lien, la communication et donc une vie qui ait du sens, qui permet la communication avec l’autre. Cela explique pourquoi les difficultés financières sont invoquées pour justifier la demande d’aide à mourir, l’Oregon est sur ce point un exemple parlant1.

Pierre Dharréville, député communiste, est lui aussi très inquiet des changements que la commission a apportés au texte d’origine. Dans son intervention à l’Assemblée nationale, cet homme de gauche explique le vertige qui l’a saisi alors que selon lui une barrière éthique a été renversée, celle qui consiste à confondre « soulager les souffrances » et « abréger la vie ». Il rappelle aussi que souvent la demande de mort est un appel à l’aide. Pour lui cette loi pose insidieusement la question « ne crois-tu pas qu’il est temps de partir ? » et il met le doigt sur un problème que nient ou minimisent les promoteurs de la loi fin de vie remaniée : « Demain, pour combien d’entre nous sera-t-il plus rapide, nettement plus rapide, d’avoir accès à un produit létal qu’à un centre antidouleurs ? Les soins palliatifs et l’assistance au suicide ne sont pas complémentaires mais contradictoires. » Et il évoque la nouvelle norme sociale que porte le texte, celle qui consiste à estimer que certaines vies n’en valent pas la peine.

On devrait plus écouter ces avertissements. Nous allons vers un monde où nos protections sociales vont diminuer. D’ores et déjà, nous sommes confrontés à des pénuries de médicaments, à des déserts médicaux, à la grande misère des hôpitaux, à une baisse des chances pour les patients, à des baisses de remboursements, à l’absence de soins palliatifs dans 21 départements… Avec l’aide à mourir, on crée une réponse économique à la question de la fin de vie que l’on peut emballer dans un discours de compassion, de respect de la liberté du patient et de reconnaissance de la volonté individuelle. L’irresponsabilité et le cynisme érigés en respect de l’autre. Il est probable que bien des partisans de la nouvelle mouture du projet de loi, telle qu’elle est sortie de la commission et de l’examen à l’Assemblée nationale, ne sont pas conscients des implications de leur vote. Mais est-ce une excuse ? Il se trouve que ceux qui occupent ce type de poste ne sont jamais comptables de leurs erreurs, ne les reconnaissent jamais et ne songent jamais à les réparer.

Comment les excuser, alors qu’ils ont sous leurs yeux le résultat des dérives constatées en Belgique comme au Canada et qu’ils n’en tirent aucune conséquence. Quant à cette gauche, qui ne se bat plus pour améliorer les conditions de vie et de travail des Français, la voir présenter la mort comme un droit à conquérir est surréaliste et navrant.

Catherine Vautrin, ministre de la Santé a d’ailleurs déclaré, suite à la Commission spéciale chargée de l’examen de la loi fin de vie : « En moins de cinq jours, ils ont davantage élargi l’accès à la mort provoquée que ne l’ont fait les deux pays les plus permissifs sur l’aide à mourir, la Belgique en 22 ans et le Canada en huit ans ». L’examen en séance n’a pas arrangé les choses. Or, on ne touche pas impunément à certaines frontières sans que cela n’atteigne notre rapport à l’humanité et à notre propre humanité. La loi sur la fin de vie, telle qu’elle a été retouchée par les députés, est en l’état très inquiétante et prépare une société dans laquelle toutes les dérives sont possibles. Si le Sénat peut y apporter un peu de sagesse, l’effort sera reconnu, mais c’est l’Assemblée qui a le dernier mot en la matière et dans l’ambiance de monôme permanent que sont devenues les séances, on ne peut guère attendre de miracle.

Le choix fait par nos députés sur un sujet aussi complexe et intime est d’autant plus inquiétant qu’une loi bien plus stricte et encadrée, portant sur des situations précises et mettant en place des conditions restreintes, aurait été massivement soutenue. Hélas trop de nos députés n’ont pas peur d’être des amateurs, au point d’en devenir des démolisseurs.

  1. https://www.fondapol.org/etude/suicide-assiste-euthanasie-le-choix-de-la-rupture-et-lillusion-dun-progres/
    https://www.lopinion.fr/politique/a-letranger-les-euthanasies-legales-sont-en-hausse-constante ↩︎

J’ai mal à ma Trans

L’éditorial de juin d’Elisabeth Lévy


Que Marion Maréchal me pardonne, mais son plaidoyer pour les « mamans courage », paru dans Le Figaro le jour de la fête des Mères m’a passablement agacée. D’abord, une lectrice sourcilleuse de Renaud Camus devrait savoir que le mot « maman » est réservé à l’usage privé et (dans la majorité des cas) à une seule personne. Et puis, cette peinture de mères toutes aimantes et vertueuses, c’est du Walt Disney. « La gauche n’aime pas la famille », affirme Mathieu Bock-Côté. Ce n’est pas vrai. L’idéalisation un peu nunuche de la famille n’est pas l’apanage de la droite, ni des hétéros et autres cisgenres. Porteuses de jupes plissées, hommes à cheveux bleus, chanteuses à barbe et sexuellement indécis : tout le monde veut les enfants, le chien et Darty le samedi après-midi. Les innombrables thuriféraires de la famille heureuse n’ont jamais dû lire un roman, ni voir un film de Bergman.

Cependant, ce n’est pas parce que la famille peut être un lieu d’enfermement et de négativité qu’elle n’est pas une médiation indispensable entre l’individu et les communautés humaines. En plus d’être une source d’amour et de névrose, le foyer est le premier échelon administratif, ce n’est pas rien.

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Pour Sonia Devillers, l’impayable intervieweuse de France Inter, championne de la bondieuserie progressiste (elle a connu l’extase en accouchant Godrèche), toutes les familles ne se valent pas. Recevant, temps de parole oblige, la tête de liste Reconquête !, elle répète à plusieurs reprises, avec un ton d’institutrice indignée « vous défendez la famille française, et la famille chrétienne ! », sans qu’on sache très bien ce qui, de française ou chrétienne, est le plus infamant. « Pétainiste ! » lâche finalement notre femme savante. « Au moins je sais pourquoi je veux privatiser l’audiovisuel public », réplique Maréchal. Et toc.

Marion Maréchal a raison de s’inquiéter de la catastrophe démographique qui vient. Donc de prôner des mesures natalistes. Et elle a le droit de préférer le modèle papa-maman-la bonne-et-moi[1], même si ça débecte Madame Devillers qui aimerait bien lui coller un procès.

« L’envie du Pénal »[2] de la vertueuse francintérienne trouve un terrain plus favorable, la transidentité, qu’un lobby hargneux et procédurier veut imposer comme une norme parmi d’autres. Après le prix décerné à Cannes à Karla Sofia Gascón, actrice espagnole transgenre, Maréchal a écrit : « C’est donc un homme qui reçoit le prix d’interprétation… féminine. » Six associations portent plaintepour « injure transphobe », tandis que la principale intéressée teste le colifichet pénal inventé par Marlène Schiappa, le délit d’outrage sexiste. On ne voit pas le rapport entre le propos de Maréchal et une femme qui se fait siffler dans la rue, mais passons. « La transphobie n’est pas une opinion, c’est un délit ! » braille Devillers, certaine d’avoir la loi avec elle.

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Si elle a raison, si le commentaire de Marion Maréchal (appelé « mégenrage » en jargon LGBT) est hors-la-loi, il y a le feu au lac des libertés. Certes, Karla Sofia Gascón a obtenu en justice un état-civil de femme et le droit d’être reconnue comme telle. On comprend qu’elle soit blessée quand Maréchal affirme qu’un homme reste un homme. Ça ne fait pas de ce propos une injure. Le scepticisme est un droit. Quel est le poids de la génétique ? Jusqu’à quel point peut-on changer ce qu’on est ? Tout cela devrait être matière à débat et controverses, pas à un festival d’interdits. On peut aussi penser à mi-chemin, comme cette trans magnifique qui m’a dit un jour « je sais que je ne suis pas complètement une femme ». La loi n’est pas là pour panser les blessures narcissiques. Interdire toute distinction entre femmes trans et femmes de naissance revient par ailleurs à instaurer une parfaite égalité, notamment dans le sport, et une totale promiscuité dans les vestiaires. Même Sonia Devillers peut comprendre que c’est problématique.

Plus grave que ces frottements de la vie concrète, il y a la censure drapée dans la bienveillance inclusive. Il n’est plus question seulement de traquer la pensée ou la parole, mais d’une police du réel, dûment partagé entre licite et illicite. Si la justice cède, il sera interdit demain d’affirmer qu’il y a des hommes et des femmes ou d’observer la surreprésentation des étrangers dans la délinquance de voie publique, et après-demain, comme dans 1984, de dire que deux et deux font quatre. On répète à satiété la formule de Péguy : « Il faut voir ce que l’on voit. » Alors, profitons-en tant que c’est légal.


[1] Personnellement, tant qu’on ne ment pas sur la fabrication des enfants (donc sur la filiation), je suis plus libérale que Marion Maréchal quant aux conditions de leur élevage. Des homosexuels et des lesbiennes peuvent être des parents aussi toxiques qu’un couple à l’ancienne.

[2] Dont Philippe Muray avait compris qu’elle est l’affect dominant de l’époque.

LFI: les Palestiniens méritent mieux que ces calculs électoraux miteux

Il n’y a vraiment pas de quoi pavoiser… Après le nouveau coup d’éclat clownesque de Rachel Keke à l’Assemblée nationale, hier, notre directrice de la rédaction formule un vœu: « J’espère que dimanche, les électeurs montreront à LFI le chemin de la sortie ». Sera-t-il exaucé ?


Nouvelle séance houleuse à l’Assemblée : l’insoumise Rachel Keke a encore brandi un drapeau palestinien dans l’hémicycle. Ce que l’on ne dit pas, c’est qu’en réalité il s’agissait selon Libération[1] d’une initiative des écolos. Des dizaines de députés de gauche, élus pour représenter le peuple français et faire la loi, s’étaient habillés en rouge, vert, blanc ou noir pour former un drapeau palestinien sur les bancs… Quand on pense que cela a dû mobiliser des assistants parlementaires pendant des heures…

Bordélisation générale

Puis, Mme Keke a brandi son drapeau. À droite, on a sorti les écharpes tricolores. Rappel à l’ordre pour l’insoumise, huées, brouhaha et suspension de séance, comme un air de déjà-vu… La présidente Yaël Braun-Pivet a du rappeler qu’on était dans l’hémicycle. Mais quand on regarde les images, on dirait plutôt une AG à Tolbiac.

Ce qui est frappant, c’est que ces députés prétendent dénoncer un génocide et compatir à la souffrance de civils, alors qu’on les voit tout contents d’eux, rigolant. Mais ce ne sont pas seulement des blagues de potache. Le bilan à tirer de cette séquence (pour parler comme les politologues), c’est qu’il y a en France un parti anti-démocratique. Certes, ce sont des révolutionnaires de salon qui ne font pas vraiment peur, et l’on voit mal M. Boyard, Mme Soudais ou Mme Keke prendre le palais d’Hiver, mais ils pourrissent le débat public. C’est la stratégie du chaos : dans la rue, dans les facs et maintenant au Palais Bourbon. En quelques heures, Rima Hassan est capable de rameuter plusieurs milliers de gens pour intimider un média (TF1). Les manifestants n’ont pas pris les armes, mais ça, c’est une logique fasciste : on veut faire taire par la force et la foule. Le pire, c’est que le média ne proteste pas. Car LFI fait peur.

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Dans ces conditions, que faut-il faire ? Pas de liberté pour les ennemis de la liberté, disait Saint-Just. Je crois exactement le contraire depuis longtemps. Ce qu’il ne faut surtout pas faire : la diabolisation, l’indignation, le cordon sanitaire. En revanche, nous pouvons bien sûr essayer d’imposer à ces députés la règle commune (la politesse). Mais surtout, ne leur offrons pas un statut de martyre ! Il faut démystifier leur position, dévoiler ce qu’elle cache. À part l’exécration d’Israël, ces députés de gauche n’ont aucune proposition. Ils réclament soi-disant un cessez-le-feu, mais quand il y a une proposition sur la table, ils ne disent pas un mot – parce qu’elle vient d’Israël et des Américains.

LFI, maîtresse en mauvaise bannière

Comme les chefs du Hamas, navrée de le dire, ils ont intérêt à ce que des images terribles viennent de Gaza. Elles leur permettent de transformer l’émotion en haine. Au passage, rappelons qu’on a bien constaté récemment que les seuls drapeaux qu’ils aiment sont toujours des drapeaux étrangers.

N’oublions pas enfin que LFI n’a pas obtenu toute seule cette capacité de nuisance. Elle provient de M. Faure et des autres alliés d’hier, qui aujourd’hui ne peuvent plus plaider l’ignorance. S’ils retournent à Canossa et s’allient encore avec un parti qui flirte avec l’antisémitisme et méprise nos institutions, ils auront la défaite et le déshonneur. Il est peut-être aussi temps pour des dissidents de l’intérieur de ce parti décidément peu démocratique de sortir du bois (Ruffin, Corbière etc…).

Mme Braun-Pivet peut prendre des sanctions. Mais seuls les électeurs peuvent congédier des élus. J’ai confiance. La politique de l’éructation n’a pas fait bouger les sondages pour les élections européennes, la liste LFI n’est pas passée de 6-8% à 12% depuis que le parti fait campagne sur le dos des Palestiniens. Alors, j’espère que dimanche, les électeurs montreront à ces boutefeux le chemin de la sortie. Et, on peut rêver, qu’ils priveront Rima Hassan de son siège d’eurodéputée.  


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy du lundi au jeudi dans la matinale de Patrick Roger.


[1] https://www.liberation.fr/politique/a-lassemblee-nationale-des-deputes-de-gauche-vetus-des-couleurs-du-drapeau-palestinien-20240604_XCHYRWV32JHSLPJDEBNLRPPDTI/

Tant qu’il y aura des films

Une adaptation très réussie d’un mythique roman de Dumas, une comédie d’été en forme de chronique batelière et la reprise d’un grand classique signé Melville: un trio français gagnant.


Se venger

Le Comte de Monte-Cristo, de Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière
Sortie le 28 juin

L’an passé, la nouvelle version des Trois mousquetaires par Martin Bourboulon avait laissé un goût amer aux amateurs des romans d’Alexandre Dumas. À force de trahisons et d’interprétations hasardeuses de l’œuvre originelle, le film s’est éloigné de son modèle au profit d’un vague western à la mode Richelieu. Les libertés prises avec le sort réservé par Dumas au sulfureux personnage de Milady ont même exaspéré les plus tolérants : on ne saurait tout sacrifier sur l’autel d’un hypothétique troisième volet dicté par des intentions commerciales ! C’est dire si l’annonce d’une adaptation du Comte de Monte-Cristo par les mêmes scénaristes a inquiété les puristes les moins farouches. Or, Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière, devenus entre-temps réalisateurs, ont manifestement retenu les leçons de leurs premiers errements. Certes, ce nouvel opus affiche quelques différences notables avec le roman, mais rien d’irréparable. On se désole toutefois que la belle figure du père comploteur bonapartiste inventée par Dumas se transforme ici en celle d’une sœur, tout aussi active il est vrai : concession à l’air du temps féministe. On ne comprend pas plus pourquoi l’un des morceaux de bravoure du livre (une formidable et scandaleuse séance à la Chambre des Pairs) disparaît de cette version. Et ainsi de suite pour d’autres personnages et d’autres scènes. Mais, après tout, les adaptateurs doivent justifier leurs confortables rémunérations en tentant de faire mieux que Dumas. Du moins le pensent-ils.

Heureusement, un casting impeccable permet de faire oublier ces petits arrangements avec l’implacable histoire d’un homme ivre de colère et de vengeance, Pierre Niney en tête. L’acteur confère à Edmond Dantès et au comte de Monte-Cristo une insondable mélancolie qui sied absolument au personnage. Revenu sinon d’entre les morts, du moins de l’oubli total, il ne saurait esquisser le moindre sourire ou le moindre contentement et, surtout pas quand son ancienne fiancée, la belle Mercédès (parfaite Anaïs Demoustier), lui tombe dans les bras après des années de silence. Face à ce couple tragique et romantique, les méchants qui l’ont empêché d’exister font merveille parce qu’ils sont campés notamment par Patrick Mille (une mention spéciale pour son glaçant Danglars) et Laurent Lafitte. Les deux acteurs forment un duo plus que parfait dans la veulerie, la lâcheté et la noirceur. Ils sont l’incarnation idéale de la malédiction qui s’abat sur le héros, même si on peut regretter que l’infâme Caderousse du livre disparaisse quelque peu dans le film. Aux côtés de ces protagonistes évolue une distribution sans reproche, avec l’excellent Pierfrancesco Favino, acteur italien vu notamment chez Bellocchio, qui campe un abbé Faria plus que crédible. Ajoutez à cela des décors et des extérieurs dignes du lyrisme de Dumas et vous obtenez un film exigeant et populaire à la fois, ce qui, au cinéma, ne relève pas du pléonasme.

De fait, le budget imposant (plus de 35 millions d’euros) se voit à l’écran, ce qui est la moindre des choses, mais sert efficacement un propos artistique et narratif ambitieux. Loin des canons télévisuels et de l’envahissant esprit de la récurrence voulu par la dictature des séries, ce Comte de Monte-Cristo est d’abord un objet de cinéma, et de pur cinéma. Mené tambour battant par deux scénaristes-réalisateurs décidés à ne pas trahir fondamentalement l’œuvre, le film affiche un bel allant : pas une baisse de tension, pas un moment d’ennui, toute l’énergie mise au service de l’histoire et de son inexorable progression. Prouesse finale, qualité essentielle, cette adaptation donne envie aux spectateurs de se replonger dans le roman, ou de le découvrir, pour lire les destins du ténébreux comte de Monte-Cristo et de ses abominables ennemis.


Afbrillot

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La Petite Vadrouille, de Bruno Podalydès
Sortie le 5 juin

On connaît les qualités du cinéma de Bruno Podalydès, digne héritier d’une comédie à la française qui, d’Yves Robert à Pascal Thomas en passant par Jacques Rozier, sait mélanger avec brio l’indolence rurale et la fantaisie urbaine. Cette fois, l’acteur-cinéaste nous entraîne dans un film au fil de l’eau avec ce titre malicieusement modeste, Petite Vadrouille, qui fait évidemment référence à Gérard Oury. Tout se passe donc sur un canal et dans une de ces « pénichettes » qui font le bonheur du tourisme fluvial pour marins d’eau douce et autres amateurs d’aventures sans grand danger. Daniel Auteuil et Sandrine Kiberlain forment le couple principal d’une comédie un peu romantique et surtout drolatique. Comme toujours chez Podalydès, les seconds rôles s’agitent en tous sens pour conférer au film sa dynamique loufoque. Denis Podalydès et Isabelle Candelier, entre autres, mènent ainsi la danse avec une verve communicative. Potemkine faisait construire pour sa tsarine de faux villages idylliques. Podalydès fait de même pour notre plus grand plaisir avec cette croisière en forme de trompe-l’œil permanent.


Résister

L’Armée des ombres, de Jean-Pierre Melville
Sortie le 5 juin

Présente-t-on encore L’Armée des ombres de Jean-Pierre Melville, alors que sort sur les écrans une version magnifiquement restaurée de cette ode à la Résistance française ? Oui, peut-être, quand on découvre, horrifié, l’inculture de nos collégiens sur l’Occupation. On se dit que la vision de ce chef-d’œuvre en cours d’histoire pourrait s’avérer d’utilité publique et scolaire. Et tant pis si certains cinéphiles ont le culot de faire la fine bouche. Melville en son temps savait ce qu’il faisait en dressant ainsi le portrait d’une France résistante, en convoquant notamment les destins de Jean Moulin et des époux Aubrac. Incarnés par Lino Ventura, Paul Meurisse, Simone Signoret ou Paul Crauchet, ces personnages donnent au film une incroyable humanité. Décrivant avec soin le véritable travail de résistance au quotidien, le film ne verse jamais dans un héroïsme facile ou ostentatoire. Glacé et glaçant, il s’approche au plus près de ce que vécurent ces « ombres » au-delà de l’imaginable.

STUDIOCANAL

Et le droit au logement?


« Être logé, c’est le commencement d’être. La France a eu très tôt des frontières, elle a eu très tôt un logement, avant même d’exister de façon formelle » écrit Fernand Braudel dans son maître ouvrage Lidentité de la France. Ainsi, débattre de la pertinence du maintien de frontières physiques aux marches du pays ne saurait se réduire à la seule question de la « libre circulation des personnes et des biens », le couplet tant de fois seriné et sur la base de quoi on a pondu la trouvaille délétère de Schengen. L’historien Fernand Braudel nous ouvre la voie. Si être logé, avoir des frontières, c’est « commencer d’être », nier ces frontières, les effacer, renoncer à leur matérialisation comme on l’a laissé faire et comme l’Europe ne cesse non seulement de le revendiquer mais surtout de le promouvoir, ne serait-ce pas tout bonnement commencer à ne pas être ?

Indispensables frontières

C’est bien ce à quoi nous assistons. Sans frontières définies, inscrites sur le terrain, l’espace national se dilue à terme dans un espace de moins en moins identifiable et se trouve, au bout du compte, amené à se fondre dans une forme d’abstraction. Car, qu’est-ce que l’Europe qu’ils nous ont tricotée sinon une abstraction ? Une abstraction à vingt-sept – en attendant mieux, vingt-neuf, trente ? – prétendument régie par des lois qui ne sont plus l’expression de l’histoire, de la culture, de la spécificité des peuples mais un assemblage relevant bien davantage du bricolage technocratique que de la traduction de la volonté des nations et des citoyens. Cela donne un pseudo corpus juridique de plus en plus rejeté par ces mêmes citoyens parce qu’il leur est impossible de s’y reconnaître, d’y repérer l’empreinte de leur héritage, de leurs racines, l’expression de leur sensibilité singulière, de leurs spécificités mentales, morales, intellectuelles. On le voit bien au dogme sans cesse asséné de la prétendue conformité de la loi européenne au concept de « Droits de l’Homme ». Là encore, abstraction ! L’homme, quel homme ? L’homme universel, éternel, identique à lui-même en tous lieux et de tous temps, l’humain déshumanisé, l’humain réduit à la qualité improbable de concept. Quelque chose comme un énième avatar de la lubie de « L’homme nouveau », cette promesse intenable de toutes les révolutions, celle du bienfaiteur de l’humanité Maximilien de Robespierre en particulier. L’homme nouveau, l’abstraction culte, celle qui ne peut être imposée aux peuples que par la force, la violence, la terreur. Relisons donc Hegel là-dessus[1].

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Et si la dilution de notre être faisait l’affaire des fédéralistes ?

La dilution, conséquence du dogme du sans frontières, n’est pas que géographique dans ses conséquences, elle est essentiellement culturelle et civilisationnelle. Elle constitue bel et bien le premier pas du « ne pas être ». Du « ne plus être », en l’occurrence. Cela dit, n’est-ce pas tout simplement le but inavoué de ses promoteurs et zélateurs ? Que les peuples constitués en nations se dissolvent en une masse indifférenciée et la plus nombreuse possible de non-citoyens réduits à la dimension de producteurs-consommateurs asservis et dociles ? J’entendais le candidat d’une liste européiste, clamer, pontifiant et suffisant comme il se doit : « Qu’est ce qui nous séparait de nos voisins italiens, espagnols, belges, allemands, à part une vague frontière commune ? Rien, ou si peu. Donc la création de l’Europe allait de soi. » Rappelons tout de même à ce bel esprit que la France a aussi une frontière commune avec le Brésil. Qu’attendent-ils donc pour faire entrer ce pays-là, au demeurant magnifique et respectable, dans leur belle Europe ?

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Contrairement à ce qu’ils osent affirmer, la frontière matérialisée n’est pas un véritable obstacle à la circulation des personnes et des biens. Elle implique seulement que celui qui la franchit puisse prendre conscience de passer d’un pays à un autre, d’une nation à une autre, d’un peuple à un autre. Ce qui ne peut être pour lui qu’un enrichissement. De plus, si la re-matérialisation pouvait  contribuer à endiguer si peu que ce soit la quasi libre-circulation des drogues, des terroristes et des passeurs, cela constituerait à n’en pas douter un avantage non négligeable. Bref, le droit au logement, une revendication urgente à exprimer, me semble-t-il. Bulletin de vote en main, dimanche prochain.

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[1] Principes de la philosophie du droit, 1820

Les bombes d’Abnousse

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À partir du fabuleux discours qu’elle prononça au Prix de la laïcité 2023, Abnousse Shalmani fait l’éloge comme jamais de la laïcité, de la République et de la France. Bombes de liberté, d’amour et d’art…


1989 – L’année où tout a basculé. En février, l’ayatollah Khomeini lançait sa fatwa contre Salman Rusdhie pour avoir écrit Les Versets sataniques ; à la rentrée de septembre, deux élèves musulmanes du collège de Creil refusaient de retirer leur foulard islamique. De ce que d’aucuns ont qualifié de « banale affaire de tissu » aux égorgements de Samuel Paty et de Dominique Bernard, le continuum est bien là, scandaleusement scolaire, programmé comme un nouveau planning familial[1].

La République se vit à visage découvert

Il est vrai qu’au pays de Voltaire, de Diderot et de Sade, et aujourd’hui, de Kamel Daoud, de Boualem Sansal et d’Abnousse Shalmani, l’infâme a de quoi se régaler. Et si « la laïcité a toujours été un rapport de force », alors « il faut arrêter d’être poli, il faut cogner »[2]… Là-dessus, on peut compter sur la merveilleuse autrice de J’ai péché, péché dans le plaisir pour écraser l’infame, réhabiliter le boudoir, défendre la France contre elle-même, quitte à ressasser : « cher lecteur, tu connais déjà mes répétitions, mes obsessions, mais de toute évidence, il faut encore marteler, rappeler, disséquer, offrir la seule chose que j’ai entre mes mains : le savoir et l’analyse ». En plus de l’amour de la France, du sentiment de la langue et du souvenir du voile qu’elle dût porter, enfant, sous la dictature iranienne et qui lui démange encore le cou[3]. Elle-même étant une échappée de la « mollahrchie », connait l’hypocrisie sanguinaire des islamistes et la stupidité des gauchistes, toujours persuadés de rouler les premiers au nom de leur cause alors qu’ils finiront par être exterminés par eux – et, de fait, a une longueur d’avance sur nous autres, pauvres citoyens du monde égarés dans notre vivre-ensemble de jour en jour plus communautariste, identitaire, tribal.

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« Peut-être que j’ai déjà perdu », se demande-t-elle dans un moment de désespoir. À quoi bon se battre puisque Marianne ne semble plus faire bander le bobo, que l’universalisme passe désormais pour un racisme et que la planète a viré antisioniste, anti-occidental, anti-Olympia de Manet (ces élèves qui refusent d’aller au Musée d’Orsay parce qu’il y a trop de nus) ? De toute façon, la liberté, l’art, la jouissance, c’est bon pour les boomers. Comme le notait Salman Rusdhie himself à La Grande librairie[4], aujourd’hui, c’est la « justice sociale » qui a remplacé la liberté d’expression dans le credo des valeurs, c’est l’annulation culturelle qui importe en cas d’offense des minorités – le pire étant que ce sont les jeunes qui portent la censure et l’interdit. « Imperceptiblement, la liberté n’est plus le phare de toute humanité, elle est devenue louche, entachée du passé historique de l’Occident, elle est devenue la marque du dominant alors qu’elle était, à juste titre, le but de tout désir d’émancipation, l’espoir inébranlable de tout opprimé sur terre. »

Gare à l’immigré trop amoureux de la France !

Contre ces nouveaux terrorismes bigots, et qui relèvent d’une véritable contre-révolution, Shalmani a pris le parti de la France irrévérencieuse, libertaire (libertine !), blasphématrice. « La France ! Ce pays où il était moins grave d’avoir faim, car on y était assuré de trouver la liberté totale. »  Celle de la poésie, de la peinture et de l’alcool. « Tant pis pour la faim, le froid, la misère. La liberté. La liberté sonnait alors comme une victoire ! » Et d’abord pour les sublimes métèques du Bateau-Lavoir que furent Modigliani, Picasso, Brancusi, Chagall et par-dessus-tout Chaïm Soutine avec qui notre exquise sadienne s’imagine une filiation précisément imaginaire. Bonheur de ces ascendances françaises que l’on se choisit à rebours de ses origines et que de bonnes âmes croient aimable de lui rappeler. « Quel dommage que tu aies perdu ton accent ! », entend-elle régulièrement de la part de ceux qui croient l’honorer alors qu’ils l’insultent. C’est que pour une certaine gauche, « l’important, c’est de faire immigré », c’est-à-dire victime sempiternelle de la colonisation, de l’esclavage, du système blanc patriarcal (et comme si « les Blancs » avaient été les seuls colonisateurs au monde alors que dans le genre, et Shalmani le rappelle avec délectation, les Arabes ont fait bien pire[5]). Gare à l’immigré ou à l’enfant d’immigré qui oserait s’assimiler complètement à son pays d’adoption ! Gare à l’Arabe amoureux de la France ! Gare à l’étranger qui ferait l’éloge de la langue de La Fontaine – au lieu de considérer, et comme notre système masochiste l’y encourage, que son apprentissage est une discrimination faite à son endroit. Celui-là serait considéré comme un traitre à sa race. Or, c’est « venger sa race » qui aujourd’hui fait recette et permet le Nobel. Ce que les islamistes, qui « n’attaquent pas la France par hasard », ont bien compris. La haine de soi est chez nous si grande, si prestigieuse, si subventionnée, que toutes les intersectionnalités, néo-féminisme pro-burka, LGBTQIA pro-Hamas, gauchisme eurasien, sont possibles. En vérité, « le Ku Klux Klan l’a rêvé, l’antiracisme l’a accompli ! ».

Annie Ernaux. Photo: Hannah Assouline

C’est que le wokisme, « cette synthèse identitaire », est en écho avec le littéralisme coranique. Comme en Orient, on est en train d’en finir avec l’interprétation, l’exégèse, l’esprit (critique et poétique), ce que l’islam éclairé appelait l’ijtihad – et qu’un Rusdhie a tenté de remettre au goût du jour dans ses Versets avec le résultat qu’on sait. Car c’est le djihad qui l’a emporté contre l’ijtihad – la lettre qui tue contre l’esprit qui vivifie. Et cela avec la complicité des déconstructeurs, Jacques Derrida en tête, déclarant un jour à l’auteur de Joseph Anton, et rapporté par celui-ci, que « la rage de l’islam » trouve sa source non dans l’islam en soi mais dans « les mauvaises actions de l’Occident ». Et voilà le mythe du mal derrière le mal dans nos têtes de petits blancs. L’idée perverse au possible que nous méritons nos frères Kouachi et nos Mohammed Merah – tout comme Israël mérite son pogrom du 7 octobre.  

Au fond, pour cette gauche moisie, ce sont les morts les coupables. Alors que c’est nous, à force de lâcheté, de compromission, d’abandon de la laïcité, d’acculturation programmée, d’oubli de nos arts, armes et lois, de nihilisme bien-pensant, qui sommes coupables de ces morts. Et là-dessus, Abnousse Shalmani nous met en garde : « Soyons un peu plus courageux et nous aurons un peu moins l’impression d’avoir du sang sur les mains au prochain attentat. »

Abnousse, présidente !

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[1] Voir le livre de David di Nota, J’ai exécuté un chien de l’Enfer. Rapport sur l’assassinat de Samuel Paty, Le Cherche midi, 2021

[2] Entretien avec Abnousse Shalmani et Kamel Daoud, par Peggy Sastre, « Si vous ne voulez pas de ce pays, on est preneurs ! », Le Point, n° 2699, 25 avril 2024

[3] Idem.

[4] Émission du 15 mai 2024 que l’on peut revoir ici : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/saison-16/5988222-emission-speciale-salman-rushdie.html

[5] « L’empire arabo-musulman a pratiqué plus longtemps et à plus grande échelle l’esclavage : alors que la traite transatlantique a concerné entre 9,6 et 11 millions d’individus, la traite arabo-musulmane a déporté plus de 17 millions d’Africains. Mais les descendants d’esclaves transatlantiques s’élèvent à 70 millions contre 1 million pour la traite arabo-musulmane, conséquence de la castration systématique. »

Causeur: Contre le maccarthysme MeToo. Fanny Ardant: «Pour l’honneur de Roman Polanski»

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Présentant notre dossier, Élisabeth Lévy se réjouit que Roman Polanski ait gagné son procès contre une ex-comédienne qui l’accusait de diffamation, mais nous rappelle que la Justice ne fait pas taire la meute MeToo. Au Festival de Cannes la grande famille du cinéma, terrorisée, se prosterne devant une poignée de fanatiques. Fanny Ardant a le rare courage de dénoncer ce nouveau maccarthysme qui, comme le premier, réduit au silence et au chômage de grands artistes. L’actrice, se confiant à Sabine Prokhoris, est formelle : «Je n’ai jamais voulu être une victime». À l’affiche du nouveau film de Roman Polanski (The Palace), elle sort de son habituelle réserve pour défendre le réalisateur qu’elle aime et admire.

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Élisabeth Lévy a interrogé Delphine Meillet, l’avocate de Roman Polanski, qui considère que le jugement en sa faveur est une décision majeure à l’heure de la révolution Metoo : un homme accusé publiquement a le droit d’exprimer publiquement sa vérité. Il est peu probable, cependant, que ce jugement calmera les meutes qui, comme l’a reconnu le tribunal, poursuivent le cinéaste de leur «vindicte». Commentant le dernier festival de Cannes, Sabine Prokhoris y voit plus que jamais le festival de ces actrices qui, s’affichant en robes longues et décolletées, se proclament « oppressées » et donnent libre cours à leurs envies d’épuration, de purge et de castration. En revanche, leur cible préférée, Roman Polanski, reste l’auteur d’une œuvre universelle parce qu’elle est portée par le sens du tragique : le réalisateur mondialement célébré est resté un gamin de Cracovie. Jean-Baptiste Roques a lu le livre de l’actrice-réalisatrice Isild Le Besco, Dire vrai. Ce récit qui dévoile les humiliations et violences qu’elle a subies met davantage en cause la dérive tyrannique de certaines réalisatrices que les méfaits du patriarcat.

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Dans son édito du mois, notre directrice de la rédaction analyse la polémique autour de l’actrice espagnole transgenre Karla Sofia Gascón, qui a reçu le prix d’interprétation féminine à Cannes et que Marion Maréchal a qualifiée d’« homme ». Pour Élisabeth Lévy, ce propos n’est pas une injure, comme le prétendent les associations qui poursuivent en justice la tête de liste de Reconquête ! Car «le scepticisme est un droit. Quel est le poids de la génétique ? Jusqu’à quel point peut-on changer ce qu’on est ? Tout cela devrait être matière à débat et controverses, pas à un festival d’interdits».

Causeur se penche sur une des tendances les plus troublantes de l’actualité : la montée de l’antisémitisme en France – et ailleurs – depuis les atrocités du 7 octobre. Aujourd’hui, les leçons de l’histoire semblent bien oubliées. Comme le constate Elisabeth Lévy, «On dirait que les digues illusoires qu’on a cru ériger en psalmodiant « plus jamais ça » ont cédé». Se confiant à Gil Mihaely, l’historien Georges Bensoussan souligne les rôles de l’islamisation d’une jeune génération issue d’une immigration maghrébine ancienne et de l’immigration massive en provenance du monde arabo-musulman. Les deux alimentent un antisémitisme «français» inédit associant les juifs à la domination des Blancs, et donc au colonialisme. Céline Pina a rassemblé des témoignages sur la situation à l’université. Dans de nombreux établissements, l’antisémitisme d’atmosphère s’est mué en soutien au Hamas et les références au nazisme se sont banalisées, dans l’indifférence complice de l’administration. Olivier Douman analyse la convergence des luttes entre les mouvements antifas et propalestiniens.

Pour l’outre-mer, Driss Ghali évalue la situation en Nouvelle-Calédonie où, par faiblesse et lâcheté, la République cède sur tous les plans. Enfin, dans le domaine économique, l’entrepreneur et essayiste Charles Gave, qui est aussi actionnaire de Causeur, plaide pour l’abolition des banques centrales qui ne font qu’entretenir des États de plus en plus dépensiers et mauvais payeurs. Il prône leur fusion avec les ministères des Finances et l’adoption de lois bannissant tout déficit budgétaire. 

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Nos pages culture s’ouvrent avec panache, en l’occurrence celui de Judith Magre, la comédienne qui, à 97 ans, continue de brûler les planches ! Celle qui a travaillé avec Julien Duvivier et Sacha Guitry, Jean Vilar et Gaby Morlay, Fernandel et Jean Poiret se confie à Yannis Ezziadi. Nos lecteurs connaissent le don d’Hannah Assouline pour fixer le regard des écrivains. Cette exploratrice inlassable de la république des Lettres et de l’engeance humaine a découvert il y a quarante ans un autre miroir de l’âme : les mains. Élisabeth Lévy salue un beau livre qui nous ouvre, enfin, les portes de sa galerie. Georgia Ray traque les raisons pour lesquelles les visiteurs se pressent toujours plus nombreux au musée. Que viennent-ils chercher ? Peut-être une consolation à l’instabilité du monde, admirer des œuvres à leur guise, leurs formes et couleurs qui sont source de plaisir. On aurait tort de s’en priver, d’autant que les expos de ce mois de juin méritent le déplacement. Patrick Mandon regrette que l’héritage de Drieu la Rochelle – son talent littéraire et son passé de collabo – soit encore lourd d’ambiguïtés. Mise en vente en décembre 2023, sa bibliothèque a mobilisé les admirateurs de l’écrivain, mais l’État n’a pas préempté certains documents majeurs, tel le manuscrit de Feu follet. Julien Benda a plus de chance, faisant l’objet d’une nouvelle biographie très complète du philosophe Pascal Engel. Ce dernier, nous dit François Kasbi, a raison de rendre hommage à un penseur qui n’a pas craint de s’opposer aux courants intellectuels et littéraires de l’entre-deux-guerres, en défendant la rationalité contre le règne montant de l’émotion. Napoléon superstar ? Oui, selon Julien San Frax, dans la nouvelle version restaurée du chef-d’œuvre d’Abel Gance, datant de 1927. Le film sera projeté en ciné-concert au début du mois de juillet, accompagné d’une composition musicale de Simon Cloquet-Lafollye. Dans les carnets d’Ivan Rioufol du mois de juin, on apprend qu’être français ne va plus de soi. La montée de l’antisémitisme islamisé s’est accompagnée de la haine de la France française, au nom de l’universalisme déraciné et de la repentance perpétuelle. La «fierté française», qui emplit les discours des Jeux olympiques, est un leurre. Et Gilles-William Goldnadel nous raconte une journée au Moyen-Orient – celle du 24 mai de cette année – vue par Le Monde qui en présente une vision… tout à fait biaisée. Ce n’est guère étonnant. Pascal a écrit : «L’étonnement, voilà le secret». Si l’on est pascalien, il ne faut pas lire Le Monde mais Causeur !

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Éric Dupond-Moretti, entre mauvaise foi et impuissance

Notre chroniqueur a craqué: il a regardé la dernière intervention du garde des Sceaux à la télévision, une semaine avant les élections européennes. M. Dupond-Moretti y a notamment sous-entendu que si Marine Le Pen n’était peut-être pas antisémite, Jordan Bardella l’était probablement, selon lui.


Chaque dimanche j’essaie de ne jamais manquer Le Grand Jury animé par Olivier Bost. Pourtant j’ai hésité le 2 juin, l’invité étant le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti[1]. À un ressentiment personnel qui ne s’efface pas, s’ajoutent surtout des considérations judiciaires et politiques. Ayant déjà beaucoup écrit sur lui, je voulais échapper à la certitude désolante de continuer à le voir développer des idées, des convictions et une inconditionnalité tellement aux antipodes de sa pensée et de sa personnalité d’hier… Pourtant j’ai craqué. Et j’ai bien fait. Car durant une heure nous avons d’abord eu droit à une mauvaise foi qui m’a rappelé celle de l’avocat brillant qu’il a été, prêt à tout soutenir pour obtenir les acquittements dont il se prévalait. Puis à une impuissance quand, dans l’émission, le ministre a pris la relève.

Dédiabolisation

La mauvaise foi de l’avocat, associée bizarrement à une pauvreté de l’argumentation, a été éclatante quand face à Olivier Bost qui ne se contentait pas de ses pétitions de principe et de ses banalités hostiles, il a exprimé sa haine à l’encontre de Marine Le Pen, de Jordan Bardella et du RN. Elle lui a fait perdre toute lucidité dans la dénonciation politique.

Pour tenter de démontrer qu’il n’y a pas eu dédiabolisation du parti par Marine Le Pen, pourtant admise par beaucoup de ses pires ennemis, il a été contraint de ressasser ce dont il se sert depuis des années : il nomme le RN Front National, il radote sur la présence de Frédéric Chatillon dans l’entourage de Marine Le Pen, il se régale à parler des Waffen-SS à l’origine selon lui de la création de ce parti qu’il semble continuer à dater sous Jean-Marie Le Pen, en totale méconnaissance de la forte adhésion populaire (c’est un constat) qu’il suscite aujourd’hui.

Questionné sur l’antisémitisme de Marine Le Pen, gêné entre la vérité – non seulement elle n’est pas antisémite mais qu’on le déplore ou non une part importante de la communauté juive fait plus confiance au RN pour la défendre qu’au macronisme verbeux – et son obsession partisane, il se contente de proférer que Jordan Bardella l’est. Faisant un sort à une de ses déclarations sur Jean-Marie Le Pen, que Jordan Bardella a ensuite précisée. C’est tout, donc.

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Ainsi, Marine Le Pen serait coupable par contagion. Et cela remonte à des lustres ! Je n’ai pu m’empêcher, face à la contestation désespérée de certaines évidences, d’imaginer l’avocat Dupond-Moretti si on avait cherché seulement dans le passé de ses clients la preuve de leur éventuelle culpabilité criminelle !

Je me souvenais aussi de son talent redoutable, quand pour les besoins de ses causes il n’hésitait pas, sinon à travestir le réel, du moins à en présenter une vision hémiplégique. N’oublions pas qu’il est allé jusqu’à soutenir ceci : « Faire acquitter un innocent, c’est la moindre des choses. Sortir un coupable, c’est plus intéressant, ça prouve que les règles sont respectées »[2]. Quelles lettres de noblesse pour devenir garde des Sceaux !

Contre-productif

On mesure alors combien Marine Le Pen et le RN – à combattre intelligemment et politiquement – sont tranquillement à l’abri sous les assauts d’Éric Dupond-Moretti, qui augmente au contraire leur emprise. Faut-il considérer qu’il garde en mémoire la blessure de sa déculottée aux élections régionales quand il avait prétendu battre en pièces Xavier Bertrand et le RN, en même temps ?

Enfin, dans Le Grand Jury, le ministre apparut vers midi 35. C’est son impuissance et son irresponsabilité qui ont dominé dans ses réponses, derrière ses satisfecit aussi peu plausibles que sa mue totale d’avocat compassionnel en ministre rigoureux. D’avocat tempétueux à garde des Sceaux obéissant.

Dans cette séquence, consacrée à la sanglante attaque du convoi pénitentiaire au péage d’Incarville, au désastre carcéral, à la pauvreté des moyens pénitentiaires, à l’incroyable dérèglement rendant dans beaucoup d’établissements la vie plus insupportable pour le personnel pénitentiaire que pour les condamnés incarcérés, le ministre a manifesté un art de se défausser qui serait admirable s’il ne concernait pas l’échec quasi-absolu de sa mission ministérielle.

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Que je sache, à la Chancellerie il y a une direction de l’administration pénitentiaire à laquelle les responsables des centres pénitentiaires, des centres de détention et des maisons centrales rendent compte : le ministre est donc informé des dysfonctionnements de toutes sortes qui pourrissent le fonctionnement de beaucoup d’établissements, des conditions honteuses d’enfermement (les matelas !), de la circulation de la drogue et des portables, du fait lamentable que l’incarcération n’est plus la fin de la délinquance et de la criminalité mais leur poursuite.

Éric Dupond-Moretti prétend ne pas avoir découvert ce déplorable constat avec la fuite de Mohamed Amra. Qu’a-t-il donc accompli pour y remédier ? Après les assassinats, il a reçu les syndicats pénitentiaires et il leur a fait des promesses, il a pris des engagements. Pour le court terme et à échéance lointaine. On a le droit de douter. Le macronisme dont il est une navrante incarnation est doué pour le verbe et le virtuel : les prisons et ceux qui exercent ce dur métier de gardien exigent autre chose.

N’oublions pas que la première visite ostentatoire du ministre a été au bénéfice des prisonniers. L’avocat veillait à ce que ses clients n’y aillent pas, le ministre ne s’en est guère occupé. Tant que nous n’aurons pas une personnalité libre, indépendante, pragmatique et courageuse (ses augmentations de budget n’ont rien changé à la vie carcérale) place Vendôme, nous serons orphelins de dignité pour tous et de vraie Justice. Tant que le futur et encore inconnu ministre de 2027 n’aura pas compris qu’il faudra dans l’urgence restaurer pour les détenus une décence minimale, imposer des règles drastiques et respectées et en même temps assurer une sécurité au personnel pénitentiaire et le traiter financièrement comme il le mérite, rien ne changera. Comme aujourd’hui, entre mauvaise foi et impuissance.

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[1] https://www.dailymotion.com/video/x8zid50

[2] Libération, 31 mars 2006. https://www.liberation.fr/france/2006/03/31/eric-dupond-moretti-direct-du-droit_34756

Qui est réellement Raphaël Glucksmann?

Raphaël Glucksmann, tête de liste PS-Place publique, progresse en ce moment dans les sondages en profitant de la faillite macroniste et des dérives de l’extrême gauche mélenchoniste et écologiste. Pourtant, les desseins politiques de ce néo-bourgeois euro-atlantiste sont aux antipodes des intérêts de la France, estime notre contributeur. Immigrationniste, adepte d’une Europe fédérale et supranationale, il est également ce va-t-en-guerre obnubilé par Vladimir Poutine…


En 2004, Raphaël Glucksmann plante un couteau dans le dos de la France en accréditant la thèse de « la responsabilité accablante de l’Etat français et en particulier de François Mitterrand » dans le génocide des Tutsi au Rwanda via un documentaire intitulé Tuez-les tous ! Présomptueux, le jeune homme se pousse du col et pense avoir révélé le « pire scandale de la Ve république ». Des diplomates, des journalistes et des experts de l’Afrique assermentés devant le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda) contestèrent, preuves à l’appui, les accusations aberrantes de Glucksmann. Celles-ci sont en réalité issues de l’histoire officielle écrite par le nouveau régime rwandais et destinée à accabler la France en même temps qu’à camoufler les exactions meurtrières du très autoritaire Paul Kagame et de son parti le FPR (Front Patriotique Rwandais). Raphaël Glucksmann et Bernard Kouchner (ministre des Affaires étrangères de 2007 à 2010) contribueront, chacun à sa manière, pour que les conclusions de l’instruction judiciaire menée par le juge Bruguière et celles du TPIR – à savoir l’éventuelle implication de Kagame dans l’attentat qui coûta la vie au président Habyarimana et déclencha le massacre des Tutsi – finissent dans les oubliettes de l’histoire (1). On se souviendra également que les États-Unis et la Grande-Bretagne, en plus d’avoir voulu empêcher l’opération humanitaire proposée par la France à l’ONU immédiatement après le début du génocide, interdirent finalement au TPIR d’enquêter sur cet attentat. Pour ces deux pays dont l’objectif est, depuis toujours, de chasser la France de la région des Grands Lacs en général et du Rwanda en particulier – avec d’excellents résultats d’ailleurs : dans ce pays traditionnellement francophone, Kagame, une fois au pouvoir, fera adopter l’anglais comme langue officielle, Tony Blair sera son conseiller spécial en 2008 et le Rwanda entrera dans le Commonwealth en 2009 tandis qu’en 2018, Emmanuel Macron, toujours là quand il s’agit de rabaisser la France, manigancera pour faire élire à la tête de l’Organisation Internationale de la Francophonie la très anglophone ex-ministre des Affaires étrangères rwandaise Louise Mushikiwabo (réélue en 2022) (2) et (3) – pour ces deux pays, donc, la réécriture de la catastrophe rwandaise en faveur de Paul Kagame s’imposait. Elle profitera en France d’une étonnante publicité grâce à des personnalités comme Glucksmann (père et fils), Kouchner et Rocard (qui ne connaissait rien au dossier mais crut trouver là un excellent moyen de salir Mitterrand), et des médias serviles s’interdisant de porter objectivement à la connaissance du public les jugements, articles ou livres français ou anglo-saxons remettant en question la thèse officielle du génocide rwandais élaborée par le nouveau régime. Les mêmes peinent aujourd’hui à informer sur ce qu’est devenu le Rwanda sous la présidence despotique de Paul Kagame : réélu en 2017 avec… 98,8 % des voix, ce dernier est parvenu à faire modifier la constitution rwandaise afin de pouvoir gouverner jusqu’en… 2034. Presse surveillée, opposition muselée, contradicteurs « intimidés » : Kagame est d’ores et déjà assuré de remporter les élections présidentielles qui auront lieu en juillet de cette année. Gluksmann ne pipe mot.

Activités politiques en Georgie et en Ukraine avant la guerre

En 2006, Raphaël Glucksmann rejoint Alternative libérale, parti favorable au libéralisme politique et économique, voire au libertarianisme – pas vraiment ce qu’on peut appeler un parti de gauche. Oui mais non, j’étais là par hasard, dira-t-il quelques années plus tard. On le sait proche, à l’époque, de Nicolas Sarkozy avec qui il s’entretient régulièrement, en particulier à propos de l’Europe de l’Est – plus tard, il dira regretter l’engagement de… son père, soutien de Sarkozy en 2007. Il contribue jusqu’en 2008 à la revue Le Meilleur des Mondes, revue publiée par le Cercle de l’Oratoire, think tank néoconservateur ayant soutenu la politique belliqueuse de G. W. Bush. Il propose ensuite ses services au président géorgien pro-occidental Mikheil Saakachvili dont il sera le conseiller jusqu’en 2012. En 2013, celui qui prétend être un « consultant en révolution » (Le Monde, 21 mars 2014) rejoint Kiev pour soutenir et conseiller Vitali Klitschko, un des chefs de file du mouvement Euromaïdan. « J’essaie de dire aux oligarques ukrainiens que s’ils veulent prouver qu’ils sont devenus pro-européens ils doivent aider les autres à faire leur révolution », déclare Glucksmann au Monde. Retour en France. En 2017, après avoir soutenu Benoît Hamon, il appelle à voter Emmanuel Macron au second tour des élections présidentielles pour « faire barrage à l’extrême droite ». En 2018, il fonde le parti Place publique avec Claire Nouvian et Thomas Porcher – qui quitteront quelques mois plus tard ce mouvement qu’ils disent être noyauté par des apparatchiks socialistes et un nombril géant du nom de Glucksmann – et se voit déjà comme le grand unificateur de la gauche. Il est élu député européen en 2019 sur la liste commune PS-Place publique-PRG mais vote Macron aux deux tours en 2022. Désigné tête de liste de PS-Place Publique pour les prochaines élections européennes, Raphaël Glucksmann joue sur du velours : des électeurs macronistes tendance socialo-boboïste repentis, une partie des électeurs insoumis constatant (enfin) l’inquiétante et dangereuse dérive islamo-gauchiste et antisémite de LFI et certains électeurs écolos refroidis par la radicalisation punitive des Verts voient en lui une planche de salut, un moyen de renouer avec un « centre-gauche républicain » propre sur lui, social-démocrate et écolo juste ce qu’il faut. Peut-être est-il temps de creuser un peu le sujet et de montrer à tous ces gens, si ce portrait succinct ne suffit pas, qui est vraiment Raphaël Glucksmann. 

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M. Glucksmann reste extrêmement discret sur ses années passées en Géorgie et en Ukraine, deux pays sur lesquels les États-Unis lorgnent depuis l’effondrement soviétique dans le but de les voir un jour adhérer à l’OTAN et d’élargir ainsi leur influence au plus près de la Russie – malgré la promesse faite à cette dernière de ne rien en faire. En Géorgie, Glucksmann devient le conseiller du président pro-otanien Mikheil Saakachvili en 2008. Il rencontre à cette occasion celle qui va devenir son épouse. Après avoir étudié le droit pendant un an aux États-Unis, Ekaterina Zgouladze est surtout connue en Géorgie pour sa vie festive et ses extravagances nocturnes – « Tout le monde la connaît, elle fréquente le tout-Tbilissi branché, les DJ et les designers », s’extasie le Nouvel Obs. En 2005, titulaire de diplômes de journalisme et de droit que d’aucuns qualifient de « modestes », elle est nommée vice-ministre de l’Intérieur par Mikheil Saakachvili, poste qu’elle occupera jusqu’en octobre 2012, un mois après qu’auront été révélées les tortures pratiquées dans les prisons géorgiennes. Le couple Glucksmann-Zgouladze quitte alors précipitamment la Géorgie pour rejoindre l’Ukraine où il participe activement à la révolution de Maïdan qui conduira à l’avénement d’un nouveau gouvernement constitué en partie sous la férule de la sous-secrétaire d’État américaine Victoria Nuland. En 2014, après avoir été naturalisée citoyenne ukrainienne par le président Porochenko, Ekaterina Zgouladze est nommée… vice-ministre de l’Intérieur du nouveau gouvernement ukrainien. Au même moment, Washington, par l’intermédiaire de la toujours très efficace Victoria Nuland, exige et obtient la promotion de la directrice de la section économique de l’ambassade des États-Unis en Ukraine, Natalie Jaresko, au poste de ministre des Finances du… gouvernement ukrainien – Mme Jaresko, Américaine d’origine ukrainienne, obtient la nationalité ukrainienne… le jour même de sa nomination. Quelques mois plus tard, l’ex-président de la Géorgie, Mikheil Saakachvili, réfugié aux États-Unis pour échapper aux poursuites judiciaires engagées contre lui par son pays, migre en Ukraine où le président Porochenko lui octroie vite fait bien fait la nationalité ukrainienne avant de le nommer gouverneur de l’oblast d’Odessa. Curieux jeu de chaises musicales où d’ardents « nationalistes » changent de nationalité comme de chemise, au gré de leurs intérêts personnels ou des intérêts américains – qui souvent se rejoignent. [Saakachvili est aujourd’hui en prison pour abus de pouvoir dans diverses affaires en Géorgie].

Il ne parle jamais des ingérences américaines

Hormis dans un article récent de Marc Endeweld paru dans Marianne (4), les médias français ne se sont guère attardés sur le parcours tortueux de Raphaël Glucksmann en Géorgie et en Ukraine – parcours qui montre assez bien que les intérêts de la France sont très éloignés des véritables préoccupations de Raphaël Glucksmann. Durant des années, cet euro-atlantiste convaincu a manœuvré auprès des dirigeants de ces pays pour voir aboutir une politique strictement pro-américaine et anti-russe. D’aucuns pensent que Raphaël Glucksmann, parce qu’il bombe le torse et se dit prêt à soutenir, quel qu’en soit le prix, l’Ukraine contre la Russie, est un « candidat de gauche anti-totalitaire ». Premièrement, Glucksmann n’est pas de gauche – « Ça ne m’a jamais fait vibrer de manifester pour les retraites », avoue-t-il au Monde. Deuxièmement, son anti-totalitarisme est du même bois que celui dont se sont chauffés ses prédécesseurs et mentors, BHL, Bernard Kouchner ou son père, André Glucksmann. Comme eux, il n’épouse que les causes « anti-totalitaires » agréées par Washington. Comme eux, il est enragé dès qu’il s’agit de la Russie. Au Parlement européen, son obsession l’a poussé à créer et présider une « Commission spéciale sur l’ingérence étrangère et la désinformation » qui a semblé ne vouloir s’intéresser qu’à l’ingérence russe. Pas un mot sur les ingérences venues de l’Ouest, par exemple le travail d’espionnage mené en Europe par les États-Unis, celui de la NSA (National Security Agency) qui épia, via le Danemark, les conversations téléphoniques des responsables politiques européens, M. Macron et Mme Merkel en tête. Le Sénat américain vient de prolonger, avec la loi FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act), les pouvoirs d’espionnage du FBI, de la CIA et de la NSA sur les citoyens américains mais également non-américains par le biais des communications privées (messageries, réseaux sociaux, téléphonie, etc.) dans tous les pays du monde (5) – mais cela ne semble pas beaucoup inquiéter M. Glucksmann. Le rapport de ladite commission reste également relativement discret sur les ingérences des pays alliés du bloc occidental, l’Arabie Saoudite, la Turquie ou le Qatar. Concernant ce dernier, il y avait pourtant bien des choses à dire, que Glucksmann a à peine susurrées. Par exemple : en novembre 2022, la socialiste grecque Eva Kaïli, à l’époque vice-présidente du Parlement européen, tient un discours dithyrambique sur le Qatar, pays exemplaire devenu, selon elle, « un chef de file en matière de droit du travail ». En décembre de la même année, dans le cadre d’une enquête pour corruption au profit du Qatar, la police belge arrête Eva Kaïli après avoir découvert des centaines de milliers d’euros en liquide répartis dans son appartement et dans celui de son père. L’ex-eurodéputé socialiste italien Antonio Panzeri – fondateur de l’ONG Fight Impunity par laquelle transitait apparemment l’argent de la corruption – est également incriminé. Le Qatargate n’en est qu’à ses débuts. Pourtant, le Qatar n’est mentionné que trois fois dans le rapport issu de la commission sur les ingérences étrangères dirigée par Glucksmann – la Russie, elle, est mentionnée soixante-six fois ! Cherchez l’erreur.

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Raphaël Glucksmann est un européiste fédéraliste qui se fiche des intérêts de la France. L’Europe, l’Europe, l’Europe, bêle-t-il en sautant sur sa chaise comme un cabri. La France qui désire rester la France l’incommode. De son propre aveu, il se sent bien plus à l’aise à New-York ou à Berlin qu’en Picardie. Cet explorateur des métropoles mondialisées et uniformes n’a que peu de considération pour le bouseux picard enraciné. « Les nouvelles élites sociales ne se sentent chez elles qu’en transit, sur le chemin d’une conférence de haut niveau ou de l’ouverture d’un festival de cinéma. Leur vision du monde est essentiellement celle d’un touriste », écrivait Christopher Lasch dans son dernier essai analytique et visionnaire, La révolte des élites, paru il y a bientôt trente ans. Raison pour laquelle, ajoutait-il, le« multiculturalisme leur convient parfaitement ». L’Europe dont rêve Raphaël Glucksmann est essentiellement celle de ces métropoles où les anywhere – néo-bourgeois de toute obédience, migrants ubérisés ou non, étudiants wokisés et touristes en masse – ont supplanté les classes populaires et moyennes chassées par la spéculation immobilière, le chômage et de nouvelles relations sociales techno-culturelles (et lugubrement festives, ajouterait Philippe Muray) qui ne les concernent pas. Et puis, pourrait-on dire en paraphrasant Gilles-William Goldnadel, le Picard a la malchance de ne pas être l’Autre, cet Autre lointain pour lequel Glucksmann est tout amour, celui de la diversité, celui des causes humanitaires, celui de l’immigration, celui que la gauche aisée apprécie d’autant plus qu’il vient « comme il est », tout auréolé d’une culture que, cette fois, nul ne lui reproche, bien au contraire. Ferment de la société multiculturaliste souhaitée par les nouvelles élites, cet Autre présente également l’avantage d’être corvéable à merci dans les métropoles gentrifiées, au service des classes aisées ou mondialisées. Le Picard n’a aucun avenir. L’Autre interchangeable est le futur.

Cet intellectuel mondain et mondialiste habitué à l’entre-soi des salons médiatiques ne s’intéresse que modérément aux difficultés quotidiennes des Français. Sait-il seulement ce qu’ils vivent réellement ? Il est permis d’en douter. Les résultats amers de l’immigration massive – son coût, son impact sur nos mœurs, ses conséquences délétères, l’insécurité et l’islamisation galopante de la société entre autres – sont des sujets qu’il n’aborde que difficilement et toujours pour considérer que, si problème il y a, la seule réponse envisageable est eu-ro-pé-en-ne. De toute façon, comme la majorité des élites bruxelloises, Glucksmann pense que l’immigration extra-européenne est inévitable, nécessaire, voire indispensable. Sa priorité n’est pas de défendre la France mais de favoriser l’immigration massive tout en osant affirmer qu’elle n’existe pas – « l’Europe n’est pas le véhicule de la submersion migratoire. C’est un mythe. »et en maniant l’habituel discours culpabilisateur : « Tout le monde s’est habitué à ce que notre mer soit devenue un cimetière. Il n’y a pas un mot dessus dans ce pacte (celui de l’UE sur l’immigration). Il faut relancer les opérations de sauvetage. » Frontex, devenu organisme d’accueil des migrants plutôt que de défense des frontières européennes, répond aujourd’hui à ses attentes. Avec des députés européens comme Glucksmann, les flux migratoires ne sont pas prêts de se tarir.

Raphaël Glucksmann, qui se réclame de Delors, ce qui est en soi un motif d’inquiétude, est un être composite qui tient tout à la fois d’Emmanuel Macron et de BHL, avec un zeste de Bernard Kouchner pour ajouter à l’aspect humanitaire de théâtre et une pincée de Daniel Cohn-Bendit pour fortifier le côté révolutionnaire de salon. Ce portrait hybride met en évidence la dangerosité d’un individu prêt à tout pour désintégrer la France en tant qu’État-nation. Depuis le début de la guerre russo-ukrainienne, Glucksmann jette de l’huile sur le feu et semble espérer un embrasement total de l’Europe en vue de détruire la Russie – et gare à ceux qui osent rappeler que l’Ukraine n’est pas pour rien dans le déclenchement de ce conflit (6). Ce belliciste est prêt à engager la France dans un conflit qui aurait pu cesser depuis longtemps : le quotidien allemand Die Welt vient de révéler la teneur exacte du projet d’accord de paix envisagé dès la fin mars 2022 – une rencontre entre Poutine et Zelensky étant même alors prévue afin d’en finaliser les points cruciaux – et de confirmer, via le témoignage du négociateur ukrainien David Arakhamia, la venue de Boris Johnson à Kiev le 9 avril 2022 pour faire capoter cet accord et demander à Zelensky de poursuivre le combat tout en l’assurant du soutien des Britanniques et, vraisemblablement, des Américains – on imagine mal Boris Johnson se lancer de son propre chef et seul dans cette délicate manœuvre (7). Foncièrement dégoûté par le nationalisme français mais opportunément charmé par le nationalisme ukrainien, le va-t-en-guerre Glucksmann réclame à cor et à cri que l’économie française passe « totalement en économie de guerre » pour soutenir l’Ukraine et confiait récemment ne pas être fondamentalement opposé à la proposition d’Emmanuel Macron concernant l’intégration de la puissance nucléaire de la France dans une stratégie globale de défense européenne. On ajoutera à ce tableau déjà sombre, la promesse de Glucksmann de tout faire pour que l’Ukraine intègre l’OTAN et l’UE, ce qui serait, pour la France, un désastre, tant au niveau géopolitique qu’au niveau économique.

L’électeur potentiel de la liste PS-Place publique conduite par Glucksmann ne devra pas oublier que les actions de ce dernier ne sont motivées que par deux obsessions : la première est de tenter d’affaiblir la Russie par tous les moyens possibles, y compris une guerre engageant militairement la France ; la seconde est de dissoudre la France dans une mosaïque de territoires européens dépendant d’un pouvoir central bruxellois lui-même aux ordres des nouvelles élites de l’empire davosien, diversitaire, immigrationniste et multiculturaliste en cours de construction. Dans tous les cas, l’objectif glucksmannien est, d’une manière ou d’une autre, la disparition de la France. Autant le savoir avant d’aller voter.


(1) https://www.marianne.net/monde/exclusif-rwanda-le-document-top-secret-qui-accuse-le-regime-de-kagame 

(2) https://www.marianne.net/monde/geopolitique/militante-de-langlais-n2-du-rwanda-louise-mushikiwabo-surrealiste-patronne-de-la-francophonie 

(3) https://www.marianne.net/monde/rwanda-noel-en-avance-pour-paul-kagame-qui-gagne-la-francophonie-et-decroche-presque-son-non 

(4) https://www.marianne.net/politique/gauche/conseiller-de-saakachvili-et-negos-sur-les-armes-georgie-ukraine-glucksmann-epoque-consultant-en-revolution 

(5) https://www.lefigaro.fr/international/etats-unis-le-senat-americain-approuve-la-prolongation-d-un-programme-de-surveillance-a-l-etranger-20240420 

(6) La journaliste et reporter de terrain Anne-Laure Bonnel a réalisé deux documentaires sur le Donbass, l’un en 2014 et l’autre en 2022, quelques semaines avant le début de la guerre. Ces documentaires n’ayant pas eu l’heur de plaire à M. Glucksmann, celui-ci a affirmé sur Sud Radio que la journaliste travaillait « au service des intérêts russes ». « M. Glucksmann, vous m’avez mis une cible sur le dos », a déclaré, une semaine plus tard, Anne-Laure Bonnel au micro d’André Bercoff.

(7) https://www.lefigaro.fr/international/le-document-secret-qui-aurait-pu-mettre-fin-a-la-guerre-en-ukraine-20240513 

Trump reconnu «coupable»: les bizarreries d’un procès hors normes

Un tour d’horizon de la presse européenne et américaine permet de constater que les médias étaient à l’euphorie après la condamnation de Donald Trump. La preuve, nous a-t-on répété à satiété, que « nul n’est au-dessus des lois ». Pourtant, ce qui frappe de prime abord après un procès aussi spectaculaire, c’est que personne n’est capable d’expliquer clairement de quoi Trump est coupable exactement. Notre contributeur fait le point.


Pour des infractions qui remonteraient à 2016, l’ancien président est inculpé en avril 2023 seulement, après qu’il se soit déclaré candidat à l’élection présidentielle de 2024. Le procureur l’inculpe de 34 chefs d’accusations pour « falsification de documents commerciaux », 34 afin de frapper les esprits car les motifs se ressemblent, comme si un juge français avait mis un individu en examen pour 34 chèques ou documents différents au lieu de faire une seule inculpation avec 34 éléments à charge. La falsification dont on parle ici est le fait d’avoir enregistré dans la comptabilité sous la rubrique “services juridiques” des paiements à son avocat Michaël Cohen, qui auraient, en partie, servi à acheter le silence de l’actrice porno Stormy Daniels. Il est important de préciser qu’il n’y a rien d’illégal à conclure un accord de type argent contre silence.

Des bases ténues pour un tel procès

La prescription pour ce délit est de deux ans. Pour pouvoir requalifier le délit (misdemeanor) en crime (felony) et ainsi retarder la prescription, il faut qu’il ait été commis  dans le but d’en commettre un plus grave. En tordant au maximum l’interprétation de la loi, sans preuve, le procureur Bragg sort de son chapeau que ce crime serait la conspiration en vue d’influencer l’élection de 2016. Or, le  département fédéral de la Justice (DOJ) ainsi que la Commission électorale fédérale (FEC) avaient auparavant renoncé à poursuivre M. Trump pour ce motif.

Avant cette inculpation, le prédécesseur du procureur Alvin Bragg, Cyrus Vance, ainsi que M. Bragg lui-même, élu sur la promesse d’avoir la peau de M. Trump, avait renoncé à l’inculper tant l’issue d’un procès sur des bases aussi ténues semblait incertaine, avant de relancer la procédure début 2023, suite à la pression médiatique à l’encontre de Donald Trump résultant notamment du livre d’un ancien procureur adjoint ayant travaillé sur l’affaire.

Contrairement à la coutume new-yorkaise qui veut que l’affectation des affaires sensibles à un juge soient tirées au sort, Juan Merchan a été choisi parce qu’il avait déjà rendu une série de décisions négatives à l’encontre de Donald Trump dans des procès concernant ses sociétés. Il a effectué un don à la campagne de Biden et à des actions pour « résister au Parti républicain et à l’héritage de droite radicale de Donald Trump ». Cela aurait dû suffire à le disqualifier. Ce juge a ensuite mené le procès de façon partiale. Dans le seul but d’humilier l’ancien président, il a autorisé des témoignages sans objet comme celui de Stormy Daniels à l’origine de l’affaire qui était sans rapport avec la falsification de documents commerciaux. Toute l’Amérique a pris connaissance que cette actrice aux 200 films pornos sous-entendait avoir été violée par Donald Trump.

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Le témoin principal sur lequel toute l’accusation repose, M. Cohen, l’ancien avocat de Trump, est un menteur notoire. De son propre aveu, il a menti à un tribunal, il a menti aux médias et il a plaidé coupable d’avoir menti au Congrès. Pour condamner Donald Trump, en l’absence d’autres témoins de ce qu’ils se sont dits, il fallait donc croire M. Cohen.

L’analyse des bizarreries de ce procès et de la partialité du juge sort du cadre d’un article. On pourrait mentionner le traitement du témoin M. Costello ou encore le refus de laisser témoigner l’ancien président de la FEC, Brad Smith, qui était prêt à affirmer que « de tels paiements ne peuvent être considérés comme des violations des règles électorales fédérales et qu’ils n’affecteraient pas l’élection même s’ils étaient considérés comme des contributions, puisqu’ils n’auraient même pas dû être déclarés avant la fin de l’élection » .

C’est votre dernier mot ?

Ce qui choquera sans doute le plus un observateur européen, mais qui n’a guère été souligné dans les médias, est que, dans la procédure new-yorkaise, les plaidoiries finales commencent par la défense, l’accusation ayant le dernier mot. En l’absence de réplique de la défense, c’est au juge qu’il incombe d’empêcher le procureur d’avancer des contre-vérités flagrantes, ce qu’il ne fera pas, laissant le procureur affirmer que la loi électorale a été violée par la campagne Trump.

Les instructions données au jury furent la cerise du juge Merchan sur le gâteau de cette étonnante justice. Rappelons que pour qu’il soit condamné Trump devait avoir falsifié des documents commerciaux dans le but de commettre une autre infraction plus grave. Comme il n’avait jamais été condamné pour cette supposée dernière, le juge Juan Merchan laissa le choix au jury entre trois options. Il pouvait s’agir de dissimuler une infraction électorale fédérale, de la falsification de documents commerciaux ou d’infractions fiscales. Mais le jury ne devait pas être unanime sur ce point et du moment qu’ensemble tout le monde était d’accord qu’une de ces infractions avait été commise – sans dire laquelle et même si les jurés n’étaient pas d’accord entre eux – le compte du « Donald » était bon ! On se saura donc jamais – et l’accusé non plus – quelle est ce crime secondaire pour lequel il n’a jamais été condamné mais qui lui vaut quand même d’être jugé coupable !

D’ailleurs, Donald Trump avait-il la moindre chance d’être déclaré non coupable avec un jury pêché dans un district électoral qui a voté à 86% pour Joe Biden en 2020 ? On ne s’attardera pas non plus sur le fait, à cinq mois de l’élection, en pleine campagne électorale, d’obliger le candidat républicain à être présent au tribunal quatre jours par semaine pendant plus d’un mois. Loin d’être la preuve d’un fonctionnement tout à fait normal de la justice, ce procès en était une grossière caricature, entaché de nombreuses irrégularités comme des dizaines de juristes et d’observateurs (Alan Dershowiz, Alex Berenson, Elie Honig, Johantan Turley..) l’ont mis en évidence. Malheureusement, dans le climat de polarisation de l’Amérique et de haine envers Donlad Trump, les faits importent peu. Il était donc important de les rappeler.

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Euthanasie: la France de Macron en passe d’être le pays le plus permissif du monde?

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Gabriel Attal et Catherine Vautrin, 13 janvier 2024 © JC Tardivon/SIPA

L’examen du texte sur la fin de vie se déroule en ce moment à l’Assemblée nationale. Mais le militantisme de députés de gauche et de la majorité, très engagés sur cette question, a conduit à faire sauter nombre de garde-fous du texte. Analyse.


Le projet de loi sur la « fin de vie », en discussion jusqu’au 7 juin, est devenu une des lois les plus permissives au monde, alors même que des dérives importantes de ce droit à l’euthanasie sont dénoncées et que les problèmes rencontrés sont réels : l’exemple canadien a montré que l’euthanasie avait tendance à se substituer aux soins palliatifs. Plus le recours à celle-ci se développe, plus la qualité des soins de fin de vie se dégrade. Mais ces réalités-là sont niées au nom du libre choix de sa fin. Les députés ont ainsi supprimé le fait que le pronostic vital soit engagé à court ou moyen terme, ont fait sauter le verrou du discernement du patient, ont créé un délit d’entrave au suicide assisté.

La protection du patient, de ses proches ou du soignant, a été écartée d’un revers de main, comme si pouvoir tuer ou se tuer était devenu la dernière liberté à conquérir. Alors l’euthanasie, dernière frontière à conquérir ou vrai recul humaniste à dérive eugéniste ? Dernier acte de volonté ou dérive liée au fait que les sociétés pensent que la vie d’un handicapé ou d’un malade ne vaut rien et pèse sur les ressources de la collectivité ? Un chiffre à méditer : au Canada, ils sont désormais 27% à penser que les gens devraient avoir accès à l’euthanasie pour des raisons de pauvreté et 50% pour le handicap. Et les chiffres sont encore plus élevés chez les jeunes. Bienvenue dans le monde réel.

Ce devait être la loi consensuelle de ce quinquennat. Celle qui devait illustrer le fait que le « et de droite et de gauche » qui fit le succès d’Emmanuel Macron en 2017 n’était pas qu’une arnaque fumeuse bien vendue mais correspondait à quelque chose de concret. Elle devait montrer que la nation s’exprime au-delà des clivages politiques quand on touche à l’essentiel. La loi sur la fin de vie était vue comme l’occasion de trier le bon grain progressiste de l’ivraie identitaire et traditionnaliste. Hélas ce n’est pas ce qui est en train de se passer. Et c’était prévisible.

Une question trop sensible pour être traitée avec dogmatisme

La question de la fin de vie, donc de la mort, du fait de la donner ou de la recevoir, est une question bien trop sensible, intime et délicate pour être traitée avec dogmatisme et idéologie. Tout critiquable qu’il ait pu être, l’ancien monde politique connaissait l’existence de limites anthropologiques et ne les approchait que la main tremblante. Mais les amateurs du camp présidentiel et les exaltés irresponsables d’une certaine gauche, faute d’avoir encore de grandes utopies et même de petites, se sont rués sur « l’aide à mourir » comme si c’était la dernière frontière du progrès. Ils en ont fait l’occasion d’exhiber leur vertu et leur absence de tabous et ont refusé d’entendre toutes les sonnettes d’alarme tirées par le corps médical, le comité d’éthique, les représentants des cultes ou tout simplement les avertissements des humanistes.

Comme si, incapables d’envisager une possibilité d’amélioration individuelle et collective de la condition humaine, une partie des politiques avait décidé de faire du suicide assisté la dernière frontière de démonstration de leur puissance. D’où l’étonnante passion de nombre de députés de la majorité et de la gauche pour que tuer un patient ou l’aider à se suicider soit vu comme la liberté ultime. Ils ignorent ainsi délibérément ce que les acteurs des soins palliatifs savent : rares sont les malades qui veulent vraiment mourir ; ce qu’ils souhaitent c’est ne pas mourir dans la souffrance, la détresse, l’abandon. Ils ne désirent pas qu’on les tue, mais qu’on ne les abandonne pas et qu’on soulage la douleur. Les situations nécessitant un suicide assisté, comme la maladie de Charcot, sont rares. La restrictivité des critères était donc la solution parfaitement adaptée pour que le modèle de fin de vie reste humaniste, donc fondé sur l’accompagnement et non l’élimination.

Soins palliatifs coûteux versus euthanasie économique

Souvent, les soins palliatifs apportent une réponse adaptée et la prise en charge des patients élimine en grande partie les demandes d’aide à mourir. Mais ceux-ci sont coûteux, réclament beaucoup de personnels et n’existent pas dans nombre de départements. Ils sont mêmes attaqués au sein de l’hôpital, où l’on se sert souvent dans leur personnel pour combler les manques et boucher les trous. Au quotidien, le modèle commence à être détricoté au nom des nécessités des autres services et à moins de chefs de service puissants, l’idéal d’accompagnement qu’il incarne est mis à mal par les obsessions budgétaires. L’euthanasie, elle, est très économique et épargne l’investissement dans des soins et des médicaments très lourds financièrement. Comme ce qui coûte le plus cher à la Sécurité sociale, ce sont les dernières années de la vie, ouvrir largement l’aide à mourir est une source d’économie. Surtout si l’aide à mourir fait de l’euthanasie un droit, alors que l’accès garanti aux soins palliatifs n’en est pas un. La loi sur la fin de vie mettrait ainsi symboliquement le fait de donner la mort au-dessus des soins indispensables pour prolonger la vie et accompagner la fin. Les soins palliatifs ne sont pas en effet un droit et même pas une possibilité ouverte à tous.

L’aide à mourir, une démarche purement humaniste ?

« Comment osez-vous parler ainsi ! », voilà ce que me répondraient les défenseurs de la loi sur l’aide à mourir, choqués de voir caricaturer en démarche cynique ce qu’ils voient comme une frontière humaniste et le respect de la volonté de la personne. Je les renvoie à la statistique canadienne qui montre à quel point cette façon purement utilitariste de considérer l’existence amène à porter un jugement violent sur certaines vies qui ne vaudraient pas la peine d’être vécues. Autre point très gênant, le flou concernant les conditions de l’expression de la volonté du patient ou la référence à des directives anticipées. Ici on peut craindre les abus de faiblesse, la famille n’étant pas toujours exempte de violence et de toxicité, des troubles cognitifs peuvent par ailleurs amener à des décisions non éclairées… Et surtout, pour qui a accompagné des personnes en fin de vie, c’est fou la différence entre le discours tenu vis-à-vis de la mort et de la maladie par une personne valide et par la même personne quand elle y est confrontée. Enfin c’est aussi oublier l’épuisement et les perturbations que provoque cet accompagnement pour l’aidant, les réactions ambivalentes que cela implique, la déstabilisation que cela provoque. Il faut pouvoir dire cette envie de fuir que l’on a parfois quand il faut pousser la porte de celui ou celle qui part à petit feu. Il faut pouvoir dire cet investissement dans le matériel et le soin parce que parler devient compliqué, plein de non-dits ou trop plein d’attentes. Bref ne pas prévoir de contrôle et de garde-fous préalables alors que l’on parle de donner la mort à quelqu’un est profondément choquant et irresponsable.

Pourtant je suis sensible à l’idée que quelqu’un dont le pronostic vital est engagé à court et moyen terme et dont les souffrances sont intolérables puisse choisir d’en finir. Mais ces situations doivent être très encadrées. La priorité est avant tout le développement des soins palliatifs et le respect de leur modèle d’accompagnement. Est-on vraiment un humaniste quand on refuse de regarder en face ce que le fait de supprimer certains garde-fous a produit au Canada ou en Belgique ? Pays où la loi est malgré tout plus restrictive que le texte proposé au vote du Parlement français.  

Des députés de la majorité et de la gauche choqués par l’évolution du texte de loi

C’est en ce sens que se sont exprimés des députés qu’on ne peut soupçonner d’être d’abominables réactionnaires ou des adorateurs de soutanes. C’est le cas d’Astrid Panosyan, députée Renaissance qui explique dans un entretien au Figaro qu’ «il est rare que des malades disent « je veux mourir ». La plupart d’entre eux envoient le message : « je ne veux pas vivre ainsi » ». La députée sait de quoi elle parle car elle a été confrontée à cette situation en accompagnant son mari, Laurent Bouvet, intellectuel atteint par la maladie de Charcot. Dans ce cas particulier la sédation profonde et continue jusqu’au décès, prévue par la loi Leonetti n’était pas possible. Mais celle-ci ne fait pas de son ressenti ni de son expérience, un dogme inattaquable. Outre le fait qu’elle rappelle qu’ « une expérience personnelle ne vaut pas vérité universelle », elle explique aussi qu’il y a une tension entre le respect de la liberté de vouloir mettre fin à ses douleurs et celui de la fraternité qui consiste à ne jamais laisser une personne se sentir de trop. Dans le cas de la maladie de Charcot, où le malade se retrouve enfermé dans son propre corps, fauteuils adaptés et ordinateurs à commande oculaire sont extrêmement chers par exemple. Or ils sont déterminants pour permettre le lien, la communication et donc une vie qui ait du sens, qui permet la communication avec l’autre. Cela explique pourquoi les difficultés financières sont invoquées pour justifier la demande d’aide à mourir, l’Oregon est sur ce point un exemple parlant1.

Pierre Dharréville, député communiste, est lui aussi très inquiet des changements que la commission a apportés au texte d’origine. Dans son intervention à l’Assemblée nationale, cet homme de gauche explique le vertige qui l’a saisi alors que selon lui une barrière éthique a été renversée, celle qui consiste à confondre « soulager les souffrances » et « abréger la vie ». Il rappelle aussi que souvent la demande de mort est un appel à l’aide. Pour lui cette loi pose insidieusement la question « ne crois-tu pas qu’il est temps de partir ? » et il met le doigt sur un problème que nient ou minimisent les promoteurs de la loi fin de vie remaniée : « Demain, pour combien d’entre nous sera-t-il plus rapide, nettement plus rapide, d’avoir accès à un produit létal qu’à un centre antidouleurs ? Les soins palliatifs et l’assistance au suicide ne sont pas complémentaires mais contradictoires. » Et il évoque la nouvelle norme sociale que porte le texte, celle qui consiste à estimer que certaines vies n’en valent pas la peine.

On devrait plus écouter ces avertissements. Nous allons vers un monde où nos protections sociales vont diminuer. D’ores et déjà, nous sommes confrontés à des pénuries de médicaments, à des déserts médicaux, à la grande misère des hôpitaux, à une baisse des chances pour les patients, à des baisses de remboursements, à l’absence de soins palliatifs dans 21 départements… Avec l’aide à mourir, on crée une réponse économique à la question de la fin de vie que l’on peut emballer dans un discours de compassion, de respect de la liberté du patient et de reconnaissance de la volonté individuelle. L’irresponsabilité et le cynisme érigés en respect de l’autre. Il est probable que bien des partisans de la nouvelle mouture du projet de loi, telle qu’elle est sortie de la commission et de l’examen à l’Assemblée nationale, ne sont pas conscients des implications de leur vote. Mais est-ce une excuse ? Il se trouve que ceux qui occupent ce type de poste ne sont jamais comptables de leurs erreurs, ne les reconnaissent jamais et ne songent jamais à les réparer.

Comment les excuser, alors qu’ils ont sous leurs yeux le résultat des dérives constatées en Belgique comme au Canada et qu’ils n’en tirent aucune conséquence. Quant à cette gauche, qui ne se bat plus pour améliorer les conditions de vie et de travail des Français, la voir présenter la mort comme un droit à conquérir est surréaliste et navrant.

Catherine Vautrin, ministre de la Santé a d’ailleurs déclaré, suite à la Commission spéciale chargée de l’examen de la loi fin de vie : « En moins de cinq jours, ils ont davantage élargi l’accès à la mort provoquée que ne l’ont fait les deux pays les plus permissifs sur l’aide à mourir, la Belgique en 22 ans et le Canada en huit ans ». L’examen en séance n’a pas arrangé les choses. Or, on ne touche pas impunément à certaines frontières sans que cela n’atteigne notre rapport à l’humanité et à notre propre humanité. La loi sur la fin de vie, telle qu’elle a été retouchée par les députés, est en l’état très inquiétante et prépare une société dans laquelle toutes les dérives sont possibles. Si le Sénat peut y apporter un peu de sagesse, l’effort sera reconnu, mais c’est l’Assemblée qui a le dernier mot en la matière et dans l’ambiance de monôme permanent que sont devenues les séances, on ne peut guère attendre de miracle.

Le choix fait par nos députés sur un sujet aussi complexe et intime est d’autant plus inquiétant qu’une loi bien plus stricte et encadrée, portant sur des situations précises et mettant en place des conditions restreintes, aurait été massivement soutenue. Hélas trop de nos députés n’ont pas peur d’être des amateurs, au point d’en devenir des démolisseurs.

  1. https://www.fondapol.org/etude/suicide-assiste-euthanasie-le-choix-de-la-rupture-et-lillusion-dun-progres/
    https://www.lopinion.fr/politique/a-letranger-les-euthanasies-legales-sont-en-hausse-constante ↩︎

J’ai mal à ma Trans

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Sonia Devillers (© Christophe Abramowicz) et Marion Maréchal (© Hannah Assouline)

L’éditorial de juin d’Elisabeth Lévy


Que Marion Maréchal me pardonne, mais son plaidoyer pour les « mamans courage », paru dans Le Figaro le jour de la fête des Mères m’a passablement agacée. D’abord, une lectrice sourcilleuse de Renaud Camus devrait savoir que le mot « maman » est réservé à l’usage privé et (dans la majorité des cas) à une seule personne. Et puis, cette peinture de mères toutes aimantes et vertueuses, c’est du Walt Disney. « La gauche n’aime pas la famille », affirme Mathieu Bock-Côté. Ce n’est pas vrai. L’idéalisation un peu nunuche de la famille n’est pas l’apanage de la droite, ni des hétéros et autres cisgenres. Porteuses de jupes plissées, hommes à cheveux bleus, chanteuses à barbe et sexuellement indécis : tout le monde veut les enfants, le chien et Darty le samedi après-midi. Les innombrables thuriféraires de la famille heureuse n’ont jamais dû lire un roman, ni voir un film de Bergman.

Cependant, ce n’est pas parce que la famille peut être un lieu d’enfermement et de négativité qu’elle n’est pas une médiation indispensable entre l’individu et les communautés humaines. En plus d’être une source d’amour et de névrose, le foyer est le premier échelon administratif, ce n’est pas rien.

A lire aussi : Clash Marion Maréchal/Sonia Devillers: une Gauloise sans filtre s’enflamme à la radio publique

Pour Sonia Devillers, l’impayable intervieweuse de France Inter, championne de la bondieuserie progressiste (elle a connu l’extase en accouchant Godrèche), toutes les familles ne se valent pas. Recevant, temps de parole oblige, la tête de liste Reconquête !, elle répète à plusieurs reprises, avec un ton d’institutrice indignée « vous défendez la famille française, et la famille chrétienne ! », sans qu’on sache très bien ce qui, de française ou chrétienne, est le plus infamant. « Pétainiste ! » lâche finalement notre femme savante. « Au moins je sais pourquoi je veux privatiser l’audiovisuel public », réplique Maréchal. Et toc.

Marion Maréchal a raison de s’inquiéter de la catastrophe démographique qui vient. Donc de prôner des mesures natalistes. Et elle a le droit de préférer le modèle papa-maman-la bonne-et-moi[1], même si ça débecte Madame Devillers qui aimerait bien lui coller un procès.

« L’envie du Pénal »[2] de la vertueuse francintérienne trouve un terrain plus favorable, la transidentité, qu’un lobby hargneux et procédurier veut imposer comme une norme parmi d’autres. Après le prix décerné à Cannes à Karla Sofia Gascón, actrice espagnole transgenre, Maréchal a écrit : « C’est donc un homme qui reçoit le prix d’interprétation… féminine. » Six associations portent plaintepour « injure transphobe », tandis que la principale intéressée teste le colifichet pénal inventé par Marlène Schiappa, le délit d’outrage sexiste. On ne voit pas le rapport entre le propos de Maréchal et une femme qui se fait siffler dans la rue, mais passons. « La transphobie n’est pas une opinion, c’est un délit ! » braille Devillers, certaine d’avoir la loi avec elle.

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Si elle a raison, si le commentaire de Marion Maréchal (appelé « mégenrage » en jargon LGBT) est hors-la-loi, il y a le feu au lac des libertés. Certes, Karla Sofia Gascón a obtenu en justice un état-civil de femme et le droit d’être reconnue comme telle. On comprend qu’elle soit blessée quand Maréchal affirme qu’un homme reste un homme. Ça ne fait pas de ce propos une injure. Le scepticisme est un droit. Quel est le poids de la génétique ? Jusqu’à quel point peut-on changer ce qu’on est ? Tout cela devrait être matière à débat et controverses, pas à un festival d’interdits. On peut aussi penser à mi-chemin, comme cette trans magnifique qui m’a dit un jour « je sais que je ne suis pas complètement une femme ». La loi n’est pas là pour panser les blessures narcissiques. Interdire toute distinction entre femmes trans et femmes de naissance revient par ailleurs à instaurer une parfaite égalité, notamment dans le sport, et une totale promiscuité dans les vestiaires. Même Sonia Devillers peut comprendre que c’est problématique.

Plus grave que ces frottements de la vie concrète, il y a la censure drapée dans la bienveillance inclusive. Il n’est plus question seulement de traquer la pensée ou la parole, mais d’une police du réel, dûment partagé entre licite et illicite. Si la justice cède, il sera interdit demain d’affirmer qu’il y a des hommes et des femmes ou d’observer la surreprésentation des étrangers dans la délinquance de voie publique, et après-demain, comme dans 1984, de dire que deux et deux font quatre. On répète à satiété la formule de Péguy : « Il faut voir ce que l’on voit. » Alors, profitons-en tant que c’est légal.


[1] Personnellement, tant qu’on ne ment pas sur la fabrication des enfants (donc sur la filiation), je suis plus libérale que Marion Maréchal quant aux conditions de leur élevage. Des homosexuels et des lesbiennes peuvent être des parents aussi toxiques qu’un couple à l’ancienne.

[2] Dont Philippe Muray avait compris qu’elle est l’affect dominant de l’époque.

LFI: les Palestiniens méritent mieux que ces calculs électoraux miteux

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Les questions au gouvernement se suivent et se ressemblent. Assemblée nationale, 4 juin 2024 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Il n’y a vraiment pas de quoi pavoiser… Après le nouveau coup d’éclat clownesque de Rachel Keke à l’Assemblée nationale, hier, notre directrice de la rédaction formule un vœu: « J’espère que dimanche, les électeurs montreront à LFI le chemin de la sortie ». Sera-t-il exaucé ?


Nouvelle séance houleuse à l’Assemblée : l’insoumise Rachel Keke a encore brandi un drapeau palestinien dans l’hémicycle. Ce que l’on ne dit pas, c’est qu’en réalité il s’agissait selon Libération[1] d’une initiative des écolos. Des dizaines de députés de gauche, élus pour représenter le peuple français et faire la loi, s’étaient habillés en rouge, vert, blanc ou noir pour former un drapeau palestinien sur les bancs… Quand on pense que cela a dû mobiliser des assistants parlementaires pendant des heures…

Bordélisation générale

Puis, Mme Keke a brandi son drapeau. À droite, on a sorti les écharpes tricolores. Rappel à l’ordre pour l’insoumise, huées, brouhaha et suspension de séance, comme un air de déjà-vu… La présidente Yaël Braun-Pivet a du rappeler qu’on était dans l’hémicycle. Mais quand on regarde les images, on dirait plutôt une AG à Tolbiac.

Ce qui est frappant, c’est que ces députés prétendent dénoncer un génocide et compatir à la souffrance de civils, alors qu’on les voit tout contents d’eux, rigolant. Mais ce ne sont pas seulement des blagues de potache. Le bilan à tirer de cette séquence (pour parler comme les politologues), c’est qu’il y a en France un parti anti-démocratique. Certes, ce sont des révolutionnaires de salon qui ne font pas vraiment peur, et l’on voit mal M. Boyard, Mme Soudais ou Mme Keke prendre le palais d’Hiver, mais ils pourrissent le débat public. C’est la stratégie du chaos : dans la rue, dans les facs et maintenant au Palais Bourbon. En quelques heures, Rima Hassan est capable de rameuter plusieurs milliers de gens pour intimider un média (TF1). Les manifestants n’ont pas pris les armes, mais ça, c’est une logique fasciste : on veut faire taire par la force et la foule. Le pire, c’est que le média ne proteste pas. Car LFI fait peur.

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Dans ces conditions, que faut-il faire ? Pas de liberté pour les ennemis de la liberté, disait Saint-Just. Je crois exactement le contraire depuis longtemps. Ce qu’il ne faut surtout pas faire : la diabolisation, l’indignation, le cordon sanitaire. En revanche, nous pouvons bien sûr essayer d’imposer à ces députés la règle commune (la politesse). Mais surtout, ne leur offrons pas un statut de martyre ! Il faut démystifier leur position, dévoiler ce qu’elle cache. À part l’exécration d’Israël, ces députés de gauche n’ont aucune proposition. Ils réclament soi-disant un cessez-le-feu, mais quand il y a une proposition sur la table, ils ne disent pas un mot – parce qu’elle vient d’Israël et des Américains.

LFI, maîtresse en mauvaise bannière

Comme les chefs du Hamas, navrée de le dire, ils ont intérêt à ce que des images terribles viennent de Gaza. Elles leur permettent de transformer l’émotion en haine. Au passage, rappelons qu’on a bien constaté récemment que les seuls drapeaux qu’ils aiment sont toujours des drapeaux étrangers.

N’oublions pas enfin que LFI n’a pas obtenu toute seule cette capacité de nuisance. Elle provient de M. Faure et des autres alliés d’hier, qui aujourd’hui ne peuvent plus plaider l’ignorance. S’ils retournent à Canossa et s’allient encore avec un parti qui flirte avec l’antisémitisme et méprise nos institutions, ils auront la défaite et le déshonneur. Il est peut-être aussi temps pour des dissidents de l’intérieur de ce parti décidément peu démocratique de sortir du bois (Ruffin, Corbière etc…).

Mme Braun-Pivet peut prendre des sanctions. Mais seuls les électeurs peuvent congédier des élus. J’ai confiance. La politique de l’éructation n’a pas fait bouger les sondages pour les élections européennes, la liste LFI n’est pas passée de 6-8% à 12% depuis que le parti fait campagne sur le dos des Palestiniens. Alors, j’espère que dimanche, les électeurs montreront à ces boutefeux le chemin de la sortie. Et, on peut rêver, qu’ils priveront Rima Hassan de son siège d’eurodéputée.  


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy du lundi au jeudi dans la matinale de Patrick Roger.


[1] https://www.liberation.fr/politique/a-lassemblee-nationale-des-deputes-de-gauche-vetus-des-couleurs-du-drapeau-palestinien-20240604_XCHYRWV32JHSLPJDEBNLRPPDTI/

Tant qu’il y aura des films

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© Jérôme Prébois/Pathé Film

Une adaptation très réussie d’un mythique roman de Dumas, une comédie d’été en forme de chronique batelière et la reprise d’un grand classique signé Melville: un trio français gagnant.


Se venger

Le Comte de Monte-Cristo, de Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière
Sortie le 28 juin

L’an passé, la nouvelle version des Trois mousquetaires par Martin Bourboulon avait laissé un goût amer aux amateurs des romans d’Alexandre Dumas. À force de trahisons et d’interprétations hasardeuses de l’œuvre originelle, le film s’est éloigné de son modèle au profit d’un vague western à la mode Richelieu. Les libertés prises avec le sort réservé par Dumas au sulfureux personnage de Milady ont même exaspéré les plus tolérants : on ne saurait tout sacrifier sur l’autel d’un hypothétique troisième volet dicté par des intentions commerciales ! C’est dire si l’annonce d’une adaptation du Comte de Monte-Cristo par les mêmes scénaristes a inquiété les puristes les moins farouches. Or, Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière, devenus entre-temps réalisateurs, ont manifestement retenu les leçons de leurs premiers errements. Certes, ce nouvel opus affiche quelques différences notables avec le roman, mais rien d’irréparable. On se désole toutefois que la belle figure du père comploteur bonapartiste inventée par Dumas se transforme ici en celle d’une sœur, tout aussi active il est vrai : concession à l’air du temps féministe. On ne comprend pas plus pourquoi l’un des morceaux de bravoure du livre (une formidable et scandaleuse séance à la Chambre des Pairs) disparaît de cette version. Et ainsi de suite pour d’autres personnages et d’autres scènes. Mais, après tout, les adaptateurs doivent justifier leurs confortables rémunérations en tentant de faire mieux que Dumas. Du moins le pensent-ils.

Heureusement, un casting impeccable permet de faire oublier ces petits arrangements avec l’implacable histoire d’un homme ivre de colère et de vengeance, Pierre Niney en tête. L’acteur confère à Edmond Dantès et au comte de Monte-Cristo une insondable mélancolie qui sied absolument au personnage. Revenu sinon d’entre les morts, du moins de l’oubli total, il ne saurait esquisser le moindre sourire ou le moindre contentement et, surtout pas quand son ancienne fiancée, la belle Mercédès (parfaite Anaïs Demoustier), lui tombe dans les bras après des années de silence. Face à ce couple tragique et romantique, les méchants qui l’ont empêché d’exister font merveille parce qu’ils sont campés notamment par Patrick Mille (une mention spéciale pour son glaçant Danglars) et Laurent Lafitte. Les deux acteurs forment un duo plus que parfait dans la veulerie, la lâcheté et la noirceur. Ils sont l’incarnation idéale de la malédiction qui s’abat sur le héros, même si on peut regretter que l’infâme Caderousse du livre disparaisse quelque peu dans le film. Aux côtés de ces protagonistes évolue une distribution sans reproche, avec l’excellent Pierfrancesco Favino, acteur italien vu notamment chez Bellocchio, qui campe un abbé Faria plus que crédible. Ajoutez à cela des décors et des extérieurs dignes du lyrisme de Dumas et vous obtenez un film exigeant et populaire à la fois, ce qui, au cinéma, ne relève pas du pléonasme.

De fait, le budget imposant (plus de 35 millions d’euros) se voit à l’écran, ce qui est la moindre des choses, mais sert efficacement un propos artistique et narratif ambitieux. Loin des canons télévisuels et de l’envahissant esprit de la récurrence voulu par la dictature des séries, ce Comte de Monte-Cristo est d’abord un objet de cinéma, et de pur cinéma. Mené tambour battant par deux scénaristes-réalisateurs décidés à ne pas trahir fondamentalement l’œuvre, le film affiche un bel allant : pas une baisse de tension, pas un moment d’ennui, toute l’énergie mise au service de l’histoire et de son inexorable progression. Prouesse finale, qualité essentielle, cette adaptation donne envie aux spectateurs de se replonger dans le roman, ou de le découvrir, pour lire les destins du ténébreux comte de Monte-Cristo et de ses abominables ennemis.


Afbrillot

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La Petite Vadrouille, de Bruno Podalydès
Sortie le 5 juin

On connaît les qualités du cinéma de Bruno Podalydès, digne héritier d’une comédie à la française qui, d’Yves Robert à Pascal Thomas en passant par Jacques Rozier, sait mélanger avec brio l’indolence rurale et la fantaisie urbaine. Cette fois, l’acteur-cinéaste nous entraîne dans un film au fil de l’eau avec ce titre malicieusement modeste, Petite Vadrouille, qui fait évidemment référence à Gérard Oury. Tout se passe donc sur un canal et dans une de ces « pénichettes » qui font le bonheur du tourisme fluvial pour marins d’eau douce et autres amateurs d’aventures sans grand danger. Daniel Auteuil et Sandrine Kiberlain forment le couple principal d’une comédie un peu romantique et surtout drolatique. Comme toujours chez Podalydès, les seconds rôles s’agitent en tous sens pour conférer au film sa dynamique loufoque. Denis Podalydès et Isabelle Candelier, entre autres, mènent ainsi la danse avec une verve communicative. Potemkine faisait construire pour sa tsarine de faux villages idylliques. Podalydès fait de même pour notre plus grand plaisir avec cette croisière en forme de trompe-l’œil permanent.


Résister

L’Armée des ombres, de Jean-Pierre Melville
Sortie le 5 juin

Présente-t-on encore L’Armée des ombres de Jean-Pierre Melville, alors que sort sur les écrans une version magnifiquement restaurée de cette ode à la Résistance française ? Oui, peut-être, quand on découvre, horrifié, l’inculture de nos collégiens sur l’Occupation. On se dit que la vision de ce chef-d’œuvre en cours d’histoire pourrait s’avérer d’utilité publique et scolaire. Et tant pis si certains cinéphiles ont le culot de faire la fine bouche. Melville en son temps savait ce qu’il faisait en dressant ainsi le portrait d’une France résistante, en convoquant notamment les destins de Jean Moulin et des époux Aubrac. Incarnés par Lino Ventura, Paul Meurisse, Simone Signoret ou Paul Crauchet, ces personnages donnent au film une incroyable humanité. Décrivant avec soin le véritable travail de résistance au quotidien, le film ne verse jamais dans un héroïsme facile ou ostentatoire. Glacé et glaçant, il s’approche au plus près de ce que vécurent ces « ombres » au-delà de l’imaginable.

STUDIOCANAL

Et le droit au logement?

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L'historien et académicien Fernand Braudel (1902-1985) photographié en 1979 © ANDERSEN ULF/SIPA

« Être logé, c’est le commencement d’être. La France a eu très tôt des frontières, elle a eu très tôt un logement, avant même d’exister de façon formelle » écrit Fernand Braudel dans son maître ouvrage Lidentité de la France. Ainsi, débattre de la pertinence du maintien de frontières physiques aux marches du pays ne saurait se réduire à la seule question de la « libre circulation des personnes et des biens », le couplet tant de fois seriné et sur la base de quoi on a pondu la trouvaille délétère de Schengen. L’historien Fernand Braudel nous ouvre la voie. Si être logé, avoir des frontières, c’est « commencer d’être », nier ces frontières, les effacer, renoncer à leur matérialisation comme on l’a laissé faire et comme l’Europe ne cesse non seulement de le revendiquer mais surtout de le promouvoir, ne serait-ce pas tout bonnement commencer à ne pas être ?

Indispensables frontières

C’est bien ce à quoi nous assistons. Sans frontières définies, inscrites sur le terrain, l’espace national se dilue à terme dans un espace de moins en moins identifiable et se trouve, au bout du compte, amené à se fondre dans une forme d’abstraction. Car, qu’est-ce que l’Europe qu’ils nous ont tricotée sinon une abstraction ? Une abstraction à vingt-sept – en attendant mieux, vingt-neuf, trente ? – prétendument régie par des lois qui ne sont plus l’expression de l’histoire, de la culture, de la spécificité des peuples mais un assemblage relevant bien davantage du bricolage technocratique que de la traduction de la volonté des nations et des citoyens. Cela donne un pseudo corpus juridique de plus en plus rejeté par ces mêmes citoyens parce qu’il leur est impossible de s’y reconnaître, d’y repérer l’empreinte de leur héritage, de leurs racines, l’expression de leur sensibilité singulière, de leurs spécificités mentales, morales, intellectuelles. On le voit bien au dogme sans cesse asséné de la prétendue conformité de la loi européenne au concept de « Droits de l’Homme ». Là encore, abstraction ! L’homme, quel homme ? L’homme universel, éternel, identique à lui-même en tous lieux et de tous temps, l’humain déshumanisé, l’humain réduit à la qualité improbable de concept. Quelque chose comme un énième avatar de la lubie de « L’homme nouveau », cette promesse intenable de toutes les révolutions, celle du bienfaiteur de l’humanité Maximilien de Robespierre en particulier. L’homme nouveau, l’abstraction culte, celle qui ne peut être imposée aux peuples que par la force, la violence, la terreur. Relisons donc Hegel là-dessus[1].

A lire aussi: La triple frontière: un slogan? Non! Un projet

Et si la dilution de notre être faisait l’affaire des fédéralistes ?

La dilution, conséquence du dogme du sans frontières, n’est pas que géographique dans ses conséquences, elle est essentiellement culturelle et civilisationnelle. Elle constitue bel et bien le premier pas du « ne pas être ». Du « ne plus être », en l’occurrence. Cela dit, n’est-ce pas tout simplement le but inavoué de ses promoteurs et zélateurs ? Que les peuples constitués en nations se dissolvent en une masse indifférenciée et la plus nombreuse possible de non-citoyens réduits à la dimension de producteurs-consommateurs asservis et dociles ? J’entendais le candidat d’une liste européiste, clamer, pontifiant et suffisant comme il se doit : « Qu’est ce qui nous séparait de nos voisins italiens, espagnols, belges, allemands, à part une vague frontière commune ? Rien, ou si peu. Donc la création de l’Europe allait de soi. » Rappelons tout de même à ce bel esprit que la France a aussi une frontière commune avec le Brésil. Qu’attendent-ils donc pour faire entrer ce pays-là, au demeurant magnifique et respectable, dans leur belle Europe ?

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Contrairement à ce qu’ils osent affirmer, la frontière matérialisée n’est pas un véritable obstacle à la circulation des personnes et des biens. Elle implique seulement que celui qui la franchit puisse prendre conscience de passer d’un pays à un autre, d’une nation à une autre, d’un peuple à un autre. Ce qui ne peut être pour lui qu’un enrichissement. De plus, si la re-matérialisation pouvait  contribuer à endiguer si peu que ce soit la quasi libre-circulation des drogues, des terroristes et des passeurs, cela constituerait à n’en pas douter un avantage non négligeable. Bref, le droit au logement, une revendication urgente à exprimer, me semble-t-il. Bulletin de vote en main, dimanche prochain.

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[1] Principes de la philosophie du droit, 1820

Les bombes d’Abnousse

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L'essayiste Abnousse Shalmani © Hannah Assouline

À partir du fabuleux discours qu’elle prononça au Prix de la laïcité 2023, Abnousse Shalmani fait l’éloge comme jamais de la laïcité, de la République et de la France. Bombes de liberté, d’amour et d’art…


1989 – L’année où tout a basculé. En février, l’ayatollah Khomeini lançait sa fatwa contre Salman Rusdhie pour avoir écrit Les Versets sataniques ; à la rentrée de septembre, deux élèves musulmanes du collège de Creil refusaient de retirer leur foulard islamique. De ce que d’aucuns ont qualifié de « banale affaire de tissu » aux égorgements de Samuel Paty et de Dominique Bernard, le continuum est bien là, scandaleusement scolaire, programmé comme un nouveau planning familial[1].

La République se vit à visage découvert

Il est vrai qu’au pays de Voltaire, de Diderot et de Sade, et aujourd’hui, de Kamel Daoud, de Boualem Sansal et d’Abnousse Shalmani, l’infâme a de quoi se régaler. Et si « la laïcité a toujours été un rapport de force », alors « il faut arrêter d’être poli, il faut cogner »[2]… Là-dessus, on peut compter sur la merveilleuse autrice de J’ai péché, péché dans le plaisir pour écraser l’infame, réhabiliter le boudoir, défendre la France contre elle-même, quitte à ressasser : « cher lecteur, tu connais déjà mes répétitions, mes obsessions, mais de toute évidence, il faut encore marteler, rappeler, disséquer, offrir la seule chose que j’ai entre mes mains : le savoir et l’analyse ». En plus de l’amour de la France, du sentiment de la langue et du souvenir du voile qu’elle dût porter, enfant, sous la dictature iranienne et qui lui démange encore le cou[3]. Elle-même étant une échappée de la « mollahrchie », connait l’hypocrisie sanguinaire des islamistes et la stupidité des gauchistes, toujours persuadés de rouler les premiers au nom de leur cause alors qu’ils finiront par être exterminés par eux – et, de fait, a une longueur d’avance sur nous autres, pauvres citoyens du monde égarés dans notre vivre-ensemble de jour en jour plus communautariste, identitaire, tribal.

Version 1.0.0

« Peut-être que j’ai déjà perdu », se demande-t-elle dans un moment de désespoir. À quoi bon se battre puisque Marianne ne semble plus faire bander le bobo, que l’universalisme passe désormais pour un racisme et que la planète a viré antisioniste, anti-occidental, anti-Olympia de Manet (ces élèves qui refusent d’aller au Musée d’Orsay parce qu’il y a trop de nus) ? De toute façon, la liberté, l’art, la jouissance, c’est bon pour les boomers. Comme le notait Salman Rusdhie himself à La Grande librairie[4], aujourd’hui, c’est la « justice sociale » qui a remplacé la liberté d’expression dans le credo des valeurs, c’est l’annulation culturelle qui importe en cas d’offense des minorités – le pire étant que ce sont les jeunes qui portent la censure et l’interdit. « Imperceptiblement, la liberté n’est plus le phare de toute humanité, elle est devenue louche, entachée du passé historique de l’Occident, elle est devenue la marque du dominant alors qu’elle était, à juste titre, le but de tout désir d’émancipation, l’espoir inébranlable de tout opprimé sur terre. »

Gare à l’immigré trop amoureux de la France !

Contre ces nouveaux terrorismes bigots, et qui relèvent d’une véritable contre-révolution, Shalmani a pris le parti de la France irrévérencieuse, libertaire (libertine !), blasphématrice. « La France ! Ce pays où il était moins grave d’avoir faim, car on y était assuré de trouver la liberté totale. »  Celle de la poésie, de la peinture et de l’alcool. « Tant pis pour la faim, le froid, la misère. La liberté. La liberté sonnait alors comme une victoire ! » Et d’abord pour les sublimes métèques du Bateau-Lavoir que furent Modigliani, Picasso, Brancusi, Chagall et par-dessus-tout Chaïm Soutine avec qui notre exquise sadienne s’imagine une filiation précisément imaginaire. Bonheur de ces ascendances françaises que l’on se choisit à rebours de ses origines et que de bonnes âmes croient aimable de lui rappeler. « Quel dommage que tu aies perdu ton accent ! », entend-elle régulièrement de la part de ceux qui croient l’honorer alors qu’ils l’insultent. C’est que pour une certaine gauche, « l’important, c’est de faire immigré », c’est-à-dire victime sempiternelle de la colonisation, de l’esclavage, du système blanc patriarcal (et comme si « les Blancs » avaient été les seuls colonisateurs au monde alors que dans le genre, et Shalmani le rappelle avec délectation, les Arabes ont fait bien pire[5]). Gare à l’immigré ou à l’enfant d’immigré qui oserait s’assimiler complètement à son pays d’adoption ! Gare à l’Arabe amoureux de la France ! Gare à l’étranger qui ferait l’éloge de la langue de La Fontaine – au lieu de considérer, et comme notre système masochiste l’y encourage, que son apprentissage est une discrimination faite à son endroit. Celui-là serait considéré comme un traitre à sa race. Or, c’est « venger sa race » qui aujourd’hui fait recette et permet le Nobel. Ce que les islamistes, qui « n’attaquent pas la France par hasard », ont bien compris. La haine de soi est chez nous si grande, si prestigieuse, si subventionnée, que toutes les intersectionnalités, néo-féminisme pro-burka, LGBTQIA pro-Hamas, gauchisme eurasien, sont possibles. En vérité, « le Ku Klux Klan l’a rêvé, l’antiracisme l’a accompli ! ».

Annie Ernaux. Photo: Hannah Assouline

C’est que le wokisme, « cette synthèse identitaire », est en écho avec le littéralisme coranique. Comme en Orient, on est en train d’en finir avec l’interprétation, l’exégèse, l’esprit (critique et poétique), ce que l’islam éclairé appelait l’ijtihad – et qu’un Rusdhie a tenté de remettre au goût du jour dans ses Versets avec le résultat qu’on sait. Car c’est le djihad qui l’a emporté contre l’ijtihad – la lettre qui tue contre l’esprit qui vivifie. Et cela avec la complicité des déconstructeurs, Jacques Derrida en tête, déclarant un jour à l’auteur de Joseph Anton, et rapporté par celui-ci, que « la rage de l’islam » trouve sa source non dans l’islam en soi mais dans « les mauvaises actions de l’Occident ». Et voilà le mythe du mal derrière le mal dans nos têtes de petits blancs. L’idée perverse au possible que nous méritons nos frères Kouachi et nos Mohammed Merah – tout comme Israël mérite son pogrom du 7 octobre.  

Au fond, pour cette gauche moisie, ce sont les morts les coupables. Alors que c’est nous, à force de lâcheté, de compromission, d’abandon de la laïcité, d’acculturation programmée, d’oubli de nos arts, armes et lois, de nihilisme bien-pensant, qui sommes coupables de ces morts. Et là-dessus, Abnousse Shalmani nous met en garde : « Soyons un peu plus courageux et nous aurons un peu moins l’impression d’avoir du sang sur les mains au prochain attentat. »

Abnousse, présidente !

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[1] Voir le livre de David di Nota, J’ai exécuté un chien de l’Enfer. Rapport sur l’assassinat de Samuel Paty, Le Cherche midi, 2021

[2] Entretien avec Abnousse Shalmani et Kamel Daoud, par Peggy Sastre, « Si vous ne voulez pas de ce pays, on est preneurs ! », Le Point, n° 2699, 25 avril 2024

[3] Idem.

[4] Émission du 15 mai 2024 que l’on peut revoir ici : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/saison-16/5988222-emission-speciale-salman-rushdie.html

[5] « L’empire arabo-musulman a pratiqué plus longtemps et à plus grande échelle l’esclavage : alors que la traite transatlantique a concerné entre 9,6 et 11 millions d’individus, la traite arabo-musulmane a déporté plus de 17 millions d’Africains. Mais les descendants d’esclaves transatlantiques s’élèvent à 70 millions contre 1 million pour la traite arabo-musulmane, conséquence de la castration systématique. »

Causeur: Contre le maccarthysme MeToo. Fanny Ardant: «Pour l’honneur de Roman Polanski»

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© Causeur

Découvrez le sommaire de notre numéro de juin


Présentant notre dossier, Élisabeth Lévy se réjouit que Roman Polanski ait gagné son procès contre une ex-comédienne qui l’accusait de diffamation, mais nous rappelle que la Justice ne fait pas taire la meute MeToo. Au Festival de Cannes la grande famille du cinéma, terrorisée, se prosterne devant une poignée de fanatiques. Fanny Ardant a le rare courage de dénoncer ce nouveau maccarthysme qui, comme le premier, réduit au silence et au chômage de grands artistes. L’actrice, se confiant à Sabine Prokhoris, est formelle : «Je n’ai jamais voulu être une victime». À l’affiche du nouveau film de Roman Polanski (The Palace), elle sort de son habituelle réserve pour défendre le réalisateur qu’elle aime et admire.

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Élisabeth Lévy a interrogé Delphine Meillet, l’avocate de Roman Polanski, qui considère que le jugement en sa faveur est une décision majeure à l’heure de la révolution Metoo : un homme accusé publiquement a le droit d’exprimer publiquement sa vérité. Il est peu probable, cependant, que ce jugement calmera les meutes qui, comme l’a reconnu le tribunal, poursuivent le cinéaste de leur «vindicte». Commentant le dernier festival de Cannes, Sabine Prokhoris y voit plus que jamais le festival de ces actrices qui, s’affichant en robes longues et décolletées, se proclament « oppressées » et donnent libre cours à leurs envies d’épuration, de purge et de castration. En revanche, leur cible préférée, Roman Polanski, reste l’auteur d’une œuvre universelle parce qu’elle est portée par le sens du tragique : le réalisateur mondialement célébré est resté un gamin de Cracovie. Jean-Baptiste Roques a lu le livre de l’actrice-réalisatrice Isild Le Besco, Dire vrai. Ce récit qui dévoile les humiliations et violences qu’elle a subies met davantage en cause la dérive tyrannique de certaines réalisatrices que les méfaits du patriarcat.

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Dans son édito du mois, notre directrice de la rédaction analyse la polémique autour de l’actrice espagnole transgenre Karla Sofia Gascón, qui a reçu le prix d’interprétation féminine à Cannes et que Marion Maréchal a qualifiée d’« homme ». Pour Élisabeth Lévy, ce propos n’est pas une injure, comme le prétendent les associations qui poursuivent en justice la tête de liste de Reconquête ! Car «le scepticisme est un droit. Quel est le poids de la génétique ? Jusqu’à quel point peut-on changer ce qu’on est ? Tout cela devrait être matière à débat et controverses, pas à un festival d’interdits».

Causeur se penche sur une des tendances les plus troublantes de l’actualité : la montée de l’antisémitisme en France – et ailleurs – depuis les atrocités du 7 octobre. Aujourd’hui, les leçons de l’histoire semblent bien oubliées. Comme le constate Elisabeth Lévy, «On dirait que les digues illusoires qu’on a cru ériger en psalmodiant « plus jamais ça » ont cédé». Se confiant à Gil Mihaely, l’historien Georges Bensoussan souligne les rôles de l’islamisation d’une jeune génération issue d’une immigration maghrébine ancienne et de l’immigration massive en provenance du monde arabo-musulman. Les deux alimentent un antisémitisme «français» inédit associant les juifs à la domination des Blancs, et donc au colonialisme. Céline Pina a rassemblé des témoignages sur la situation à l’université. Dans de nombreux établissements, l’antisémitisme d’atmosphère s’est mué en soutien au Hamas et les références au nazisme se sont banalisées, dans l’indifférence complice de l’administration. Olivier Douman analyse la convergence des luttes entre les mouvements antifas et propalestiniens.

Pour l’outre-mer, Driss Ghali évalue la situation en Nouvelle-Calédonie où, par faiblesse et lâcheté, la République cède sur tous les plans. Enfin, dans le domaine économique, l’entrepreneur et essayiste Charles Gave, qui est aussi actionnaire de Causeur, plaide pour l’abolition des banques centrales qui ne font qu’entretenir des États de plus en plus dépensiers et mauvais payeurs. Il prône leur fusion avec les ministères des Finances et l’adoption de lois bannissant tout déficit budgétaire. 

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Nos pages culture s’ouvrent avec panache, en l’occurrence celui de Judith Magre, la comédienne qui, à 97 ans, continue de brûler les planches ! Celle qui a travaillé avec Julien Duvivier et Sacha Guitry, Jean Vilar et Gaby Morlay, Fernandel et Jean Poiret se confie à Yannis Ezziadi. Nos lecteurs connaissent le don d’Hannah Assouline pour fixer le regard des écrivains. Cette exploratrice inlassable de la république des Lettres et de l’engeance humaine a découvert il y a quarante ans un autre miroir de l’âme : les mains. Élisabeth Lévy salue un beau livre qui nous ouvre, enfin, les portes de sa galerie. Georgia Ray traque les raisons pour lesquelles les visiteurs se pressent toujours plus nombreux au musée. Que viennent-ils chercher ? Peut-être une consolation à l’instabilité du monde, admirer des œuvres à leur guise, leurs formes et couleurs qui sont source de plaisir. On aurait tort de s’en priver, d’autant que les expos de ce mois de juin méritent le déplacement. Patrick Mandon regrette que l’héritage de Drieu la Rochelle – son talent littéraire et son passé de collabo – soit encore lourd d’ambiguïtés. Mise en vente en décembre 2023, sa bibliothèque a mobilisé les admirateurs de l’écrivain, mais l’État n’a pas préempté certains documents majeurs, tel le manuscrit de Feu follet. Julien Benda a plus de chance, faisant l’objet d’une nouvelle biographie très complète du philosophe Pascal Engel. Ce dernier, nous dit François Kasbi, a raison de rendre hommage à un penseur qui n’a pas craint de s’opposer aux courants intellectuels et littéraires de l’entre-deux-guerres, en défendant la rationalité contre le règne montant de l’émotion. Napoléon superstar ? Oui, selon Julien San Frax, dans la nouvelle version restaurée du chef-d’œuvre d’Abel Gance, datant de 1927. Le film sera projeté en ciné-concert au début du mois de juillet, accompagné d’une composition musicale de Simon Cloquet-Lafollye. Dans les carnets d’Ivan Rioufol du mois de juin, on apprend qu’être français ne va plus de soi. La montée de l’antisémitisme islamisé s’est accompagnée de la haine de la France française, au nom de l’universalisme déraciné et de la repentance perpétuelle. La «fierté française», qui emplit les discours des Jeux olympiques, est un leurre. Et Gilles-William Goldnadel nous raconte une journée au Moyen-Orient – celle du 24 mai de cette année – vue par Le Monde qui en présente une vision… tout à fait biaisée. Ce n’est guère étonnant. Pascal a écrit : «L’étonnement, voilà le secret». Si l’on est pascalien, il ne faut pas lire Le Monde mais Causeur !

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Éric Dupond-Moretti, entre mauvaise foi et impuissance

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Le ministre de la Justice prend la parole à un meeting de Valérie Hayer, Pontcarré (77), 3 mai 2024 © Jacques Witt/SIPA

Notre chroniqueur a craqué: il a regardé la dernière intervention du garde des Sceaux à la télévision, une semaine avant les élections européennes. M. Dupond-Moretti y a notamment sous-entendu que si Marine Le Pen n’était peut-être pas antisémite, Jordan Bardella l’était probablement, selon lui.


Chaque dimanche j’essaie de ne jamais manquer Le Grand Jury animé par Olivier Bost. Pourtant j’ai hésité le 2 juin, l’invité étant le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti[1]. À un ressentiment personnel qui ne s’efface pas, s’ajoutent surtout des considérations judiciaires et politiques. Ayant déjà beaucoup écrit sur lui, je voulais échapper à la certitude désolante de continuer à le voir développer des idées, des convictions et une inconditionnalité tellement aux antipodes de sa pensée et de sa personnalité d’hier… Pourtant j’ai craqué. Et j’ai bien fait. Car durant une heure nous avons d’abord eu droit à une mauvaise foi qui m’a rappelé celle de l’avocat brillant qu’il a été, prêt à tout soutenir pour obtenir les acquittements dont il se prévalait. Puis à une impuissance quand, dans l’émission, le ministre a pris la relève.

Dédiabolisation

La mauvaise foi de l’avocat, associée bizarrement à une pauvreté de l’argumentation, a été éclatante quand face à Olivier Bost qui ne se contentait pas de ses pétitions de principe et de ses banalités hostiles, il a exprimé sa haine à l’encontre de Marine Le Pen, de Jordan Bardella et du RN. Elle lui a fait perdre toute lucidité dans la dénonciation politique.

Pour tenter de démontrer qu’il n’y a pas eu dédiabolisation du parti par Marine Le Pen, pourtant admise par beaucoup de ses pires ennemis, il a été contraint de ressasser ce dont il se sert depuis des années : il nomme le RN Front National, il radote sur la présence de Frédéric Chatillon dans l’entourage de Marine Le Pen, il se régale à parler des Waffen-SS à l’origine selon lui de la création de ce parti qu’il semble continuer à dater sous Jean-Marie Le Pen, en totale méconnaissance de la forte adhésion populaire (c’est un constat) qu’il suscite aujourd’hui.

Questionné sur l’antisémitisme de Marine Le Pen, gêné entre la vérité – non seulement elle n’est pas antisémite mais qu’on le déplore ou non une part importante de la communauté juive fait plus confiance au RN pour la défendre qu’au macronisme verbeux – et son obsession partisane, il se contente de proférer que Jordan Bardella l’est. Faisant un sort à une de ses déclarations sur Jean-Marie Le Pen, que Jordan Bardella a ensuite précisée. C’est tout, donc.

A lire aussi, Romain Baubry: Meurtre de deux agents pénitentiaires: comment cela n’est-il pas arrivé avant?

Ainsi, Marine Le Pen serait coupable par contagion. Et cela remonte à des lustres ! Je n’ai pu m’empêcher, face à la contestation désespérée de certaines évidences, d’imaginer l’avocat Dupond-Moretti si on avait cherché seulement dans le passé de ses clients la preuve de leur éventuelle culpabilité criminelle !

Je me souvenais aussi de son talent redoutable, quand pour les besoins de ses causes il n’hésitait pas, sinon à travestir le réel, du moins à en présenter une vision hémiplégique. N’oublions pas qu’il est allé jusqu’à soutenir ceci : « Faire acquitter un innocent, c’est la moindre des choses. Sortir un coupable, c’est plus intéressant, ça prouve que les règles sont respectées »[2]. Quelles lettres de noblesse pour devenir garde des Sceaux !

Contre-productif

On mesure alors combien Marine Le Pen et le RN – à combattre intelligemment et politiquement – sont tranquillement à l’abri sous les assauts d’Éric Dupond-Moretti, qui augmente au contraire leur emprise. Faut-il considérer qu’il garde en mémoire la blessure de sa déculottée aux élections régionales quand il avait prétendu battre en pièces Xavier Bertrand et le RN, en même temps ?

Enfin, dans Le Grand Jury, le ministre apparut vers midi 35. C’est son impuissance et son irresponsabilité qui ont dominé dans ses réponses, derrière ses satisfecit aussi peu plausibles que sa mue totale d’avocat compassionnel en ministre rigoureux. D’avocat tempétueux à garde des Sceaux obéissant.

Dans cette séquence, consacrée à la sanglante attaque du convoi pénitentiaire au péage d’Incarville, au désastre carcéral, à la pauvreté des moyens pénitentiaires, à l’incroyable dérèglement rendant dans beaucoup d’établissements la vie plus insupportable pour le personnel pénitentiaire que pour les condamnés incarcérés, le ministre a manifesté un art de se défausser qui serait admirable s’il ne concernait pas l’échec quasi-absolu de sa mission ministérielle.

A lire aussi, du même auteur: Plus qu’assez de l’alibi des hommages nationaux!

Que je sache, à la Chancellerie il y a une direction de l’administration pénitentiaire à laquelle les responsables des centres pénitentiaires, des centres de détention et des maisons centrales rendent compte : le ministre est donc informé des dysfonctionnements de toutes sortes qui pourrissent le fonctionnement de beaucoup d’établissements, des conditions honteuses d’enfermement (les matelas !), de la circulation de la drogue et des portables, du fait lamentable que l’incarcération n’est plus la fin de la délinquance et de la criminalité mais leur poursuite.

Éric Dupond-Moretti prétend ne pas avoir découvert ce déplorable constat avec la fuite de Mohamed Amra. Qu’a-t-il donc accompli pour y remédier ? Après les assassinats, il a reçu les syndicats pénitentiaires et il leur a fait des promesses, il a pris des engagements. Pour le court terme et à échéance lointaine. On a le droit de douter. Le macronisme dont il est une navrante incarnation est doué pour le verbe et le virtuel : les prisons et ceux qui exercent ce dur métier de gardien exigent autre chose.

N’oublions pas que la première visite ostentatoire du ministre a été au bénéfice des prisonniers. L’avocat veillait à ce que ses clients n’y aillent pas, le ministre ne s’en est guère occupé. Tant que nous n’aurons pas une personnalité libre, indépendante, pragmatique et courageuse (ses augmentations de budget n’ont rien changé à la vie carcérale) place Vendôme, nous serons orphelins de dignité pour tous et de vraie Justice. Tant que le futur et encore inconnu ministre de 2027 n’aura pas compris qu’il faudra dans l’urgence restaurer pour les détenus une décence minimale, imposer des règles drastiques et respectées et en même temps assurer une sécurité au personnel pénitentiaire et le traiter financièrement comme il le mérite, rien ne changera. Comme aujourd’hui, entre mauvaise foi et impuissance.

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[1] https://www.dailymotion.com/video/x8zid50

[2] Libération, 31 mars 2006. https://www.liberation.fr/france/2006/03/31/eric-dupond-moretti-direct-du-droit_34756

Qui est réellement Raphaël Glucksmann?

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Marseille, 1er juin 2024 Alain ROBERT/SIPA

Raphaël Glucksmann, tête de liste PS-Place publique, progresse en ce moment dans les sondages en profitant de la faillite macroniste et des dérives de l’extrême gauche mélenchoniste et écologiste. Pourtant, les desseins politiques de ce néo-bourgeois euro-atlantiste sont aux antipodes des intérêts de la France, estime notre contributeur. Immigrationniste, adepte d’une Europe fédérale et supranationale, il est également ce va-t-en-guerre obnubilé par Vladimir Poutine…


En 2004, Raphaël Glucksmann plante un couteau dans le dos de la France en accréditant la thèse de « la responsabilité accablante de l’Etat français et en particulier de François Mitterrand » dans le génocide des Tutsi au Rwanda via un documentaire intitulé Tuez-les tous ! Présomptueux, le jeune homme se pousse du col et pense avoir révélé le « pire scandale de la Ve république ». Des diplomates, des journalistes et des experts de l’Afrique assermentés devant le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda) contestèrent, preuves à l’appui, les accusations aberrantes de Glucksmann. Celles-ci sont en réalité issues de l’histoire officielle écrite par le nouveau régime rwandais et destinée à accabler la France en même temps qu’à camoufler les exactions meurtrières du très autoritaire Paul Kagame et de son parti le FPR (Front Patriotique Rwandais). Raphaël Glucksmann et Bernard Kouchner (ministre des Affaires étrangères de 2007 à 2010) contribueront, chacun à sa manière, pour que les conclusions de l’instruction judiciaire menée par le juge Bruguière et celles du TPIR – à savoir l’éventuelle implication de Kagame dans l’attentat qui coûta la vie au président Habyarimana et déclencha le massacre des Tutsi – finissent dans les oubliettes de l’histoire (1). On se souviendra également que les États-Unis et la Grande-Bretagne, en plus d’avoir voulu empêcher l’opération humanitaire proposée par la France à l’ONU immédiatement après le début du génocide, interdirent finalement au TPIR d’enquêter sur cet attentat. Pour ces deux pays dont l’objectif est, depuis toujours, de chasser la France de la région des Grands Lacs en général et du Rwanda en particulier – avec d’excellents résultats d’ailleurs : dans ce pays traditionnellement francophone, Kagame, une fois au pouvoir, fera adopter l’anglais comme langue officielle, Tony Blair sera son conseiller spécial en 2008 et le Rwanda entrera dans le Commonwealth en 2009 tandis qu’en 2018, Emmanuel Macron, toujours là quand il s’agit de rabaisser la France, manigancera pour faire élire à la tête de l’Organisation Internationale de la Francophonie la très anglophone ex-ministre des Affaires étrangères rwandaise Louise Mushikiwabo (réélue en 2022) (2) et (3) – pour ces deux pays, donc, la réécriture de la catastrophe rwandaise en faveur de Paul Kagame s’imposait. Elle profitera en France d’une étonnante publicité grâce à des personnalités comme Glucksmann (père et fils), Kouchner et Rocard (qui ne connaissait rien au dossier mais crut trouver là un excellent moyen de salir Mitterrand), et des médias serviles s’interdisant de porter objectivement à la connaissance du public les jugements, articles ou livres français ou anglo-saxons remettant en question la thèse officielle du génocide rwandais élaborée par le nouveau régime. Les mêmes peinent aujourd’hui à informer sur ce qu’est devenu le Rwanda sous la présidence despotique de Paul Kagame : réélu en 2017 avec… 98,8 % des voix, ce dernier est parvenu à faire modifier la constitution rwandaise afin de pouvoir gouverner jusqu’en… 2034. Presse surveillée, opposition muselée, contradicteurs « intimidés » : Kagame est d’ores et déjà assuré de remporter les élections présidentielles qui auront lieu en juillet de cette année. Gluksmann ne pipe mot.

Activités politiques en Georgie et en Ukraine avant la guerre

En 2006, Raphaël Glucksmann rejoint Alternative libérale, parti favorable au libéralisme politique et économique, voire au libertarianisme – pas vraiment ce qu’on peut appeler un parti de gauche. Oui mais non, j’étais là par hasard, dira-t-il quelques années plus tard. On le sait proche, à l’époque, de Nicolas Sarkozy avec qui il s’entretient régulièrement, en particulier à propos de l’Europe de l’Est – plus tard, il dira regretter l’engagement de… son père, soutien de Sarkozy en 2007. Il contribue jusqu’en 2008 à la revue Le Meilleur des Mondes, revue publiée par le Cercle de l’Oratoire, think tank néoconservateur ayant soutenu la politique belliqueuse de G. W. Bush. Il propose ensuite ses services au président géorgien pro-occidental Mikheil Saakachvili dont il sera le conseiller jusqu’en 2012. En 2013, celui qui prétend être un « consultant en révolution » (Le Monde, 21 mars 2014) rejoint Kiev pour soutenir et conseiller Vitali Klitschko, un des chefs de file du mouvement Euromaïdan. « J’essaie de dire aux oligarques ukrainiens que s’ils veulent prouver qu’ils sont devenus pro-européens ils doivent aider les autres à faire leur révolution », déclare Glucksmann au Monde. Retour en France. En 2017, après avoir soutenu Benoît Hamon, il appelle à voter Emmanuel Macron au second tour des élections présidentielles pour « faire barrage à l’extrême droite ». En 2018, il fonde le parti Place publique avec Claire Nouvian et Thomas Porcher – qui quitteront quelques mois plus tard ce mouvement qu’ils disent être noyauté par des apparatchiks socialistes et un nombril géant du nom de Glucksmann – et se voit déjà comme le grand unificateur de la gauche. Il est élu député européen en 2019 sur la liste commune PS-Place publique-PRG mais vote Macron aux deux tours en 2022. Désigné tête de liste de PS-Place Publique pour les prochaines élections européennes, Raphaël Glucksmann joue sur du velours : des électeurs macronistes tendance socialo-boboïste repentis, une partie des électeurs insoumis constatant (enfin) l’inquiétante et dangereuse dérive islamo-gauchiste et antisémite de LFI et certains électeurs écolos refroidis par la radicalisation punitive des Verts voient en lui une planche de salut, un moyen de renouer avec un « centre-gauche républicain » propre sur lui, social-démocrate et écolo juste ce qu’il faut. Peut-être est-il temps de creuser un peu le sujet et de montrer à tous ces gens, si ce portrait succinct ne suffit pas, qui est vraiment Raphaël Glucksmann. 

A lire aussi, Paul Rafin: Glucksmann, le candidat des gnangnans de la mondialisation?

M. Glucksmann reste extrêmement discret sur ses années passées en Géorgie et en Ukraine, deux pays sur lesquels les États-Unis lorgnent depuis l’effondrement soviétique dans le but de les voir un jour adhérer à l’OTAN et d’élargir ainsi leur influence au plus près de la Russie – malgré la promesse faite à cette dernière de ne rien en faire. En Géorgie, Glucksmann devient le conseiller du président pro-otanien Mikheil Saakachvili en 2008. Il rencontre à cette occasion celle qui va devenir son épouse. Après avoir étudié le droit pendant un an aux États-Unis, Ekaterina Zgouladze est surtout connue en Géorgie pour sa vie festive et ses extravagances nocturnes – « Tout le monde la connaît, elle fréquente le tout-Tbilissi branché, les DJ et les designers », s’extasie le Nouvel Obs. En 2005, titulaire de diplômes de journalisme et de droit que d’aucuns qualifient de « modestes », elle est nommée vice-ministre de l’Intérieur par Mikheil Saakachvili, poste qu’elle occupera jusqu’en octobre 2012, un mois après qu’auront été révélées les tortures pratiquées dans les prisons géorgiennes. Le couple Glucksmann-Zgouladze quitte alors précipitamment la Géorgie pour rejoindre l’Ukraine où il participe activement à la révolution de Maïdan qui conduira à l’avénement d’un nouveau gouvernement constitué en partie sous la férule de la sous-secrétaire d’État américaine Victoria Nuland. En 2014, après avoir été naturalisée citoyenne ukrainienne par le président Porochenko, Ekaterina Zgouladze est nommée… vice-ministre de l’Intérieur du nouveau gouvernement ukrainien. Au même moment, Washington, par l’intermédiaire de la toujours très efficace Victoria Nuland, exige et obtient la promotion de la directrice de la section économique de l’ambassade des États-Unis en Ukraine, Natalie Jaresko, au poste de ministre des Finances du… gouvernement ukrainien – Mme Jaresko, Américaine d’origine ukrainienne, obtient la nationalité ukrainienne… le jour même de sa nomination. Quelques mois plus tard, l’ex-président de la Géorgie, Mikheil Saakachvili, réfugié aux États-Unis pour échapper aux poursuites judiciaires engagées contre lui par son pays, migre en Ukraine où le président Porochenko lui octroie vite fait bien fait la nationalité ukrainienne avant de le nommer gouverneur de l’oblast d’Odessa. Curieux jeu de chaises musicales où d’ardents « nationalistes » changent de nationalité comme de chemise, au gré de leurs intérêts personnels ou des intérêts américains – qui souvent se rejoignent. [Saakachvili est aujourd’hui en prison pour abus de pouvoir dans diverses affaires en Géorgie].

Il ne parle jamais des ingérences américaines

Hormis dans un article récent de Marc Endeweld paru dans Marianne (4), les médias français ne se sont guère attardés sur le parcours tortueux de Raphaël Glucksmann en Géorgie et en Ukraine – parcours qui montre assez bien que les intérêts de la France sont très éloignés des véritables préoccupations de Raphaël Glucksmann. Durant des années, cet euro-atlantiste convaincu a manœuvré auprès des dirigeants de ces pays pour voir aboutir une politique strictement pro-américaine et anti-russe. D’aucuns pensent que Raphaël Glucksmann, parce qu’il bombe le torse et se dit prêt à soutenir, quel qu’en soit le prix, l’Ukraine contre la Russie, est un « candidat de gauche anti-totalitaire ». Premièrement, Glucksmann n’est pas de gauche – « Ça ne m’a jamais fait vibrer de manifester pour les retraites », avoue-t-il au Monde. Deuxièmement, son anti-totalitarisme est du même bois que celui dont se sont chauffés ses prédécesseurs et mentors, BHL, Bernard Kouchner ou son père, André Glucksmann. Comme eux, il n’épouse que les causes « anti-totalitaires » agréées par Washington. Comme eux, il est enragé dès qu’il s’agit de la Russie. Au Parlement européen, son obsession l’a poussé à créer et présider une « Commission spéciale sur l’ingérence étrangère et la désinformation » qui a semblé ne vouloir s’intéresser qu’à l’ingérence russe. Pas un mot sur les ingérences venues de l’Ouest, par exemple le travail d’espionnage mené en Europe par les États-Unis, celui de la NSA (National Security Agency) qui épia, via le Danemark, les conversations téléphoniques des responsables politiques européens, M. Macron et Mme Merkel en tête. Le Sénat américain vient de prolonger, avec la loi FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act), les pouvoirs d’espionnage du FBI, de la CIA et de la NSA sur les citoyens américains mais également non-américains par le biais des communications privées (messageries, réseaux sociaux, téléphonie, etc.) dans tous les pays du monde (5) – mais cela ne semble pas beaucoup inquiéter M. Glucksmann. Le rapport de ladite commission reste également relativement discret sur les ingérences des pays alliés du bloc occidental, l’Arabie Saoudite, la Turquie ou le Qatar. Concernant ce dernier, il y avait pourtant bien des choses à dire, que Glucksmann a à peine susurrées. Par exemple : en novembre 2022, la socialiste grecque Eva Kaïli, à l’époque vice-présidente du Parlement européen, tient un discours dithyrambique sur le Qatar, pays exemplaire devenu, selon elle, « un chef de file en matière de droit du travail ». En décembre de la même année, dans le cadre d’une enquête pour corruption au profit du Qatar, la police belge arrête Eva Kaïli après avoir découvert des centaines de milliers d’euros en liquide répartis dans son appartement et dans celui de son père. L’ex-eurodéputé socialiste italien Antonio Panzeri – fondateur de l’ONG Fight Impunity par laquelle transitait apparemment l’argent de la corruption – est également incriminé. Le Qatargate n’en est qu’à ses débuts. Pourtant, le Qatar n’est mentionné que trois fois dans le rapport issu de la commission sur les ingérences étrangères dirigée par Glucksmann – la Russie, elle, est mentionnée soixante-six fois ! Cherchez l’erreur.

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Raphaël Glucksmann est un européiste fédéraliste qui se fiche des intérêts de la France. L’Europe, l’Europe, l’Europe, bêle-t-il en sautant sur sa chaise comme un cabri. La France qui désire rester la France l’incommode. De son propre aveu, il se sent bien plus à l’aise à New-York ou à Berlin qu’en Picardie. Cet explorateur des métropoles mondialisées et uniformes n’a que peu de considération pour le bouseux picard enraciné. « Les nouvelles élites sociales ne se sentent chez elles qu’en transit, sur le chemin d’une conférence de haut niveau ou de l’ouverture d’un festival de cinéma. Leur vision du monde est essentiellement celle d’un touriste », écrivait Christopher Lasch dans son dernier essai analytique et visionnaire, La révolte des élites, paru il y a bientôt trente ans. Raison pour laquelle, ajoutait-il, le« multiculturalisme leur convient parfaitement ». L’Europe dont rêve Raphaël Glucksmann est essentiellement celle de ces métropoles où les anywhere – néo-bourgeois de toute obédience, migrants ubérisés ou non, étudiants wokisés et touristes en masse – ont supplanté les classes populaires et moyennes chassées par la spéculation immobilière, le chômage et de nouvelles relations sociales techno-culturelles (et lugubrement festives, ajouterait Philippe Muray) qui ne les concernent pas. Et puis, pourrait-on dire en paraphrasant Gilles-William Goldnadel, le Picard a la malchance de ne pas être l’Autre, cet Autre lointain pour lequel Glucksmann est tout amour, celui de la diversité, celui des causes humanitaires, celui de l’immigration, celui que la gauche aisée apprécie d’autant plus qu’il vient « comme il est », tout auréolé d’une culture que, cette fois, nul ne lui reproche, bien au contraire. Ferment de la société multiculturaliste souhaitée par les nouvelles élites, cet Autre présente également l’avantage d’être corvéable à merci dans les métropoles gentrifiées, au service des classes aisées ou mondialisées. Le Picard n’a aucun avenir. L’Autre interchangeable est le futur.

Cet intellectuel mondain et mondialiste habitué à l’entre-soi des salons médiatiques ne s’intéresse que modérément aux difficultés quotidiennes des Français. Sait-il seulement ce qu’ils vivent réellement ? Il est permis d’en douter. Les résultats amers de l’immigration massive – son coût, son impact sur nos mœurs, ses conséquences délétères, l’insécurité et l’islamisation galopante de la société entre autres – sont des sujets qu’il n’aborde que difficilement et toujours pour considérer que, si problème il y a, la seule réponse envisageable est eu-ro-pé-en-ne. De toute façon, comme la majorité des élites bruxelloises, Glucksmann pense que l’immigration extra-européenne est inévitable, nécessaire, voire indispensable. Sa priorité n’est pas de défendre la France mais de favoriser l’immigration massive tout en osant affirmer qu’elle n’existe pas – « l’Europe n’est pas le véhicule de la submersion migratoire. C’est un mythe. »et en maniant l’habituel discours culpabilisateur : « Tout le monde s’est habitué à ce que notre mer soit devenue un cimetière. Il n’y a pas un mot dessus dans ce pacte (celui de l’UE sur l’immigration). Il faut relancer les opérations de sauvetage. » Frontex, devenu organisme d’accueil des migrants plutôt que de défense des frontières européennes, répond aujourd’hui à ses attentes. Avec des députés européens comme Glucksmann, les flux migratoires ne sont pas prêts de se tarir.

Raphaël Glucksmann, qui se réclame de Delors, ce qui est en soi un motif d’inquiétude, est un être composite qui tient tout à la fois d’Emmanuel Macron et de BHL, avec un zeste de Bernard Kouchner pour ajouter à l’aspect humanitaire de théâtre et une pincée de Daniel Cohn-Bendit pour fortifier le côté révolutionnaire de salon. Ce portrait hybride met en évidence la dangerosité d’un individu prêt à tout pour désintégrer la France en tant qu’État-nation. Depuis le début de la guerre russo-ukrainienne, Glucksmann jette de l’huile sur le feu et semble espérer un embrasement total de l’Europe en vue de détruire la Russie – et gare à ceux qui osent rappeler que l’Ukraine n’est pas pour rien dans le déclenchement de ce conflit (6). Ce belliciste est prêt à engager la France dans un conflit qui aurait pu cesser depuis longtemps : le quotidien allemand Die Welt vient de révéler la teneur exacte du projet d’accord de paix envisagé dès la fin mars 2022 – une rencontre entre Poutine et Zelensky étant même alors prévue afin d’en finaliser les points cruciaux – et de confirmer, via le témoignage du négociateur ukrainien David Arakhamia, la venue de Boris Johnson à Kiev le 9 avril 2022 pour faire capoter cet accord et demander à Zelensky de poursuivre le combat tout en l’assurant du soutien des Britanniques et, vraisemblablement, des Américains – on imagine mal Boris Johnson se lancer de son propre chef et seul dans cette délicate manœuvre (7). Foncièrement dégoûté par le nationalisme français mais opportunément charmé par le nationalisme ukrainien, le va-t-en-guerre Glucksmann réclame à cor et à cri que l’économie française passe « totalement en économie de guerre » pour soutenir l’Ukraine et confiait récemment ne pas être fondamentalement opposé à la proposition d’Emmanuel Macron concernant l’intégration de la puissance nucléaire de la France dans une stratégie globale de défense européenne. On ajoutera à ce tableau déjà sombre, la promesse de Glucksmann de tout faire pour que l’Ukraine intègre l’OTAN et l’UE, ce qui serait, pour la France, un désastre, tant au niveau géopolitique qu’au niveau économique.

L’électeur potentiel de la liste PS-Place publique conduite par Glucksmann ne devra pas oublier que les actions de ce dernier ne sont motivées que par deux obsessions : la première est de tenter d’affaiblir la Russie par tous les moyens possibles, y compris une guerre engageant militairement la France ; la seconde est de dissoudre la France dans une mosaïque de territoires européens dépendant d’un pouvoir central bruxellois lui-même aux ordres des nouvelles élites de l’empire davosien, diversitaire, immigrationniste et multiculturaliste en cours de construction. Dans tous les cas, l’objectif glucksmannien est, d’une manière ou d’une autre, la disparition de la France. Autant le savoir avant d’aller voter.


(1) https://www.marianne.net/monde/exclusif-rwanda-le-document-top-secret-qui-accuse-le-regime-de-kagame 

(2) https://www.marianne.net/monde/geopolitique/militante-de-langlais-n2-du-rwanda-louise-mushikiwabo-surrealiste-patronne-de-la-francophonie 

(3) https://www.marianne.net/monde/rwanda-noel-en-avance-pour-paul-kagame-qui-gagne-la-francophonie-et-decroche-presque-son-non 

(4) https://www.marianne.net/politique/gauche/conseiller-de-saakachvili-et-negos-sur-les-armes-georgie-ukraine-glucksmann-epoque-consultant-en-revolution 

(5) https://www.lefigaro.fr/international/etats-unis-le-senat-americain-approuve-la-prolongation-d-un-programme-de-surveillance-a-l-etranger-20240420 

(6) La journaliste et reporter de terrain Anne-Laure Bonnel a réalisé deux documentaires sur le Donbass, l’un en 2014 et l’autre en 2022, quelques semaines avant le début de la guerre. Ces documentaires n’ayant pas eu l’heur de plaire à M. Glucksmann, celui-ci a affirmé sur Sud Radio que la journaliste travaillait « au service des intérêts russes ». « M. Glucksmann, vous m’avez mis une cible sur le dos », a déclaré, une semaine plus tard, Anne-Laure Bonnel au micro d’André Bercoff.

(7) https://www.lefigaro.fr/international/le-document-secret-qui-aurait-pu-mettre-fin-a-la-guerre-en-ukraine-20240513 

Trump reconnu «coupable»: les bizarreries d’un procès hors normes

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© Levine-Roberts/Sipa USA/SIPA

Un tour d’horizon de la presse européenne et américaine permet de constater que les médias étaient à l’euphorie après la condamnation de Donald Trump. La preuve, nous a-t-on répété à satiété, que « nul n’est au-dessus des lois ». Pourtant, ce qui frappe de prime abord après un procès aussi spectaculaire, c’est que personne n’est capable d’expliquer clairement de quoi Trump est coupable exactement. Notre contributeur fait le point.


Pour des infractions qui remonteraient à 2016, l’ancien président est inculpé en avril 2023 seulement, après qu’il se soit déclaré candidat à l’élection présidentielle de 2024. Le procureur l’inculpe de 34 chefs d’accusations pour « falsification de documents commerciaux », 34 afin de frapper les esprits car les motifs se ressemblent, comme si un juge français avait mis un individu en examen pour 34 chèques ou documents différents au lieu de faire une seule inculpation avec 34 éléments à charge. La falsification dont on parle ici est le fait d’avoir enregistré dans la comptabilité sous la rubrique “services juridiques” des paiements à son avocat Michaël Cohen, qui auraient, en partie, servi à acheter le silence de l’actrice porno Stormy Daniels. Il est important de préciser qu’il n’y a rien d’illégal à conclure un accord de type argent contre silence.

Des bases ténues pour un tel procès

La prescription pour ce délit est de deux ans. Pour pouvoir requalifier le délit (misdemeanor) en crime (felony) et ainsi retarder la prescription, il faut qu’il ait été commis  dans le but d’en commettre un plus grave. En tordant au maximum l’interprétation de la loi, sans preuve, le procureur Bragg sort de son chapeau que ce crime serait la conspiration en vue d’influencer l’élection de 2016. Or, le  département fédéral de la Justice (DOJ) ainsi que la Commission électorale fédérale (FEC) avaient auparavant renoncé à poursuivre M. Trump pour ce motif.

Avant cette inculpation, le prédécesseur du procureur Alvin Bragg, Cyrus Vance, ainsi que M. Bragg lui-même, élu sur la promesse d’avoir la peau de M. Trump, avait renoncé à l’inculper tant l’issue d’un procès sur des bases aussi ténues semblait incertaine, avant de relancer la procédure début 2023, suite à la pression médiatique à l’encontre de Donald Trump résultant notamment du livre d’un ancien procureur adjoint ayant travaillé sur l’affaire.

Contrairement à la coutume new-yorkaise qui veut que l’affectation des affaires sensibles à un juge soient tirées au sort, Juan Merchan a été choisi parce qu’il avait déjà rendu une série de décisions négatives à l’encontre de Donald Trump dans des procès concernant ses sociétés. Il a effectué un don à la campagne de Biden et à des actions pour « résister au Parti républicain et à l’héritage de droite radicale de Donald Trump ». Cela aurait dû suffire à le disqualifier. Ce juge a ensuite mené le procès de façon partiale. Dans le seul but d’humilier l’ancien président, il a autorisé des témoignages sans objet comme celui de Stormy Daniels à l’origine de l’affaire qui était sans rapport avec la falsification de documents commerciaux. Toute l’Amérique a pris connaissance que cette actrice aux 200 films pornos sous-entendait avoir été violée par Donald Trump.

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Le témoin principal sur lequel toute l’accusation repose, M. Cohen, l’ancien avocat de Trump, est un menteur notoire. De son propre aveu, il a menti à un tribunal, il a menti aux médias et il a plaidé coupable d’avoir menti au Congrès. Pour condamner Donald Trump, en l’absence d’autres témoins de ce qu’ils se sont dits, il fallait donc croire M. Cohen.

L’analyse des bizarreries de ce procès et de la partialité du juge sort du cadre d’un article. On pourrait mentionner le traitement du témoin M. Costello ou encore le refus de laisser témoigner l’ancien président de la FEC, Brad Smith, qui était prêt à affirmer que « de tels paiements ne peuvent être considérés comme des violations des règles électorales fédérales et qu’ils n’affecteraient pas l’élection même s’ils étaient considérés comme des contributions, puisqu’ils n’auraient même pas dû être déclarés avant la fin de l’élection » .

C’est votre dernier mot ?

Ce qui choquera sans doute le plus un observateur européen, mais qui n’a guère été souligné dans les médias, est que, dans la procédure new-yorkaise, les plaidoiries finales commencent par la défense, l’accusation ayant le dernier mot. En l’absence de réplique de la défense, c’est au juge qu’il incombe d’empêcher le procureur d’avancer des contre-vérités flagrantes, ce qu’il ne fera pas, laissant le procureur affirmer que la loi électorale a été violée par la campagne Trump.

Les instructions données au jury furent la cerise du juge Merchan sur le gâteau de cette étonnante justice. Rappelons que pour qu’il soit condamné Trump devait avoir falsifié des documents commerciaux dans le but de commettre une autre infraction plus grave. Comme il n’avait jamais été condamné pour cette supposée dernière, le juge Juan Merchan laissa le choix au jury entre trois options. Il pouvait s’agir de dissimuler une infraction électorale fédérale, de la falsification de documents commerciaux ou d’infractions fiscales. Mais le jury ne devait pas être unanime sur ce point et du moment qu’ensemble tout le monde était d’accord qu’une de ces infractions avait été commise – sans dire laquelle et même si les jurés n’étaient pas d’accord entre eux – le compte du « Donald » était bon ! On se saura donc jamais – et l’accusé non plus – quelle est ce crime secondaire pour lequel il n’a jamais été condamné mais qui lui vaut quand même d’être jugé coupable !

D’ailleurs, Donald Trump avait-il la moindre chance d’être déclaré non coupable avec un jury pêché dans un district électoral qui a voté à 86% pour Joe Biden en 2020 ? On ne s’attardera pas non plus sur le fait, à cinq mois de l’élection, en pleine campagne électorale, d’obliger le candidat républicain à être présent au tribunal quatre jours par semaine pendant plus d’un mois. Loin d’être la preuve d’un fonctionnement tout à fait normal de la justice, ce procès en était une grossière caricature, entaché de nombreuses irrégularités comme des dizaines de juristes et d’observateurs (Alan Dershowiz, Alex Berenson, Elie Honig, Johantan Turley..) l’ont mis en évidence. Malheureusement, dans le climat de polarisation de l’Amérique et de haine envers Donlad Trump, les faits importent peu. Il était donc important de les rappeler.

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