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Déficits: ce qui attend à la rentrée un éventuel “gouvernement technique”

Bruxelles ouvre une procédure d’endettement excessif envers Paris. La France, qui n’a pas encore nommé de nouveau gouvernement, devra dire en septembre à la Commission européenne comment elle compte rétablir ses comptes pour rapidement rentrer dans les clous du pacte de stabilité budgétaire européen. À la Cour des comptes, Pierre Moscovici n’est guère optimiste: «La dette française s’élève déjà à 3100 milliards d’euros. Elle sera de 3600 milliards en 2027. Nous payons déjà 52 milliards par an pour la rembourser, ce sera 80 milliards en 2027. Il ne restera plus de marge de manœuvre pour financer les services publics et la transition écologique».


À la fin de son opus politique Le Nœud Gordien, Georges Pompidou notait « l’inaptitude profonde naturelle des Français à être gouvernés ». Mais ce caractère rebelle, batailleur et prompt à la querelle, pour atavique qu’il soit, n’a jamais empêché l’État français de fonctionner. 

Vers un effondrement de l’État français ?

Or, pour la première fois en quatre-vingt ans, la question de la survie de cet État tel que nous l’avons connu se pose. Si aucune majorité claire ne se dégage du scrutin législatif, d’aucuns pourraient dire que la gauche en sort renforcée, une situation inédite qui pourrait contraindre Emmanuel Macron à choisir un Premier ministre issu de cette orientation politique. Il n’est même pas besoin de revenir sur la politique économique mortifère que promet la gauche française actuelle, si éloignée du réalisme de la gauche britannique nouvellement au pouvoir, par exemple. Son irréalisme, sa condamnation immédiate de tout redressement du pays, signalent le caractère ténu d’une accession au pouvoir d’un clan sectaire et agressif. Ce qui devrait en creux favoriser l’arrivée d’un gouvernement mi-technique, mi-transpartisan à forte composante centriste… 

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Au-delà de ces dynamiques politiques immédiates et conjoncturelles, une menace bien plus grave plane sur la France : une crise financière d’une ampleur sans précédent, qu’aucune configuration politique et parlementaire ne saurait enrayer malheureusement, sauf à prendre de graves et courageuses décisions. 
Essayons d’imaginer comment une telle crise pourrait se dérouler pour l’État, symbole de la continuité de la nation. Car la France fait face à une crise de la dette publique sans précédent. La dégradation de la note de notre dette publique par les agences de notation, et l’ouverture par Bruxelles d’une procédure d’endettement excessif, sont à la fois des symptômes et des accélérateurs de la dérive de nos finances publiques. La dette publique française a atteint un niveau record de 3 160 milliards d’euros, soit près de 111% du PIB ; mais au-delà de ce niveau absolu de dette, c’est un problème de liquidités à court terme qui pourrait se poser à l’État, alors que la charge des intérêts de la dette est en passe de devenir le premier poste budgétaire, menaçant de facto notre État-providence. Si nous voulons vraiment redresser la barre, en 2025, le gouvernement devrait idéalement réduire le budget de l’État de 50 milliards d’euros. S’il ne le fait pas lors de la discussion du Budget 2025, cet automne au parlement, il devra progressivement atteindre cet objectif avant 2027. Une coupe drastique dès cette année, pour satisfaire nos partenaires européens et la BCE, obligerait à arrêter les dépenses de l’État dès septembre, ce qui représenterait une économie brutale de 25 milliards d’euros sans aucun autre effort d’ajustement.

Qui succédera à Bruno Le Maire pour être un super-ministre des économies ?

Cet effort, dont on parle depuis deux mois, sans que rien n’ait été réellement entrepris par Bruno Le Maire, va obliger à verrouiller brutalement le tiroir-caisse de l’État dès la rentrée de septembre. Cela devrait permettre de réaliser au forceps une économie brutale de 25 milliards d’euros. Mais à quel prix ! À titre d’exemple, on sait déjà qu’au ministère de la Justice, les factures de certaines dépenses engagées ont été reportées à… 2025, créant ainsi des dettes fournisseurs autant scandaleuses qu’illégales, provoquant chez bien des fournisseurs des problèmes graves de trésorerie qui finiront parfois… au Tribunal de commerce ! Du côté des armées, le mythe de la « sanctuarisation » semble enterré depuis longtemps. Quant à l’Éducation nationale…
Notre système de retraites par répartition, déjà fragile en dépit de quelques réformes paramétriques souvent inutiles ces dernières années, pourrait s’effondrer très rapidement. Incapable d’emprunter plus, le système devrait choisir entre ponctionner plus les salariés, écrêter les plus hautes pensions ou réduire les pensions pour tous. Nul doute que les débats sur la capitalisation réapparaitront dès la rentrée. Après les retraites, c’est notre système de santé publique qui devrait rapidement faire l’objet de discussions sur une possible restructuration dans la douleur. Nous devrions alors voir l’apparition de nouvelles cliniques et maisons de santé privées que l’on payera au prix fort, ou accessibles aux adhérents de super mutuelles parfois financées par les employeurs pour leurs cadres supérieurs (lesquels votent Renaissance et LFI). Le risque est grand de voir certaines maladies chroniques basiques ne plus être prises en charge (ou moins bien prises en charge que maintenant), avec un décrochage de l’espérance de vie selon le lieu d’habitation.

Le contribuable peut aussi s’inquiéter

Une possible réponse immédiate pourrait être de nature fiscale: il n’y a pas besoin de l’accession au pouvoir de LFI pour envisager un recours à l’impôt pour cause d’ajustement des finances publiques. Une augmentation des prélèvements, par exemple de 20 milliards d’euros (l’effort minimum, si on ne fait rien sur la dépense publique), pourrait provoquer une récession – notre croissance étant à peine positive ces jours-ci – et un effondrement supplémentaire des recettes publiques (du fait d’une pression fiscale déjà trop élevée) : la réponse fiscale ne serait évidemment donc pas la panacée pour nous sortir de l’ornière.

A lire ensuite, Stéphane Germain : Politique économique: le choix des sophismes

Nous entrerions alors dans une spirale infernale de réduction de la dépense publique (sous contrainte de Bruxelles, et des acheteurs de dette française) amplifiant ladite récession, l’effondrement des services publics qui tenaient encore, un débordement total des forces de sécurité intérieure, avec l’apparition d’une violence acquisitive inégalée depuis la Révolution (je vole ce que je ne peux acheter)… Face à un tel scénario d’effondrement total de l’État français, la tentation serait grande de procrastiner, et de ne toujours rien faire s’agissant des dépenses publiques.
Ce qui n’a pas été fait progressivement en matière d’ajustement – sous Emmanuel Macron, la dépense publique n’a jamais baissé et demeure peu ou prou au même ratio rapporté au PIB qu’en 2017 – doit-il être réalisé en quelques mois, au risque de précipiter un effondrement tant redouté par les Français ? Est-ce qu’un gouvernement technique transpartisan n’est pas la meilleure opportunité pour restructurer notre État, puisque les politiciens ne se sont jamais saisis du sujet ? Nul ne le sait, mais nous n’avons probablement le choix qu’entre des solutions assez douloureuses et imparfaites pour les douze prochains mois. Le chaos qui s’annonce n’a finalement qu’une seule vertu. Il permettra de démontrer une fois de plus un adage bien connu : Il ne faut pas compter sur ceux qui ont créé les problèmes pour les résoudre. Plus que jamais, un autre projet politique est non seulement nécessaire, mais possible…

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Grégory Doucet, l’Hidalgo de Lugdunum

À Lyon, la multiplication des pistes cyclables (et des embouteillages) inspire des « apéros de résistance » contre les « talibans verts » de la mairie…


D’abord capitale des Gaules puis cœur battant du commerce européen à la Renaissance, enfin berceau de l’industrie de la soie, Lyon est depuis l’avènement de Grégory Doucet la figure de proue des mobilités douces.

Le petit commerce pénalisé

Dérégler les feux tricolores, supprimer les grandes voies de circulation pour multiplier les pistes cyclables et faire traîner les travaux en longueur : telle est la politique retorse des talibans verts qui pourrissent la vie des Lyonnais. La ville est devenue un perpétuel chantier, sa rive gauche constamment embouteillée. La dernière lubie de la Mairie, en date du 13 mai, consiste à fermer à la circulation la rue Grenette, axe stratégique qui dessert la Presqu’île d’ouest en est, pour la réserver aux transports en commun et aux vélos.

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Les premières victimes sont les commerçants du centre-ville. Selon Lyon people, ils déplorent une perte de quelque 200 millions d’euros depuis l’élection de Grégory Doucet, 30 % de leur chiffre d’affaires. Les difficultés d’accès font fuir beaucoup de clients qui achètent dans les centres commerciaux ou en ligne.

La Résistance s’organise

Enfin, à bout de patience, les Lyonnais se rebiffent ! Riverains et commerçants se sont rassemblés dans le Collectif des défenseurs de Lyon pour organiser une série de « mâchons » ou « apéritifs de résistance citoyenne » au mois de juin. Les membres se sont réunis devant l’hôtel de ville lors de la tenue du dernier conseil municipal avant l’été. Une pétition en ligne contre la piétonnisation du cœur de Lyon a recueilli plus 5 000 signatures. Mais surtout, Me Mélanie Hamon, avocate en droit public, porte devant le tribunal administratif le recours de ces Lyonnais contre le projet de piétonnisation. Attaquant Ville et Métropole de Lyon, elle entend bien avoir gain de cause contre des transformations engagées sans étude préalable quant à leurs conséquences sur les habitants et les commerçants. Le maire sera peut-être obligé de mettre la pédale douce sur ses projets.

Maroc: le quart de siècle de Mohammed VI

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Le roi, qui vient de célébrer ses 60 ans, est monté sur le trône il y a un quart de siècle. Où va le Maroc ?


Vingt-troisième dynaste alaouite, Mohammed VI a eu la lourde tâche de succéder à son père Hassan II le 23 juillet 1999. Il était alors âgé de trente-cinq ans, un âge parfait pour accéder au trône, suffisamment jeune pour être dynamique tout en bénéficiant de l’expérience d’une petite vie d’homme.

Vingt-cinq ans plus tard, que retenir de son règne et de l’évolution des relations franco-marocaines ? Pays clé des équilibres méditerranéens et sahéliens français, le Maroc partage avec nous une riche histoire commune ainsi que des diasporas actives présentes dans les deux pays. L’élection récente de la députée « ciottiste » Hanane Mansouri, d’origine marocaine, en témoigne d’ailleurs : les liens unissant la France au Maroc sont plus complexes et plus profonds qu’on ne le croit parfois.

Un royaume à l’abri de l’islam politique ?

Pourtant, diverses incompréhensions mutuelles ont émaillé ces dernières années. Longtemps « acquise », la relation franco-marocaine a souffert de non-dits et de batailles d’influence préjudiciables. Nous aurions pourtant tout intérêt à entretenir ce partenariat fécond mais aussi essentiel pour notre vie géopolitique et économique. Pôle de stabilité au sein du monde méditerranéen et arabe, le Maroc affiche désormais un visage moderne et décomplexé.

Il a su d’ailleurs résister aux printemps arabes comme à la montée de l’islamisme politique. Fait inédit, les islamistes du Parti de la Justice et du développement ont été appelés au gouvernement et ont dirigé le pays pendant une décennie avant de quitter le pouvoir par le jeu électoral et démocratique, sans aucune violence. C’est le signe d’une nation résiliente et mature qui compte d’abord sur les indicateurs économiques et les réformes politiques.

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Afin d’éviter la gronde de la rue, le royaume chérifien a su aussi moderniser sa constitution en 2011, alignant progressivement ses institutions sur le modèle des monarchies parlementaires européennes, avec un plus large pouvoir exécutif accordé au roi qui est aussi le commandeur des croyants, de la même manière que nos rois étaient de « droits divins » sur l’idée de Saint-Paul que « toute autorité » émanait de Dieu lui-même. Les pouvoirs et la représentativité du chef du gouvernement marocain ont substantiellement augmenté. Les gouvernements sont désormais toujours issus de la formation politique ayant remporté les élections, ce qui a probablement évité les violences constatées par exemple en Tunisie.

Une diplomatie française tiraillée entre Alger et Rabat

Cette nature monarchique qui assure une continuité historique et garantit un arbitrage équilibré entre les tendances politiques est aussi sûrement ce qui fait parfois du Maroc un pays mal aimé par son voisin algérien et certaines oppositions de gauche en France. Parfois tiraillée entre Alger et Rabat, la diplomatie française semble aujourd’hui entendre de nouveau les bénéfices qu’elle peut tirer d’un apaisement et d’un renforcement des partenariats économiques, comme militaires ou encore religieux. En effet, la doctrine dite de « l’islam du milieu » a fait ses preuves en matière de déradicalisation et les coopérations sécuritaires ont conduit encore récemment à déjouer des attentats terroristes comme à arrêter le meneur du gang marseillais des Yodas (Félix Bingui, chef du gang Yoda, l’un des deux principaux clans du narcobanditisme de la ville, arrêté le 8 mars au Maroc).

Sur le plan des mœurs, la politique de la Moudawana a permis d’améliorer la place et les droits des femmes dans une société encore traditionnelle. Bref, les choses avancent et les vingt-cinq dernières années ont été le théâtre de profondes mais discrètes transformations d’un pays qui entend avoir une place pleine et entière dans le concert des nations modernes, ce que l’organisation de la Coupe du monde 2030 avec l’Espagne et le Portugal ne dément pas. Les chiffres sont d’ailleurs éloquents. Le PIB du Maroc est passé de 46,27 milliards $ en 1999 à 130,91 milliards $ en 2022. Une croissance de 183%. Sur la même période, le PIB par habitant a plus que doublé sur la période, passant de 1627 dollars à 3442 dollars en 2022. Il s’agit aussi du second pays le plus industrialisé d’Afrique, notamment dans le domaine automobile où Renault produit les modèles Dacia depuis la méga usine de Tanger.

Un pays très inégalitaire

Restent néanmoins des défis importants à relever. Si le nombre de Marocains vivant sous le seuil de pauvreté absolue a ainsi chuté, passant de 15,3% en 2000 à seulement 1,7 % en 2019, le Maroc reste frappé par les inégalités. Ainsi, les 10% de Marocains les plus aisés concentrent encore onze fois plus de richesses que les 10% les plus pauvres. Le chômage des jeunes reste aussi important, entrainant notamment des départs vers l’Europe. Après avoir modernisé son pays et l’avoir doté d’une économie libérale ne dépendant pas des ressources naturelles, Mohammed VI semble vouloir placer la suite de son règne sous le signe d’une plus grande justice sociale. Et si le Maroc devenait le premier grand pays musulman à adhérer à la social-démocratie ?

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L’autre chantier se situe dans le cadre des relations internationales, singulièrement avec l’Algérie avec laquelle les rapports se sont dégradés considérablement ces cinq dernières années. Jouant la carte de l’équilibre entre signature des accords d’Abraham et aide humanitaire concrète aux Gazaouis, le Maroc a aussi le problème du Sahara à régler où la présence du Front Polisario complexifie tout. Son plan d’autonomie de 2007 est, selon de nombreux observateurs, une issue potentiellement positive qui entraînerait la reconnaissance de la souveraineté du royaume sur la région. La France ira-t-elle plus loin dans cet épineux dossier ? La question soulève en tout cas les passions.

Bravo l’Artiste!

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Répondant aux questions énamourées de Nathalie Iannetta et de Thomas Sotto, mardi soir sur France 2, le chef de l’État nous a fait comprendre que l’on avait tort de se plaindre de ne pas avoir de Premier ministre, alors que l’on devrait plutôt se réjouir: la France ne s’apprête-t-elle pas à figurer dans le top 5 des nations les plus titrées aux JO?


Il n’y a plus d’opinion politique qui tienne, tout le monde est pétri d’admiration devant le numéro qu’Emmanuel Macron nous a offert ce mardi 23 juillet à 20h. Il devrait rester dans les annales des Jeux olympiques des plus grands rétablissements acrobatiques de plantages politiques !

Je vous ai compris !

En l’occurrence, Jupiter a cédé sa place à Zeus au sein de l’hexagone. Après une explication distanciée de la situation politique française, et après s’être félicité d’avoir pris la décision qu’il convenait en dissolvant l’Assemblée nationale, le président nous a dit ô combien il comprenait les Français d’avoir été frustrés par une justice inefficace et insuffisante, et également par le non-contrôle de l’immigration. Une telle perspicacité nous a laissés pantois. 

Les deux figurants journalistes, souriants et émerveillés, ont tenté de demander si ce nouveau rôle ne lui semblait pas un peu étrange, et s’il était conscient que les Français ne lui témoignaient pas l’affection qu’il aurait pu souhaiter ? Qu’en termes galants ces choses-là étaient dites… on était dans une ambiance sérieuse, mais pas vraiment grave. À voir la mine réjouie des protagonistes, on s’attendait ensuite à ce que l’entretien enchaine rapidement sur des bacchanales et des festivités autrement plus gaies ! Que nenni, répliquait notre nouveau président, très à l’aise dans sa nouvelle fonction, beaucoup plus haute dans les cieux, comme garant des institutions : il avait sagement permis au peuple de s’exprimer pour élire une nouvelle Assemblée, et maintenant que les trois blocs souhaités par son peuple se débrouillent et travaillent entre eux ; après peut-être acceptera-t-il de nommer un Premier ministre, après les Jeux… 

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Le président a prononcé environ 30 fois le terme de responsabilité, il a « pris ses responsabilités » les autres doivent prendre leurs « responsabilités », il agit « en responsabilité »… et j’en passe ! tous responsables, tous coupables, mais… pas lui. Qu’on ne s’inquiète pas, on pourra compter sur lui jusqu’au bout de son mandat, car il nous faut un sage et nous l’avons… d’ailleurs, après avoir constitué un mur de boucliers d’airain contre le RN, il nous explique dans sa grande sagesse que tous les élus sont égaux – forcement 12 millions d’électeurs ça impressionne – et qu’il est temps de venir à leur secours. Honteux, ajoute-t-il, de ne pas leur donner de postes et de ne pas leur serrer la main à l’Assemblée nationale… Et pendant ce temps, toute la soirée on se repassait en boucle Agnès Pannier-Runacher qui avait refusé elle aussi sa blanche main au jeunot du RN (qui lui, pourtant, ne bourrait pas les urnes).

Pause festive estivale

Et puis l’heure fut finalement à la fête, à la joie ! Zeus a organisé les plus beaux Jeux olympiques de la planète, complètement bio, et la plus grande parade de tous les temps sur la Seine. Il remercie les exécutants. Et Céline Dion qui ne vient rien que pour lui, mais il ne nous dit pas si elle chantera ou si elle est là juste pour faire plaisir à Brigitte… il garde le secret, le coquin ! Et il parait qu’il nous réserve bien d’autres surprises. 

Sophie de Menthon © SdM

C’était un grand moment de télévision, le président avait un sourire éclatant, les yeux brillants de satisfaction, les yeux bleus assortis à son costume, et il ne dissimulait pas sa joie communicante… mais comment a-t-on pu se laisser aller comme cela à la déprime ?!  Incroyable : nous sommes incapables de nous réjouir de ce qui nous arrive. La liberté redonnée de nos choix politiques, un happening permanent à l’Assemblée sous la protection du dieu de l’Olympe et enfin panem et circenses (bon pour le pain, on attendra un peu). La sécurité ? On a tout bien fait ! Paris est désert, et les grillages nous protègent le long des rues et des quais (on ne peut même plus relever les poubelles, c’est dire si cela découragera les terroristes d’aller commettre des attentats). Au passage, Emmanuel Macron nous rappelle que le chômage, personne n’en parle plus, parce qu’il a réglé le problème, et que de plus tout ce pognon de dingue qu’on a dépensé pour les Jeux olympiques va nous resservir au centuple dans les années à venir… 

Alors, oui, j’ai honte de ne pas avoir compris que le nirvana était là, à ma portée, ces derniers temps, et que je suis juste une grincheuse ! Que la fête commence !

“Longlegs”: préparez-vous au grand flip de l’été!

Grâce au cinéma américain, pas besoin de clim’ pour frissonner cet été. Excellente surprise que ce thriller démoniaque multiréférentiel, au ton outrageusement vintage, tantôt « seventies », tantôt « nineties », et au traitement hyper formaliste et esthétisant qui risque toutefois d’en décontenancer plus d’un… Vous êtes prévenus !


Cage sous influence(s)

Co-produit par l’inclassable et protéiforme Nick « Fury » Cage qui incarne ici un psycho-killer grimé, siliconé et saupoudré absolument terrifiant (le fameux « Longlegs » du titre, alias « Jambes-longues ») que l’on n’est pas prêts d’oublier, ce thriller indépendant (produit par la petite boîte Neon pour 9 millions de dollars) en forme de jeu de pistes diabolique est l’œuvre d’Oz Perkins, le fils de l’immense Anthony Perkins, inoubliable Norman Bates dans le Psychose d’Hitchcock, le maître du suspense auquel on pense évidemment beaucoup ici, au milieu de quantité d’autres influences. Citons pêle-mêle Le Sixième Sens (Manhunter) de Michael Mann, Le Silence des agneaux de Jonathan Demme, Cure de Kiyoshi Kurosawa, The Cell de Tarsem Singh, The Pledge de Sean Penn, Seven et Zodiac de David Fincher, Prisoners de Denis Villeneuve, Heredity d’Ari Aster, Black Phone de Scott Derrickson, sans oublier une atmosphère globale vénéneuse et cotonneuse très lynchéenne… Et bien d’autres références encore. 


Mais le film possède heureusement sa propre personnalité et affiche un tempérament plutôt radical et, disons-le, complètement désarçonnant ! Précisons que pour ce rôle, Nicolas Cage s’est inspiré de sa propre mère, décédée récemment à l’âge de 85 ans, victime hélas de sérieux troubles schizophréniques et identitaires durant toute sa vie. « Elle a été en proie à la maladie mentale pendant la majeure partie de mon enfance, précise l’acteur oscarisé pour Leaving Las Vegas, et a été placée en institution pendant des années en subissant des traitements de choc. Le plus dur était d’aller lui rendre visite dans les institutions notamment pendant mes jeunes années. Parfois, elle oubliait tout ce qui avait pu arriver – que son père était mort ou que j’étais devenu acteur. » 

Atmosphère diabolique 

On suit dans cet authentique cauchemar pelliculé l’enquête chaotique et on ne peut plus glauque que mène une jeune profileuse du FBI dotée de pouvoirs médiumniques (impressionnante Maika Monroe/ agent Lee Harker en petite sœur de Jodie Foster/ agent Clarice Starling) dans une Amérique profonde banlieusarde triste à mourir dont l’insignifiance charrie une terreur de tous les instants. Cette « inquiétante étrangeté », comme disait Freud, est renforcée par les hallucinants partis pris de cadrages et de mise en scène décidés par notre réalisateur « arty ». Plans fixes, grands angles, lents travellings, mais surtout insertion systématique de « cadres dans le cadre » qui obligent le spectateur à scruter l’arrière champ en permanence afin d’y trouver un indice caché ou distinguer une ombre qui bouge anormalement dans un décor pourtant paisible et familier (le salon d’une maison, la pelouse enneigée d’une propriété, la bibliothèque du FBI…).

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Toute l’enquête est filmée du point de vue de la jeune héroïne aux méthodes hétérodoxes, dont on comprend vite qu’elle se situe dans un état second, comme shootée et sous médocs, suite à une enfance compliquée avec sa mère bigote et modeste qui l’a élevée seule. Lee Harker vient épauler un responsable du FBI de l’Oregon qui tente de mettre la main sur un serial-killer suspecté de massacrer des familles depuis le début des années 70 sans laisser aucune trace derrière lui, à l’exception de lettres avec messages codés et cabalistiques, évoquant évidemment le Zodiac de Fincher.

Plus l’investigation progresse, plus l’on comprend que Lee Harker entretient, à son insu, un lien trouble et pervers avec le tueur, l’obligeant à replonger dans les affres et les traumas de son enfance… Il ne faut évidemment pas aller plus loin dans la divulgation du récit, mais contentons-nous de noter et de nous délecter de la fascination que nourrissent les réalisateurs américains pour l’incroyable période-charnière fin 60’s-début 70’s, point de bascule de l’Amérique vers les ténèbres de la violence et de l’irrationalité suite notamment à l’enlisement au Vietnam, aux meurtres politiques, à la radicalisation de la société dans le sillage notamment de l’horrible meurtre de Sharon Tate par la « Manson family » (été 1969), clairement évoqué ici… Un trauma (à la fois fascinant, obsessionnel et répulsif) pour toute une génération de cinéphiles que s’était également approprié avec brio Quentin Tarantino dans sa démonstration métaphorique de la grande bascule américaine avec son excellent Once Upon a Time in Hollywood (2019)… tout en nous gratifiant au passage d’une relecture fantasmatique du carnage de Ciello Drive (la fameuse et funeste nuit du 9 août 1969) qui avait en son temps déchaîné les polémiques et propos outranciers contre l’auteur de Reservoir Dogs… 

L’Amérique des délaissés

Au-delà du passionnant versant occultiste et satanique de l’énigme (accrochez-vous bien pour le dernier quart d’heure… vous ne verrez plus jamais des poupées de cire de la même façon !), l’exploration sociologique et topographique de cette Amérique profonde, délaissée et marginale, peuplée de mères célibataires élevant seules leurs enfants et « que personne ne vient jamais voir », ou de simples d’esprit en plein désarroi dans des villages loin de tout, se raccrochant à la religion chrétienne (bientôt dévoyée et extrémisée), s’avère profondément touchante et transmet une réelle émotion. 
Le mal radical et contagieux peut ainsi naître de la solitude extrême, comme l’a démontré dans nos contrées un auteur comme Maupassant avec ses recueils de contes d’angoisse: « C’est la solitude qui engendre les monstres »… 
On pourra toutefois regretter dans le film quelques plans symboliques parfois lourdement appuyés (la vision infernale, résumée par ces nœuds de serpents se mouvant dans le sang impur des suppliciés, par exemple), mais Longlegs possède un insidieux pouvoir hypnotique et aura pour effet de vous dévorer le cerveau pendant plusieurs jours après la projection… D’autant que la fin suffisamment ouverte et totalement imprévisible laisse place à une hypothétique suite que les excellents chiffres actuels de démarrage en salles devraient sous peu placer sur de bons rails. Les rails d’un train fantôme, conduit par Satan himself !

1h41

Voir et revoir Pagnol, Visconti, Truffaut

Comme chaque été, les films nouveaux et de qualité se font plutôt rares dans les salles jusqu’à la rentrée de septembre. Heureusement, le patrimoine est là… bien vivant ! Cet été dans nos salles, rétrospectives de 10 films de Marcel Pagnol, 4 de Luchino Visconti et 5 de François Truffaut…


Marcel, l’empereur

« Marcel Pagnol, 50 ans : rétrospective en dix films », en salles à partir du 24 juillet

Quoi de neuf ? Pagnol encore et toujours ! À partir du 24 juillet et partout en France, pas moins de dix chefs-d’œuvre seront à l’affiche. De Marius (1931, officiellement réalisé par Alexandre Korda) jusqu’à Topaze (1951), on pourra voir et revoir des films exceptionnels, superbement écrits et réalisés, portés par des distributions épatantes composées notamment de « cabots » de génie tels Raimu et Fernandel. Difficile vraiment de choisir dans ce florilège. Passons donc en revue ces dix pépites.

La fameuse trilogie marseillaise d’abord : Marius, Fanny, César. Lorsque Pagnol adapte sa pièce Marius pour la porter à l’écran, le cinéma parlant est encore balbutiant. Sur le tournage, un ingénieur du son américain ose dire que la voix de Raimu ne passe pas et que le son est inaudible. Pagnol laisse passer un ange plutôt que de lui passer un savon – ses colères sont homériques. Au-delà du pittoresque marseillais auquel le film a été rattaché, affiches de Dubout aidant, Marius, comme les deux autres volets qui suivront, vaut bien mieux que cela. Sous les rires, l’accent, les galéjades et même le jeu atroce d’Orane Demazis dans le rôle de Fanny, il se déroule autre chose : les liens d’un père avec son fils et l’émancipation plus ou moins réussie de ce dernier. Cette trilogie n’est rien de moins qu’un classique du cinéma français.

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Tourné durant la même période, en 1933, Jofroi reste trop méconnu. Ce cycle le remet en lumière pour notre plus grand bonheur. C’est la première fois que Pagnol adapte Giono au grand écran, en l’occurrence une nouvelle, « Jofroi de la Maussan », publiée l’année précédente dans Solitude de la pitié. Superbe drame paysan, le film est également l’annonce du néoréalisme quand il utilise décors naturels, son direct et caméra « légère » et mobile, bien avant la Nouvelle Vague.

Avec Le Schpountz, en 1938, Pagnol offre à Fernandel l’un de ses rôles les plus jubilatoires. L’acteur est parfait dans les habits d’un benêt intégral qui se fait berner par des artistes parisiens au mépris facile. Le tout est tiré d’une histoire vraie qui s’est déroulée sur le tournage d’un précédent film de Pagnol, le magnifique Angèle, également au programme cet été.

Réalisé en 1934, Angèle est une nouvelle adaptation de Giono, en l’occurrence le roman Un de Baumugnes. Fernandel y tient le premier rôle, celui de Saturnin, un valet de ferme, aux côtés des formidables Henri Poupon et Jean Servais. Une fois encore, la magie de Pagnol opère pour raconter ce drame rural sur fond de fille « perdue » et de père intraitable.

Dans La Femme du boulanger, chef-d’œuvre incontestable, Raimu incarne avec génie un cocu « dans le pétrin ». Pagnol réussit la prouesse de faire rire et sourire, sans jamais perdre de vue le tragique de la situation qu’il décrit. Dialogues ciselés, tirades devenues mythiques et distribution au niveau : rien ne manque.

Fanny, second volet de la trilogie marseillaise de Marcel Pagnol. D.R

La Fille du puisatier, en raison même de son année de tournage (1940) a des allures de film sinon maudit, du moins bricolé, contraint de coller à l’actualité mouvementée de cette période. Mais l’essentiel est ailleurs, dans un quatuor d’acteurs étincelants qui portent le film de bout en bout : Raimu, Fernandel, Josette Day et Charpin.

Restent deux films et non des moindres : Regain (1934) et Topaze (1951). Le premier est l’adaptation du roman éponyme de Jean Giono. On y retrouve Fernandel, mais dans un rôle moins sympathique et débonnaire que d’habitude, celui d’un rémouleur accompagné d’une femme qu’il maltraite. Comme souvent chez Pagnol, le film vaut aussi pour ses savoureux seconds rôles qu’incarnent ici Henri Poupon, Charles Blavette, Milly Mathis, Robert Vattier et, dans un rôle de brigadier, le futur proscrit de la Libération, Robert Le Vigan. Quant à Topaze, même si on peut lui préférer la version de 1936, plus sombre, c’est bel et bien l’un des rôles majeurs de Fernandel.

Voir et revoir Pagnol demeure un enchantement !


Luchino, le prince

« Le XIXe de Visconti », en salles à partir du 31 juillet

©Les Acacias

Sous le titre « Le XIXe de Visconti », on peut cet été découvrir ou redécouvrir quatre immenses films du cinéaste italien : Le Guépard, Senso, Ludwig ou le Crépuscule des dieux et L’Innocent. Quatre œuvres « historiques » qui ressuscitent ce XIXe siècle qui fascinait Visconti, pétri de cette obsession proustienne du temps qui passe, du changement d’époque, du déclin de la noblesse. De 1954 (Senso) à 1978 (L’Innocent), soit l’ultime film du cinéaste, ce sont des fresques mélancoliques en forme d’opéras baroques aux distributions impressionnantes : Delon, Cardinale, Lancaster, Valli, Schneider, Berger, Antonelli et tant d’autres encore. Il faut notamment se replonger dans les trois heures du Guépard, Palme d’Or au Festival de Cannes en 1963, et tournant dans la carrière du cinéaste qui, dès lors, sera moins sensible aux questions sociales.

©Les Acacias

François, le dandy

« Cinq héroïnes de François Truffaut (partie 1) », en salles à partir du 7 août

© Carlotta Films

Comme l’indique son titre, ce cycle est consacré aux muses du réalisateur de La Peau douce. Dans un premier temps, on pourra ainsi savourer trois films : Deux Anglaises et le Continent, La Femme d’à côté et Vivement dimanche ! On ne saurait trop recommander le premier, « grand film malade » selon l’expression même de Truffaut, qui permet à Jean-Pierre Léaud de quitter l’encombrant personnage d’Antoine Doinel. Mais les deux autres donnent l’occasion de voir combien Truffaut a su tirer parti des multiples facettes du talent de Fanny Ardant. Alors que les deux films sont à l’opposé (un terrible drame romantique pour l’un, un polar joyeux pour l’autre) La Femme d’à côté et Vivement dimanche ! laissent éclater l’incroyable séduction de l’actrice, son charme et son mystère. On reste sans voix devant ces deux personnages qu’incarne Fanny Ardant avec la même conviction, le même allant, la même grâce. Rarement Truffaut, le cinéaste qui aimait les femmes, aura trouvé une interprète en aussi parfaite adéquation avec son univers, ses fantasmes et ses obsessions.

Pour regarder les bandes-annonces de La femme d’à côté, et Deux Anglaises et le Continent :

Donald Trump peut-il être vaincu par la « faiblesse » démocrate?

Le camp républicain a déjà commencé à attaquer Mme Harris, notamment sur ses origines… Analyse.


Joe Biden a enfin jeté l’éponge. Il a mis du temps, mais c’est fait. Normalement, la vice-présidente Kamala Harris est appelée à prendre la relève mais il n’est pas impossible que le camp démocrate veuille un autre candidat qu’elle pour affronter Trump. Cette rupture serait toutefois un affront, encore un, pour Joe Biden qui verrait ainsi battu en brèche son choix initial. Même s’il avait tout fait pour la maintenir dans un rôle discret et subalterne, malgré ces derniers temps quelques interventions et apparitions plus marquantes. Comme si elle se trouvait déjà dans un entre-deux, entre le possible maintien de Joe Biden et l’indiscutable fragilité de ce dernier.

A lire aussi : La révérence de Joe Biden: une campagne historique s’annonce

Il semble toutefois qu’un certain nombre de facteurs rendent au moins incertaines les prévisions : la décision courageuse de Joe Biden, la détermination immédiate de Kamala Harris adoubée sur-le-champ par le président défaillant, la certitude du camp démocrate que pour gagner les atermoiements n’étaient plus possibles, l’impression paradoxale que, pour être le favori, Donald Trump allait devoir se confronter cependant à une adversaire démocrate singulière, une femme le contraignant à moins de violence personnelle avec un bilan suffisamment réduit pour ne pas être exclusivement à charge. Donc la moins adaptée à son style de campagne à l’emporte-pièce et familièrement populiste. Kamala Harris, pour l’heure, est à la recherche d’un colistier lui permettant d’élargir le champ de son influence et de « couvrir » des États penchant plutôt pour l’instant vers Donald Trump ou, au moins, en proie au doute et aux hésitations. Ce choix n’est jamais facile et on ne peut s’y livrer à la légère, le futur couple démocrate étant censé s’appuyer sur les forces et les atouts de chacun.

La cause démocrate peut-elle renaître de ses cendres ?

L’injonction volontariste de Kamala Harris martelant qu’elle allait battre Donald Trump sera fragilisée par la recherche, dans le clan de celui-ci, de tout ce qui va pouvoir l’affaiblir. Le vice-président choisi par Donald Trump a d’ailleurs commencé en questionnant la légitimité de Kamala Harris et ses origines. Malgré cela qui relève du processus habituel, je me demande si, plus profondément, l’apparente faiblesse objective de la cause démocrate n’allait pas constituer, comme souvent dans ce type de crises, une opportunité de sursaut amplifiée par une double donnée. La première étant, pour une majorité d’Américains, au-delà des animosités partisanes et des moqueries lassantes sur l’âge de Joe Biden, l’excellent bilan de ce dernier sur le plan économique et social ainsi que la pertinence jamais prise en défaut de sa vision internationale. La seconde liée au passif de la personnalité de Donald Trump, à ses ennuis judiciaires et au fait que, pour être atypique et admirée par le camp républicain, sa personnalité n’enthousiasme pas forcément TOUS ses partisans et aussi la masse de ceux qui n’ont pas encore tranché.

Pour me résumer, les jeux ne sont pas faits et il n’est pas impossible qu’on se retrouve, pour ces futures élections américaines, face à ce que la vie offre dans beaucoup de ses registres les plus divers : la stupéfiante force, en définitive, d’une faiblesse se muant en arme.

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Ils veulent la peau de CNews

L’hypothèse du non-renouvellement de la fréquence de CNews par l’Arcom est improbable, mais pas impossible. En coulisses, de nombreux journalistes et militants politiques en rêvent encore. Qui sont-ils ?


Dernière minute! L’Arcom vient d’annoncer que la chaîne C8 perd sa fréquence sur la TNT, ainsi que NRJ12. Les deux chaînes seront remplacées par celles de Ouest-France et de Daniel Kretinsky •

En termes d’audience, CNews est depuis deux mois devant BFMTV, LCI et France Info TV. Son succès est dû aussi bien aux sujets abordés qu’à la qualité des journalistes, chroniqueurs et débatteurs qui se succèdent sur ses plateaux. Chaque soir, Christine Kelly et ses « mousquetaires » proposent des analyses documentées sur des sujets politiques, économiques, historiques ou sociétaux. Certains rendez-vous hebdomadaires affolent les compteurs : Le « Face à Face » entre Gilles-William Goldnadel et Julien Dray remporte un franc succès, tandis que l’émission « Face à Philippe de Villiers » frôle ou dépasse régulièrement le million de téléspectateurs. Au 1er juillet 2024, CNews, qui a connu la plus forte progression toutes chaînes confondues depuis un an, est devenue la 1re chaîne d’info, la 1re chaîne TNT, la 5e chaîne nationale. Et ça, ça défrise le système politico-médiatique en place.

La pression terrible mise sur Roch-Olivier Maistre

Pour Le Monde, il ne fait aucun doute que CNews doit disparaître. Un long papier paru le 17 juillet met subtilement en garde l’Arcom : « la décision qu’elle prendra à l’encontre de CNews et C8 marquera le mandat de son président ». Roch-Olivier Maistre quittera en effet ses fonctions de président de l’Arcom fin janvier 2025. Son mandat sera salué ou hué par la caste médiatico-politique aux manettes selon qu’il sera parvenu ou non à interdire CNews ou C8 sur la TNT. Le quotidien aimerait plus de sévérité envers les dirigeants de Canal + qui, lors de leur audition devant l’Arcom, « n’ont affiché ni humilité ni contrition devant ceux dont dépend leur avenir : les conseillers réunis autour du président Roch-Olivier Maistre ». Mettre un genou à terre devant les juges médiatiques ou craindre leur colère, tel semble être le destin des prétendants à la TNT. Concernant CNews, il est attendu de leurs dirigeants qu’ils se versent en plus un tombereau de cendres sur la tête. Le conseiller Hervé Godechot n’a pas hésité, paraît-il, à mettre les représentants de Canal + en difficulté en leur rappelant les neuf motifs de reproches adressés à CNews en trois ans. M. Godechot a fait toute sa carrière dans le service télévisuel public, France 3, France 2 et France Info TV (cette dernière bénéficiant d’une autorisation d’émission sur la TNT). Nous supposons que pour Le Monde un tel CV atteste une totale impartialité et éloigne tout soupçon idéologique qui pourrait entacher le travail de M. Godechot au sein de l’Arcom… Un autre membre du tribunal de l’inquisition médiatique, Antoine Boilley, n’a pas craint, selon le quotidien, de recadrer CNews – selon la méthode dite du « sentiment d’insécurité » usitée par notre encore actuel garde des Sceaux – sur la manière de traiter les sujets concernant la délinquance et l’immigration : « Comme la météo, il y a la température et il y a le ressenti. Pareil pour la délinquance et l’immigration, il y a les chiffres de la délinquance et le ressenti qui est souvent débattu sur vos plateaux. » Le Monde omet de préciser que M. Boilley a rejoint l’Arcom en février 2023 et que, de 2001 à cette date, son unique employeur a été… France Télévisions, où il a occupé les fonctions de secrétaire général et directeur délégué (France 2) puis celles de directeur adjoint du marketing et de la communication pour l’ensemble du groupe. La pensée unique règne depuis longtemps sur les ondes d’un service public où près de 80% des journalistes et des dirigeants avouent voter à gauche ou à l’extrême gauche. Les obstacles mis en travers d’une chaîne privée ne partageant pas la doxa auront au moins servi à dévoiler la réalité sur les médias et la liberté d’expression dans notre pays. Disons-le tout net : cette liberté est un leurre. Les rênes du système politico-médiatique sont fermement tenues par des militants de gauche aussi bien que de droite, de cette droite qui n’a jamais su se défaire d’un sentiment d’infériorité face à la gauche culturelle, progressiste et morale, ainsi que par des journalistes sortant d’IEP ou d’Écoles de journalisme entièrement gangrénés par l’extrême gauche et le wokisme. Ce système ayant pris conscience qu’un petit mais vigoureux grain médiatique pouvait enrayer la machine propagandiste pro-UE, pro-immigration, pro-wokisme, il met en branle tous les moyens possibles pour l’écraser. Les censeurs fourbissent leurs armes dans les arrières-boutiques politiques, syndicales ou associatives. Inondée de plaintes, de réclamations, de saisines venant principalement de ces arrières-boutiques, l’Arcom est le bras armé à la fois du gouvernement et des ennemis traditionnels de la liberté d’expression, la gauche et l’extrême gauche, lesquelles ravivent ainsi une vieille tradition révolutionnaire, la censure au nom de la juste cause, au nom du bien du peuple, au nom du progrès. 

Le Média rêve de piquer le canal de Bolloré

Kamil Abderrahman, journaliste d’extrême gauche du Média (organe mélenchoniste de propagation des idéologies racialistes, immigrationnistes et antisionistes), participe à sa manière brutale à la charge contre les médias « bollorisés ».  Il s’est fait une spécialité d’inonder les réseaux sociaux de messages anti-israéliens, surtout depuis le pogrom du 7 octobre 2023. Les excès et les mensonges ne lui font pas peur. Ainsi accusa-t-il l’armée israélienne d’avoir tué nombre de ses compatriotes le jour fatidique de l’attaque du Hamas à cause d’une « intensité de la riposte » disproportionnée. Ainsi appelle-t-il régulièrement au boycott de SFR, propriété de l’homme d’affaires franco-israélien Patrick Drahi, lequel était également à l’époque actionnaire majoritaire de BFMTV et I24News, chaînes faisant « l’apologie du génocide des Palestiniens », selon le journaliste mélenchoniste qui considère d’autre part que « l’imam Chalghoumi, Gilles Kepel et Florence Bergeaud-Blackler sont des guignols ». Après avoir averti l’Arcom dans un tweet du 16 juillet – « Arcom, on vous observe ! » – à propos de CNews, « cette chaîne de merde », le journaliste militant a profité de l’atmosphère générale anti-Bolloré pour menacer à nouveau récemment l’organisme de surveillance médiatique : « Arcom, lisez bien. Maintenant si vous renouvelez la fréquence de cette chaîne raciste qui œuvre tous les jours pour mettre en danger la vie d’une partie de la population française en raison de sa religion, attendez-vous à d’énormes manifestations devant votre siège. » On reconnaît là les détestables méthodes d’un certain mouvement, de son leader et de ses sbires. Il faut préciser que l’interdiction de diffusion de CNews (ou de C8) sur la TNT arrangerait bien Le Média qui est sur les rangs pour remplacer la chaîne bolloréenne et bénéficie à cette fin du soutien de… Rokhaya Diallo, Guillaume Meurice, Thomas Porchet, Benoît Hamon, Audrey Pulvar et Christiane Taubira, entre autres personnalités ayant signé la tribune « Le Média doit devenir une chaîne de la TNT » parue le 28 juin dans L’Humanité. Il n’est pas certain que les propos comminatoires de Kamil Abderrahman aient été appréciés par les membres de l’Arcom. Cela aura-t-il un impact sur leur décision ? Affaire à suivre… 

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Quoi qu’il en soit, la dernière délibération de l’Arcom « relative au respect du principe de pluralisme des courants de pensée et d’opinion par les éditeurs de services » éclaire sur ce qu’attend le « gendarme de l’audiovisuel » des chaînes désireuses de jouir d’une des fréquences de la TNT. Cette délibération fait suite à la demande du Conseil d’État, lui-même sollicité par l’ONG Reporters sans frontières, exigeant plus de contrôle des chaînes de télé et de radio, surtout de CNews. Le « en même temps » macronien semble avoir présidé aux discussions qui ont mené à l’écriture de ce court manuel de surveillance des médias. En effet, en même temps qu’elle affirme que « les éditeurs sont seuls responsables du choix des thèmes abordés sur les antennes et des intervenants » et qu’il « n’est pas question de ficher ni d’étiqueter les intervenants en télé ou radio », l’Arcom prévient qu’elle tiendra compte « de la variété des sujets ou thématiques abordés à l’antenne » et de « la diversité des intervenants dans les programmes ». De plus, elle assure qu’elle sanctionnera les chaînes de télé ou les stations de radio si elle constate un « déséquilibre manifeste et durable », par exemple sur « le choix des sujets » – ce qui veut dire en clair qu’elle décidera de la ligne éditoriale qu’un média doit afficher pour éviter des sanctions. Et on peut le craindre, cette ligne éditoriale serait globalement celle du système médiatico-politique : diversitaire, immigrationniste, progressiste, écologiste, européiste et woke ! Malheur à ceux qui s’en écartent. La France n’est plus le pays de la liberté d’expression mais celui de l’expression médiatique moutonnière, paresseuse et inculte d’une caste qui n’a nullement l’intention d’aller à l’encontre de l’idéologie mondialo-progressiste du moment, laquelle l’assure d’un certain confort intellectuel – même un minimum de culture générale y est superfétatoire et le travail véritable y est inutile – puisqu’il lui suffit de reprendre sans les examiner les dépêches orientées de l’AFP et les analyses du Monde ou de Libération pour être de plain-pied avec elle. L’audiovisuel public fait ça très bien, sans barguigner – elle n’a par conséquent rien à craindre de l’Arcom. La chaîne CNews rechigne à participer au petit théâtre médiatique de la pensée unique ? Au pire, elle se verra retirer son autorisation d’émettre sur la TNT ; au mieux, elle se verra imposer de nouvelles et draconiennes obligations. 

Quoi qu’il arrive, qu’elle émette sur la TNT ou ailleurs, elle restera sous la surveillance acharnée de ce système politico-médiatique qui parle beaucoup de pluralisme mais supporte de moins en moins la contradiction. 

Einstein VS Portes

« Les sportifs israéliens ne sont pas les bienvenus aux Jeux olympiques ». À quelques jours de l’ouverture de Paris 2024, les propos fleurant l’antisémitisme du député de gauche Thomas Portes, tenus devant une foule vociférante, mettent une cible dans le dos à toute la délégation israélienne. 


« Carthago delenda est ». C’est par ces mots, «  Carthage doit être détruite » que, dit-on, Caton l’Ancien terminait ses prises des paroles, même les plus anodines. C’est une sentence très approchante qui, manifestement, brûle la langue de Thomas Portes et de ses copains de LFI chaque fois qu’ils ouvrent la bouche. Mais pour eux, ce serait : « Israël doit être détruite ». Cela aurait au moins le mérite de traduire franchement, honnêtement, leur pensée. Et ce le serait encore bien davantage, honnête, s’ils allaient au bout de cette pensée pour lancer, carrément, sans fioritures « le peuple juif doit être détruit, les Juifs doivent disparaître de la surface de la terre ». Car c’est bel et bien cette vision nihiliste qui se profile derrière les éructations du député Thomas Portes lors d’une manifestation pro-Palestine – pro Hamas, en réalité ? – où il savait fort bien d’avance que sa haine et sa profonde bêtise rencontreraient un vif succès. « Les athlètes israéliens ne sont pas les bienvenus. Ils n’ont rien à faire ici, aux J.O » Il est bien évidemment certain que Portes et ses semblables se soucient des J.O et de leurs compétiteurs comme d’une guigne, qui ne sont en l’occurrence que le prétexte à un déferlement de haine. Un de plus, en attendant les autres. 

On se tromperait lourdement si on se laissait aller à regarder ces comportements comme des dérapages incontrôlés, des provocations gratuites, l’effet d’une ignorance sans bornes. Il ne s’agit pas de cela. Portes et ses semblables savent parfaitement ce qu’ils font. Quand ils ne serrent pas la main du député en charge de l’urne lors du vote à l’Assemblée, ils savent ce qu’ils font. Lorsqu’ils vomissent leurs interdits antisémites, lorsqu’ils refusent la qualification de terroristes pour les barbares du 7 octobre, ils savent ce qu’ils font. Ils font très exactement ce que leurs mandants attendent d’eux, ils font ce que prône la stratégie révolutionnaire d’affrontement. L’autre, celui du camp d’en face, n’est pas simplement un adversaire à combattre, mais un ennemi à éliminer. Radicalement. De ce fait, ne pas serrer la main n’est pas qu’une impolitesse, une effronterie, une bêtise de plus. Non, c’est un acte délibéré. C’est la manifestation – télévisée – de la négation de l’existence de cet autre. 

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Julien Odoul, le député RN, à mille fois raison de poursuivre Portes en justice, ce porteur de haine, une haine qui malheureusement se propage comme une sale peste, touchant de proche en proche tous ceux qui n’adhèrent pas, qui n’applaudissent pas. Voilà bien que le dessinateur Plantu, à son tour, est diabolisé, ciblé pour ne pas avoir courbé la tête au délire de Portes. Qui d’autre après lui ? Et combien ?

Cela dit, la question – la question terrifiante, lancinante – devant de telles aberrations est de se demander comment il peut se faire que, au pays de France, ces propagateurs de haine, des zélateurs de l’obscurantisme, puissent réunir sur leurs noms assez de suffrages pour être élus et siéger au sein de la représentation nationale ? En effet, c’est surtout cette question, et la réponse à y apporter, qui devraient d’abord nous occuper, nous inquiéter. Inquiétant aussi le silence assourdissant des alliés de circonstance des Portes et compagnie, de cette gauche perdue qui, tétanisée d’une peur qui ne s’explique guère, laisse dire, laisse faire. Faut-il rappeler ici, une fois encore, le jugement d’Albert Einstein ? « Le monde est dangereux à vivre, non pas à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. »

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Notre naufrage politique: simple reflet de la disparition de la société?

La crise politique actuelle n’est pas une crise provoquée par telle ou telle erreur du président Macron ou imperfection démocratique conjoncturelle, elle est fondamentalement la conséquence du processus de disparition de la société.


Il est inutile de reprendre l’accumulation des faits pour constater le chaos dans lequel le pays est plongé. Il est aussi inutile de commenter toutes les analyses superficielles qui en évoquent les  causes et les improbables solutions : absence de majorité parlementaire, dissolution inappropriée, usure de la verticalité, scrutin majoritaire dysfonctionnel dans une Constitution inadaptée, refus de la proportionnalité, etc. Et parce que l’on se contente de superficialités rapides, on aboutit très vite à des analyses douteuses : la crise actuelle consacrerait le retour aux prétendues horreurs de la quatrième république, le Rassemblement national serait toujours un parti d’extrême droite, le «macronisme » serait en voie d’extinction, etc. 

Pour comprendre le réel, il est nécessaire d’aller plus loin.
On peut commencer par le détricotage du prétendu retour aux pratiques de la quatrième république. Nous serions entrés  dans une période aussi instable que celle que nous aurions connu entre 1946 et 1958. Il y a là confusion de l’apparence avec la réalité : la période considérée était le théâtre d’affrontements entre entrepreneurs politiques de petits partis qui se battaient sur des marchés secondaires sans jamais s’affronter sur de grands projets complètement partagés. Personne ne contestait la reconstruction de la France et les grandes orientations qu’elle impliquait, reconstruction qui se déployait à un rythme spectaculaire mondialement reconnu. Personne ne contestait non plus la construction d’un grand Etat providence qui se déployait dans de multiples directions. Personne ne contestait enfin les grands choix industriels, les grands choix dans le domaine de l’Éducation, de la santé, de l’agriculture, etc. Bien sûr, existaient des affrontements sur certaines réalités de l’histoire : la résistance de l’ancien monde au projet de Sécurité sociale, la gestion de la décolonisation, etc. Mais ces confrontations s’inscrivaient dans un universel censé être le point oméga de l’intérêt général. Le théâtre politique de l’époque est donc bruyant mais insignifiant. Les entrepreneurs politiques de l’époque sont des groupes et individus qui cherchent comme aujourd’hui à se maintenir ou se reconduire au pouvoir, mais les intérêts égoïstes étaient masqués par un idéal commun peu contesté. On se bat sur les modalités de la construction d’un collectif mais ce n’est que très rarement que ces entrepreneurs politiques apparaitront pour ce qu’ils sont à savoir des accapareurs des outils de la puissance publique – le commun de la société – à des fins privées. À l’époque l’utilitarisme de la fonction politique avec ses rémunérations symboliques se noie dans l’océan de la production d’un bien commun approximativement identifié. 

La crise actuelle de la cinquième république est d’une tout autre nature et n’est en aucune façon une sorte d’entrée en quatrième république. Il y avait à l’époque une société française encore assez largement holistique qui faisait que l’intérêt général était connu de tous et ne donnait lieu qu’à des contestations et interrogations secondaires : le capitalisme était – au-delà des discours –  finalement accepté car il donnait des signes évidents de prospérité pour l’immense majorité. D’où le succès des entreprises politiques sociales-démocrates. 

Hélas, aujourd’hui, la société française s’efface et laisse le champ libre à des entreprises politiques en perte de repères. Le holisme qui se cachait dans le concept de citoyenneté  se réduit au mieux à des groupes ultra-minoritaires et plus fondamentalement à des « individus désirants » qu’on peut aussi désigner comme « consommateurs souverains ». Nous reviendrons sur cette expression. Le « commun » qui reliait les individus et constituait les moyens de production/régulation de la société s’est évanoui. Même les groupes ultra-minoritaires (décoloniaux, wokistes, LGBT, etc.) ne sont, dans la plupart des cas, que des regroupements d’individus qui s’associent pour mieux revendiquer leur individuelle et personnelle souveraineté. 

La disparition de la société constitue bien évidemment une complexification gigantesque du travail des entrepreneurs politiques. Un peu comme si en capitalisme les capitalistes perdaient le contrôle de moyens de production qui disparaitraient. Certes le matériau intérêt général reste l’outil de base desdits entrepreneurs. Certes ces entrepreneurs n’ont pas changé, il sont toujours entreprises politiques rassemblant des franchisés plus ou moins obéissants, mais l’intérêt général brandi n’est au mieux qu’un fossile : il n’y a plus que des intérêts privés débarrassés de marque collective. Dans un tel contexte, l’entrepreneur politique se démonétise et ne peut au mieux surnager qu’avec des programmes lourds et fondamentalement incohérents. Les franchisé s- censés promouvoir les produits de l’entreprise politique d’appartenance – s’autonomisent vis-à-vis de l’enseigne car devant tenir compte de ses propres électeurs qui n’ont que peu de choses en communs avec les autres. À société disloquée doit correspondre un marché politique lui-même effondré. La crise politique actuelle n’est donc pas une crise conjoncturelle provoquée par telle ou telle erreur ou imperfection, elle est plus fondamentalement conséquence du processus de disparition de la société.

Ces erreurs d’analyse en entrainent d’autres porteuses de violences futures. Tel est le cas des considérations portées sur un Rassemblement national quasi universellement désigné comme parti d’extrême droite. Il s’agit pourtant d’une entreprise politique comme les autres avec des dirigeants et entrepreneurs politiques franchisés proposant des produits politiques censés répondre  aux désirs et besoins d’individus privés. Le marché dudit RN n’est plus fait du holisme qui caractérisait l’extrême droite européenne du siècle précédent, laquelle véhiculait des discours idéologiques violents et concernaient des organisations autoritaires souvent militarisées. Aujourd’hui, l’électeur du RN est aussi individualisé que tous les autres, et se trouve être un individu désirant classique. Tout aussi classique que l’individu mondialisé qui, fort de sa réussite sociale, se veut consommateur complètement souverain. Ce dernier est tellement souverain qu’il refuse les frontières, les droits de douane et toutes les contraintes environnementales qui l’empêcheraient de  surconsommer ! Quant aux services publics, cet individu mondialisé a les moyens de s’en offrir à titre privé, probablement de meilleure qualité que nos services publics, et ce à l’échelle mondiale.

De ce point de vue, l’électeur du RN brandit encore le fossile de l’égalité républicaine pour réclamer, lui aussi, un statut de « consommateur souverain ». Il exige un revenu plus important et il refuse les contraintes d’un environnement socialement et culturellement dégradé. Ses frontières à lui – frontières qu’il faut abattre comme il faut abattre les frontières nationales de l’individu mondialisé ayant réussi – sont les services publics dégradés dans les campagnes, la montée de l’insécurité matérielle et culturelle, et les contraintes environnementales qui ajoutent à son enfermement. Il veut être souverain et responsable de ses choix, très exactement comme l’individu mondialisé. 

L’individu mondialisé peut se dire ouvert à toutes les cultures et se méfie des frontières qui limitent son statut de consommateur souverain. L’électeur du RN tout aussi consommateur souverain est sensible à une préférence nationale qui se veut protection de sa souveraineté. Les deux sont les produits liés d’une même réalité : la fin de la société. Une fin de la société qui est aussi la contestation radicale des solidarités. Les deux types de consommateurs souverains ont ainsi un point commun : la contestation commune de l’assistanat devenu produit phare des entreprises politiques classiques.

Nous laissons au lecteur le soin d’aller plus loin dans les conclusions de la grille de lecture proposée. Au final, l’individu qui aura réussi sera dans « l’arc républicain », sera tolérant, sera « anywhere », sera sécessionniste, sera contre l’État-nation et européiste, sera enfin très éloigné du poutinisme et du trumpisme. Massivement valorisé par le pouvoir médiatique lui aussi tenu par des individus mondialistes, il dispose d’un outil de pression massif sur les entreprises politiques et leurs franchisés en quête de victoire électorale. D’où le poids gigantesque des prétendues réformes inéluctables dans l’agenda de beaucoup d’entrepreneurs politiques : il est, de leur point de vue, impossible de faire autrement. À l’inverse, l’individu qui se trouve en échec sera en dehors de l’arc républicain, sera plus intolérant voire raciste, sera un « somewhere », sera pour le retour de l’Etat-nation et opposé à l’européisme, sera sensible au poutinisme et au trumpisme. Il est massivement vilipendé par un pouvoir médiatique puissant et efficace. D’où les difficultés des entrepreneurs politiques représentants les intérêts de ce type de consommateur souverain et l’irruption d’une barrière dite républicaine. D’où les turpitudes présentement constatées dans l’hémicycle. 

Entre les deux se trouvent les consommateurs souverains qui regroupent à la fois l’ancien monde de la vieille société et le nouveau des minorités bruyantes : on se veut culturellement mondialistes et économiquement « nationnistes ». D’où un entrepreneuriat politique ultra-interventionniste et surtout chargé de très lourdes incohérences programmatiques : les minorités, toutes peuplées de consommateurs souverains exigeants, ne peuvent réellement cohabiter. Notons au passage la stupéfiante onction de certains économistes, y compris un prix Nobel,  qui au nom d’une méta raison en arrivent à nier les incohérences programmatiques des entrepreneurs politiques concernés. 

Au total, le pays constate la disparition de la société dans un tsunami anthropologique avec comme effet principal l’apparition d’un ensemble d’entrepreneurs politiques naufragés et accrochés à des outils fossilisés de la puissance publique. Répartis en groupes devenus incertains et poreux, ils se livrent à des turpitudes au sein d’un hémicycle devenu reflet de la grande tempête qui agite le pays.

Ne pas comprendre ce grand mouvement anthropologique n’est pas simplement  attristant pour les prétendus intellectuels qui débattent sur l’extrême droite, mais, plus fondamentalement, ce débat mal engagé  se trouve  dangereux. Ne pas reconnaitre pour certains la qualité de consommateur souverain et l’accepter, voire la promouvoir, pour une toute petite minorité, c’est s’exposer à la violence de la future guerre civile. Un temps où le langage performatif des entrepreneurs politiques cessera de cacher un grand vide sans espoir. S’il reste un minimum de conscience aux entrepreneurs politiques naufragés – qui dans la tempête n’arrivent plus à masquer leur strict intérêt privé – ils devraient porter au moins une partie de leur attention à ce qui reste de commun, à savoir l’égalité des droits et devoirs. Mais tout ceci a-t-il encore du sens ?

Déficits: ce qui attend à la rentrée un éventuel “gouvernement technique”

DR.

Bruxelles ouvre une procédure d’endettement excessif envers Paris. La France, qui n’a pas encore nommé de nouveau gouvernement, devra dire en septembre à la Commission européenne comment elle compte rétablir ses comptes pour rapidement rentrer dans les clous du pacte de stabilité budgétaire européen. À la Cour des comptes, Pierre Moscovici n’est guère optimiste: «La dette française s’élève déjà à 3100 milliards d’euros. Elle sera de 3600 milliards en 2027. Nous payons déjà 52 milliards par an pour la rembourser, ce sera 80 milliards en 2027. Il ne restera plus de marge de manœuvre pour financer les services publics et la transition écologique».


À la fin de son opus politique Le Nœud Gordien, Georges Pompidou notait « l’inaptitude profonde naturelle des Français à être gouvernés ». Mais ce caractère rebelle, batailleur et prompt à la querelle, pour atavique qu’il soit, n’a jamais empêché l’État français de fonctionner. 

Vers un effondrement de l’État français ?

Or, pour la première fois en quatre-vingt ans, la question de la survie de cet État tel que nous l’avons connu se pose. Si aucune majorité claire ne se dégage du scrutin législatif, d’aucuns pourraient dire que la gauche en sort renforcée, une situation inédite qui pourrait contraindre Emmanuel Macron à choisir un Premier ministre issu de cette orientation politique. Il n’est même pas besoin de revenir sur la politique économique mortifère que promet la gauche française actuelle, si éloignée du réalisme de la gauche britannique nouvellement au pouvoir, par exemple. Son irréalisme, sa condamnation immédiate de tout redressement du pays, signalent le caractère ténu d’une accession au pouvoir d’un clan sectaire et agressif. Ce qui devrait en creux favoriser l’arrivée d’un gouvernement mi-technique, mi-transpartisan à forte composante centriste… 

A lire aussi, Jeremy Stubbs: Victoire des Travaillistes à Londres: la fin du populisme?

Au-delà de ces dynamiques politiques immédiates et conjoncturelles, une menace bien plus grave plane sur la France : une crise financière d’une ampleur sans précédent, qu’aucune configuration politique et parlementaire ne saurait enrayer malheureusement, sauf à prendre de graves et courageuses décisions. 
Essayons d’imaginer comment une telle crise pourrait se dérouler pour l’État, symbole de la continuité de la nation. Car la France fait face à une crise de la dette publique sans précédent. La dégradation de la note de notre dette publique par les agences de notation, et l’ouverture par Bruxelles d’une procédure d’endettement excessif, sont à la fois des symptômes et des accélérateurs de la dérive de nos finances publiques. La dette publique française a atteint un niveau record de 3 160 milliards d’euros, soit près de 111% du PIB ; mais au-delà de ce niveau absolu de dette, c’est un problème de liquidités à court terme qui pourrait se poser à l’État, alors que la charge des intérêts de la dette est en passe de devenir le premier poste budgétaire, menaçant de facto notre État-providence. Si nous voulons vraiment redresser la barre, en 2025, le gouvernement devrait idéalement réduire le budget de l’État de 50 milliards d’euros. S’il ne le fait pas lors de la discussion du Budget 2025, cet automne au parlement, il devra progressivement atteindre cet objectif avant 2027. Une coupe drastique dès cette année, pour satisfaire nos partenaires européens et la BCE, obligerait à arrêter les dépenses de l’État dès septembre, ce qui représenterait une économie brutale de 25 milliards d’euros sans aucun autre effort d’ajustement.

Qui succédera à Bruno Le Maire pour être un super-ministre des économies ?

Cet effort, dont on parle depuis deux mois, sans que rien n’ait été réellement entrepris par Bruno Le Maire, va obliger à verrouiller brutalement le tiroir-caisse de l’État dès la rentrée de septembre. Cela devrait permettre de réaliser au forceps une économie brutale de 25 milliards d’euros. Mais à quel prix ! À titre d’exemple, on sait déjà qu’au ministère de la Justice, les factures de certaines dépenses engagées ont été reportées à… 2025, créant ainsi des dettes fournisseurs autant scandaleuses qu’illégales, provoquant chez bien des fournisseurs des problèmes graves de trésorerie qui finiront parfois… au Tribunal de commerce ! Du côté des armées, le mythe de la « sanctuarisation » semble enterré depuis longtemps. Quant à l’Éducation nationale…
Notre système de retraites par répartition, déjà fragile en dépit de quelques réformes paramétriques souvent inutiles ces dernières années, pourrait s’effondrer très rapidement. Incapable d’emprunter plus, le système devrait choisir entre ponctionner plus les salariés, écrêter les plus hautes pensions ou réduire les pensions pour tous. Nul doute que les débats sur la capitalisation réapparaitront dès la rentrée. Après les retraites, c’est notre système de santé publique qui devrait rapidement faire l’objet de discussions sur une possible restructuration dans la douleur. Nous devrions alors voir l’apparition de nouvelles cliniques et maisons de santé privées que l’on payera au prix fort, ou accessibles aux adhérents de super mutuelles parfois financées par les employeurs pour leurs cadres supérieurs (lesquels votent Renaissance et LFI). Le risque est grand de voir certaines maladies chroniques basiques ne plus être prises en charge (ou moins bien prises en charge que maintenant), avec un décrochage de l’espérance de vie selon le lieu d’habitation.

Le contribuable peut aussi s’inquiéter

Une possible réponse immédiate pourrait être de nature fiscale: il n’y a pas besoin de l’accession au pouvoir de LFI pour envisager un recours à l’impôt pour cause d’ajustement des finances publiques. Une augmentation des prélèvements, par exemple de 20 milliards d’euros (l’effort minimum, si on ne fait rien sur la dépense publique), pourrait provoquer une récession – notre croissance étant à peine positive ces jours-ci – et un effondrement supplémentaire des recettes publiques (du fait d’une pression fiscale déjà trop élevée) : la réponse fiscale ne serait évidemment donc pas la panacée pour nous sortir de l’ornière.

A lire ensuite, Stéphane Germain : Politique économique: le choix des sophismes

Nous entrerions alors dans une spirale infernale de réduction de la dépense publique (sous contrainte de Bruxelles, et des acheteurs de dette française) amplifiant ladite récession, l’effondrement des services publics qui tenaient encore, un débordement total des forces de sécurité intérieure, avec l’apparition d’une violence acquisitive inégalée depuis la Révolution (je vole ce que je ne peux acheter)… Face à un tel scénario d’effondrement total de l’État français, la tentation serait grande de procrastiner, et de ne toujours rien faire s’agissant des dépenses publiques.
Ce qui n’a pas été fait progressivement en matière d’ajustement – sous Emmanuel Macron, la dépense publique n’a jamais baissé et demeure peu ou prou au même ratio rapporté au PIB qu’en 2017 – doit-il être réalisé en quelques mois, au risque de précipiter un effondrement tant redouté par les Français ? Est-ce qu’un gouvernement technique transpartisan n’est pas la meilleure opportunité pour restructurer notre État, puisque les politiciens ne se sont jamais saisis du sujet ? Nul ne le sait, mais nous n’avons probablement le choix qu’entre des solutions assez douloureuses et imparfaites pour les douze prochains mois. Le chaos qui s’annonce n’a finalement qu’une seule vertu. Il permettra de démontrer une fois de plus un adage bien connu : Il ne faut pas compter sur ceux qui ont créé les problèmes pour les résoudre. Plus que jamais, un autre projet politique est non seulement nécessaire, mais possible…

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Grégory Doucet, l’Hidalgo de Lugdunum

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D.R

À Lyon, la multiplication des pistes cyclables (et des embouteillages) inspire des « apéros de résistance » contre les « talibans verts » de la mairie…


D’abord capitale des Gaules puis cœur battant du commerce européen à la Renaissance, enfin berceau de l’industrie de la soie, Lyon est depuis l’avènement de Grégory Doucet la figure de proue des mobilités douces.

Le petit commerce pénalisé

Dérégler les feux tricolores, supprimer les grandes voies de circulation pour multiplier les pistes cyclables et faire traîner les travaux en longueur : telle est la politique retorse des talibans verts qui pourrissent la vie des Lyonnais. La ville est devenue un perpétuel chantier, sa rive gauche constamment embouteillée. La dernière lubie de la Mairie, en date du 13 mai, consiste à fermer à la circulation la rue Grenette, axe stratégique qui dessert la Presqu’île d’ouest en est, pour la réserver aux transports en commun et aux vélos.

A lire aussi : De quoi le Front républicain est-il le nom?

Les premières victimes sont les commerçants du centre-ville. Selon Lyon people, ils déplorent une perte de quelque 200 millions d’euros depuis l’élection de Grégory Doucet, 30 % de leur chiffre d’affaires. Les difficultés d’accès font fuir beaucoup de clients qui achètent dans les centres commerciaux ou en ligne.

La Résistance s’organise

Enfin, à bout de patience, les Lyonnais se rebiffent ! Riverains et commerçants se sont rassemblés dans le Collectif des défenseurs de Lyon pour organiser une série de « mâchons » ou « apéritifs de résistance citoyenne » au mois de juin. Les membres se sont réunis devant l’hôtel de ville lors de la tenue du dernier conseil municipal avant l’été. Une pétition en ligne contre la piétonnisation du cœur de Lyon a recueilli plus 5 000 signatures. Mais surtout, Me Mélanie Hamon, avocate en droit public, porte devant le tribunal administratif le recours de ces Lyonnais contre le projet de piétonnisation. Attaquant Ville et Métropole de Lyon, elle entend bien avoir gain de cause contre des transformations engagées sans étude préalable quant à leurs conséquences sur les habitants et les commerçants. Le maire sera peut-être obligé de mettre la pédale douce sur ses projets.

Maroc: le quart de siècle de Mohammed VI

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Le roi Mohammed VI, à la Mosquée de Rabat en 2019 © Gregorio Borgia/AP/SIPA

Le roi, qui vient de célébrer ses 60 ans, est monté sur le trône il y a un quart de siècle. Où va le Maroc ?


Vingt-troisième dynaste alaouite, Mohammed VI a eu la lourde tâche de succéder à son père Hassan II le 23 juillet 1999. Il était alors âgé de trente-cinq ans, un âge parfait pour accéder au trône, suffisamment jeune pour être dynamique tout en bénéficiant de l’expérience d’une petite vie d’homme.

Vingt-cinq ans plus tard, que retenir de son règne et de l’évolution des relations franco-marocaines ? Pays clé des équilibres méditerranéens et sahéliens français, le Maroc partage avec nous une riche histoire commune ainsi que des diasporas actives présentes dans les deux pays. L’élection récente de la députée « ciottiste » Hanane Mansouri, d’origine marocaine, en témoigne d’ailleurs : les liens unissant la France au Maroc sont plus complexes et plus profonds qu’on ne le croit parfois.

Un royaume à l’abri de l’islam politique ?

Pourtant, diverses incompréhensions mutuelles ont émaillé ces dernières années. Longtemps « acquise », la relation franco-marocaine a souffert de non-dits et de batailles d’influence préjudiciables. Nous aurions pourtant tout intérêt à entretenir ce partenariat fécond mais aussi essentiel pour notre vie géopolitique et économique. Pôle de stabilité au sein du monde méditerranéen et arabe, le Maroc affiche désormais un visage moderne et décomplexé.

Il a su d’ailleurs résister aux printemps arabes comme à la montée de l’islamisme politique. Fait inédit, les islamistes du Parti de la Justice et du développement ont été appelés au gouvernement et ont dirigé le pays pendant une décennie avant de quitter le pouvoir par le jeu électoral et démocratique, sans aucune violence. C’est le signe d’une nation résiliente et mature qui compte d’abord sur les indicateurs économiques et les réformes politiques.

A lire aussi : Donald Trump peut-il être vaincu par la « faiblesse » démocrate?

Afin d’éviter la gronde de la rue, le royaume chérifien a su aussi moderniser sa constitution en 2011, alignant progressivement ses institutions sur le modèle des monarchies parlementaires européennes, avec un plus large pouvoir exécutif accordé au roi qui est aussi le commandeur des croyants, de la même manière que nos rois étaient de « droits divins » sur l’idée de Saint-Paul que « toute autorité » émanait de Dieu lui-même. Les pouvoirs et la représentativité du chef du gouvernement marocain ont substantiellement augmenté. Les gouvernements sont désormais toujours issus de la formation politique ayant remporté les élections, ce qui a probablement évité les violences constatées par exemple en Tunisie.

Une diplomatie française tiraillée entre Alger et Rabat

Cette nature monarchique qui assure une continuité historique et garantit un arbitrage équilibré entre les tendances politiques est aussi sûrement ce qui fait parfois du Maroc un pays mal aimé par son voisin algérien et certaines oppositions de gauche en France. Parfois tiraillée entre Alger et Rabat, la diplomatie française semble aujourd’hui entendre de nouveau les bénéfices qu’elle peut tirer d’un apaisement et d’un renforcement des partenariats économiques, comme militaires ou encore religieux. En effet, la doctrine dite de « l’islam du milieu » a fait ses preuves en matière de déradicalisation et les coopérations sécuritaires ont conduit encore récemment à déjouer des attentats terroristes comme à arrêter le meneur du gang marseillais des Yodas (Félix Bingui, chef du gang Yoda, l’un des deux principaux clans du narcobanditisme de la ville, arrêté le 8 mars au Maroc).

Sur le plan des mœurs, la politique de la Moudawana a permis d’améliorer la place et les droits des femmes dans une société encore traditionnelle. Bref, les choses avancent et les vingt-cinq dernières années ont été le théâtre de profondes mais discrètes transformations d’un pays qui entend avoir une place pleine et entière dans le concert des nations modernes, ce que l’organisation de la Coupe du monde 2030 avec l’Espagne et le Portugal ne dément pas. Les chiffres sont d’ailleurs éloquents. Le PIB du Maroc est passé de 46,27 milliards $ en 1999 à 130,91 milliards $ en 2022. Une croissance de 183%. Sur la même période, le PIB par habitant a plus que doublé sur la période, passant de 1627 dollars à 3442 dollars en 2022. Il s’agit aussi du second pays le plus industrialisé d’Afrique, notamment dans le domaine automobile où Renault produit les modèles Dacia depuis la méga usine de Tanger.

Un pays très inégalitaire

Restent néanmoins des défis importants à relever. Si le nombre de Marocains vivant sous le seuil de pauvreté absolue a ainsi chuté, passant de 15,3% en 2000 à seulement 1,7 % en 2019, le Maroc reste frappé par les inégalités. Ainsi, les 10% de Marocains les plus aisés concentrent encore onze fois plus de richesses que les 10% les plus pauvres. Le chômage des jeunes reste aussi important, entrainant notamment des départs vers l’Europe. Après avoir modernisé son pays et l’avoir doté d’une économie libérale ne dépendant pas des ressources naturelles, Mohammed VI semble vouloir placer la suite de son règne sous le signe d’une plus grande justice sociale. Et si le Maroc devenait le premier grand pays musulman à adhérer à la social-démocratie ?

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L’autre chantier se situe dans le cadre des relations internationales, singulièrement avec l’Algérie avec laquelle les rapports se sont dégradés considérablement ces cinq dernières années. Jouant la carte de l’équilibre entre signature des accords d’Abraham et aide humanitaire concrète aux Gazaouis, le Maroc a aussi le problème du Sahara à régler où la présence du Front Polisario complexifie tout. Son plan d’autonomie de 2007 est, selon de nombreux observateurs, une issue potentiellement positive qui entraînerait la reconnaissance de la souveraineté du royaume sur la région. La France ira-t-elle plus loin dans cet épineux dossier ? La question soulève en tout cas les passions.

Bravo l’Artiste!

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Nathalie Ianetta, Emmanuel Macron et Thomas Sotto sur France 2, mardi 23 juillet 2024. Captures.

Répondant aux questions énamourées de Nathalie Iannetta et de Thomas Sotto, mardi soir sur France 2, le chef de l’État nous a fait comprendre que l’on avait tort de se plaindre de ne pas avoir de Premier ministre, alors que l’on devrait plutôt se réjouir: la France ne s’apprête-t-elle pas à figurer dans le top 5 des nations les plus titrées aux JO?


Il n’y a plus d’opinion politique qui tienne, tout le monde est pétri d’admiration devant le numéro qu’Emmanuel Macron nous a offert ce mardi 23 juillet à 20h. Il devrait rester dans les annales des Jeux olympiques des plus grands rétablissements acrobatiques de plantages politiques !

Je vous ai compris !

En l’occurrence, Jupiter a cédé sa place à Zeus au sein de l’hexagone. Après une explication distanciée de la situation politique française, et après s’être félicité d’avoir pris la décision qu’il convenait en dissolvant l’Assemblée nationale, le président nous a dit ô combien il comprenait les Français d’avoir été frustrés par une justice inefficace et insuffisante, et également par le non-contrôle de l’immigration. Une telle perspicacité nous a laissés pantois. 

Les deux figurants journalistes, souriants et émerveillés, ont tenté de demander si ce nouveau rôle ne lui semblait pas un peu étrange, et s’il était conscient que les Français ne lui témoignaient pas l’affection qu’il aurait pu souhaiter ? Qu’en termes galants ces choses-là étaient dites… on était dans une ambiance sérieuse, mais pas vraiment grave. À voir la mine réjouie des protagonistes, on s’attendait ensuite à ce que l’entretien enchaine rapidement sur des bacchanales et des festivités autrement plus gaies ! Que nenni, répliquait notre nouveau président, très à l’aise dans sa nouvelle fonction, beaucoup plus haute dans les cieux, comme garant des institutions : il avait sagement permis au peuple de s’exprimer pour élire une nouvelle Assemblée, et maintenant que les trois blocs souhaités par son peuple se débrouillent et travaillent entre eux ; après peut-être acceptera-t-il de nommer un Premier ministre, après les Jeux… 

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Le président a prononcé environ 30 fois le terme de responsabilité, il a « pris ses responsabilités » les autres doivent prendre leurs « responsabilités », il agit « en responsabilité »… et j’en passe ! tous responsables, tous coupables, mais… pas lui. Qu’on ne s’inquiète pas, on pourra compter sur lui jusqu’au bout de son mandat, car il nous faut un sage et nous l’avons… d’ailleurs, après avoir constitué un mur de boucliers d’airain contre le RN, il nous explique dans sa grande sagesse que tous les élus sont égaux – forcement 12 millions d’électeurs ça impressionne – et qu’il est temps de venir à leur secours. Honteux, ajoute-t-il, de ne pas leur donner de postes et de ne pas leur serrer la main à l’Assemblée nationale… Et pendant ce temps, toute la soirée on se repassait en boucle Agnès Pannier-Runacher qui avait refusé elle aussi sa blanche main au jeunot du RN (qui lui, pourtant, ne bourrait pas les urnes).

Pause festive estivale

Et puis l’heure fut finalement à la fête, à la joie ! Zeus a organisé les plus beaux Jeux olympiques de la planète, complètement bio, et la plus grande parade de tous les temps sur la Seine. Il remercie les exécutants. Et Céline Dion qui ne vient rien que pour lui, mais il ne nous dit pas si elle chantera ou si elle est là juste pour faire plaisir à Brigitte… il garde le secret, le coquin ! Et il parait qu’il nous réserve bien d’autres surprises. 

Sophie de Menthon © SdM

C’était un grand moment de télévision, le président avait un sourire éclatant, les yeux brillants de satisfaction, les yeux bleus assortis à son costume, et il ne dissimulait pas sa joie communicante… mais comment a-t-on pu se laisser aller comme cela à la déprime ?!  Incroyable : nous sommes incapables de nous réjouir de ce qui nous arrive. La liberté redonnée de nos choix politiques, un happening permanent à l’Assemblée sous la protection du dieu de l’Olympe et enfin panem et circenses (bon pour le pain, on attendra un peu). La sécurité ? On a tout bien fait ! Paris est désert, et les grillages nous protègent le long des rues et des quais (on ne peut même plus relever les poubelles, c’est dire si cela découragera les terroristes d’aller commettre des attentats). Au passage, Emmanuel Macron nous rappelle que le chômage, personne n’en parle plus, parce qu’il a réglé le problème, et que de plus tout ce pognon de dingue qu’on a dépensé pour les Jeux olympiques va nous resservir au centuple dans les années à venir… 

Alors, oui, j’ai honte de ne pas avoir compris que le nirvana était là, à ma portée, ces derniers temps, et que je suis juste une grincheuse ! Que la fête commence !

“Longlegs”: préparez-vous au grand flip de l’été!

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"Longlegs" de Osgood Perkins (2024) © Metropolitan Films

Grâce au cinéma américain, pas besoin de clim’ pour frissonner cet été. Excellente surprise que ce thriller démoniaque multiréférentiel, au ton outrageusement vintage, tantôt « seventies », tantôt « nineties », et au traitement hyper formaliste et esthétisant qui risque toutefois d’en décontenancer plus d’un… Vous êtes prévenus !


Cage sous influence(s)

Co-produit par l’inclassable et protéiforme Nick « Fury » Cage qui incarne ici un psycho-killer grimé, siliconé et saupoudré absolument terrifiant (le fameux « Longlegs » du titre, alias « Jambes-longues ») que l’on n’est pas prêts d’oublier, ce thriller indépendant (produit par la petite boîte Neon pour 9 millions de dollars) en forme de jeu de pistes diabolique est l’œuvre d’Oz Perkins, le fils de l’immense Anthony Perkins, inoubliable Norman Bates dans le Psychose d’Hitchcock, le maître du suspense auquel on pense évidemment beaucoup ici, au milieu de quantité d’autres influences. Citons pêle-mêle Le Sixième Sens (Manhunter) de Michael Mann, Le Silence des agneaux de Jonathan Demme, Cure de Kiyoshi Kurosawa, The Cell de Tarsem Singh, The Pledge de Sean Penn, Seven et Zodiac de David Fincher, Prisoners de Denis Villeneuve, Heredity d’Ari Aster, Black Phone de Scott Derrickson, sans oublier une atmosphère globale vénéneuse et cotonneuse très lynchéenne… Et bien d’autres références encore. 


Mais le film possède heureusement sa propre personnalité et affiche un tempérament plutôt radical et, disons-le, complètement désarçonnant ! Précisons que pour ce rôle, Nicolas Cage s’est inspiré de sa propre mère, décédée récemment à l’âge de 85 ans, victime hélas de sérieux troubles schizophréniques et identitaires durant toute sa vie. « Elle a été en proie à la maladie mentale pendant la majeure partie de mon enfance, précise l’acteur oscarisé pour Leaving Las Vegas, et a été placée en institution pendant des années en subissant des traitements de choc. Le plus dur était d’aller lui rendre visite dans les institutions notamment pendant mes jeunes années. Parfois, elle oubliait tout ce qui avait pu arriver – que son père était mort ou que j’étais devenu acteur. » 

Atmosphère diabolique 

On suit dans cet authentique cauchemar pelliculé l’enquête chaotique et on ne peut plus glauque que mène une jeune profileuse du FBI dotée de pouvoirs médiumniques (impressionnante Maika Monroe/ agent Lee Harker en petite sœur de Jodie Foster/ agent Clarice Starling) dans une Amérique profonde banlieusarde triste à mourir dont l’insignifiance charrie une terreur de tous les instants. Cette « inquiétante étrangeté », comme disait Freud, est renforcée par les hallucinants partis pris de cadrages et de mise en scène décidés par notre réalisateur « arty ». Plans fixes, grands angles, lents travellings, mais surtout insertion systématique de « cadres dans le cadre » qui obligent le spectateur à scruter l’arrière champ en permanence afin d’y trouver un indice caché ou distinguer une ombre qui bouge anormalement dans un décor pourtant paisible et familier (le salon d’une maison, la pelouse enneigée d’une propriété, la bibliothèque du FBI…).

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Toute l’enquête est filmée du point de vue de la jeune héroïne aux méthodes hétérodoxes, dont on comprend vite qu’elle se situe dans un état second, comme shootée et sous médocs, suite à une enfance compliquée avec sa mère bigote et modeste qui l’a élevée seule. Lee Harker vient épauler un responsable du FBI de l’Oregon qui tente de mettre la main sur un serial-killer suspecté de massacrer des familles depuis le début des années 70 sans laisser aucune trace derrière lui, à l’exception de lettres avec messages codés et cabalistiques, évoquant évidemment le Zodiac de Fincher.

Plus l’investigation progresse, plus l’on comprend que Lee Harker entretient, à son insu, un lien trouble et pervers avec le tueur, l’obligeant à replonger dans les affres et les traumas de son enfance… Il ne faut évidemment pas aller plus loin dans la divulgation du récit, mais contentons-nous de noter et de nous délecter de la fascination que nourrissent les réalisateurs américains pour l’incroyable période-charnière fin 60’s-début 70’s, point de bascule de l’Amérique vers les ténèbres de la violence et de l’irrationalité suite notamment à l’enlisement au Vietnam, aux meurtres politiques, à la radicalisation de la société dans le sillage notamment de l’horrible meurtre de Sharon Tate par la « Manson family » (été 1969), clairement évoqué ici… Un trauma (à la fois fascinant, obsessionnel et répulsif) pour toute une génération de cinéphiles que s’était également approprié avec brio Quentin Tarantino dans sa démonstration métaphorique de la grande bascule américaine avec son excellent Once Upon a Time in Hollywood (2019)… tout en nous gratifiant au passage d’une relecture fantasmatique du carnage de Ciello Drive (la fameuse et funeste nuit du 9 août 1969) qui avait en son temps déchaîné les polémiques et propos outranciers contre l’auteur de Reservoir Dogs… 

L’Amérique des délaissés

Au-delà du passionnant versant occultiste et satanique de l’énigme (accrochez-vous bien pour le dernier quart d’heure… vous ne verrez plus jamais des poupées de cire de la même façon !), l’exploration sociologique et topographique de cette Amérique profonde, délaissée et marginale, peuplée de mères célibataires élevant seules leurs enfants et « que personne ne vient jamais voir », ou de simples d’esprit en plein désarroi dans des villages loin de tout, se raccrochant à la religion chrétienne (bientôt dévoyée et extrémisée), s’avère profondément touchante et transmet une réelle émotion. 
Le mal radical et contagieux peut ainsi naître de la solitude extrême, comme l’a démontré dans nos contrées un auteur comme Maupassant avec ses recueils de contes d’angoisse: « C’est la solitude qui engendre les monstres »… 
On pourra toutefois regretter dans le film quelques plans symboliques parfois lourdement appuyés (la vision infernale, résumée par ces nœuds de serpents se mouvant dans le sang impur des suppliciés, par exemple), mais Longlegs possède un insidieux pouvoir hypnotique et aura pour effet de vous dévorer le cerveau pendant plusieurs jours après la projection… D’autant que la fin suffisamment ouverte et totalement imprévisible laisse place à une hypothétique suite que les excellents chiffres actuels de démarrage en salles devraient sous peu placer sur de bons rails. Les rails d’un train fantôme, conduit par Satan himself !

1h41

Voir et revoir Pagnol, Visconti, Truffaut

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© La Cinémathèque française

Comme chaque été, les films nouveaux et de qualité se font plutôt rares dans les salles jusqu’à la rentrée de septembre. Heureusement, le patrimoine est là… bien vivant ! Cet été dans nos salles, rétrospectives de 10 films de Marcel Pagnol, 4 de Luchino Visconti et 5 de François Truffaut…


Marcel, l’empereur

« Marcel Pagnol, 50 ans : rétrospective en dix films », en salles à partir du 24 juillet

Quoi de neuf ? Pagnol encore et toujours ! À partir du 24 juillet et partout en France, pas moins de dix chefs-d’œuvre seront à l’affiche. De Marius (1931, officiellement réalisé par Alexandre Korda) jusqu’à Topaze (1951), on pourra voir et revoir des films exceptionnels, superbement écrits et réalisés, portés par des distributions épatantes composées notamment de « cabots » de génie tels Raimu et Fernandel. Difficile vraiment de choisir dans ce florilège. Passons donc en revue ces dix pépites.

La fameuse trilogie marseillaise d’abord : Marius, Fanny, César. Lorsque Pagnol adapte sa pièce Marius pour la porter à l’écran, le cinéma parlant est encore balbutiant. Sur le tournage, un ingénieur du son américain ose dire que la voix de Raimu ne passe pas et que le son est inaudible. Pagnol laisse passer un ange plutôt que de lui passer un savon – ses colères sont homériques. Au-delà du pittoresque marseillais auquel le film a été rattaché, affiches de Dubout aidant, Marius, comme les deux autres volets qui suivront, vaut bien mieux que cela. Sous les rires, l’accent, les galéjades et même le jeu atroce d’Orane Demazis dans le rôle de Fanny, il se déroule autre chose : les liens d’un père avec son fils et l’émancipation plus ou moins réussie de ce dernier. Cette trilogie n’est rien de moins qu’un classique du cinéma français.

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Tourné durant la même période, en 1933, Jofroi reste trop méconnu. Ce cycle le remet en lumière pour notre plus grand bonheur. C’est la première fois que Pagnol adapte Giono au grand écran, en l’occurrence une nouvelle, « Jofroi de la Maussan », publiée l’année précédente dans Solitude de la pitié. Superbe drame paysan, le film est également l’annonce du néoréalisme quand il utilise décors naturels, son direct et caméra « légère » et mobile, bien avant la Nouvelle Vague.

Avec Le Schpountz, en 1938, Pagnol offre à Fernandel l’un de ses rôles les plus jubilatoires. L’acteur est parfait dans les habits d’un benêt intégral qui se fait berner par des artistes parisiens au mépris facile. Le tout est tiré d’une histoire vraie qui s’est déroulée sur le tournage d’un précédent film de Pagnol, le magnifique Angèle, également au programme cet été.

Réalisé en 1934, Angèle est une nouvelle adaptation de Giono, en l’occurrence le roman Un de Baumugnes. Fernandel y tient le premier rôle, celui de Saturnin, un valet de ferme, aux côtés des formidables Henri Poupon et Jean Servais. Une fois encore, la magie de Pagnol opère pour raconter ce drame rural sur fond de fille « perdue » et de père intraitable.

Dans La Femme du boulanger, chef-d’œuvre incontestable, Raimu incarne avec génie un cocu « dans le pétrin ». Pagnol réussit la prouesse de faire rire et sourire, sans jamais perdre de vue le tragique de la situation qu’il décrit. Dialogues ciselés, tirades devenues mythiques et distribution au niveau : rien ne manque.

Fanny, second volet de la trilogie marseillaise de Marcel Pagnol. D.R

La Fille du puisatier, en raison même de son année de tournage (1940) a des allures de film sinon maudit, du moins bricolé, contraint de coller à l’actualité mouvementée de cette période. Mais l’essentiel est ailleurs, dans un quatuor d’acteurs étincelants qui portent le film de bout en bout : Raimu, Fernandel, Josette Day et Charpin.

Restent deux films et non des moindres : Regain (1934) et Topaze (1951). Le premier est l’adaptation du roman éponyme de Jean Giono. On y retrouve Fernandel, mais dans un rôle moins sympathique et débonnaire que d’habitude, celui d’un rémouleur accompagné d’une femme qu’il maltraite. Comme souvent chez Pagnol, le film vaut aussi pour ses savoureux seconds rôles qu’incarnent ici Henri Poupon, Charles Blavette, Milly Mathis, Robert Vattier et, dans un rôle de brigadier, le futur proscrit de la Libération, Robert Le Vigan. Quant à Topaze, même si on peut lui préférer la version de 1936, plus sombre, c’est bel et bien l’un des rôles majeurs de Fernandel.

Voir et revoir Pagnol demeure un enchantement !


Luchino, le prince

« Le XIXe de Visconti », en salles à partir du 31 juillet

©Les Acacias

Sous le titre « Le XIXe de Visconti », on peut cet été découvrir ou redécouvrir quatre immenses films du cinéaste italien : Le Guépard, Senso, Ludwig ou le Crépuscule des dieux et L’Innocent. Quatre œuvres « historiques » qui ressuscitent ce XIXe siècle qui fascinait Visconti, pétri de cette obsession proustienne du temps qui passe, du changement d’époque, du déclin de la noblesse. De 1954 (Senso) à 1978 (L’Innocent), soit l’ultime film du cinéaste, ce sont des fresques mélancoliques en forme d’opéras baroques aux distributions impressionnantes : Delon, Cardinale, Lancaster, Valli, Schneider, Berger, Antonelli et tant d’autres encore. Il faut notamment se replonger dans les trois heures du Guépard, Palme d’Or au Festival de Cannes en 1963, et tournant dans la carrière du cinéaste qui, dès lors, sera moins sensible aux questions sociales.

©Les Acacias

François, le dandy

« Cinq héroïnes de François Truffaut (partie 1) », en salles à partir du 7 août

© Carlotta Films

Comme l’indique son titre, ce cycle est consacré aux muses du réalisateur de La Peau douce. Dans un premier temps, on pourra ainsi savourer trois films : Deux Anglaises et le Continent, La Femme d’à côté et Vivement dimanche ! On ne saurait trop recommander le premier, « grand film malade » selon l’expression même de Truffaut, qui permet à Jean-Pierre Léaud de quitter l’encombrant personnage d’Antoine Doinel. Mais les deux autres donnent l’occasion de voir combien Truffaut a su tirer parti des multiples facettes du talent de Fanny Ardant. Alors que les deux films sont à l’opposé (un terrible drame romantique pour l’un, un polar joyeux pour l’autre) La Femme d’à côté et Vivement dimanche ! laissent éclater l’incroyable séduction de l’actrice, son charme et son mystère. On reste sans voix devant ces deux personnages qu’incarne Fanny Ardant avec la même conviction, le même allant, la même grâce. Rarement Truffaut, le cinéaste qui aimait les femmes, aura trouvé une interprète en aussi parfaite adéquation avec son univers, ses fantasmes et ses obsessions.

Pour regarder les bandes-annonces de La femme d’à côté, et Deux Anglaises et le Continent :

Donald Trump peut-il être vaincu par la « faiblesse » démocrate?

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Donal Trump, 18 juillet 2024 (© Carol Guzy/ZUMA Press Wire/Shutt/SIPA) et Kamala Harris, le 1er juin 2024 (© Jeff Chiu/AP/SIPA)

Le camp républicain a déjà commencé à attaquer Mme Harris, notamment sur ses origines… Analyse.


Joe Biden a enfin jeté l’éponge. Il a mis du temps, mais c’est fait. Normalement, la vice-présidente Kamala Harris est appelée à prendre la relève mais il n’est pas impossible que le camp démocrate veuille un autre candidat qu’elle pour affronter Trump. Cette rupture serait toutefois un affront, encore un, pour Joe Biden qui verrait ainsi battu en brèche son choix initial. Même s’il avait tout fait pour la maintenir dans un rôle discret et subalterne, malgré ces derniers temps quelques interventions et apparitions plus marquantes. Comme si elle se trouvait déjà dans un entre-deux, entre le possible maintien de Joe Biden et l’indiscutable fragilité de ce dernier.

A lire aussi : La révérence de Joe Biden: une campagne historique s’annonce

Il semble toutefois qu’un certain nombre de facteurs rendent au moins incertaines les prévisions : la décision courageuse de Joe Biden, la détermination immédiate de Kamala Harris adoubée sur-le-champ par le président défaillant, la certitude du camp démocrate que pour gagner les atermoiements n’étaient plus possibles, l’impression paradoxale que, pour être le favori, Donald Trump allait devoir se confronter cependant à une adversaire démocrate singulière, une femme le contraignant à moins de violence personnelle avec un bilan suffisamment réduit pour ne pas être exclusivement à charge. Donc la moins adaptée à son style de campagne à l’emporte-pièce et familièrement populiste. Kamala Harris, pour l’heure, est à la recherche d’un colistier lui permettant d’élargir le champ de son influence et de « couvrir » des États penchant plutôt pour l’instant vers Donald Trump ou, au moins, en proie au doute et aux hésitations. Ce choix n’est jamais facile et on ne peut s’y livrer à la légère, le futur couple démocrate étant censé s’appuyer sur les forces et les atouts de chacun.

La cause démocrate peut-elle renaître de ses cendres ?

L’injonction volontariste de Kamala Harris martelant qu’elle allait battre Donald Trump sera fragilisée par la recherche, dans le clan de celui-ci, de tout ce qui va pouvoir l’affaiblir. Le vice-président choisi par Donald Trump a d’ailleurs commencé en questionnant la légitimité de Kamala Harris et ses origines. Malgré cela qui relève du processus habituel, je me demande si, plus profondément, l’apparente faiblesse objective de la cause démocrate n’allait pas constituer, comme souvent dans ce type de crises, une opportunité de sursaut amplifiée par une double donnée. La première étant, pour une majorité d’Américains, au-delà des animosités partisanes et des moqueries lassantes sur l’âge de Joe Biden, l’excellent bilan de ce dernier sur le plan économique et social ainsi que la pertinence jamais prise en défaut de sa vision internationale. La seconde liée au passif de la personnalité de Donald Trump, à ses ennuis judiciaires et au fait que, pour être atypique et admirée par le camp républicain, sa personnalité n’enthousiasme pas forcément TOUS ses partisans et aussi la masse de ceux qui n’ont pas encore tranché.

Pour me résumer, les jeux ne sont pas faits et il n’est pas impossible qu’on se retrouve, pour ces futures élections américaines, face à ce que la vie offre dans beaucoup de ses registres les plus divers : la stupéfiante force, en définitive, d’une faiblesse se muant en arme.

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Ils veulent la peau de CNews

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Le journaliste d'extrème gauche Kamil Abderrahman, qui multiplie les sorties controversées, rêve que "Le Media" prenne la place de CNews. Capture d'écran.

L’hypothèse du non-renouvellement de la fréquence de CNews par l’Arcom est improbable, mais pas impossible. En coulisses, de nombreux journalistes et militants politiques en rêvent encore. Qui sont-ils ?


Dernière minute! L’Arcom vient d’annoncer que la chaîne C8 perd sa fréquence sur la TNT, ainsi que NRJ12. Les deux chaînes seront remplacées par celles de Ouest-France et de Daniel Kretinsky •

En termes d’audience, CNews est depuis deux mois devant BFMTV, LCI et France Info TV. Son succès est dû aussi bien aux sujets abordés qu’à la qualité des journalistes, chroniqueurs et débatteurs qui se succèdent sur ses plateaux. Chaque soir, Christine Kelly et ses « mousquetaires » proposent des analyses documentées sur des sujets politiques, économiques, historiques ou sociétaux. Certains rendez-vous hebdomadaires affolent les compteurs : Le « Face à Face » entre Gilles-William Goldnadel et Julien Dray remporte un franc succès, tandis que l’émission « Face à Philippe de Villiers » frôle ou dépasse régulièrement le million de téléspectateurs. Au 1er juillet 2024, CNews, qui a connu la plus forte progression toutes chaînes confondues depuis un an, est devenue la 1re chaîne d’info, la 1re chaîne TNT, la 5e chaîne nationale. Et ça, ça défrise le système politico-médiatique en place.

La pression terrible mise sur Roch-Olivier Maistre

Pour Le Monde, il ne fait aucun doute que CNews doit disparaître. Un long papier paru le 17 juillet met subtilement en garde l’Arcom : « la décision qu’elle prendra à l’encontre de CNews et C8 marquera le mandat de son président ». Roch-Olivier Maistre quittera en effet ses fonctions de président de l’Arcom fin janvier 2025. Son mandat sera salué ou hué par la caste médiatico-politique aux manettes selon qu’il sera parvenu ou non à interdire CNews ou C8 sur la TNT. Le quotidien aimerait plus de sévérité envers les dirigeants de Canal + qui, lors de leur audition devant l’Arcom, « n’ont affiché ni humilité ni contrition devant ceux dont dépend leur avenir : les conseillers réunis autour du président Roch-Olivier Maistre ». Mettre un genou à terre devant les juges médiatiques ou craindre leur colère, tel semble être le destin des prétendants à la TNT. Concernant CNews, il est attendu de leurs dirigeants qu’ils se versent en plus un tombereau de cendres sur la tête. Le conseiller Hervé Godechot n’a pas hésité, paraît-il, à mettre les représentants de Canal + en difficulté en leur rappelant les neuf motifs de reproches adressés à CNews en trois ans. M. Godechot a fait toute sa carrière dans le service télévisuel public, France 3, France 2 et France Info TV (cette dernière bénéficiant d’une autorisation d’émission sur la TNT). Nous supposons que pour Le Monde un tel CV atteste une totale impartialité et éloigne tout soupçon idéologique qui pourrait entacher le travail de M. Godechot au sein de l’Arcom… Un autre membre du tribunal de l’inquisition médiatique, Antoine Boilley, n’a pas craint, selon le quotidien, de recadrer CNews – selon la méthode dite du « sentiment d’insécurité » usitée par notre encore actuel garde des Sceaux – sur la manière de traiter les sujets concernant la délinquance et l’immigration : « Comme la météo, il y a la température et il y a le ressenti. Pareil pour la délinquance et l’immigration, il y a les chiffres de la délinquance et le ressenti qui est souvent débattu sur vos plateaux. » Le Monde omet de préciser que M. Boilley a rejoint l’Arcom en février 2023 et que, de 2001 à cette date, son unique employeur a été… France Télévisions, où il a occupé les fonctions de secrétaire général et directeur délégué (France 2) puis celles de directeur adjoint du marketing et de la communication pour l’ensemble du groupe. La pensée unique règne depuis longtemps sur les ondes d’un service public où près de 80% des journalistes et des dirigeants avouent voter à gauche ou à l’extrême gauche. Les obstacles mis en travers d’une chaîne privée ne partageant pas la doxa auront au moins servi à dévoiler la réalité sur les médias et la liberté d’expression dans notre pays. Disons-le tout net : cette liberté est un leurre. Les rênes du système politico-médiatique sont fermement tenues par des militants de gauche aussi bien que de droite, de cette droite qui n’a jamais su se défaire d’un sentiment d’infériorité face à la gauche culturelle, progressiste et morale, ainsi que par des journalistes sortant d’IEP ou d’Écoles de journalisme entièrement gangrénés par l’extrême gauche et le wokisme. Ce système ayant pris conscience qu’un petit mais vigoureux grain médiatique pouvait enrayer la machine propagandiste pro-UE, pro-immigration, pro-wokisme, il met en branle tous les moyens possibles pour l’écraser. Les censeurs fourbissent leurs armes dans les arrières-boutiques politiques, syndicales ou associatives. Inondée de plaintes, de réclamations, de saisines venant principalement de ces arrières-boutiques, l’Arcom est le bras armé à la fois du gouvernement et des ennemis traditionnels de la liberté d’expression, la gauche et l’extrême gauche, lesquelles ravivent ainsi une vieille tradition révolutionnaire, la censure au nom de la juste cause, au nom du bien du peuple, au nom du progrès. 

Le Média rêve de piquer le canal de Bolloré

Kamil Abderrahman, journaliste d’extrême gauche du Média (organe mélenchoniste de propagation des idéologies racialistes, immigrationnistes et antisionistes), participe à sa manière brutale à la charge contre les médias « bollorisés ».  Il s’est fait une spécialité d’inonder les réseaux sociaux de messages anti-israéliens, surtout depuis le pogrom du 7 octobre 2023. Les excès et les mensonges ne lui font pas peur. Ainsi accusa-t-il l’armée israélienne d’avoir tué nombre de ses compatriotes le jour fatidique de l’attaque du Hamas à cause d’une « intensité de la riposte » disproportionnée. Ainsi appelle-t-il régulièrement au boycott de SFR, propriété de l’homme d’affaires franco-israélien Patrick Drahi, lequel était également à l’époque actionnaire majoritaire de BFMTV et I24News, chaînes faisant « l’apologie du génocide des Palestiniens », selon le journaliste mélenchoniste qui considère d’autre part que « l’imam Chalghoumi, Gilles Kepel et Florence Bergeaud-Blackler sont des guignols ». Après avoir averti l’Arcom dans un tweet du 16 juillet – « Arcom, on vous observe ! » – à propos de CNews, « cette chaîne de merde », le journaliste militant a profité de l’atmosphère générale anti-Bolloré pour menacer à nouveau récemment l’organisme de surveillance médiatique : « Arcom, lisez bien. Maintenant si vous renouvelez la fréquence de cette chaîne raciste qui œuvre tous les jours pour mettre en danger la vie d’une partie de la population française en raison de sa religion, attendez-vous à d’énormes manifestations devant votre siège. » On reconnaît là les détestables méthodes d’un certain mouvement, de son leader et de ses sbires. Il faut préciser que l’interdiction de diffusion de CNews (ou de C8) sur la TNT arrangerait bien Le Média qui est sur les rangs pour remplacer la chaîne bolloréenne et bénéficie à cette fin du soutien de… Rokhaya Diallo, Guillaume Meurice, Thomas Porchet, Benoît Hamon, Audrey Pulvar et Christiane Taubira, entre autres personnalités ayant signé la tribune « Le Média doit devenir une chaîne de la TNT » parue le 28 juin dans L’Humanité. Il n’est pas certain que les propos comminatoires de Kamil Abderrahman aient été appréciés par les membres de l’Arcom. Cela aura-t-il un impact sur leur décision ? Affaire à suivre… 

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Quoi qu’il en soit, la dernière délibération de l’Arcom « relative au respect du principe de pluralisme des courants de pensée et d’opinion par les éditeurs de services » éclaire sur ce qu’attend le « gendarme de l’audiovisuel » des chaînes désireuses de jouir d’une des fréquences de la TNT. Cette délibération fait suite à la demande du Conseil d’État, lui-même sollicité par l’ONG Reporters sans frontières, exigeant plus de contrôle des chaînes de télé et de radio, surtout de CNews. Le « en même temps » macronien semble avoir présidé aux discussions qui ont mené à l’écriture de ce court manuel de surveillance des médias. En effet, en même temps qu’elle affirme que « les éditeurs sont seuls responsables du choix des thèmes abordés sur les antennes et des intervenants » et qu’il « n’est pas question de ficher ni d’étiqueter les intervenants en télé ou radio », l’Arcom prévient qu’elle tiendra compte « de la variété des sujets ou thématiques abordés à l’antenne » et de « la diversité des intervenants dans les programmes ». De plus, elle assure qu’elle sanctionnera les chaînes de télé ou les stations de radio si elle constate un « déséquilibre manifeste et durable », par exemple sur « le choix des sujets » – ce qui veut dire en clair qu’elle décidera de la ligne éditoriale qu’un média doit afficher pour éviter des sanctions. Et on peut le craindre, cette ligne éditoriale serait globalement celle du système médiatico-politique : diversitaire, immigrationniste, progressiste, écologiste, européiste et woke ! Malheur à ceux qui s’en écartent. La France n’est plus le pays de la liberté d’expression mais celui de l’expression médiatique moutonnière, paresseuse et inculte d’une caste qui n’a nullement l’intention d’aller à l’encontre de l’idéologie mondialo-progressiste du moment, laquelle l’assure d’un certain confort intellectuel – même un minimum de culture générale y est superfétatoire et le travail véritable y est inutile – puisqu’il lui suffit de reprendre sans les examiner les dépêches orientées de l’AFP et les analyses du Monde ou de Libération pour être de plain-pied avec elle. L’audiovisuel public fait ça très bien, sans barguigner – elle n’a par conséquent rien à craindre de l’Arcom. La chaîne CNews rechigne à participer au petit théâtre médiatique de la pensée unique ? Au pire, elle se verra retirer son autorisation d’émettre sur la TNT ; au mieux, elle se verra imposer de nouvelles et draconiennes obligations. 

Quoi qu’il arrive, qu’elle émette sur la TNT ou ailleurs, elle restera sous la surveillance acharnée de ce système politico-médiatique qui parle beaucoup de pluralisme mais supporte de moins en moins la contradiction. 

Einstein VS Portes

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Le député de Seine-Saint-Denis Thomas Portes (extrème-gauche), Paris, 14 janvier 2024 © Chang Martin/SIPA

« Les sportifs israéliens ne sont pas les bienvenus aux Jeux olympiques ». À quelques jours de l’ouverture de Paris 2024, les propos fleurant l’antisémitisme du député de gauche Thomas Portes, tenus devant une foule vociférante, mettent une cible dans le dos à toute la délégation israélienne. 


« Carthago delenda est ». C’est par ces mots, «  Carthage doit être détruite » que, dit-on, Caton l’Ancien terminait ses prises des paroles, même les plus anodines. C’est une sentence très approchante qui, manifestement, brûle la langue de Thomas Portes et de ses copains de LFI chaque fois qu’ils ouvrent la bouche. Mais pour eux, ce serait : « Israël doit être détruite ». Cela aurait au moins le mérite de traduire franchement, honnêtement, leur pensée. Et ce le serait encore bien davantage, honnête, s’ils allaient au bout de cette pensée pour lancer, carrément, sans fioritures « le peuple juif doit être détruit, les Juifs doivent disparaître de la surface de la terre ». Car c’est bel et bien cette vision nihiliste qui se profile derrière les éructations du député Thomas Portes lors d’une manifestation pro-Palestine – pro Hamas, en réalité ? – où il savait fort bien d’avance que sa haine et sa profonde bêtise rencontreraient un vif succès. « Les athlètes israéliens ne sont pas les bienvenus. Ils n’ont rien à faire ici, aux J.O » Il est bien évidemment certain que Portes et ses semblables se soucient des J.O et de leurs compétiteurs comme d’une guigne, qui ne sont en l’occurrence que le prétexte à un déferlement de haine. Un de plus, en attendant les autres. 

On se tromperait lourdement si on se laissait aller à regarder ces comportements comme des dérapages incontrôlés, des provocations gratuites, l’effet d’une ignorance sans bornes. Il ne s’agit pas de cela. Portes et ses semblables savent parfaitement ce qu’ils font. Quand ils ne serrent pas la main du député en charge de l’urne lors du vote à l’Assemblée, ils savent ce qu’ils font. Lorsqu’ils vomissent leurs interdits antisémites, lorsqu’ils refusent la qualification de terroristes pour les barbares du 7 octobre, ils savent ce qu’ils font. Ils font très exactement ce que leurs mandants attendent d’eux, ils font ce que prône la stratégie révolutionnaire d’affrontement. L’autre, celui du camp d’en face, n’est pas simplement un adversaire à combattre, mais un ennemi à éliminer. Radicalement. De ce fait, ne pas serrer la main n’est pas qu’une impolitesse, une effronterie, une bêtise de plus. Non, c’est un acte délibéré. C’est la manifestation – télévisée – de la négation de l’existence de cet autre. 

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Julien Odoul, le député RN, à mille fois raison de poursuivre Portes en justice, ce porteur de haine, une haine qui malheureusement se propage comme une sale peste, touchant de proche en proche tous ceux qui n’adhèrent pas, qui n’applaudissent pas. Voilà bien que le dessinateur Plantu, à son tour, est diabolisé, ciblé pour ne pas avoir courbé la tête au délire de Portes. Qui d’autre après lui ? Et combien ?

Cela dit, la question – la question terrifiante, lancinante – devant de telles aberrations est de se demander comment il peut se faire que, au pays de France, ces propagateurs de haine, des zélateurs de l’obscurantisme, puissent réunir sur leurs noms assez de suffrages pour être élus et siéger au sein de la représentation nationale ? En effet, c’est surtout cette question, et la réponse à y apporter, qui devraient d’abord nous occuper, nous inquiéter. Inquiétant aussi le silence assourdissant des alliés de circonstance des Portes et compagnie, de cette gauche perdue qui, tétanisée d’une peur qui ne s’explique guère, laisse dire, laisse faire. Faut-il rappeler ici, une fois encore, le jugement d’Albert Einstein ? « Le monde est dangereux à vivre, non pas à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. »

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Notre naufrage politique: simple reflet de la disparition de la société?

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Lucie Castets, une inconnue, ici sur France inter le 24 juillet, se présente au poste de Premier ministre au nom de la gauche. Elle est l'actuelle directrice financière de la Ville de Paris, singulièrement endettée. DR.

La crise politique actuelle n’est pas une crise provoquée par telle ou telle erreur du président Macron ou imperfection démocratique conjoncturelle, elle est fondamentalement la conséquence du processus de disparition de la société.


Il est inutile de reprendre l’accumulation des faits pour constater le chaos dans lequel le pays est plongé. Il est aussi inutile de commenter toutes les analyses superficielles qui en évoquent les  causes et les improbables solutions : absence de majorité parlementaire, dissolution inappropriée, usure de la verticalité, scrutin majoritaire dysfonctionnel dans une Constitution inadaptée, refus de la proportionnalité, etc. Et parce que l’on se contente de superficialités rapides, on aboutit très vite à des analyses douteuses : la crise actuelle consacrerait le retour aux prétendues horreurs de la quatrième république, le Rassemblement national serait toujours un parti d’extrême droite, le «macronisme » serait en voie d’extinction, etc. 

Pour comprendre le réel, il est nécessaire d’aller plus loin.
On peut commencer par le détricotage du prétendu retour aux pratiques de la quatrième république. Nous serions entrés  dans une période aussi instable que celle que nous aurions connu entre 1946 et 1958. Il y a là confusion de l’apparence avec la réalité : la période considérée était le théâtre d’affrontements entre entrepreneurs politiques de petits partis qui se battaient sur des marchés secondaires sans jamais s’affronter sur de grands projets complètement partagés. Personne ne contestait la reconstruction de la France et les grandes orientations qu’elle impliquait, reconstruction qui se déployait à un rythme spectaculaire mondialement reconnu. Personne ne contestait non plus la construction d’un grand Etat providence qui se déployait dans de multiples directions. Personne ne contestait enfin les grands choix industriels, les grands choix dans le domaine de l’Éducation, de la santé, de l’agriculture, etc. Bien sûr, existaient des affrontements sur certaines réalités de l’histoire : la résistance de l’ancien monde au projet de Sécurité sociale, la gestion de la décolonisation, etc. Mais ces confrontations s’inscrivaient dans un universel censé être le point oméga de l’intérêt général. Le théâtre politique de l’époque est donc bruyant mais insignifiant. Les entrepreneurs politiques de l’époque sont des groupes et individus qui cherchent comme aujourd’hui à se maintenir ou se reconduire au pouvoir, mais les intérêts égoïstes étaient masqués par un idéal commun peu contesté. On se bat sur les modalités de la construction d’un collectif mais ce n’est que très rarement que ces entrepreneurs politiques apparaitront pour ce qu’ils sont à savoir des accapareurs des outils de la puissance publique – le commun de la société – à des fins privées. À l’époque l’utilitarisme de la fonction politique avec ses rémunérations symboliques se noie dans l’océan de la production d’un bien commun approximativement identifié. 

La crise actuelle de la cinquième république est d’une tout autre nature et n’est en aucune façon une sorte d’entrée en quatrième république. Il y avait à l’époque une société française encore assez largement holistique qui faisait que l’intérêt général était connu de tous et ne donnait lieu qu’à des contestations et interrogations secondaires : le capitalisme était – au-delà des discours –  finalement accepté car il donnait des signes évidents de prospérité pour l’immense majorité. D’où le succès des entreprises politiques sociales-démocrates. 

Hélas, aujourd’hui, la société française s’efface et laisse le champ libre à des entreprises politiques en perte de repères. Le holisme qui se cachait dans le concept de citoyenneté  se réduit au mieux à des groupes ultra-minoritaires et plus fondamentalement à des « individus désirants » qu’on peut aussi désigner comme « consommateurs souverains ». Nous reviendrons sur cette expression. Le « commun » qui reliait les individus et constituait les moyens de production/régulation de la société s’est évanoui. Même les groupes ultra-minoritaires (décoloniaux, wokistes, LGBT, etc.) ne sont, dans la plupart des cas, que des regroupements d’individus qui s’associent pour mieux revendiquer leur individuelle et personnelle souveraineté. 

La disparition de la société constitue bien évidemment une complexification gigantesque du travail des entrepreneurs politiques. Un peu comme si en capitalisme les capitalistes perdaient le contrôle de moyens de production qui disparaitraient. Certes le matériau intérêt général reste l’outil de base desdits entrepreneurs. Certes ces entrepreneurs n’ont pas changé, il sont toujours entreprises politiques rassemblant des franchisés plus ou moins obéissants, mais l’intérêt général brandi n’est au mieux qu’un fossile : il n’y a plus que des intérêts privés débarrassés de marque collective. Dans un tel contexte, l’entrepreneur politique se démonétise et ne peut au mieux surnager qu’avec des programmes lourds et fondamentalement incohérents. Les franchisé s- censés promouvoir les produits de l’entreprise politique d’appartenance – s’autonomisent vis-à-vis de l’enseigne car devant tenir compte de ses propres électeurs qui n’ont que peu de choses en communs avec les autres. À société disloquée doit correspondre un marché politique lui-même effondré. La crise politique actuelle n’est donc pas une crise conjoncturelle provoquée par telle ou telle erreur ou imperfection, elle est plus fondamentalement conséquence du processus de disparition de la société.

Ces erreurs d’analyse en entrainent d’autres porteuses de violences futures. Tel est le cas des considérations portées sur un Rassemblement national quasi universellement désigné comme parti d’extrême droite. Il s’agit pourtant d’une entreprise politique comme les autres avec des dirigeants et entrepreneurs politiques franchisés proposant des produits politiques censés répondre  aux désirs et besoins d’individus privés. Le marché dudit RN n’est plus fait du holisme qui caractérisait l’extrême droite européenne du siècle précédent, laquelle véhiculait des discours idéologiques violents et concernaient des organisations autoritaires souvent militarisées. Aujourd’hui, l’électeur du RN est aussi individualisé que tous les autres, et se trouve être un individu désirant classique. Tout aussi classique que l’individu mondialisé qui, fort de sa réussite sociale, se veut consommateur complètement souverain. Ce dernier est tellement souverain qu’il refuse les frontières, les droits de douane et toutes les contraintes environnementales qui l’empêcheraient de  surconsommer ! Quant aux services publics, cet individu mondialisé a les moyens de s’en offrir à titre privé, probablement de meilleure qualité que nos services publics, et ce à l’échelle mondiale.

De ce point de vue, l’électeur du RN brandit encore le fossile de l’égalité républicaine pour réclamer, lui aussi, un statut de « consommateur souverain ». Il exige un revenu plus important et il refuse les contraintes d’un environnement socialement et culturellement dégradé. Ses frontières à lui – frontières qu’il faut abattre comme il faut abattre les frontières nationales de l’individu mondialisé ayant réussi – sont les services publics dégradés dans les campagnes, la montée de l’insécurité matérielle et culturelle, et les contraintes environnementales qui ajoutent à son enfermement. Il veut être souverain et responsable de ses choix, très exactement comme l’individu mondialisé. 

L’individu mondialisé peut se dire ouvert à toutes les cultures et se méfie des frontières qui limitent son statut de consommateur souverain. L’électeur du RN tout aussi consommateur souverain est sensible à une préférence nationale qui se veut protection de sa souveraineté. Les deux sont les produits liés d’une même réalité : la fin de la société. Une fin de la société qui est aussi la contestation radicale des solidarités. Les deux types de consommateurs souverains ont ainsi un point commun : la contestation commune de l’assistanat devenu produit phare des entreprises politiques classiques.

Nous laissons au lecteur le soin d’aller plus loin dans les conclusions de la grille de lecture proposée. Au final, l’individu qui aura réussi sera dans « l’arc républicain », sera tolérant, sera « anywhere », sera sécessionniste, sera contre l’État-nation et européiste, sera enfin très éloigné du poutinisme et du trumpisme. Massivement valorisé par le pouvoir médiatique lui aussi tenu par des individus mondialistes, il dispose d’un outil de pression massif sur les entreprises politiques et leurs franchisés en quête de victoire électorale. D’où le poids gigantesque des prétendues réformes inéluctables dans l’agenda de beaucoup d’entrepreneurs politiques : il est, de leur point de vue, impossible de faire autrement. À l’inverse, l’individu qui se trouve en échec sera en dehors de l’arc républicain, sera plus intolérant voire raciste, sera un « somewhere », sera pour le retour de l’Etat-nation et opposé à l’européisme, sera sensible au poutinisme et au trumpisme. Il est massivement vilipendé par un pouvoir médiatique puissant et efficace. D’où les difficultés des entrepreneurs politiques représentants les intérêts de ce type de consommateur souverain et l’irruption d’une barrière dite républicaine. D’où les turpitudes présentement constatées dans l’hémicycle. 

Entre les deux se trouvent les consommateurs souverains qui regroupent à la fois l’ancien monde de la vieille société et le nouveau des minorités bruyantes : on se veut culturellement mondialistes et économiquement « nationnistes ». D’où un entrepreneuriat politique ultra-interventionniste et surtout chargé de très lourdes incohérences programmatiques : les minorités, toutes peuplées de consommateurs souverains exigeants, ne peuvent réellement cohabiter. Notons au passage la stupéfiante onction de certains économistes, y compris un prix Nobel,  qui au nom d’une méta raison en arrivent à nier les incohérences programmatiques des entrepreneurs politiques concernés. 

Au total, le pays constate la disparition de la société dans un tsunami anthropologique avec comme effet principal l’apparition d’un ensemble d’entrepreneurs politiques naufragés et accrochés à des outils fossilisés de la puissance publique. Répartis en groupes devenus incertains et poreux, ils se livrent à des turpitudes au sein d’un hémicycle devenu reflet de la grande tempête qui agite le pays.

Ne pas comprendre ce grand mouvement anthropologique n’est pas simplement  attristant pour les prétendus intellectuels qui débattent sur l’extrême droite, mais, plus fondamentalement, ce débat mal engagé  se trouve  dangereux. Ne pas reconnaitre pour certains la qualité de consommateur souverain et l’accepter, voire la promouvoir, pour une toute petite minorité, c’est s’exposer à la violence de la future guerre civile. Un temps où le langage performatif des entrepreneurs politiques cessera de cacher un grand vide sans espoir. S’il reste un minimum de conscience aux entrepreneurs politiques naufragés – qui dans la tempête n’arrivent plus à masquer leur strict intérêt privé – ils devraient porter au moins une partie de leur attention à ce qui reste de commun, à savoir l’égalité des droits et devoirs. Mais tout ceci a-t-il encore du sens ?