Mardi 10 septembre la LFP (Ligue de Football Professionnel) a réélu à sa tête Vincent Labrune, un président forcément empêché: les vrais dirigeants sont les investisseurs étrangers qui ont racheté la majorité des clubs français, une OPA qui a décidé le Sénat à ouvrir une enquête.
Connaissez-vous l’honorable James Zhou ? En 2016 cet homme d’affaires chinois a racheté l’AJ Auxerre, le club bourguignon dont l’emblématique Guy Roux a assuré la notoriété pendant 44 ans… À Marseille, c’est l’Américain Frank McCourt qui est aujourd’hui propriétaire de l’OM, dont Bernard Tapie avait fait un grand d’Europe. Du côté de Saint-Etienne, les Verts, légendes des années 70, sont désormais la propriété du groupe canadien Kilmer Sports. Dans la capitale des Gaules, Jean-Michel Aulas, président du club durant 36 ans, a fini par vendre l’Olympique lyonnais à l’Américain John Textor. Promenade des Anglais, le big boss de l’OGC Nice est of course le très british sir Jim Ratcliffe. À Monaco, c’est le Russe Dmitri Rybolovlev qui dirige le club de la principauté. Le Havre, doyen des clubs français, est tombée dans l’escarcelle de l’Américain Vincent Volpe. À Paris, depuis 1991 le Qatar préside aux destinées du PSG, qu’il s’est offert pour le prestige d’associer l’émirat à la ville-lumière.
Venez comme vous êtes…
Strasbourg et Toulouse ont été rachetés par BlueCo et RedBird, des groupes d’investisseurs américains, Lille par un fonds de placement luxembourgeois. Le RC Lens appartient à un Franco-libano-arménien, le FC Nantes à un Franco-polonais, le SCO Angers à un Franco-algérien… Bref, sur les 18 clubs qui participent à la ligue 1, le championnat de France de football organisé par la LFP, il n’y a que quatre clubs qui naviguent sous pavillon français, Montpellier, Brest, Reims et Rennes.
Pour couronner le tout, le championnat a pour nom officiel « la ligue McDonald’s », les matches sont diffusés en France par le groupe anglais DAZN, et pour sauver les meubles, la LFP s’est associée au fonds luxembourgeois CVC, qui a avancé 1,5 milliard d’euros dans l’affaire, ce qui fait de ce groupe le grand argentier du foot français.
Sur le terrain, les étrangers sont également majoritaires. D’après le site autorisé Transfertmarket, sur les 494 joueurs qui participent à la saison 24/25, 298 sont étrangers, soit 60,3%. Qui représentent 75 nationalités ! En février dernier, la Ligue donnait des exemples. Le club qui comptait alors le plus d’étrangers était l’OM : 25 sur un effectif de 37 joueurs, composant ainsi une étonnante tour de Babel avec 12 Français, 3 Camerounais, 3 Marocains, 3 Sénégalais, 2 Argentins, 2 Belges, 2 Espagnols, 2 Suisses, 1 Anglais, 1 Brésilien, 1 Centrafricain, 1 Congolais, 1 Ivoirien, 1 Gabonais, 1 Panaméen et 1 Portugais !
Paradoxe : les meilleurs joueurs français évoluent à l’étranger, où ils touchent des salaires mirobolants que les clubs français (sauf le PSG qatari) ne peuvent leur offrir. Lors du dernier Euro de football, disputé en juin dernier, sur les 25 joueurs sélectionnés en équipe de France, 17 étaient sous-contrat à l’étranger…
L’arbitre est étranger !
Le décor ainsi planté, on peut se demander pourquoi (hormis le Qatar qui a investi à Paris pour valoriser son image) les investisseurs étrangers misent sur un foot français qui n’est rentable ni au niveau sportif (depuis l’OM de Tapie en 93 et le PSG de Canal Plus en 96, aucun club français n’a gagné une coupe d’Europe), ni sur le plan financier, puisque tous les clubs sont sur la corde raide, à l’exception du PSG qatari.
En revanche, on observe que ces investisseurs multiplient les transferts, je vends quatre joueurs et j’en achète cinq, ou inversement, flux et reflux d’argent permanents, avec des transactions où des commissions sont systématiquement versées, à des intermédiaires dont les comptes numérotés à l’étranger peuvent cacher l’identité des réels bénéficiaires.
Dans d’autres secteurs, comme les casinos ou les sites asiatiques de paris, on parlerait de machine à laver l’argent sale… Mais dans le foot, c’est bien connu, il n’y a pas de matches truqués, pas de dopage, pas de blanchiment d’argent…
Le Sénat a néanmoins jugé nécessaire de diligenter une commission d’enquête « sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français », dont les conclusions seront connues dans six mois.
À en croire médias et réseaux sociaux, les Américains sont au bord de la guerre civile. Des sujets de société tels que l’avortement et le port d’armes séparent les démocrates des républicains. Cependant, derrière les effets de manche et les concours d’invectives, leurs états-majors ont compris que les électeurs aspirent à un certain centrisme.
Si on se fie aux discours publics du personnel politique américain, la détestation entre le Parti républicain et le Parti démocrate est à son comble aux États-Unis.
Le Parti républicain, qui sert depuis plusieurs générations de maison commune aux conservateurs, s’est éloigné de sa tradition calme et pondérée, pour se transformer en cohorte de soutien au mouvement MAGA (« Make America Great Again »), conformément au slogan proposé par le génie du marketing Donald Trump. De sorte que la majorité des responsables républicains d’aujourd’hui se proclament anti-inclusifs, anti-clandestins, anti-avortement, anti-confinement, pro-armes à feu (« pro-gun »), parfois pro-Poutine et toujours pro-Israël.
Le Parti démocrate, quant à lui, patrie présumée des ouvriers, des minorités pauvres et des élites libérales, est obsédé par l’inclusion raciale et sexuelle, prône la régularisation des sans-papiers et veut bien sûr autoriser l’IVG à l’échelle fédérale. Les dirigeants démocrates sont généralement pro-Ukraine, parfois pro-Gaza et souvent excédés par Israël. Tous sont favorables à la réglementation des armes à feu.
Le temps est révolu où les deux appareils se contentaient d’éprouver l’un envers l’autre un sentiment de supériorité bonhomme, comme dans le cadre d’un championnat sportif. L’heure est aujourd’hui à la haine réciproque.
La promotion des politiques dites de « Diversity Equity Inclusion » en question dans les deux camps
Cependant, cette haine commence à paraître artificiellement exagérée. Derrière la surenchère des propos d’estrade et des posts sur les réseaux sociaux, les électorats sont en train de se ramollir discrètement. Certes, la « base » de Trump ne démobilise pas, menée par la quinzaine de députés presque plus trumpiens que Trump lui-même, j’ai nommé le « Freedom Caucus », dont les vingt membres n’ont pas suscité de nouveaux ralliements. Quant aux démocrates, ils étaient, il est vrai encore récemment, en proie au gauchisme le plus caricatural. Mais depuis quelques semaines, la modération politique de Kamala Harris s’est imposée dans les rangs du parti. Les députés wokes, qui forment une « squad » de neuf membres, dont Ilhan Omar, Rashida Tlaib et Alexandria Ocasio-Cortez, n’ont plus le vent en poupe. Il n’y aura d’ailleurs bientôt plus que sept « squadistes », puisque deux des moins connus ont perdu leur investiture, au profit de collègues plus modérés.
Dès le lendemain de l’attentat contre Trump, quand Biden a appelé à la retenue, les états-majors ont pris conscience de l’aspiration des Américains à davantage de centrisme. On peut gager que la victoire du 5 novembre reviendra à celui des deux candidats qui l’aura le mieux compris, et saura le mieux réorienter sa propagande. Certes, de nombreux sujets continuent de diviser violemment les Américains. Parmi eux : le droit à l’avortement ; la promotion des politiques dites de « Diversity Equity Inclusion », « DEI », nouveau nom de la discrimination positive ; la nécessité pour les mâles blancs hétérosexuels de faire repentance à l’égard des Noirs, des femmes, des minorités sexuelles et des Amérindiens ; la transidentité (« pas d’hommes dans le sport féminin », a notamment déclaré Trump) ; la question palestinienne ; l’expulsion massive des clandestins ; le confinement, le port du masque et l’imposition du vaccin en cas de recrudescence du Covid-19.
Notons que, s’agissant des armes à feu, le débat est sans objet, la victoire politique appartenant d’ores et déjà aux conservateurs, malgré une tendance contraire au sein de l’opinion. Environ 60 % des Américains sont favorables à une régulation accrue de la vente et de la détention d’armes, les autres sondés étant soit favorables aux quelques contrôles légers existants ou carrément contre toute régulation. Les candidats conservateurs, inconditionnellement financés par le lobby des armes, estiment que toute restriction sur l’achat d’une arme est liberticide, y compris les procédures banales de vérification de casier judiciaire. Tout candidat favorable même à de légères restrictions voit sa campagne minée par le lobby des armes. Jamais le Congrès n’est parvenu à voter une réelle régulation, si bien que tout le monde peut facilement acheter un AR-15, le fusil automatique dont s’est servi le tireur qui a atteint Donald Trump à l’oreille en juillet.
Donald Trump et son colistier le sénateur de l’Ohio, J. D. Vance, à la convention républicaine de Milwaukee, 16 juillet 2024 Photo: Annabelle Gordon/CNP Photo/SIPA
Il faut aussi mentionner un autre point de division entre les Américains : la question de la centralisation du pouvoir. De nombreux habitants des États du Sud, ces territoires qui ont résisté à la déségrégation raciale dans les années 1960, sont attachés à la notion de « States Rights » (les droits des 50 États). Leur problème actuel est de mettre fin à l’interventionnisme fédéral progressiste sur les questions sociétales comme celle de l’IVG. Or, pour son hypothétique deuxième mandat, Donald Trump semble ambitionner lui aussi de renforcer les pouvoirs de la Maison-Blanche et de Washington. Les documents de campagne disponibles sur la plateforme officielle du parti républicain et le « Project 2025 » édité par le think tank conservateur The Heritage Foundation recommandent un interventionnisme présidentiel hypermusclé. Dans ce dossier, les marqueurs idéologiques sont en train d’évoluer, voire de s’inverser : les républicains MAGA semblent résolus à ne distribuer que quelques vagues pouvoirs symboliques aux États fédérés tout en instituant de nouvelles prérogatives fédérales. Pour l’heure, les autonomistes conservateurs n’ont ni le temps ni l’envie d’aller jusqu’au bout de la question. Ils auront tout loisir d’y penser plus tard en cas de victoire de leur candidat.
Aujourd’hui les invectives demeurent donc encore au cœur du discours des candidats. Mais pour combien de temps encore, et avec quelle intensité ? Pour Donald Trump, Kamala Harris est une « gauchiste radicale » et une corrompue puisque Joe Biden l’est aussi à ses yeux. De son côté, Harris dépeint Trump comme un harceleur sexuel, un escroc et un séditieux, en plus d’être un ennemi des minorités sexuelles et ethniques. Biden lui-même répétait sans cesse que Trump était un menteur.
À l’étage du dessous, c’est-à-dire si on se penche sur le cas des deux candidats à la vice-présidence, le démocrate Tim Walz et le républicain J. D. Vance, c’est une autre musique qui se joue : chacun rivalise dans l’art de paraître plus rural-populiste que l’autre.
Walz et Vance, colistiers scrutés par l’opinion publique américaine
Tim Walz, colistier de Kamala Harris et gouverneur démocrate du Minnesota, est un progressiste pur sucre. Cet ancien instituteur, militaire de réserve, chasseur et pêcheur, issu d’une famille modeste d’agriculteurs, a pratiquement interdit la « thérapie de conversion » dans son État, c’est-à-dire la pratique consistant à changer des homosexuels en hétérosexuels. Il est également favorable à l’avortement comme droit pour toute femme. Enfin, après la mort de George Floyd en 2020, il a rétabli l’ordre public en mobilisant de son propre chef la garde nationale. Ce faisant, il a essayé de se créer une niche : quelqu’un qui sait être de gauche sans être entièrement relié à la cause woke. Il renoue avec une vieille tradition de bon sens populaire du Midwest.
Face à lui, J. D. Vance, sénateur de l’Ohio, élevé par une mère célibataire accro aux opiacés et à l’alcool, met en avant son passage dans les US Marines. Après quelques années comme juriste, il a écrit en 2016 un livre remarqué, Hillbilly Elegy (littéralement : « Élégie pour les ploucs montagnards »), dans lequel il présente Trump comme un usurpateur trompant les pauvres Blancs du Sud. Mais au bout de quelques années, Vance a opéré une volte-face spectaculaire, pour devenir un fervent soutien du milliardaire… Un revirement dont il n’a pas honte. Bien au contraire, le docteur en droit de l’université de Yale est un adepte de la « rédemption ». Le 17 juillet, dans son discours à la convention de Milwaukee, qui l’a désigné colistier de Donald Trump, il a d’ailleurs salué la guérison de sa mère, « propre et sobre depuis dix ans ». Des paroles typiques de la religion évangélique dans laquelle il a été élevé ; mais pour le moins étonnantes quand on sait que Vance s’est converti au catholicisme et a épousé une juriste hindoue.
Autre point de divergences entre démocrates et républicains : l’environnement. Trump qualifie d’arnaque les mesures écologiques de Biden, alors que les emplois verts ne cessent de se multiplier aux États-Unis. Pour lui, les automobiles électriques, celles-là mêmes qui sont fabriquées par son sympathisant Elon Musk, le patron de Tesla, sont une aberration économique… Côté démocrate, Kamala Harris vante les mérites des énergies renouvelables, et parle d’indépendance énergétique internationale, non sans accents nationalistes.
Les Américains des deux bords peuvent-ils s’y retrouver en fin de compte ? Sur l’avortement, une majorité d’Américains dans tous les sondages sont favorables au droit de choisir pour les femmes. Pendant combien de temps l’interdiction rampante introduite par la Cour suprême peut-elle être maintenue ? Il est vrai que Donald Trump lui-même rétropédale : il ne souhaite plus une loi fédérale interdisant l’IVG, renvoyant dès lors la décision à chaque État fédéré.
Le 6 août 2024 à Philadelphie, lors de son premier meeting de campagne, Tim Walz a répété un message qu’il ne cessait de déclamer depuis plusieurs semaines : les républicains sont « weird » (« bizarres »). « Vance est allé à l’université de Yale, c’est ça un homme du peuple ? a-t-il notamment déclaré. Lui et Trump sont diablement weird. » Un mot qui a fait mouche dans les sondages. Depuis, Trump et Vance tentent de retourner le weird contre l’envoyeur, mais même les commentateurs de la chaîne conservatrice Fox News estiment que cette tactique n’a pas marché.
Ce qui est vraiment weird, c’est plutôt la faille grandissante entre les attentes des Américains raisonnables des deux bords, et la propagande clivante des candidats. Y a-t-il vraiment deux Amériques qui se haïssent à mort ? Beaucoup le pensent. Une moitié des Américains, sondés en mai par une étude conduite par l’Institut Rasmussen, redoutent que des violences armées se produisent dans le pays de leur vivant. La tension exacerbée entre les états-majors de droite et de gauche peut-elle aboutir à un scénario de guerre de Sécession (1861-1865) ? Possible, mais de moins en moins plausible. Les Américains ne semblent pas désireux de s’entretuer comme en 1861-1865. Ils ont vu le résultat : 700 000 morts.
Évoquant ce qu’il est convenu désormais d’appeler « l’affaire Abbé Pierre », Élisabeth Lévy a mille fois raison lorsqu’elle écrit : « On ne condamne pas un mort »[1]. Hélas, il n’est guère davantage concevable de juger et condamner le silence devant une quelconque instance judiciaire. Le silence de la hiérarchie. Celle de l’Église de Rome en l’occurrence, l’entre soi des Très Hauts. Car on sait désormais que ces Très Hauts étaient au courant. Cela au moins depuis le séjour américain brusquement interrompu pour cause de « comportement inapproprié » et plus encore depuis la décision d’envoyer l’intéressé se soumettre à des soins dans un établissement suisse ad hoc.
D’autres institutions ou corporations, face à des transgressions comparables, les ont, elles aussi, hypocritement enfouies sous la chape du silence. Les mondes de l’école, de la politique, du cinéma, des médias, du sport, etc. Certes, mais aucune de ces communautés ne prétend devoir sa légitimité au culte de la vertu, au respect d’une exigence morale dont elles se voudraient être à la fois l’incarnation et la voix. L’Église si. De plus, concernant cette dernière, recourir à l’argument historique selon quoi on ne portait pas hier sur ces choses le même regard qu’aujourd’hui ne tient guère. Depuis ses tout premiers temps, l’Église s’est posée en contemptrice intransigeante du « fameux commerce charnel » et de ses dérives. Dans le même mouvement, elle en désignait la responsable principale, la femme.
La femme coupable de mille maux qui, énoncent doctement les dominicains Institoris et Srenger dans le Malleus Maleficarum – (Le Marteau des Sorcières – 1486) – « proviennent de la passion charnelle qui en elle est insatiable. » On pourrait multiplier à l’infini ce genre de références textuelles. Ce n’est donc pas le vent de l’époque ou l’air du temps qui serait venu, récemment, sensibiliser l’institution à ces sujets.
Dès les années cinquante, en très haut lieu on savait donc pour l’abbé Pierre. De même qu’on savait au sujet d’une autre affaire, plus saisissante encore, celle dont les tristes héros sont les frères Philippe, tous deux dominicains, et qui, bien que démasqués – et plus ou moins condamnés – dès ces mêmes années, ont pu persister jusqu’à une période récente dans leurs entreprises de domination sexuelle. Il faudrait aussi évoquer le silence fait autour de la multiplicité d’actes de pédocriminalité, longtemps étouffés là encore sous une omerta au sommet érigée, pourrait-on dire, en système.
Quel gâchis que ce silence des Très Hauts ! Imaginons combien ils se seraient grandis, et l’institution avec eux, si, brandissant crânement l’étendard qui devrait être le leur, l’étendard de la vertu, ils avaient – eux les premiers ! – encouragé, prêché, organisé, imposé la libération de la parole des victimes ! Autrement dit, s’ils avaient pleinement exercé leur magistère d’autorité morale. Tout simplement.
L’affaire de l’Abbé Pierre repose une énième fois la difficile question du célibat des prêtres.
Adulé puis conspué ! Adoré puis vilipendé, sinon répudié ! C’est là le cruel destin que vit aujourd’hui, après qu’il ait été porté aux nues par les Français, le nom de l’abbé Pierre, désormais voué aux gémonies.
Son délit, à en croire – et personne ne met certes en doute ici leur parole ni la véracité de leurs témoignages – de nombreuses femmes ? Agressions sexuelles, après avoir en outre profité de l’abusive emprise, tant morale que religieuse, qu’il exerçait, impunément en cette époque révolue, sur elles !
Certes, ce genre de pratiques, honteuses à plus d’un titre, s’avère-t-il hautement répréhensible et même, plus simplement encore, condamnable. Personne, ici, ne le nie, ni n’a même la moindre volonté de le minimiser ou de le relativiser en disculpant, a priori, ce célèbre prélat qui, au contraire, aurait normalement dû être, de surcroît, un incontestable modèle pour ses ouailles. Dont acte !
Maîtres censeurs plus que maîtres penseurs
Mais enfin, tout ceci étant dit et admis sans la moindre ambiguïté, devra-t-on, pour autant, rayer de nos mémoires, de nos rues comme de nos collèges, de notre histoire nationale comme de nos places publiques, le nom de celui qui, par-delà même son inacceptable comportement à l’égard de ces femmes, fut aussi, n’en déplaise à ses nouveaux détracteurs et autres maîtres censeurs, bien plus que maîtres penseurs, de tous bords, un Résistant de la première heure, durant la Seconde Guerre mondiale, contre le nazisme, avant de devenir ensuite, auréolé par sa fonction de prêtre, l’un des grands bienfaiteurs auprès des plus malheureux, faibles, pauvres et démunis au sein de la société civile ?
Certes, l’ingratitude, plus encore que ce lâche et confortable oubli de circonstance, s’avère-t-elle souvent – trop souvent, hélas – la paradoxale récompense que les hypocrites de tous poils ont la fâcheuse habitude d’attribuer sans scrupules à ceux pour qui faire le « bien », au sens moral du terme, leur tenait pourtant, au cours de leur humble parcours existentiel, d’inaliénable viatique, sinon d’impératif catégorique. Le Christ lui-même – et c’est un esprit laïc et agnostique tout à la fois qui parle ici – en sait quelque chose, lui qui, après avoir dispensé gracieusement ses bienfaits et autres bénédictions, fut finalement cloué sur la croix plus encore, à l’instar précisément de l’abbé Pierre aujourd’hui, qu’au pilori !
Double postulation simultanée : contre tout manichéisme réducteur, ou l’insondable complexité de l’âme humaine
Davantage : c’est à un étrange manichéisme, où toute nuance conceptuelle s’avère effacée de la simple raison, auquel se livre ainsi ces jours-ci, par cette quasi unanime condamnation de l’abbé Pierre, une certaine vindicte populaire, trop souvent prompte à brûler sans ménagement, et sans autres formes de procès que ses propres et seules certitudes, ses idoles du passé. Ces procureurs soudain improvisés auraient-ils donc oublié aussi, parallèlement à l’outrancière simplification de leur faculté de juger, combien le tréfonds de l’âme humaine peut parfois se révéler également – et c’est là l’un des incompressibles éléments de sa richesse intellectuelle – d’une insondable complexité ?
C’est d’ailleurs là ce qu’écrit, pour qui sait lire entre les lignes et surtout en profondeur, l’un des poètes les plus insignes de notre littérature moderne, Charles Baudelaire, pourtant impie parmi les impies nonobstant sa foncière éducation chrétienne et même catholique, dans Mon cœur mis à nu (1863), l’un de ses deux « journaux intimes » (avec Fusées). De fait, y énonce-t-il à juste titre dans le paragraphe XI, intitulé, très emblématiquement, « Double postulation simultanée » : « Il y a dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l’une vers Dieu, l’autre vers Satan. L’invocation à Dieu, ou spiritualité, est un désir de monter en grade ; celle de Satan, ou animalité, est une joie de descendre. »
Oui : à méditer, cette ultime vérité, tant philosophique que psychologique, au regard de celui, l’abbé Pierre donc, qui fut effectivement, jusqu’à ce que les récentes foudres de cette sorte de nouvelle police des mœurs ne s’abattent aussi violemment sur lui, ce « prêtre selon son cœur », comme le spécifia encore naguère le grand Baudelaire pour définir le poète, de la majorité des Français !
Un lynchage médiatique assorti de wokisme idéologique
Du reste, on reliera également, en guise de complément à cette édifiante lecture, l’admirable roman, centré sur la soumission à la tentation de la chair, de Georges Bernanos, Sous le soleil de Satan (1926), magnifiquement adapté, au cinéma par Maurice Pialat en 1987 et dont le rôle principal fut par ailleurs interprété, de manière non moins magistrale, par – autre récente victime de semblable lynchage mâtiné d’un très idéologique et même sectaire wokisme (l’abominable cancel culture, assortie de ses absurdes « déconstructions » de certains de nos mythes les plus ancrés) – un certain Gérard Depardieu…
Paix donc, malgré cette chasse aux sorcières qu’orchestre de plus en plus ouvertement le dictatoriale bien-pensance de notre pseudo-modernité, à son âme, puisque, mort et enterré depuis dix-sept ans maintenant, il n’a même plus le droit de s’expliquer ni, le cas échéant, de se défendre ou même de s’excuser ! Oui : il est aujourd’hui de prétendus tribunaux populaires ou médiatiques, mal nommés « moraux » ou « civils », qui ont les rances et même nauséabonds relents, d’ancienne et sinistre mémoire, d’inquisition moyenâgeuse sous le fallacieux prétexte de progressisme civilisationnel. Quant à l’authentique pardon, vertu pourtant intrinsèque à la charité chrétienne, ces apparentes bonnes âmes n’en connaissent manifestement pas la transcendantale (à défaut de céleste ou divine) signification, ni le véritable prix. Il faut, pour cela, plus de noblesse d’esprit, de profonde humanité, du sens de la compassion et de générosité d’âme !
Le célibat des prêtres, contraire à la nature humaine ?
Enfin, last but not least, peut-être l’Église catholique elle-même, qui n’est certes pas exempte de responsabilité dans ce genre de dérives sexuelles dont s’est rendu coupable l’abbé Pierre, devrait-elle enfin reconsidérer, sinon carrément annuler sur le plan doctrinal, l’obligatoire et aberrant célibat des prêtres, en tous points contraire aux exigences et pulsions les plus irréductibles de la nature humaine !
Le fondateur du site « Islam & Info », Elias d’Imzalène, déjà visé par une fiche S depuis 2021, a été filmé appelant à « mener l’intifada à Paris » afin de « libérer Jérusalem » lors d’une manifestation propalestinienne, ce dimanche. Selon Europe 1, il a ses entrées chez LFI et à Bruxelles. Quand il ne détourne pas la cause palestinienne, il passe le plus clair de son temps à lutter pour le voile ou contre l »islamophobie » en France.
Dimanche 8 septembre, place de la Nation, à Paris. Lors d’une manifestation propalestinienne intitulée « 11 mois de génocide… stop !», organisée par le collectif « Urgence Palestine », l’un des intervenants s’est fait remarquer à la suite de propos incitant les Parisiens à mener l’« intifada » dans la capitale(voir notre vidéo, en fin d’article).
Incendiaire
Il s’agit d’Elias d’Imzalène, fondateur du site « Islam et Info ». Ce militant islamiste apparait comme l’un des leaders du mouvement Urgence Palestine. Il est également cité dans une note des renseignements ayant motivé la fermeture de la mosquée de Torcy en 2017. Cette mosquée était considérée comme un foyer extrémiste, enseignant le combat contre « les mécréants » et encourageant le djihad.
L’islamiste fiché S, Elias d’Imzalène, qui a appelé à l’intifada dans Paris, a défilé juste derrière deux députés LFI, M. Portes et Mme Hassan. Et c’est pas la première fois, qu’il se retrouve aux cotés de députés #LFI. https://t.co/jWEavmawbfpic.twitter.com/ubiTXVXzgP
Elias Imzalène a donc appelé les manifestants à mener une intifada à Paris. « Est-ce qu’on est prêts à mener l’intifada dans Paris ? Dans nos banlieues ? Dans nos quartiers ? » a-t-il demandé lors de son discours, devant une foule en liesse qui acquiesçait en chœur. « La voie de la libération… démarre de Paris » a-t-il hurlé, avant d’annoncer que « bientôt, Jérusalem sera libérée et nous pourrons prier au masjid al-Aqsa (la mosquée al-Aqsa, à Jérusalem) ». Et de poursuivre : « Le génocide a des complices. Ils s’appellent Biden, ils s’appellent Macron, Macron le voleur d’élections, n’est-ce pas ? On les connaît les voleurs, qui habitent à l’Élysée et à Matignon. On les connaît. Et est-ce qu’on est prêts à les virer, eux aussi ? », a-t-il demandé aux manifestants.
Ressentiment post-colonial
De nombreux enfants de l’immigration du Maghreb et d’Afrique subsaharienne ont été élevés dans leur famille et ailleurs, y compris dans certaines mosquées, dans le ressentiment post-colonial. Souvent inconscients de ce qu’ils portent en eux, ils traduisent un esprit de revanche, aggravé et renforcé par la violence qu’ils voient dans le cercle familial et dans le quartier. Les parents ont entendu depuis plusieurs dizaines d’années la litanie d’une France raciste et excluante et qui, de plus, a colonisé le pays d’origine. Ils se voient victimes de discriminations de la part de ce peuple qui a colonisé leurs grands-parents. La guerre d’Algérie et la lutte des indépendances ne sont pas terminées. Le combat pour la Palestine sert de prétexte et de support à ces ressentiments.
Plus encore, il se passe dans notre pays, toutes proportions gardées, à peu près ce qui a lieu au Proche-Orient. Israël également est considérée par la jeunesse des pays arabes comme une puissance colonisatrice qui a volé une terre qui ne lui appartient pas. Cet apartheid qu’on impute à Israël, c’est celui que ressent cette jeunesse de nos quartiers en France-même. Ici comme là-bas, c’est le même ressentiment, la même plainte, la même envie à l’égard de ceux qui ont tout et qui les privent de tout. Là-bas comme ici, la réalité est ignorée au profit d’une propagande victimaire et revancharde. « La police qui tue », c’est l’équivalent de Tsahal dans les territoires « occupés », comme le sont pour beaucoup de ces jeunes leurs quartiers également occupés par les institutions d’un État illégitime. Comment ne pas voir cette ressemblance inquiétante dans les motivations de ces jeunes qui n’hésitent pas à affronter les forces de l’ordre d’un pays qu’ils ne veulent pas respecter, dans beaucoup des vingt-quatre mille refus d’obtempérer par an ? Comment ne pas voir dans ce terrorisme qui a frappé au Bataclan, à Nice et ailleurs, dans ces attaques au couteau qui se multiplient, dans ces agressions pour un regard, une cigarette refusée, une expression de cette haine et de cet esprit de revanche qui ont longtemps couvé et qui éclatent désormais au grand jour ?
Comment peut-on tolérer que de tels propos soient tenus publiquement? Comment ? https://t.co/4VMJPJh4dz
Anne Hidalgo a bien le droit de prendre un arrêté municipal pour limiter la vitesse sur le périphérique parisien. Mais, c’est l’État qui posera les radars et sanctionnera les dépassements de vitesse… De son côté, Valérie Pécresse demande à la Mairie de Paris de renoncer à sa décision, et affirme que le périphérique «n’est pas un axe parisien, mais un axe d’intérêt régional dont 80% des usagers n’habitent pas Paris». Commentaire.
Madame la Maire de Paris, Anne Hidalgo, est une femme qui sait faire preuve d’autorité. Elle vient de le montrer. À partir du 1er octobre, la vitesse autorisée sur le périphérique de la capitale sera de 50km/h au lieu de 70 aujourd’hui. Cela « relève de ma décision » a-t-elle jugé bon de préciser, histoire de bien faire comprendre que, en ces matières, le chef – pardon, la cheffe ! – c’est elle. Et elle seule, non mais !
Je vais vous dire, c’est beau l’autorité si crânement affirmée, si utilement mise en œuvre. 50 km/h et non 70. On frise l’audace révolutionnaire. On est au bord du coup de force autocratique. Pour un peu, on admirerait… Imaginons un instant que la même détermination soit mise en parole, en musique et surtout en actes pour, par exemple, endiguer la déferlante de drogue dans la capitale, la multiplication des squats, ou pour mener à bien l’éradication des (inhumains) campements de migrants qui, justement, me rapporte-t-on, se reforment à peine la flamme olympique soufflée. Et puis, il y a les obstinés de la cambriole qui trouvent ici, dirait-on, une sorte de terrain de jeu tout à fait épatant. Ça n’arrête pas. Soit ils sont en grand nombre et ceci expliquerait cela, soit ils ne sont pas aussi nombreux qu’on pourrait le penser et, dans ce cas, tant d’ardeur au turbin mériterait bien quelques éloges, voire une récompense, genre médaille de la Ville, puisque l’attribuer relève aussi de la décision de la dame sus-évoquée.
Non, rien de tout cela : on se contentera d’exercer une implacable fermeté sur la limitation de vitesse sur le périphérique. Monsieur Philippe nous avait déjà fait le coup de l’autorité sans faille, mais plutôt à la campagne, lui, avec son 80 à l’heure, condamnant de ce fait l’automobiliste à une somnolence dont on s’est bien gardé d’évaluer l’incidence accidentogène (comme on dit quand on se la joue technocrate). Rien de changé en fait, l’automobiliste demeure la cible privilégiée. Pour le 50 hidalgien comme pour le 80 philippien.
Pourquoi tant de vigueur et de rigueur à ce haut niveau de la pyramide politique pour, au fond, des sujets plutôt secondaires ? Tout simplement parce que, me semble-t-il, à l’image du boulevard parisien, leur pouvoir n’est plus que périphérique. Ils n’ont plus la main sur les grandes choses, les grandes affaires, les domaines de première importance, sur ce qui a une véritable et profonde influence sur la vie du pays et des gens. On pourrait penser que cela leur a échappé et leur échappe de plus en plus à mesure que le temps passe. On en arriverait presque à soupçonner que les choix, les décisions déterminantes pour aujourd’hui et demain se prennent ailleurs. Il ne leur resterait donc plus, oui, qu’un pouvoir périphérique, s’exerçant sur de petites choses pour des enjeux plutôt limités. À ce train-là, on peut tout craindre de leur prochaine crise d’autorité. Un permis piéton spécial franchissement des Grands Boulevards, peut-être ?
Le boss de Facebook Mark Zuckerberg a offert à sa femme une curieuse statue.
En permettant aux internautes de retrouver leurs anciens amis et de partager avec eux leurs photos souvenirs, le milliardaire Mark Zuckerberg a construit sa fortune. On ne sait pas vraiment s’il considère Facebook comme un nouvel empire, mais en 2018 « Zuck » a confié au New Yorker qu’il admirait l’empereur Auguste au point de donner ce prénom à l’une de ses enfants. Aussi, pour immortaliser son épouse, Priscilla Chan, il a bien sûr eu une idée plus grandiose qu’un vulgaire cliché photographique. Le 13 août, il s’est vanté sur Instagram d’avoir « renouvelé la tradition romaine des sculptures de femmes », en présentant au monde la statue la représentant qu’il venait d’offrir à sa chère et tendre.
Une œuvre des plus bizarres, en réalité. Mesurant plus de deux mètres de haut, comme si elle était destinée au Forum romain, l’œuvre, commandée à un certain Daniel Arsham, fait plutôt penser à la femme du personnage de dessin animé Shreck, ou à la performance de Philippe Katerine lors la cérémonie d’ouverture des JO. Beaucoup d’internautes l’ont qualifiée de « creepy », mot anglais qui veut dire à la fois « sinistre » et « pervers ». Le style de la statue n’est donc pas vraiment romain, et l’ensemble est d’un mauvais goût qu’on pourrait qualifier de « Silicon kitsch ». Où entreposer une statue aussi massive si nos nouveaux riches venaient à s’en lasser ? Étant donné le nombre de leurs propriétés, Priscilla aura l’embarras du choix. Elle pourra même la planquer dans l’abri atomique post-apocalyptique de 450 mètres carrés, autosuffisant en énergie et en nourriture, que son chéri vient de faire construire à Hawaï. Il faut bien qu’épouser le milliardaire le plus ennuyeux de la planète ait quelques avantages. Cependant, quand les Martiens découvriront la Terre après l’apocalypse, on peut douter qu’ils regarderont la statue avec le même enthousiasme que nous les vestiges de l’Empire romain.
En exclusivité, voici un exemple de courrier-type pour contester efficacement tout avis de contravention abusif dans la capitale, et même ailleurs en France. Résultat garanti… ou pas.
Madame, Monsieur l’officier du ministère public.
Je viens de recevoir une amende, que je trouve particulièrement amère.
Paris a beaucoup de charme, mais aussi quelques désagréments, surtout quand on ose encore rouler à quatre roues. Ce qui, au train où vont les choses, sera bientôt passible du Tribunal pénal international.
Il faut quasiment être un super héros de nos jours pour ne jamais être verbalisé dans la plus belle ville du monde. Un bref moment d’inattention et vous êtes flashé à 32 au lieu de 30 km/h, pendant qu’un cycliste vous double après avoir brûlé son 26e feu rouge de la journée (au moins a-t-il la délicatesse de ne pas vous tirer la langue au passage). Vous souhaitez simplement acheter une baguette, mais ne trouvez aucune place de stationnement disponible à trois kilomètres à la ronde, à moins d’opter pour une place de parking qui vous coûtera quatre fois le prix de votre miche de pain, sans compter le temps (pas le pain) perdu. Du coup, vous tentez le tout pour le tout en espérant que, sur un malentendu, ça peut marcher : vous vous rangez deux minutes en warning à un endroit qui ne gêne personne. Hélas, ça ne marche pas à tous les coups…
Bref, je paie toujours mes contraventions quand j’ai fauté, pour ne pas dire déchatté, en bon citoyen français, râleur mais docile. Je ne paierai en revanche pas, quoi qu’il en coûte comme dirait l’autre, celle que je viens de recevoir. Je vous la fais courte. Fin août dernier, je récupère chez le médecin ma vieille mère qui, du haut de ses 75 balais, ressemble de plus en plus à celle d’Anthony Perkins dans Psychose, mais que j’aime par-dessus tout. On n’a qu’une maman. Des médicaments lui ayant été prescrits par son rebouteux, je me dirige illico vers la pharmacie située place Daumesnil et me retrouve alors dans la même situation que le gars qui veut du pain. Zéro place dispo. Craignant que l’apothicaire ne me ferme la porte au nez vue l’heure tardive (19h58, comme mentionné sur l’avis de contravention), j’opte pour le plan B, celui avec le warning dans un endroit qui ne gêne personne, d’autant que la place Daumesnil est très large. Et avec maman sur le siège passager au cas où. L’opération visiblement illicite doit durer à tout casser 3-4 minutes. À mon retour, je tombe sur un policier municipal véhiculé qui a peut-être vu là une occasion rêvée d’arrondir ses fins de mois. Comme je suis un humaniste, un ami du genre humain, je ne suis pas plus inquiet que cela et me dis que ma brève explication-justification au gardien de la paix – et de la place – l’aura convaincu de ne pas m’infliger une contredanse pour si peu. Ma naïveté me perdra.
Il y a quelque chose d’orwellien, voire d’ubuesque, en tout cas qui ne tourne plus rond dans notre beau pays aujourd’hui. À l’heure où d’innombrables délinquants (voleurs, agresseurs, braqueurs, guetteurs, que sais-je enco(eu)re se voient intimer un simple rappel à la loi désormais plus subtilement nommé « avertissement pénal probatoire », sans débourser le moindre rond et sans autre forme de procès, comment accepter qu’un automobiliste, plutôt bien fait de sa personne qui plus est, doive s’acquitter de la pas très modeste somme de 135 euros pour s’être simplement garé guère plus de 240 secondes (j’ai pris ma calculette) en warning, sans entraver le moins du monde la circulation de quiconque. Je sais que les agents municipaux bénéficient de primes à la fin du mois, en fonction du nombre de verbalisations qu’ils ont perpétrées… pardon, signées. Cette pratique ne donne-elle pas lieu à certaines dérives ? Vous remercierez en tout cas de ma part l’agent verbalisateur 126…1, un sacré numéro celui-ci, dont l’empathie et la mansuétude semblent inversement proportionnelles à la promptitude dans l’exécution d’une prune.
Au-delà de la colère et du désarroi que j’ai pu ressentir dans un premier temps à la réception de cette amende décidément bien amère, je me suis permis de vous narrer ma mésaventure en ne lésinant ni sur l’esprit de dérision, ni sur cet humour que mon ado de fille, allez savoir pourquoi, trouve souvent si lourd. J’espère que vous ne m’en voudrez pas. Vous pouvez même vous estimer heureux : après vous avoir parlé de ma mère et de ma fille, je n’ai pas évoqué ma femme et le reste de ma famille. Comme le disait Alphonse (Allais, pas mon voisin) : ne nous prenons pas au sérieux, il n’y aura aucun survivant.
J’espère que mon argumentaire imparable vous incitera à faire preuve d’une certaine indulgence à mon égard, celle-là même dont votre collègue assermenté et numéroté paraît dénué. Sachant qu’en cas de réponse négative, et sans aucunement vouloir vous mettre la pression, je suis prêt à faire valoir mes droits jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme si nécessaire. Voire à me faire hara-kiri, question de principe.
Veuillez recevoir, Madame, Monsieur l’officier du ministère public, patati, patata…
Les révélations sur l’Abbé Pierre se poursuivent. Le regard libre d’Elisabeth Lévy.
Affaire Abbé Pierre. Peut-on juger un mort ? Désolée de vous décevoir, mais je préfère vous prévenir tout de suite : je n’ai pas de réponse claire à cette question. Je suis même embarrassée. D’abord, je précise que je n’ai aucune sympathie particulière pour l’Abbé Pierre depuis longtemps, un parce que je me méfie des communicants de la charité (que ta main droite ignore ce que fait ta main gauche… etc), ensuite parce qu’il avait fermement défendu son ami négationniste Garaudy (et ça, il le revendiquait). Disons-le par euphémisme : l’abbé n’était pas un grand sympathisant des juifs. Bref, je n’ai jamais idolâtré l’Abbé Pierre. Par ailleurs, les témoignages que nous découvrons sur son comportement passé sont complétement accablants.
Révélations post-mortem
Il y a d’abord eu début juillet le rapport de l’entreprise de Caroline de Haas[1], avec sept femmes qui déclaraient avoir subi des agressions et des comportements inappropriés entre 1970 et 2005. Hier, la « cellule d’investigation » de Radio France apporte son nouveau lot de révélations sur une vingtaine de victimes[2] (il y est là notamment carrément question d’un viol pour une femme, et une autre affaire concerne une mineure). On apprend aussi qu’en mai 1955, un voyage de l’Abbé aux Etats-Unis et au Canada a été écourté dans des conditions assez rocambolesques pour cause de scandales sexuels. Il aurait plus tard été exfiltré dans une clinique psychiatrique en Suisse. Ses relations « ambigües » avec les femmes, comme disent ses anciens proches, étaient donc connues. Martin Hirsch, qui a lui-même dirigé la fondation Abbé Pierre, parlait d’un « secret d’Emmaüs ». Évidemment, ces nouvelles informations ont suscité une condamnation générale, et la course à l’échalote de la révélation reprend… Tout le monde veut faire valoir son témoignage. Quant à la Fondation Abbé Pierre-Emmaüs, elle décide de changer de nom. C’est compréhensible : c’est ce que ferait n’importe quelle marque prise dans ce type de tourmente.
Mais alors pourquoi sommes-nous un peu gênés ?
Premièrement, on a beau trouver ces histoires de l’Abbé tout à fait déplorables, comme toujours, observons que nous jugeons un homme d’hier et des comportements d’hier avec nos critères d’aujourd’hui. Dans les années 50, ces comportements n’étaient pas jugés de la même façon qu’aujourd’hui par la société. Hier, on voulait étouffer ces scandales, en particulier dans l’Église. Les langues se délient alors que la statue est déjà tombée.
Ensuite, nous mélangeons agressions sexuelles présumées (voire un cas de viol présumé) et des liaisons. L’abbé Pierre était une star ; il attirait certaines femmes, certaines lui couraient après. Concernant ces fameuses « liaisons », c’est sûrement une transgression de la loi divine, mais cela ne veut pas dire qu’il a forcément agressé toutes les femmes concernées. Devant la Justice, l’Abbé Pierre pourrait se défendre, et un juge lui demanderait de s’expliquer. Il pourrait expliquer comment il en est arrivé à ces comportements, donner sa version, parler de son enfance ou de ses pulsions, que sais-je. Mais dans un procès post-mortem, il n’y a pas de défense. Donc c’est un lynchage. Et tout le monde rivalise dans l’indignation sans risque, puisque plus on est sévère, plus on est vertueux.
Je t’écoute ≠ je te crois
Vous me direz qu’on porte aussi des jugements sur Napoléon ou Attila. Le temps a fait son œuvre. Peut-être, mais Henri Grouès, en revanche, n’est pas tout à fait un personnage historique encore. Il faut donc écouter les victimes présumées, mais aussi avoir le courage de leur dire la vérité : elles n’obtiendront jamais justice. On ne condamne pas un mort. Cette affaire doit également nous faire réfléchir. Cet homme était une icône, il figurait parmi les personnalités préférées des Français pendant des années. Cela devrait au moins nous inciter à être plus regardants sur les vendeurs de bons sentiments dont nous faisons des idoles. On peut être un symbole humanitaire et un sale type.
Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio
Retrouvez Elisabeth Lévy, la directrice de Causeur, dans la matinale animée par Jean-Jacques Bourdin.
Le PS, tiraillé entre la social-démocratie et les sirènes révolutionnaires, cultive un complexe moral et intellectuel vis-à-vis de LFI. Le parti de Jean-Luc Mélenchon est devenu le moteur d’une famille politique déchirée, tout juste capable de s’entendre quand ses intérêts électoraux convergent.
Quel lien y a-t-il entre un Jean-Luc Mélenchon hégémonique qui, au soir du deuxième tour des législatives, a martelé sur un ton rageur « le Nouveau Front populaire appliquera son programme, rien que son programme, mais tout son programme » et un Raphaël Glucksmann, qui veut rompre avec LFI et souhaite, dans son interview au Point, « tourner la page Macron et Mélenchon » ? Qu’est-ce qui les rassemble par-delà cette improbable tambouille électorale qui a permis un résultat que seul un scrutin à la proportionnelle intégrale aurait enrayé ?
Quand le Nouveau Front populaire se mettait d’accord pour soutenir Mme Castets
Le choix du NFP de Lucie Castets pour Matignon en dit long sur le climat de folie qui s’est emparé de toute la classe politique, de l’impasse dans laquelle elle se trouve. Cette parfaite inconnue, énarque non élue de la Ville de Paris, est devenue l’improbable point de convergence d’une gauche réunie, mais incapable de désigner l’un de ses leaders. Parce que tous lorgnent sur 2027. Et peu importe si ces temps agités exigent plus que jamais un Premier ministre populaire, prompt à rassurer, capable d’affronter la tempête dans l’Hémicycle.
Le cartel électoral du Nouveau Front populaire, qui a permis à ses composantes (LFI, PS, PCF, Écologistes) de sauver un grand nombre de fauteuils de députés lors des dernières élections législatives et de briguer le poste de Premier ministre, nous a offert, depuis, le spectacle déplorable de ses profondes divisions. La photo de ses leaders se rendant tous ensemble à l’Élysée, après des semaines de manigances et d’invectives publiques, pendant la « parenthèse magique » des JO, n’est pas sans rappeler l’image ironique des protagonistes du film de Luis Buñuel, Le Charme discret de la bourgeoisie, marchant côte à côte sur une route isolée, unis malgré eux par-delà leurs déchirements et leurs frasques.
Il est loin, le temps où François Mitterrand régnait sur le pays durant deux septennats, moyennant tout de même deux cohabitations. La dénonciation, dans Le Coup d’État permanent (Plon), d’une dérive toute-puissante de la pratique du pouvoir, celle à ses yeux du général de Gaulle, remonte déjà à soixante ans ! Le leader socialiste la jugeait trop éloignée du président-arbitre voulu, selon lui, par l’esprit de la Constitution de 1958. Il faut se remettre en mémoire que François Mitterrand a réussi à se faire élire en 1981 à la faveur d’un programme commun, avec pour principal allié le tout-puissant Parti communiste français. Le PCF, alors mené d’une main de fer soviétique par l’hypermédiatique Georges Marchais, pesait encore plus de 4 millions de voix. Nous étions alors en pleine guerre froide, dans un monde hermétiquement séparé par un rideau de fer. Le 10 mai, 51,75 % des électeurs disaient oui aux 110 propositions du candidat de l’union de la gauche, soit à la louche un électeur sur deux, ce qui portait en soi le germe de futures alternances. François Mitterrand a réussi à faire voter l’abolition de la peine de mort, avancée sociétale majeure, une loi de nationalisation de grandes entreprises dans des secteurs stratégiques comme la sidérurgie, l’armement, l’espace, la finance, ou encore un programme ambitieux de réindustrialisation, abandonné deux années plus tard, rattrapé par la réalité économique et la crise. Le rêve commun des socialistes, communistes et radicaux de gauche sombra dans le tournant de la rigueur.
La France connaissait donc déjà, il y a quarante ans, une vie politique chavirée, parfois chaotique, valsant d’un bord à l’autre, marquée par une présidentialisation excessive. C’est le passage à l’élection au suffrage universel direct du président de la République, validé par le référendum de 1962, qui a tout changé. Les pouvoirs, de fait, ont été concentrés à l’Élysée. Aucun président n’a résisté à cette « hyperprésidentialisation », pas même ceux qui l’ont critiquée, de François Mitterrand à François Hollande. Ce qui est reproché à Emmanuel Macron, mais aussi à Nicolas Sarkozy avant lui, n’est que la continuation d’une dérive constatée chez tous leurs prédécesseurs, y compris le fondateur de Ve République.
Il est indéniable que la gauche a porté un certain nombre de transformations importantes au cours de ses différentes périodes au pouvoir. La réduction du temps de travail, proposition numéro 23 en 1981, mesure clivante dans l’opinion, évidemment soutenue par ceux qui en bénéficient, s’est faite en deux étapes : d’abord, en 1982, le passage à 39 heures ; puis, vingt années plus tard, l’instauration complète des 35 heures par Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité du gouvernement de Lionel Jospin, Premier ministre d’un quinquennat de cohabitation imposé au président Jacques Chirac à la suite de sa dissolution ratée de 1997. La gauche pouvait alors gouverner grâce à sa nette victoire et une majorité de 319 députés à l’Assemblée nationale, dont 250 socialistes et apparentés. Le seul PS comptait alors bien plus de députés que chacun des trois grands blocs qui constituent l’actuel Hémicycle. À titre de comparaison, le NFP qui a revendiqué la victoire en cette année 2024 plafonne à 193 élus, dont 72 seulement estampillés La France insoumise.
Les législatives, pas de vainqueurs, que des vaincus
Nous en arrivons au grand enseignement de ce scrutin-surprise de « clarification » voulu par le président Emmanuel Macron, à l’aune de ce que nous avons connu il y a un quart de siècle : il n’y a pas de vainqueur, que des vaincus. Le NFP, bricolage de deuxième tour censé briser une irrépressible vague Rassemblement national, a certes gagné le plus grand nombre d’élus – mais avec un peu moins de 10 millions de voix au premier tour contre plus de 10,5 millions pour le seul RN, grand perdant du scrutin. Le parti présidentiel Ensemble pour la République, arrivé deuxième, n’a pas réussi à retrouver de majorité absolue, expression évidente d’une sanction sévère de la politique du chef de l’État. Et la droite républicaine, issue de la grande famille gaulliste, réduite au rôle d’éventuel supplétif avec une quarantaine de sièges seulement, a activé le mode survie.
Mais comment donc le NFP peut-il alors revendiquer cette victoire par défaut, qui ne résiste pas une seconde à la réalité des chiffres, « succès » fondé sur des calculs d’appareils et des retraits tactiques circonscription par circonscription ? Les électeurs sont en droit de se sentir massivement lassés, floués ou encore en colère, c’est selon, face à une classe politique boutiquière et au spectacle qu’elle donne dans les médias. Ils ont donc pu, une fois de plus, pointer un système en décalage, qui n’avance plus, et un mode de scrutin qui ne traduit plus exactement l’état de l’opinion publique.
La vraie question posée aujourd’hui, au regard de ce qui a été accompli par le passé, est non pas de se demander si la gauche, déjà largement défaite aux élections européennes qui ont précédé, s’y étant présentée en ordre dispersé, a gagné ces législatives, mais si elle a encore aujourd’hui… des idées.
Le programme mis sur la table, largement d’inspiration insoumise, propose le SMIC à 1 600 euros net, 14 tranches d’impôt sur le revenu, le rétablissement de l’ISF, la suppression de la « flat tax », l’abrogation de la réforme des retraites, de celle de l’assurance-chômage, l’abrogation de la loi immigration accompagnée de régularisations massives… De quoi braquer le Parlement ! En toile de fond se profile la bataille du budget, premier crash-test du nouveau gouvernement post-législatives. Gabriel Attal, Premier ministre sortant, dans ses lettres plafonds envoyées dans les ministères, avait maintenu un niveau de dépenses de l’État identique à celui prévu pour 2024. Là où le NFP veut engager une hausse importante des dépenses publiques, qu’il entend compenser par des hausses d’impôts pour les « ultra-riches », les entreprises, les successions, les transactions financières… Comment revendiquer un tel programme validé par 28 % seulement des électeurs ? Quel serait le niveau d’acceptabilité sociale d’un projet accepté par moins d’un Français sur trois ? Que devient le fait majoritaire, élément constitutif de notre vie démocratique au détour d’un scrutin incompris et sans résultat réel, avec une France insoumise qui menace le président de destitution et rejette toute idée de gouvernement d’union nationale et de grande coalition, y compris avec les partis qui ont participé au « front républicain » contre le RN ?
Et puis il y a eu LA ligne de fracture majeure, qui aurait dû rendre impossible tout accord NFP aux législatives : LFI qui, en grande partie, a refusé de qualifier de terroriste l’attaque du 7 octobre perpétrée par le Hamas contre Israël, préférant parler d’acte de résistance pour ce qui aura été l’élément déclenchant de l’inéluctable et terrible guerre menée en réponse par Tsahal à Gaza, avec les ravages que l’on sait au sein de la population civile palestinienne. Les prises de position antisionistes et pro-Hamas répétées de Rima Hassan, élue députée européenne insoumise, ont semé le trouble à gauche. Le sujet a été largement invisibilisé le temps d’une campagne, parce que certains élus ne voulaient pas perdre leur siège. Et tant pis s’ils y ont laissé un morceau de leur âme, toute honte bue. La gauche raisonnable doit également prendre ses distances avec cette vague wokiste insistante, qui a notamment abdiqué devant un frérisme musulman conquérant, désireux d’imposer en France un voile qui va à l’encontre du combat des femmes pour une liberté si chèrement acquise. Sans parler des grands élus des communautés urbaines qui ne supportent plus ce fatras idéologique pesant, mais ne peuvent plus se passer des voix insoumises, dans la perspective des prochaines municipales.
La difficulté pour la gauche dite « de gouvernement », Parti socialiste en tête, est qu’elle subit le diktat d’une France insoumise qui aura su imposer sa vraie dynamique de rupture, sa capacité à produire des idées épousant le contexte de polarisation extrême du débat public.
On en arrive au mal dont souffre le PS, ce complexe intellectuel et moral vis-à-vis de LFI évoqué plus haut. Intellectuel, face à des Insoumis qui mènent le débat haut et fort, multipliant les propositions-chocs et versant régulièrement dans une radicalité théorisée par un Jean-Luc Mélenchon désireux de renverser la table, soufflant sur les braises de la colère populaire, appliquant le coup d’éclat permanent pour attirer la lumière à lui. Le PS, divisé, apathique, en est réduit à jouer la force modératrice, celle d’à côté, fermant les yeux sur les outrances, de peur d’être balayé sur le terrain électoral. Complexe moral ensuite, avec le sentiment d’avoir trahi entre 2012 et 2017 : fermeture des hauts fourneaux d’ArcelorMittal Florange, loi travail, déchéance de nationalité… le quinquennat Hollande a donné Macron, une forme d’hybridation entre la social-démocratie de François Mitterrand et le modernisme libéral de Valéry Giscard d’Estaing, dilemme mortifère.
La gauche unie telle que nous l’avons connue en 1981 et ses avatars n’existent plus. Ils ne reviendront pas. Le Parti socialiste, s’il veut renaître de ses cendres, doit se mettre au travail, renoncer à son logiciel des années 1990, tourner le dos aux compromissions, ne plus redouter les défaites. La social-démocratie, si elle veut survivre, peut s’inspirer de l’exemple étranger, la manière dont le Parti démocrate américain sait se réinventer au travers de la candidature de Kamala Harris. Il en va de la gauche comme de la politique dans son ensemble : qu’elle continue à regarder son nombril sans savoir « parler aux gens » et l’élection de 2027 sera pliée. Front républicain ou pas. La digue cédera.
Mardi 10 septembre la LFP (Ligue de Football Professionnel) a réélu à sa tête Vincent Labrune, un président forcément empêché: les vrais dirigeants sont les investisseurs étrangers qui ont racheté la majorité des clubs français, une OPA qui a décidé le Sénat à ouvrir une enquête.
Connaissez-vous l’honorable James Zhou ? En 2016 cet homme d’affaires chinois a racheté l’AJ Auxerre, le club bourguignon dont l’emblématique Guy Roux a assuré la notoriété pendant 44 ans… À Marseille, c’est l’Américain Frank McCourt qui est aujourd’hui propriétaire de l’OM, dont Bernard Tapie avait fait un grand d’Europe. Du côté de Saint-Etienne, les Verts, légendes des années 70, sont désormais la propriété du groupe canadien Kilmer Sports. Dans la capitale des Gaules, Jean-Michel Aulas, président du club durant 36 ans, a fini par vendre l’Olympique lyonnais à l’Américain John Textor. Promenade des Anglais, le big boss de l’OGC Nice est of course le très british sir Jim Ratcliffe. À Monaco, c’est le Russe Dmitri Rybolovlev qui dirige le club de la principauté. Le Havre, doyen des clubs français, est tombée dans l’escarcelle de l’Américain Vincent Volpe. À Paris, depuis 1991 le Qatar préside aux destinées du PSG, qu’il s’est offert pour le prestige d’associer l’émirat à la ville-lumière.
Venez comme vous êtes…
Strasbourg et Toulouse ont été rachetés par BlueCo et RedBird, des groupes d’investisseurs américains, Lille par un fonds de placement luxembourgeois. Le RC Lens appartient à un Franco-libano-arménien, le FC Nantes à un Franco-polonais, le SCO Angers à un Franco-algérien… Bref, sur les 18 clubs qui participent à la ligue 1, le championnat de France de football organisé par la LFP, il n’y a que quatre clubs qui naviguent sous pavillon français, Montpellier, Brest, Reims et Rennes.
Pour couronner le tout, le championnat a pour nom officiel « la ligue McDonald’s », les matches sont diffusés en France par le groupe anglais DAZN, et pour sauver les meubles, la LFP s’est associée au fonds luxembourgeois CVC, qui a avancé 1,5 milliard d’euros dans l’affaire, ce qui fait de ce groupe le grand argentier du foot français.
Sur le terrain, les étrangers sont également majoritaires. D’après le site autorisé Transfertmarket, sur les 494 joueurs qui participent à la saison 24/25, 298 sont étrangers, soit 60,3%. Qui représentent 75 nationalités ! En février dernier, la Ligue donnait des exemples. Le club qui comptait alors le plus d’étrangers était l’OM : 25 sur un effectif de 37 joueurs, composant ainsi une étonnante tour de Babel avec 12 Français, 3 Camerounais, 3 Marocains, 3 Sénégalais, 2 Argentins, 2 Belges, 2 Espagnols, 2 Suisses, 1 Anglais, 1 Brésilien, 1 Centrafricain, 1 Congolais, 1 Ivoirien, 1 Gabonais, 1 Panaméen et 1 Portugais !
Paradoxe : les meilleurs joueurs français évoluent à l’étranger, où ils touchent des salaires mirobolants que les clubs français (sauf le PSG qatari) ne peuvent leur offrir. Lors du dernier Euro de football, disputé en juin dernier, sur les 25 joueurs sélectionnés en équipe de France, 17 étaient sous-contrat à l’étranger…
L’arbitre est étranger !
Le décor ainsi planté, on peut se demander pourquoi (hormis le Qatar qui a investi à Paris pour valoriser son image) les investisseurs étrangers misent sur un foot français qui n’est rentable ni au niveau sportif (depuis l’OM de Tapie en 93 et le PSG de Canal Plus en 96, aucun club français n’a gagné une coupe d’Europe), ni sur le plan financier, puisque tous les clubs sont sur la corde raide, à l’exception du PSG qatari.
En revanche, on observe que ces investisseurs multiplient les transferts, je vends quatre joueurs et j’en achète cinq, ou inversement, flux et reflux d’argent permanents, avec des transactions où des commissions sont systématiquement versées, à des intermédiaires dont les comptes numérotés à l’étranger peuvent cacher l’identité des réels bénéficiaires.
Dans d’autres secteurs, comme les casinos ou les sites asiatiques de paris, on parlerait de machine à laver l’argent sale… Mais dans le foot, c’est bien connu, il n’y a pas de matches truqués, pas de dopage, pas de blanchiment d’argent…
Le Sénat a néanmoins jugé nécessaire de diligenter une commission d’enquête « sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français », dont les conclusions seront connues dans six mois.
À en croire médias et réseaux sociaux, les Américains sont au bord de la guerre civile. Des sujets de société tels que l’avortement et le port d’armes séparent les démocrates des républicains. Cependant, derrière les effets de manche et les concours d’invectives, leurs états-majors ont compris que les électeurs aspirent à un certain centrisme.
Si on se fie aux discours publics du personnel politique américain, la détestation entre le Parti républicain et le Parti démocrate est à son comble aux États-Unis.
Le Parti républicain, qui sert depuis plusieurs générations de maison commune aux conservateurs, s’est éloigné de sa tradition calme et pondérée, pour se transformer en cohorte de soutien au mouvement MAGA (« Make America Great Again »), conformément au slogan proposé par le génie du marketing Donald Trump. De sorte que la majorité des responsables républicains d’aujourd’hui se proclament anti-inclusifs, anti-clandestins, anti-avortement, anti-confinement, pro-armes à feu (« pro-gun »), parfois pro-Poutine et toujours pro-Israël.
Le Parti démocrate, quant à lui, patrie présumée des ouvriers, des minorités pauvres et des élites libérales, est obsédé par l’inclusion raciale et sexuelle, prône la régularisation des sans-papiers et veut bien sûr autoriser l’IVG à l’échelle fédérale. Les dirigeants démocrates sont généralement pro-Ukraine, parfois pro-Gaza et souvent excédés par Israël. Tous sont favorables à la réglementation des armes à feu.
Le temps est révolu où les deux appareils se contentaient d’éprouver l’un envers l’autre un sentiment de supériorité bonhomme, comme dans le cadre d’un championnat sportif. L’heure est aujourd’hui à la haine réciproque.
La promotion des politiques dites de « Diversity Equity Inclusion » en question dans les deux camps
Cependant, cette haine commence à paraître artificiellement exagérée. Derrière la surenchère des propos d’estrade et des posts sur les réseaux sociaux, les électorats sont en train de se ramollir discrètement. Certes, la « base » de Trump ne démobilise pas, menée par la quinzaine de députés presque plus trumpiens que Trump lui-même, j’ai nommé le « Freedom Caucus », dont les vingt membres n’ont pas suscité de nouveaux ralliements. Quant aux démocrates, ils étaient, il est vrai encore récemment, en proie au gauchisme le plus caricatural. Mais depuis quelques semaines, la modération politique de Kamala Harris s’est imposée dans les rangs du parti. Les députés wokes, qui forment une « squad » de neuf membres, dont Ilhan Omar, Rashida Tlaib et Alexandria Ocasio-Cortez, n’ont plus le vent en poupe. Il n’y aura d’ailleurs bientôt plus que sept « squadistes », puisque deux des moins connus ont perdu leur investiture, au profit de collègues plus modérés.
Dès le lendemain de l’attentat contre Trump, quand Biden a appelé à la retenue, les états-majors ont pris conscience de l’aspiration des Américains à davantage de centrisme. On peut gager que la victoire du 5 novembre reviendra à celui des deux candidats qui l’aura le mieux compris, et saura le mieux réorienter sa propagande. Certes, de nombreux sujets continuent de diviser violemment les Américains. Parmi eux : le droit à l’avortement ; la promotion des politiques dites de « Diversity Equity Inclusion », « DEI », nouveau nom de la discrimination positive ; la nécessité pour les mâles blancs hétérosexuels de faire repentance à l’égard des Noirs, des femmes, des minorités sexuelles et des Amérindiens ; la transidentité (« pas d’hommes dans le sport féminin », a notamment déclaré Trump) ; la question palestinienne ; l’expulsion massive des clandestins ; le confinement, le port du masque et l’imposition du vaccin en cas de recrudescence du Covid-19.
Notons que, s’agissant des armes à feu, le débat est sans objet, la victoire politique appartenant d’ores et déjà aux conservateurs, malgré une tendance contraire au sein de l’opinion. Environ 60 % des Américains sont favorables à une régulation accrue de la vente et de la détention d’armes, les autres sondés étant soit favorables aux quelques contrôles légers existants ou carrément contre toute régulation. Les candidats conservateurs, inconditionnellement financés par le lobby des armes, estiment que toute restriction sur l’achat d’une arme est liberticide, y compris les procédures banales de vérification de casier judiciaire. Tout candidat favorable même à de légères restrictions voit sa campagne minée par le lobby des armes. Jamais le Congrès n’est parvenu à voter une réelle régulation, si bien que tout le monde peut facilement acheter un AR-15, le fusil automatique dont s’est servi le tireur qui a atteint Donald Trump à l’oreille en juillet.
Donald Trump et son colistier le sénateur de l’Ohio, J. D. Vance, à la convention républicaine de Milwaukee, 16 juillet 2024 Photo: Annabelle Gordon/CNP Photo/SIPA
Il faut aussi mentionner un autre point de division entre les Américains : la question de la centralisation du pouvoir. De nombreux habitants des États du Sud, ces territoires qui ont résisté à la déségrégation raciale dans les années 1960, sont attachés à la notion de « States Rights » (les droits des 50 États). Leur problème actuel est de mettre fin à l’interventionnisme fédéral progressiste sur les questions sociétales comme celle de l’IVG. Or, pour son hypothétique deuxième mandat, Donald Trump semble ambitionner lui aussi de renforcer les pouvoirs de la Maison-Blanche et de Washington. Les documents de campagne disponibles sur la plateforme officielle du parti républicain et le « Project 2025 » édité par le think tank conservateur The Heritage Foundation recommandent un interventionnisme présidentiel hypermusclé. Dans ce dossier, les marqueurs idéologiques sont en train d’évoluer, voire de s’inverser : les républicains MAGA semblent résolus à ne distribuer que quelques vagues pouvoirs symboliques aux États fédérés tout en instituant de nouvelles prérogatives fédérales. Pour l’heure, les autonomistes conservateurs n’ont ni le temps ni l’envie d’aller jusqu’au bout de la question. Ils auront tout loisir d’y penser plus tard en cas de victoire de leur candidat.
Aujourd’hui les invectives demeurent donc encore au cœur du discours des candidats. Mais pour combien de temps encore, et avec quelle intensité ? Pour Donald Trump, Kamala Harris est une « gauchiste radicale » et une corrompue puisque Joe Biden l’est aussi à ses yeux. De son côté, Harris dépeint Trump comme un harceleur sexuel, un escroc et un séditieux, en plus d’être un ennemi des minorités sexuelles et ethniques. Biden lui-même répétait sans cesse que Trump était un menteur.
À l’étage du dessous, c’est-à-dire si on se penche sur le cas des deux candidats à la vice-présidence, le démocrate Tim Walz et le républicain J. D. Vance, c’est une autre musique qui se joue : chacun rivalise dans l’art de paraître plus rural-populiste que l’autre.
Walz et Vance, colistiers scrutés par l’opinion publique américaine
Tim Walz, colistier de Kamala Harris et gouverneur démocrate du Minnesota, est un progressiste pur sucre. Cet ancien instituteur, militaire de réserve, chasseur et pêcheur, issu d’une famille modeste d’agriculteurs, a pratiquement interdit la « thérapie de conversion » dans son État, c’est-à-dire la pratique consistant à changer des homosexuels en hétérosexuels. Il est également favorable à l’avortement comme droit pour toute femme. Enfin, après la mort de George Floyd en 2020, il a rétabli l’ordre public en mobilisant de son propre chef la garde nationale. Ce faisant, il a essayé de se créer une niche : quelqu’un qui sait être de gauche sans être entièrement relié à la cause woke. Il renoue avec une vieille tradition de bon sens populaire du Midwest.
Face à lui, J. D. Vance, sénateur de l’Ohio, élevé par une mère célibataire accro aux opiacés et à l’alcool, met en avant son passage dans les US Marines. Après quelques années comme juriste, il a écrit en 2016 un livre remarqué, Hillbilly Elegy (littéralement : « Élégie pour les ploucs montagnards »), dans lequel il présente Trump comme un usurpateur trompant les pauvres Blancs du Sud. Mais au bout de quelques années, Vance a opéré une volte-face spectaculaire, pour devenir un fervent soutien du milliardaire… Un revirement dont il n’a pas honte. Bien au contraire, le docteur en droit de l’université de Yale est un adepte de la « rédemption ». Le 17 juillet, dans son discours à la convention de Milwaukee, qui l’a désigné colistier de Donald Trump, il a d’ailleurs salué la guérison de sa mère, « propre et sobre depuis dix ans ». Des paroles typiques de la religion évangélique dans laquelle il a été élevé ; mais pour le moins étonnantes quand on sait que Vance s’est converti au catholicisme et a épousé une juriste hindoue.
Autre point de divergences entre démocrates et républicains : l’environnement. Trump qualifie d’arnaque les mesures écologiques de Biden, alors que les emplois verts ne cessent de se multiplier aux États-Unis. Pour lui, les automobiles électriques, celles-là mêmes qui sont fabriquées par son sympathisant Elon Musk, le patron de Tesla, sont une aberration économique… Côté démocrate, Kamala Harris vante les mérites des énergies renouvelables, et parle d’indépendance énergétique internationale, non sans accents nationalistes.
Les Américains des deux bords peuvent-ils s’y retrouver en fin de compte ? Sur l’avortement, une majorité d’Américains dans tous les sondages sont favorables au droit de choisir pour les femmes. Pendant combien de temps l’interdiction rampante introduite par la Cour suprême peut-elle être maintenue ? Il est vrai que Donald Trump lui-même rétropédale : il ne souhaite plus une loi fédérale interdisant l’IVG, renvoyant dès lors la décision à chaque État fédéré.
Le 6 août 2024 à Philadelphie, lors de son premier meeting de campagne, Tim Walz a répété un message qu’il ne cessait de déclamer depuis plusieurs semaines : les républicains sont « weird » (« bizarres »). « Vance est allé à l’université de Yale, c’est ça un homme du peuple ? a-t-il notamment déclaré. Lui et Trump sont diablement weird. » Un mot qui a fait mouche dans les sondages. Depuis, Trump et Vance tentent de retourner le weird contre l’envoyeur, mais même les commentateurs de la chaîne conservatrice Fox News estiment que cette tactique n’a pas marché.
Ce qui est vraiment weird, c’est plutôt la faille grandissante entre les attentes des Américains raisonnables des deux bords, et la propagande clivante des candidats. Y a-t-il vraiment deux Amériques qui se haïssent à mort ? Beaucoup le pensent. Une moitié des Américains, sondés en mai par une étude conduite par l’Institut Rasmussen, redoutent que des violences armées se produisent dans le pays de leur vivant. La tension exacerbée entre les états-majors de droite et de gauche peut-elle aboutir à un scénario de guerre de Sécession (1861-1865) ? Possible, mais de moins en moins plausible. Les Américains ne semblent pas désireux de s’entretuer comme en 1861-1865. Ils ont vu le résultat : 700 000 morts.
Évoquant ce qu’il est convenu désormais d’appeler « l’affaire Abbé Pierre », Élisabeth Lévy a mille fois raison lorsqu’elle écrit : « On ne condamne pas un mort »[1]. Hélas, il n’est guère davantage concevable de juger et condamner le silence devant une quelconque instance judiciaire. Le silence de la hiérarchie. Celle de l’Église de Rome en l’occurrence, l’entre soi des Très Hauts. Car on sait désormais que ces Très Hauts étaient au courant. Cela au moins depuis le séjour américain brusquement interrompu pour cause de « comportement inapproprié » et plus encore depuis la décision d’envoyer l’intéressé se soumettre à des soins dans un établissement suisse ad hoc.
D’autres institutions ou corporations, face à des transgressions comparables, les ont, elles aussi, hypocritement enfouies sous la chape du silence. Les mondes de l’école, de la politique, du cinéma, des médias, du sport, etc. Certes, mais aucune de ces communautés ne prétend devoir sa légitimité au culte de la vertu, au respect d’une exigence morale dont elles se voudraient être à la fois l’incarnation et la voix. L’Église si. De plus, concernant cette dernière, recourir à l’argument historique selon quoi on ne portait pas hier sur ces choses le même regard qu’aujourd’hui ne tient guère. Depuis ses tout premiers temps, l’Église s’est posée en contemptrice intransigeante du « fameux commerce charnel » et de ses dérives. Dans le même mouvement, elle en désignait la responsable principale, la femme.
La femme coupable de mille maux qui, énoncent doctement les dominicains Institoris et Srenger dans le Malleus Maleficarum – (Le Marteau des Sorcières – 1486) – « proviennent de la passion charnelle qui en elle est insatiable. » On pourrait multiplier à l’infini ce genre de références textuelles. Ce n’est donc pas le vent de l’époque ou l’air du temps qui serait venu, récemment, sensibiliser l’institution à ces sujets.
Dès les années cinquante, en très haut lieu on savait donc pour l’abbé Pierre. De même qu’on savait au sujet d’une autre affaire, plus saisissante encore, celle dont les tristes héros sont les frères Philippe, tous deux dominicains, et qui, bien que démasqués – et plus ou moins condamnés – dès ces mêmes années, ont pu persister jusqu’à une période récente dans leurs entreprises de domination sexuelle. Il faudrait aussi évoquer le silence fait autour de la multiplicité d’actes de pédocriminalité, longtemps étouffés là encore sous une omerta au sommet érigée, pourrait-on dire, en système.
Quel gâchis que ce silence des Très Hauts ! Imaginons combien ils se seraient grandis, et l’institution avec eux, si, brandissant crânement l’étendard qui devrait être le leur, l’étendard de la vertu, ils avaient – eux les premiers ! – encouragé, prêché, organisé, imposé la libération de la parole des victimes ! Autrement dit, s’ils avaient pleinement exercé leur magistère d’autorité morale. Tout simplement.
L’affaire de l’Abbé Pierre repose une énième fois la difficile question du célibat des prêtres.
Adulé puis conspué ! Adoré puis vilipendé, sinon répudié ! C’est là le cruel destin que vit aujourd’hui, après qu’il ait été porté aux nues par les Français, le nom de l’abbé Pierre, désormais voué aux gémonies.
Son délit, à en croire – et personne ne met certes en doute ici leur parole ni la véracité de leurs témoignages – de nombreuses femmes ? Agressions sexuelles, après avoir en outre profité de l’abusive emprise, tant morale que religieuse, qu’il exerçait, impunément en cette époque révolue, sur elles !
Certes, ce genre de pratiques, honteuses à plus d’un titre, s’avère-t-il hautement répréhensible et même, plus simplement encore, condamnable. Personne, ici, ne le nie, ni n’a même la moindre volonté de le minimiser ou de le relativiser en disculpant, a priori, ce célèbre prélat qui, au contraire, aurait normalement dû être, de surcroît, un incontestable modèle pour ses ouailles. Dont acte !
Maîtres censeurs plus que maîtres penseurs
Mais enfin, tout ceci étant dit et admis sans la moindre ambiguïté, devra-t-on, pour autant, rayer de nos mémoires, de nos rues comme de nos collèges, de notre histoire nationale comme de nos places publiques, le nom de celui qui, par-delà même son inacceptable comportement à l’égard de ces femmes, fut aussi, n’en déplaise à ses nouveaux détracteurs et autres maîtres censeurs, bien plus que maîtres penseurs, de tous bords, un Résistant de la première heure, durant la Seconde Guerre mondiale, contre le nazisme, avant de devenir ensuite, auréolé par sa fonction de prêtre, l’un des grands bienfaiteurs auprès des plus malheureux, faibles, pauvres et démunis au sein de la société civile ?
Certes, l’ingratitude, plus encore que ce lâche et confortable oubli de circonstance, s’avère-t-elle souvent – trop souvent, hélas – la paradoxale récompense que les hypocrites de tous poils ont la fâcheuse habitude d’attribuer sans scrupules à ceux pour qui faire le « bien », au sens moral du terme, leur tenait pourtant, au cours de leur humble parcours existentiel, d’inaliénable viatique, sinon d’impératif catégorique. Le Christ lui-même – et c’est un esprit laïc et agnostique tout à la fois qui parle ici – en sait quelque chose, lui qui, après avoir dispensé gracieusement ses bienfaits et autres bénédictions, fut finalement cloué sur la croix plus encore, à l’instar précisément de l’abbé Pierre aujourd’hui, qu’au pilori !
Double postulation simultanée : contre tout manichéisme réducteur, ou l’insondable complexité de l’âme humaine
Davantage : c’est à un étrange manichéisme, où toute nuance conceptuelle s’avère effacée de la simple raison, auquel se livre ainsi ces jours-ci, par cette quasi unanime condamnation de l’abbé Pierre, une certaine vindicte populaire, trop souvent prompte à brûler sans ménagement, et sans autres formes de procès que ses propres et seules certitudes, ses idoles du passé. Ces procureurs soudain improvisés auraient-ils donc oublié aussi, parallèlement à l’outrancière simplification de leur faculté de juger, combien le tréfonds de l’âme humaine peut parfois se révéler également – et c’est là l’un des incompressibles éléments de sa richesse intellectuelle – d’une insondable complexité ?
C’est d’ailleurs là ce qu’écrit, pour qui sait lire entre les lignes et surtout en profondeur, l’un des poètes les plus insignes de notre littérature moderne, Charles Baudelaire, pourtant impie parmi les impies nonobstant sa foncière éducation chrétienne et même catholique, dans Mon cœur mis à nu (1863), l’un de ses deux « journaux intimes » (avec Fusées). De fait, y énonce-t-il à juste titre dans le paragraphe XI, intitulé, très emblématiquement, « Double postulation simultanée » : « Il y a dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l’une vers Dieu, l’autre vers Satan. L’invocation à Dieu, ou spiritualité, est un désir de monter en grade ; celle de Satan, ou animalité, est une joie de descendre. »
Oui : à méditer, cette ultime vérité, tant philosophique que psychologique, au regard de celui, l’abbé Pierre donc, qui fut effectivement, jusqu’à ce que les récentes foudres de cette sorte de nouvelle police des mœurs ne s’abattent aussi violemment sur lui, ce « prêtre selon son cœur », comme le spécifia encore naguère le grand Baudelaire pour définir le poète, de la majorité des Français !
Un lynchage médiatique assorti de wokisme idéologique
Du reste, on reliera également, en guise de complément à cette édifiante lecture, l’admirable roman, centré sur la soumission à la tentation de la chair, de Georges Bernanos, Sous le soleil de Satan (1926), magnifiquement adapté, au cinéma par Maurice Pialat en 1987 et dont le rôle principal fut par ailleurs interprété, de manière non moins magistrale, par – autre récente victime de semblable lynchage mâtiné d’un très idéologique et même sectaire wokisme (l’abominable cancel culture, assortie de ses absurdes « déconstructions » de certains de nos mythes les plus ancrés) – un certain Gérard Depardieu…
Paix donc, malgré cette chasse aux sorcières qu’orchestre de plus en plus ouvertement le dictatoriale bien-pensance de notre pseudo-modernité, à son âme, puisque, mort et enterré depuis dix-sept ans maintenant, il n’a même plus le droit de s’expliquer ni, le cas échéant, de se défendre ou même de s’excuser ! Oui : il est aujourd’hui de prétendus tribunaux populaires ou médiatiques, mal nommés « moraux » ou « civils », qui ont les rances et même nauséabonds relents, d’ancienne et sinistre mémoire, d’inquisition moyenâgeuse sous le fallacieux prétexte de progressisme civilisationnel. Quant à l’authentique pardon, vertu pourtant intrinsèque à la charité chrétienne, ces apparentes bonnes âmes n’en connaissent manifestement pas la transcendantale (à défaut de céleste ou divine) signification, ni le véritable prix. Il faut, pour cela, plus de noblesse d’esprit, de profonde humanité, du sens de la compassion et de générosité d’âme !
Le célibat des prêtres, contraire à la nature humaine ?
Enfin, last but not least, peut-être l’Église catholique elle-même, qui n’est certes pas exempte de responsabilité dans ce genre de dérives sexuelles dont s’est rendu coupable l’abbé Pierre, devrait-elle enfin reconsidérer, sinon carrément annuler sur le plan doctrinal, l’obligatoire et aberrant célibat des prêtres, en tous points contraire aux exigences et pulsions les plus irréductibles de la nature humaine !
Le fondateur du site « Islam & Info », Elias d’Imzalène, déjà visé par une fiche S depuis 2021, a été filmé appelant à « mener l’intifada à Paris » afin de « libérer Jérusalem » lors d’une manifestation propalestinienne, ce dimanche. Selon Europe 1, il a ses entrées chez LFI et à Bruxelles. Quand il ne détourne pas la cause palestinienne, il passe le plus clair de son temps à lutter pour le voile ou contre l »islamophobie » en France.
Dimanche 8 septembre, place de la Nation, à Paris. Lors d’une manifestation propalestinienne intitulée « 11 mois de génocide… stop !», organisée par le collectif « Urgence Palestine », l’un des intervenants s’est fait remarquer à la suite de propos incitant les Parisiens à mener l’« intifada » dans la capitale(voir notre vidéo, en fin d’article).
Incendiaire
Il s’agit d’Elias d’Imzalène, fondateur du site « Islam et Info ». Ce militant islamiste apparait comme l’un des leaders du mouvement Urgence Palestine. Il est également cité dans une note des renseignements ayant motivé la fermeture de la mosquée de Torcy en 2017. Cette mosquée était considérée comme un foyer extrémiste, enseignant le combat contre « les mécréants » et encourageant le djihad.
L’islamiste fiché S, Elias d’Imzalène, qui a appelé à l’intifada dans Paris, a défilé juste derrière deux députés LFI, M. Portes et Mme Hassan. Et c’est pas la première fois, qu’il se retrouve aux cotés de députés #LFI. https://t.co/jWEavmawbfpic.twitter.com/ubiTXVXzgP
Elias Imzalène a donc appelé les manifestants à mener une intifada à Paris. « Est-ce qu’on est prêts à mener l’intifada dans Paris ? Dans nos banlieues ? Dans nos quartiers ? » a-t-il demandé lors de son discours, devant une foule en liesse qui acquiesçait en chœur. « La voie de la libération… démarre de Paris » a-t-il hurlé, avant d’annoncer que « bientôt, Jérusalem sera libérée et nous pourrons prier au masjid al-Aqsa (la mosquée al-Aqsa, à Jérusalem) ». Et de poursuivre : « Le génocide a des complices. Ils s’appellent Biden, ils s’appellent Macron, Macron le voleur d’élections, n’est-ce pas ? On les connaît les voleurs, qui habitent à l’Élysée et à Matignon. On les connaît. Et est-ce qu’on est prêts à les virer, eux aussi ? », a-t-il demandé aux manifestants.
Ressentiment post-colonial
De nombreux enfants de l’immigration du Maghreb et d’Afrique subsaharienne ont été élevés dans leur famille et ailleurs, y compris dans certaines mosquées, dans le ressentiment post-colonial. Souvent inconscients de ce qu’ils portent en eux, ils traduisent un esprit de revanche, aggravé et renforcé par la violence qu’ils voient dans le cercle familial et dans le quartier. Les parents ont entendu depuis plusieurs dizaines d’années la litanie d’une France raciste et excluante et qui, de plus, a colonisé le pays d’origine. Ils se voient victimes de discriminations de la part de ce peuple qui a colonisé leurs grands-parents. La guerre d’Algérie et la lutte des indépendances ne sont pas terminées. Le combat pour la Palestine sert de prétexte et de support à ces ressentiments.
Plus encore, il se passe dans notre pays, toutes proportions gardées, à peu près ce qui a lieu au Proche-Orient. Israël également est considérée par la jeunesse des pays arabes comme une puissance colonisatrice qui a volé une terre qui ne lui appartient pas. Cet apartheid qu’on impute à Israël, c’est celui que ressent cette jeunesse de nos quartiers en France-même. Ici comme là-bas, c’est le même ressentiment, la même plainte, la même envie à l’égard de ceux qui ont tout et qui les privent de tout. Là-bas comme ici, la réalité est ignorée au profit d’une propagande victimaire et revancharde. « La police qui tue », c’est l’équivalent de Tsahal dans les territoires « occupés », comme le sont pour beaucoup de ces jeunes leurs quartiers également occupés par les institutions d’un État illégitime. Comment ne pas voir cette ressemblance inquiétante dans les motivations de ces jeunes qui n’hésitent pas à affronter les forces de l’ordre d’un pays qu’ils ne veulent pas respecter, dans beaucoup des vingt-quatre mille refus d’obtempérer par an ? Comment ne pas voir dans ce terrorisme qui a frappé au Bataclan, à Nice et ailleurs, dans ces attaques au couteau qui se multiplient, dans ces agressions pour un regard, une cigarette refusée, une expression de cette haine et de cet esprit de revanche qui ont longtemps couvé et qui éclatent désormais au grand jour ?
Comment peut-on tolérer que de tels propos soient tenus publiquement? Comment ? https://t.co/4VMJPJh4dz
Anne Hidalgo a bien le droit de prendre un arrêté municipal pour limiter la vitesse sur le périphérique parisien. Mais, c’est l’État qui posera les radars et sanctionnera les dépassements de vitesse… De son côté, Valérie Pécresse demande à la Mairie de Paris de renoncer à sa décision, et affirme que le périphérique «n’est pas un axe parisien, mais un axe d’intérêt régional dont 80% des usagers n’habitent pas Paris». Commentaire.
Madame la Maire de Paris, Anne Hidalgo, est une femme qui sait faire preuve d’autorité. Elle vient de le montrer. À partir du 1er octobre, la vitesse autorisée sur le périphérique de la capitale sera de 50km/h au lieu de 70 aujourd’hui. Cela « relève de ma décision » a-t-elle jugé bon de préciser, histoire de bien faire comprendre que, en ces matières, le chef – pardon, la cheffe ! – c’est elle. Et elle seule, non mais !
Je vais vous dire, c’est beau l’autorité si crânement affirmée, si utilement mise en œuvre. 50 km/h et non 70. On frise l’audace révolutionnaire. On est au bord du coup de force autocratique. Pour un peu, on admirerait… Imaginons un instant que la même détermination soit mise en parole, en musique et surtout en actes pour, par exemple, endiguer la déferlante de drogue dans la capitale, la multiplication des squats, ou pour mener à bien l’éradication des (inhumains) campements de migrants qui, justement, me rapporte-t-on, se reforment à peine la flamme olympique soufflée. Et puis, il y a les obstinés de la cambriole qui trouvent ici, dirait-on, une sorte de terrain de jeu tout à fait épatant. Ça n’arrête pas. Soit ils sont en grand nombre et ceci expliquerait cela, soit ils ne sont pas aussi nombreux qu’on pourrait le penser et, dans ce cas, tant d’ardeur au turbin mériterait bien quelques éloges, voire une récompense, genre médaille de la Ville, puisque l’attribuer relève aussi de la décision de la dame sus-évoquée.
Non, rien de tout cela : on se contentera d’exercer une implacable fermeté sur la limitation de vitesse sur le périphérique. Monsieur Philippe nous avait déjà fait le coup de l’autorité sans faille, mais plutôt à la campagne, lui, avec son 80 à l’heure, condamnant de ce fait l’automobiliste à une somnolence dont on s’est bien gardé d’évaluer l’incidence accidentogène (comme on dit quand on se la joue technocrate). Rien de changé en fait, l’automobiliste demeure la cible privilégiée. Pour le 50 hidalgien comme pour le 80 philippien.
Pourquoi tant de vigueur et de rigueur à ce haut niveau de la pyramide politique pour, au fond, des sujets plutôt secondaires ? Tout simplement parce que, me semble-t-il, à l’image du boulevard parisien, leur pouvoir n’est plus que périphérique. Ils n’ont plus la main sur les grandes choses, les grandes affaires, les domaines de première importance, sur ce qui a une véritable et profonde influence sur la vie du pays et des gens. On pourrait penser que cela leur a échappé et leur échappe de plus en plus à mesure que le temps passe. On en arriverait presque à soupçonner que les choix, les décisions déterminantes pour aujourd’hui et demain se prennent ailleurs. Il ne leur resterait donc plus, oui, qu’un pouvoir périphérique, s’exerçant sur de petites choses pour des enjeux plutôt limités. À ce train-là, on peut tout craindre de leur prochaine crise d’autorité. Un permis piéton spécial franchissement des Grands Boulevards, peut-être ?
Le boss de Facebook Mark Zuckerberg a offert à sa femme une curieuse statue.
En permettant aux internautes de retrouver leurs anciens amis et de partager avec eux leurs photos souvenirs, le milliardaire Mark Zuckerberg a construit sa fortune. On ne sait pas vraiment s’il considère Facebook comme un nouvel empire, mais en 2018 « Zuck » a confié au New Yorker qu’il admirait l’empereur Auguste au point de donner ce prénom à l’une de ses enfants. Aussi, pour immortaliser son épouse, Priscilla Chan, il a bien sûr eu une idée plus grandiose qu’un vulgaire cliché photographique. Le 13 août, il s’est vanté sur Instagram d’avoir « renouvelé la tradition romaine des sculptures de femmes », en présentant au monde la statue la représentant qu’il venait d’offrir à sa chère et tendre.
Une œuvre des plus bizarres, en réalité. Mesurant plus de deux mètres de haut, comme si elle était destinée au Forum romain, l’œuvre, commandée à un certain Daniel Arsham, fait plutôt penser à la femme du personnage de dessin animé Shreck, ou à la performance de Philippe Katerine lors la cérémonie d’ouverture des JO. Beaucoup d’internautes l’ont qualifiée de « creepy », mot anglais qui veut dire à la fois « sinistre » et « pervers ». Le style de la statue n’est donc pas vraiment romain, et l’ensemble est d’un mauvais goût qu’on pourrait qualifier de « Silicon kitsch ». Où entreposer une statue aussi massive si nos nouveaux riches venaient à s’en lasser ? Étant donné le nombre de leurs propriétés, Priscilla aura l’embarras du choix. Elle pourra même la planquer dans l’abri atomique post-apocalyptique de 450 mètres carrés, autosuffisant en énergie et en nourriture, que son chéri vient de faire construire à Hawaï. Il faut bien qu’épouser le milliardaire le plus ennuyeux de la planète ait quelques avantages. Cependant, quand les Martiens découvriront la Terre après l’apocalypse, on peut douter qu’ils regarderont la statue avec le même enthousiasme que nous les vestiges de l’Empire romain.
En exclusivité, voici un exemple de courrier-type pour contester efficacement tout avis de contravention abusif dans la capitale, et même ailleurs en France. Résultat garanti… ou pas.
Madame, Monsieur l’officier du ministère public.
Je viens de recevoir une amende, que je trouve particulièrement amère.
Paris a beaucoup de charme, mais aussi quelques désagréments, surtout quand on ose encore rouler à quatre roues. Ce qui, au train où vont les choses, sera bientôt passible du Tribunal pénal international.
Il faut quasiment être un super héros de nos jours pour ne jamais être verbalisé dans la plus belle ville du monde. Un bref moment d’inattention et vous êtes flashé à 32 au lieu de 30 km/h, pendant qu’un cycliste vous double après avoir brûlé son 26e feu rouge de la journée (au moins a-t-il la délicatesse de ne pas vous tirer la langue au passage). Vous souhaitez simplement acheter une baguette, mais ne trouvez aucune place de stationnement disponible à trois kilomètres à la ronde, à moins d’opter pour une place de parking qui vous coûtera quatre fois le prix de votre miche de pain, sans compter le temps (pas le pain) perdu. Du coup, vous tentez le tout pour le tout en espérant que, sur un malentendu, ça peut marcher : vous vous rangez deux minutes en warning à un endroit qui ne gêne personne. Hélas, ça ne marche pas à tous les coups…
Bref, je paie toujours mes contraventions quand j’ai fauté, pour ne pas dire déchatté, en bon citoyen français, râleur mais docile. Je ne paierai en revanche pas, quoi qu’il en coûte comme dirait l’autre, celle que je viens de recevoir. Je vous la fais courte. Fin août dernier, je récupère chez le médecin ma vieille mère qui, du haut de ses 75 balais, ressemble de plus en plus à celle d’Anthony Perkins dans Psychose, mais que j’aime par-dessus tout. On n’a qu’une maman. Des médicaments lui ayant été prescrits par son rebouteux, je me dirige illico vers la pharmacie située place Daumesnil et me retrouve alors dans la même situation que le gars qui veut du pain. Zéro place dispo. Craignant que l’apothicaire ne me ferme la porte au nez vue l’heure tardive (19h58, comme mentionné sur l’avis de contravention), j’opte pour le plan B, celui avec le warning dans un endroit qui ne gêne personne, d’autant que la place Daumesnil est très large. Et avec maman sur le siège passager au cas où. L’opération visiblement illicite doit durer à tout casser 3-4 minutes. À mon retour, je tombe sur un policier municipal véhiculé qui a peut-être vu là une occasion rêvée d’arrondir ses fins de mois. Comme je suis un humaniste, un ami du genre humain, je ne suis pas plus inquiet que cela et me dis que ma brève explication-justification au gardien de la paix – et de la place – l’aura convaincu de ne pas m’infliger une contredanse pour si peu. Ma naïveté me perdra.
Il y a quelque chose d’orwellien, voire d’ubuesque, en tout cas qui ne tourne plus rond dans notre beau pays aujourd’hui. À l’heure où d’innombrables délinquants (voleurs, agresseurs, braqueurs, guetteurs, que sais-je enco(eu)re se voient intimer un simple rappel à la loi désormais plus subtilement nommé « avertissement pénal probatoire », sans débourser le moindre rond et sans autre forme de procès, comment accepter qu’un automobiliste, plutôt bien fait de sa personne qui plus est, doive s’acquitter de la pas très modeste somme de 135 euros pour s’être simplement garé guère plus de 240 secondes (j’ai pris ma calculette) en warning, sans entraver le moins du monde la circulation de quiconque. Je sais que les agents municipaux bénéficient de primes à la fin du mois, en fonction du nombre de verbalisations qu’ils ont perpétrées… pardon, signées. Cette pratique ne donne-elle pas lieu à certaines dérives ? Vous remercierez en tout cas de ma part l’agent verbalisateur 126…1, un sacré numéro celui-ci, dont l’empathie et la mansuétude semblent inversement proportionnelles à la promptitude dans l’exécution d’une prune.
Au-delà de la colère et du désarroi que j’ai pu ressentir dans un premier temps à la réception de cette amende décidément bien amère, je me suis permis de vous narrer ma mésaventure en ne lésinant ni sur l’esprit de dérision, ni sur cet humour que mon ado de fille, allez savoir pourquoi, trouve souvent si lourd. J’espère que vous ne m’en voudrez pas. Vous pouvez même vous estimer heureux : après vous avoir parlé de ma mère et de ma fille, je n’ai pas évoqué ma femme et le reste de ma famille. Comme le disait Alphonse (Allais, pas mon voisin) : ne nous prenons pas au sérieux, il n’y aura aucun survivant.
J’espère que mon argumentaire imparable vous incitera à faire preuve d’une certaine indulgence à mon égard, celle-là même dont votre collègue assermenté et numéroté paraît dénué. Sachant qu’en cas de réponse négative, et sans aucunement vouloir vous mettre la pression, je suis prêt à faire valoir mes droits jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme si nécessaire. Voire à me faire hara-kiri, question de principe.
Veuillez recevoir, Madame, Monsieur l’officier du ministère public, patati, patata…
Les révélations sur l’Abbé Pierre se poursuivent. Le regard libre d’Elisabeth Lévy.
Affaire Abbé Pierre. Peut-on juger un mort ? Désolée de vous décevoir, mais je préfère vous prévenir tout de suite : je n’ai pas de réponse claire à cette question. Je suis même embarrassée. D’abord, je précise que je n’ai aucune sympathie particulière pour l’Abbé Pierre depuis longtemps, un parce que je me méfie des communicants de la charité (que ta main droite ignore ce que fait ta main gauche… etc), ensuite parce qu’il avait fermement défendu son ami négationniste Garaudy (et ça, il le revendiquait). Disons-le par euphémisme : l’abbé n’était pas un grand sympathisant des juifs. Bref, je n’ai jamais idolâtré l’Abbé Pierre. Par ailleurs, les témoignages que nous découvrons sur son comportement passé sont complétement accablants.
Révélations post-mortem
Il y a d’abord eu début juillet le rapport de l’entreprise de Caroline de Haas[1], avec sept femmes qui déclaraient avoir subi des agressions et des comportements inappropriés entre 1970 et 2005. Hier, la « cellule d’investigation » de Radio France apporte son nouveau lot de révélations sur une vingtaine de victimes[2] (il y est là notamment carrément question d’un viol pour une femme, et une autre affaire concerne une mineure). On apprend aussi qu’en mai 1955, un voyage de l’Abbé aux Etats-Unis et au Canada a été écourté dans des conditions assez rocambolesques pour cause de scandales sexuels. Il aurait plus tard été exfiltré dans une clinique psychiatrique en Suisse. Ses relations « ambigües » avec les femmes, comme disent ses anciens proches, étaient donc connues. Martin Hirsch, qui a lui-même dirigé la fondation Abbé Pierre, parlait d’un « secret d’Emmaüs ». Évidemment, ces nouvelles informations ont suscité une condamnation générale, et la course à l’échalote de la révélation reprend… Tout le monde veut faire valoir son témoignage. Quant à la Fondation Abbé Pierre-Emmaüs, elle décide de changer de nom. C’est compréhensible : c’est ce que ferait n’importe quelle marque prise dans ce type de tourmente.
Mais alors pourquoi sommes-nous un peu gênés ?
Premièrement, on a beau trouver ces histoires de l’Abbé tout à fait déplorables, comme toujours, observons que nous jugeons un homme d’hier et des comportements d’hier avec nos critères d’aujourd’hui. Dans les années 50, ces comportements n’étaient pas jugés de la même façon qu’aujourd’hui par la société. Hier, on voulait étouffer ces scandales, en particulier dans l’Église. Les langues se délient alors que la statue est déjà tombée.
Ensuite, nous mélangeons agressions sexuelles présumées (voire un cas de viol présumé) et des liaisons. L’abbé Pierre était une star ; il attirait certaines femmes, certaines lui couraient après. Concernant ces fameuses « liaisons », c’est sûrement une transgression de la loi divine, mais cela ne veut pas dire qu’il a forcément agressé toutes les femmes concernées. Devant la Justice, l’Abbé Pierre pourrait se défendre, et un juge lui demanderait de s’expliquer. Il pourrait expliquer comment il en est arrivé à ces comportements, donner sa version, parler de son enfance ou de ses pulsions, que sais-je. Mais dans un procès post-mortem, il n’y a pas de défense. Donc c’est un lynchage. Et tout le monde rivalise dans l’indignation sans risque, puisque plus on est sévère, plus on est vertueux.
Je t’écoute ≠ je te crois
Vous me direz qu’on porte aussi des jugements sur Napoléon ou Attila. Le temps a fait son œuvre. Peut-être, mais Henri Grouès, en revanche, n’est pas tout à fait un personnage historique encore. Il faut donc écouter les victimes présumées, mais aussi avoir le courage de leur dire la vérité : elles n’obtiendront jamais justice. On ne condamne pas un mort. Cette affaire doit également nous faire réfléchir. Cet homme était une icône, il figurait parmi les personnalités préférées des Français pendant des années. Cela devrait au moins nous inciter à être plus regardants sur les vendeurs de bons sentiments dont nous faisons des idoles. On peut être un symbole humanitaire et un sale type.
Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio
Retrouvez Elisabeth Lévy, la directrice de Causeur, dans la matinale animée par Jean-Jacques Bourdin.
Le PS, tiraillé entre la social-démocratie et les sirènes révolutionnaires, cultive un complexe moral et intellectuel vis-à-vis de LFI. Le parti de Jean-Luc Mélenchon est devenu le moteur d’une famille politique déchirée, tout juste capable de s’entendre quand ses intérêts électoraux convergent.
Quel lien y a-t-il entre un Jean-Luc Mélenchon hégémonique qui, au soir du deuxième tour des législatives, a martelé sur un ton rageur « le Nouveau Front populaire appliquera son programme, rien que son programme, mais tout son programme » et un Raphaël Glucksmann, qui veut rompre avec LFI et souhaite, dans son interview au Point, « tourner la page Macron et Mélenchon » ? Qu’est-ce qui les rassemble par-delà cette improbable tambouille électorale qui a permis un résultat que seul un scrutin à la proportionnelle intégrale aurait enrayé ?
Quand le Nouveau Front populaire se mettait d’accord pour soutenir Mme Castets
Le choix du NFP de Lucie Castets pour Matignon en dit long sur le climat de folie qui s’est emparé de toute la classe politique, de l’impasse dans laquelle elle se trouve. Cette parfaite inconnue, énarque non élue de la Ville de Paris, est devenue l’improbable point de convergence d’une gauche réunie, mais incapable de désigner l’un de ses leaders. Parce que tous lorgnent sur 2027. Et peu importe si ces temps agités exigent plus que jamais un Premier ministre populaire, prompt à rassurer, capable d’affronter la tempête dans l’Hémicycle.
Le cartel électoral du Nouveau Front populaire, qui a permis à ses composantes (LFI, PS, PCF, Écologistes) de sauver un grand nombre de fauteuils de députés lors des dernières élections législatives et de briguer le poste de Premier ministre, nous a offert, depuis, le spectacle déplorable de ses profondes divisions. La photo de ses leaders se rendant tous ensemble à l’Élysée, après des semaines de manigances et d’invectives publiques, pendant la « parenthèse magique » des JO, n’est pas sans rappeler l’image ironique des protagonistes du film de Luis Buñuel, Le Charme discret de la bourgeoisie, marchant côte à côte sur une route isolée, unis malgré eux par-delà leurs déchirements et leurs frasques.
Il est loin, le temps où François Mitterrand régnait sur le pays durant deux septennats, moyennant tout de même deux cohabitations. La dénonciation, dans Le Coup d’État permanent (Plon), d’une dérive toute-puissante de la pratique du pouvoir, celle à ses yeux du général de Gaulle, remonte déjà à soixante ans ! Le leader socialiste la jugeait trop éloignée du président-arbitre voulu, selon lui, par l’esprit de la Constitution de 1958. Il faut se remettre en mémoire que François Mitterrand a réussi à se faire élire en 1981 à la faveur d’un programme commun, avec pour principal allié le tout-puissant Parti communiste français. Le PCF, alors mené d’une main de fer soviétique par l’hypermédiatique Georges Marchais, pesait encore plus de 4 millions de voix. Nous étions alors en pleine guerre froide, dans un monde hermétiquement séparé par un rideau de fer. Le 10 mai, 51,75 % des électeurs disaient oui aux 110 propositions du candidat de l’union de la gauche, soit à la louche un électeur sur deux, ce qui portait en soi le germe de futures alternances. François Mitterrand a réussi à faire voter l’abolition de la peine de mort, avancée sociétale majeure, une loi de nationalisation de grandes entreprises dans des secteurs stratégiques comme la sidérurgie, l’armement, l’espace, la finance, ou encore un programme ambitieux de réindustrialisation, abandonné deux années plus tard, rattrapé par la réalité économique et la crise. Le rêve commun des socialistes, communistes et radicaux de gauche sombra dans le tournant de la rigueur.
La France connaissait donc déjà, il y a quarante ans, une vie politique chavirée, parfois chaotique, valsant d’un bord à l’autre, marquée par une présidentialisation excessive. C’est le passage à l’élection au suffrage universel direct du président de la République, validé par le référendum de 1962, qui a tout changé. Les pouvoirs, de fait, ont été concentrés à l’Élysée. Aucun président n’a résisté à cette « hyperprésidentialisation », pas même ceux qui l’ont critiquée, de François Mitterrand à François Hollande. Ce qui est reproché à Emmanuel Macron, mais aussi à Nicolas Sarkozy avant lui, n’est que la continuation d’une dérive constatée chez tous leurs prédécesseurs, y compris le fondateur de Ve République.
Il est indéniable que la gauche a porté un certain nombre de transformations importantes au cours de ses différentes périodes au pouvoir. La réduction du temps de travail, proposition numéro 23 en 1981, mesure clivante dans l’opinion, évidemment soutenue par ceux qui en bénéficient, s’est faite en deux étapes : d’abord, en 1982, le passage à 39 heures ; puis, vingt années plus tard, l’instauration complète des 35 heures par Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité du gouvernement de Lionel Jospin, Premier ministre d’un quinquennat de cohabitation imposé au président Jacques Chirac à la suite de sa dissolution ratée de 1997. La gauche pouvait alors gouverner grâce à sa nette victoire et une majorité de 319 députés à l’Assemblée nationale, dont 250 socialistes et apparentés. Le seul PS comptait alors bien plus de députés que chacun des trois grands blocs qui constituent l’actuel Hémicycle. À titre de comparaison, le NFP qui a revendiqué la victoire en cette année 2024 plafonne à 193 élus, dont 72 seulement estampillés La France insoumise.
Les législatives, pas de vainqueurs, que des vaincus
Nous en arrivons au grand enseignement de ce scrutin-surprise de « clarification » voulu par le président Emmanuel Macron, à l’aune de ce que nous avons connu il y a un quart de siècle : il n’y a pas de vainqueur, que des vaincus. Le NFP, bricolage de deuxième tour censé briser une irrépressible vague Rassemblement national, a certes gagné le plus grand nombre d’élus – mais avec un peu moins de 10 millions de voix au premier tour contre plus de 10,5 millions pour le seul RN, grand perdant du scrutin. Le parti présidentiel Ensemble pour la République, arrivé deuxième, n’a pas réussi à retrouver de majorité absolue, expression évidente d’une sanction sévère de la politique du chef de l’État. Et la droite républicaine, issue de la grande famille gaulliste, réduite au rôle d’éventuel supplétif avec une quarantaine de sièges seulement, a activé le mode survie.
Mais comment donc le NFP peut-il alors revendiquer cette victoire par défaut, qui ne résiste pas une seconde à la réalité des chiffres, « succès » fondé sur des calculs d’appareils et des retraits tactiques circonscription par circonscription ? Les électeurs sont en droit de se sentir massivement lassés, floués ou encore en colère, c’est selon, face à une classe politique boutiquière et au spectacle qu’elle donne dans les médias. Ils ont donc pu, une fois de plus, pointer un système en décalage, qui n’avance plus, et un mode de scrutin qui ne traduit plus exactement l’état de l’opinion publique.
La vraie question posée aujourd’hui, au regard de ce qui a été accompli par le passé, est non pas de se demander si la gauche, déjà largement défaite aux élections européennes qui ont précédé, s’y étant présentée en ordre dispersé, a gagné ces législatives, mais si elle a encore aujourd’hui… des idées.
Le programme mis sur la table, largement d’inspiration insoumise, propose le SMIC à 1 600 euros net, 14 tranches d’impôt sur le revenu, le rétablissement de l’ISF, la suppression de la « flat tax », l’abrogation de la réforme des retraites, de celle de l’assurance-chômage, l’abrogation de la loi immigration accompagnée de régularisations massives… De quoi braquer le Parlement ! En toile de fond se profile la bataille du budget, premier crash-test du nouveau gouvernement post-législatives. Gabriel Attal, Premier ministre sortant, dans ses lettres plafonds envoyées dans les ministères, avait maintenu un niveau de dépenses de l’État identique à celui prévu pour 2024. Là où le NFP veut engager une hausse importante des dépenses publiques, qu’il entend compenser par des hausses d’impôts pour les « ultra-riches », les entreprises, les successions, les transactions financières… Comment revendiquer un tel programme validé par 28 % seulement des électeurs ? Quel serait le niveau d’acceptabilité sociale d’un projet accepté par moins d’un Français sur trois ? Que devient le fait majoritaire, élément constitutif de notre vie démocratique au détour d’un scrutin incompris et sans résultat réel, avec une France insoumise qui menace le président de destitution et rejette toute idée de gouvernement d’union nationale et de grande coalition, y compris avec les partis qui ont participé au « front républicain » contre le RN ?
Et puis il y a eu LA ligne de fracture majeure, qui aurait dû rendre impossible tout accord NFP aux législatives : LFI qui, en grande partie, a refusé de qualifier de terroriste l’attaque du 7 octobre perpétrée par le Hamas contre Israël, préférant parler d’acte de résistance pour ce qui aura été l’élément déclenchant de l’inéluctable et terrible guerre menée en réponse par Tsahal à Gaza, avec les ravages que l’on sait au sein de la population civile palestinienne. Les prises de position antisionistes et pro-Hamas répétées de Rima Hassan, élue députée européenne insoumise, ont semé le trouble à gauche. Le sujet a été largement invisibilisé le temps d’une campagne, parce que certains élus ne voulaient pas perdre leur siège. Et tant pis s’ils y ont laissé un morceau de leur âme, toute honte bue. La gauche raisonnable doit également prendre ses distances avec cette vague wokiste insistante, qui a notamment abdiqué devant un frérisme musulman conquérant, désireux d’imposer en France un voile qui va à l’encontre du combat des femmes pour une liberté si chèrement acquise. Sans parler des grands élus des communautés urbaines qui ne supportent plus ce fatras idéologique pesant, mais ne peuvent plus se passer des voix insoumises, dans la perspective des prochaines municipales.
La difficulté pour la gauche dite « de gouvernement », Parti socialiste en tête, est qu’elle subit le diktat d’une France insoumise qui aura su imposer sa vraie dynamique de rupture, sa capacité à produire des idées épousant le contexte de polarisation extrême du débat public.
On en arrive au mal dont souffre le PS, ce complexe intellectuel et moral vis-à-vis de LFI évoqué plus haut. Intellectuel, face à des Insoumis qui mènent le débat haut et fort, multipliant les propositions-chocs et versant régulièrement dans une radicalité théorisée par un Jean-Luc Mélenchon désireux de renverser la table, soufflant sur les braises de la colère populaire, appliquant le coup d’éclat permanent pour attirer la lumière à lui. Le PS, divisé, apathique, en est réduit à jouer la force modératrice, celle d’à côté, fermant les yeux sur les outrances, de peur d’être balayé sur le terrain électoral. Complexe moral ensuite, avec le sentiment d’avoir trahi entre 2012 et 2017 : fermeture des hauts fourneaux d’ArcelorMittal Florange, loi travail, déchéance de nationalité… le quinquennat Hollande a donné Macron, une forme d’hybridation entre la social-démocratie de François Mitterrand et le modernisme libéral de Valéry Giscard d’Estaing, dilemme mortifère.
La gauche unie telle que nous l’avons connue en 1981 et ses avatars n’existent plus. Ils ne reviendront pas. Le Parti socialiste, s’il veut renaître de ses cendres, doit se mettre au travail, renoncer à son logiciel des années 1990, tourner le dos aux compromissions, ne plus redouter les défaites. La social-démocratie, si elle veut survivre, peut s’inspirer de l’exemple étranger, la manière dont le Parti démocrate américain sait se réinventer au travers de la candidature de Kamala Harris. Il en va de la gauche comme de la politique dans son ensemble : qu’elle continue à regarder son nombril sans savoir « parler aux gens » et l’élection de 2027 sera pliée. Front républicain ou pas. La digue cédera.