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Tout ça pour ça ?

« C’est un remaniement ? – Non, Sire, un déménagement. » Depuis plusieurs semaines, Paris bruissait des rumeurs les plus folles. Certains nous annonçaient la nomination imminente d’Alain Juppé à Matignon, d’autres se réjouissaient de celle de Philippe Séguin place Vendôme. Les plus clairvoyants confiaient, à demi-mot, que la place Beauvau brûlait d’accueillir Manuel Valls et la rue de Valois Jack Lang. Claude Allègre se voyait bien à la tête d’un grand ministère de l’Industrie et de la Technologie – à défaut les Anciens combattants ou le Patinage artistique. Quant à Hubert Védrine, il occupait déjà le fauteuil de Bernard Kouchner que ce dernier y était encore assis.

Rien de tout cela ne s’est passé. Car rien ne s’est passé. Nicolas Sarkozy s’est contenté, pour tout remaniement, de sacrifier au jeu habituel des chaises musicales. Pourquoi aurait-il fait autrement ? Le résultat des élections européennes ne lui imposait pas d’en faire des tonnes. On prend donc les mêmes et on recommence. Certes, quelques nouvelles têtes font leur apparition. Mais, hormis Benoist Apparu (Logement et Urbanisme), Marie-Luce Penchard (Outre-Mer) et Nora Berra (aux Vieux, pardon aux Aînés), il faut revenir d’un long voyage aux Antipodes pour voir en Pierre Lellouche (Affaires européennes), Henri de Raincourt (relations avec le Parlement) et Christian Estrosi (Industrie) des perdreaux de l’année.

Evidemment, nul n’aura manqué de remarquer les deux trophées qui rejoignent, à la faveur de ce remaniement, les lambris élyséens : Michel Mercier et Frédéric Mitterrand.

Michel Mercier, c’est, dit-on, le coup de grâce porté à François Bayrou. Un ami de trente ans qui rejoint le gouvernement : le Béarnais est au plus mal. C’en est fini de lui. Pas sûr : le sénateur du Rhône a beau être trésorier du Modem, il ne siège plus dans les instances dirigeantes depuis plus d’un an et s’est positionné à de multiples reprises pour une alliance tactique avec l’UMP. Un rallié qui se rallie, belle prise de guerre !

L’arrivée de Frédéric Mitterrand rue de Valois est d’un tout autre genre. On en vient presque à regretter qu’Ava Gardner soit déjà morte : le nouveau ministre en aurait prononcé une nécrologie tout à fait convenable. C’est qu’il est doué, Frédéric Mitterrand, pour tenir les cordons du poêle, raconter l’histoire, le cinéma et les obsèques princières. Il a l’allure et la distinction pour aller à Cannes et à la Biennale de Venise, peut-être pas le métier suffisant pour porter le fer devant le Parlement. Qu’à cela ne tienne : ce n’est pas pour cela que Nicolas Sarkozy l’a choisi. Le président de la République a voulu se payer un menu plaisir : s’offrir un Mitterrand. Chacun a les fétichismes qu’il peut. Au Parti socialiste, on est visiblement gêné aux entournures pour dire quoi que ce soit de désobligeant de celui qui porte le nom de la statue du commandeur. On sait aussi que Frédéric a la rancune tenace et qu’il n’a toujours pas digéré le « droit d’inventaire » que Lionel Jospin invoquait le 9 avril 1995 pour déposer le bilan des années Mitterrand. Le premier socialiste qui l’ouvre est un homme mort : qu’on se le dise.

D’ailleurs, les socialistes n’ont pas vu passer le train. Benoît Hamon en tête, ils ont consacré leurs réactions à relativiser le remaniement : « Les ministres ne servent à rien. C’est le président de la République qui contrôle tout. » Au PS, on ne change pas une stratégie qui perd : les socialistes vont continuer à tirer sur Nicolas Sarkozy pendant les deux ans et demi qui viennent, sans toutefois jamais l’atteindre… Ils seront bien inspirés un jour de porter leurs critiques sur le gouvernement et ses membres, afin d’adopter une tactique éprouvée depuis longtemps : décrédibiliser les ministres et leur action, isoler le chef de l’Etat et l’affronter, le moment venu, d’homme à homme.

Rien de nouveau, donc, sous les ors de la République. Rien ? C’est vite dit. André Santini n’est plus ministre ! Le secrétaire d’Etat à la Fonction publique ne rempile pas. Est-il à la rue ? Non. L’heureux homme est sur le point de recouvrer son mandat de député de la dixième circonscription des Hauts-de-Seine. C’est son suppléant qui n’est pas jouasse. Il s’appelle Frédéric Lefebvre et il vient de se faire hacker son siège à l’Assemblée nationale. Maudits pirates !

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Lâchez-leur la burqa

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Elisabeth ! Mon Elisabeth ! Comment peux-tu dire des choses pareilles ? On reprend à zéro. Réponds-moi simplement à cette question : la loi peut-elle dicter les modes vestimentaires ? Tous les Etats de droit au monde ont tranché sans même s’interroger : les gens ont le droit de s’habiller comme ils l’entendent. Est-il interdit de porter une cagoule dans la rue ? On en trouve dans les défilés de mode ! Cette semaine seulement, un décret ministériel vient de prohiber le port de la cagoule « aux abords immédiats des manifestations », c’est dire qu’il est permis ailleurs.

Une burqa en cache une autre. Si des bouddhistes dissimulaient leur visage, on trouverait ça pittoresque. Tu ne parles pas de burqa, tu parles de l’Islam, des musulmans, de cinq, dix pour cent de la population avec qui le reste du pays est en bisbilles. À ces musulmans (la fraction la plus misérable en France), tu dis : cessez d’être musulmans ou cassez-vous. On ne veut plus vous voir. Pas de musulmans dans mon pays. Tu leur envoies ce mollard à la gueule au moment même où ils sont absolument déterminés à devenir plus musulmans que jamais. Rien que pour te faire chier. Rien que pour ça. Ah, tu veux pas que je sois musulman, eh ben tu vas voir. La burqa, je vais te mettre. Et va me l’interdire, voyons un peu si tu tiens autant à ton Etat de droit que tu le prétends, sale occupante d’Irak et d’ailleurs.

Je t’entends hurler d’ici. Moi, contre les musulmans en France ? Sitbon ! Où as-tu été chercher ça ? Qu’ils prient nuit et jour, qu’ils jeûnent jusqu’à plus soif, qu’ils se laissent pousser la barbe jusqu’aux baskets, j’en n’ai rien à cirer, c’est leur affaire. S’ils sont cons, qu’ils le restent. D’ailleurs, j’en pense autant des autres religieux. Mais la burqa, non. Tout, oui. La burqa, non. Elisabeth, tu te racontes des histoires. C’est à l’Islam que tu en veux, pas à la cagoule. D’abord, on a eu les odeurs de Chirac et puis les moutons de l’Aïd, et puis les mosquées, l’excision, la polygamie, les écoles musulmanes, la délinquance, le terrorisme, les banlieues, le voile, maintenant la burqa. Demain, on va découvrir que chaque année au Ramadan, vingt-deux vieillards et enfants meurent d’inanition. Sais-tu qu’un chrétien sur dix et un juif sur trois fréquentent des écoles religieuses sans que ça n’intéresse personne ? Mais les deux cents gamins des trois écoles islamiques, ça, c’est grave.

Tu veux la vérité, Elisabeth ? On a peur des musulmans. On, je, tu, il ou elle a peur des musulmans. Pourquoi on a peur ? Si tu m’accordes un papier de six milliards de signes, je te l’expliquerai pour te faire comprendre ce que je ne comprends pas moi-même. La chrétienté, on dit aujourd’hui l’Occident, est brouillée avec l’Islam depuis toujours. Dès que les musulmans ont franchi les frontières de la péninsule arabique (vers 637), ils se sont heurtés aux chrétiens. Tu sais, quand ils sont arrivés chez toi et moi, au Maghreb (vers 650), ils ont butté sur nos ancêtres vivant dans des Etats chrétiens (saint Augustin). Conquista, Reconquista, chute de Byzance, Lépante, piraterie, toute l’Europe de l’Est musulmane jusqu’à hier (fin du XIXe siècle), colonisation, décolonisation, Israël, tours jumelles, treize siècles, ça n’a pas cessé un jour. L’ennemi pour la chrétienté, pour l’Occident, c’est le Maure, le Sarrazin, le barbaresque, l’Arabe, le Chleu. Le chrétien a colonisé leur pays, ça c’est mal passé. Maintenant, ils colonisent (au sens propre) l’Occident, ça se passe mal. Normal.

Pas si normal que ça. Treize siècles durant, ce fut querelle territoriale. Aujourd’hui, hormis trois colonies en Cisjordanie, personne ne veut étendre sa souveraineté chez le voisin. Entre l’Occident et l’Islam, il n’y a plus d’enjeu qui vaille une guerre. Sauf un. Il concerne les musulmans, pas les autres.

Tu te promènes au Caire, à Casa : sorti de deux vieux quartiers touristiques, le reste de la ville est occidental. Les villes arabes disparaissent. Ils ont tout adopté de l’Occident : l’avion, le parfum Chanel, le jean’s et même les élections. Ils n’ont gardé de leur civilisation matérielle que la baklawa et le couscous. Ils écrivent des romans et font des films comme nous. Ils n’ont presque plus rien en propre ou qu’ils aient créé. Ils sont en voie de se métamorphoser, de leur propre gré, en Occidentaux. Ils ont été avalés, dévorés par leur ennemi. Ils deviennent leur ennemi. Il ne leur reste plus qu’un refuge avant de se fondre totalement en nous et de s’anéantir : la religion, l’Islam. On peut tout christianiser, occidentaliser, jamais on ne christianisera l’Islam. C’est une question de vie ou de mort. Quel peuple a envie de disparaître ? Ou tu t’abrites dans l’Islam ou tu disparais. Alors bien sûr, la burqa. Rien que pour te faire un peu chier. Pour ne pas mourir ce matin.

Tu vois, Elisabeth, ils ne te veulent pas du mal les musulmans. Ils sont dans une mauvaise passe. Aide-les à la traverser. Ça ne durera pas longtemps, un siècle ou deux à tout casser. Après, tu verras, tout ira bien dans une France sans chrétiens, sans musulmans et, enfin, sans juifs.

Mc Cartney vs rosbif : ne suivez pas le veuf !

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Nous avons, comme tous les hommes de goût, toujours préféré la mélancolie virile des Stones à la niaiserie sucrée des Beatles. Et si par hasard nous avions eu un doute, il aurait été dissipé par la dernière déclaration de Paul Mc Cartney, qui a à peu près autant le sens des réalités sociales qu’un électeur d’Europe Ecologie. Paul, en effet, en végétarien milliardaire convaincu, affirme qu’il serait bon pour la santé et l’effet de serre de décider d’un jour sans viande dans la semaine, en l’occurrence le lundi. En effet, pour Paul, on ne dit pas assez l’effet dévastateur des flatulences bovines sur la couche d’ozone et du stèque sur le cholestérol. Le problème, Paul, c’est que dans le Royaume-Uni et la France de notre belle époque de licenciements massifs et de précarité galopante, l’urgence serait plutôt, pour une part grandissante de la population, de proclamer un jour avec viande dans la semaine.

Ce Sarkozy-là, j’ai envie d’y croire

C’est pas que ça m’inquiète, mais un peu tout de même. Je me demande si je ne suis pas devenue… sarkozyste. Non, ce serait trop affreux, c’est sans doute simplement un accès. Dès que je le verrai tripoter son téléphone portable devant le pape, vanter les mérites de son épouse comme s’il était chez Delarue ou proclamer son admiration pour les « écrivains qui vendent », le charme ou plutôt la maladie cessera.

La polémique assez convenue qui a précédé son discours au Congrès avait déjà attendri mes défenses immunitaires. Il est vrai que je n’ai pas de religion du régime et que peu me chaut que nous soyons encore dans la Ve République, dans la Ve bis ou dans la VIe moins le quart. Que les institutions, comme le droit d’ailleurs, s’adaptent aux changements des mœurs, je ne vois pas où est le problème. Que chaque président les tire là où le conduisent sa propre nature et les circonstances politiques, on se demande comment il pourrait en être autrement. Quant à la régression du Premier ministre au rang de Premier fonctionnaire du pays, ce qui n’est tout de même pas n’importe quel job, elle avait commencé depuis longtemps, à l’exception des périodes de cohabitation, et il n’y aura plus de cohabitation – à moins, évidemment, que nous devenions tous schizophrènes.

Il est indéniable, donc, que Nicolas Sarkozy change le régime. And so what ? En vrai, tout le monde s’en fout qu’on change de régime. La gauche, qui sait qu’elle ne va pas mobiliser les foules avec ça, a donc plus ou moins entonné l’air du bonapartisme, tout en jouant l’air habituel « chacun tire dans son coin ». Je ne sais pas si le terme « coup de force » a été prononcé mais je suis sûre que beaucoup l’avaient sur le bout de la langue. À l’aveugle, Edwy Plenel nous aurait parlé de « césarisme » que je n’en serais pas étonnée. C’est assez amusant. Pour une fois, au lieu d’aller à la télé, ce qu’il peut faire assez aisément et c’est normal, le président décide de s’adresser à la représentation nationale qui justement, se plaint depuis des années d’être déconsidérée et écartée du débat démocratique. On m’aurait demandé mon avis, j’aurais préféré qu’il restât écouter les réponses. Tant qu’à commettre une gravissime infraction à la séparation des pouvoirs (autre thème peu mobilisateur), autant être courtois. Mais enfin, que les Assemblées redeviennent l’un des théâtres de l’affrontement démocratique ne me déplairait pas. Encore faudrait-il que le pouvoir ait des adversaires en face de lui. Ceux qui nous répètent chaque jour que nos libertés sont menacées devraient peut-être s’interroger sur ce point.

Tout ça, dit-on enfin, exhale un petit fumet monarchique. Certes. La France a vécu mille ans en monarchie et un peu plus de deux siècles en république et on voudrait qu’elle n’ait rien conservé d’avant 1789 (pour ne pas parler des deux empires et des deux monarchies censitaires du XIXe siècle) ? Difficile de le nier, le château de Versailles évoque la monarchie. Serait-il prescrit quelque part que l’on doive oublier celle-ci ? Ce parfum de royauté ne me gêne pas, bien au contraire. Etait-ce l’effet de la fièvre ? Dans ce décor, j’ai trouvé que Nicolas Sarkozy habitait plutôt mieux la fonction qu’en bien d’autres occasions. Quelqu’un devrait le lui dire : un peu de solennité lui va pas mal au teint.

Là où j’ai vraiment commencé à m’inquiéter, c’est quand j’ai réalisé que son discours me plaisait. Manipulée par les communicants du président, avais-je perdu mon libre-arbitre ?

À peine sortis du château, les socialistes se sont rués sur les micros pour dire qu’il n’y avait rien de concret dedans. Je dois être vraiment atteinte parce que je n’ai pas trouvé. Je dirais plutôt que c’était du bon Guaino sur les principes, relu et corrigé par des praticiens de la chose économique et sociale. Il aurait été incongru, me semble-t-il, de déranger nos estimables représentants pour annoncer un catalogue de mesures. François Hollande a le droit de penser que les principes n’ont aucun intérêt. Je ne suis pas d’accord.

On me pardonnera d’étaler ainsi des symptômes gênants, mais j’ai choisi la transparence. Je me lance. À deux ou trois reprises, j’ai eu envie d’y croire. Ai-je entendu des voix ? Il m’a semblé que le président disait des choses que beaucoup de Français avaient besoin d’entendre. « Une France sans usines et sans ouvriers est une idée folle. » On aurait aimé entendre les responsables socialistes, lorsqu’ils étaient au pouvoir, défendre cette idée par le verbe et par les actes. Quant à l’idée d’un emprunt public pour financer les investissements, elle est au cœur du keynésianisme dont je croyais jusque-là qu’il était raccord avec la pensée économique du PS. J’ai dû me tromper. Et nos socialos de se désoler parce qu’un tel emprunt pèserait sur la dépense publique. S’ils ne comprennent pas que recourir à l’emprunt pour boucler ses fins de mois ou pour construire des infrastructures ne sont pas la même chose, qu’ils retournent à l’école.

Sur les détails, j’aurais bien deux ou trois objections à faire. D’abord, je ne suis pas sûre qu’il faille se priver de la possibilité d’augmenter les impôts, tout simplement parce qu’avec des dizaines de milliers de chômeurs et de précaires supplémentaires, il va bien falloir les boucler, les fins de mois. Et question redistribution, il faut bien admettre qu’il y a encore deux ou trois trucs qui coincent. D’autre part, je trouve un peu suspecte cette intention proclamée d’associer la France entière à l’élaboration des priorités. Je n’aime pas trop ce relent citoyen et participatif qui me rappelle quelqu’un mais je ne vois pas qui.

C’est quand Nicolas Sarkozy a abordé les questions qui fâchent que là, j’ai vraiment craqué. Il n’est pas si fréquent qu’un dirigeant revienne sur ses bourdes. Quand il a reconnu que la « discrimination positive » – qui était l’un de ses dadas – n’appartenait pas à la tradition française, j’étais collée au plafond. Et s’il avait récemment compris quelque chose à l’ADN de notre pays ? Quand il a ajouté que l’égalité des chances était un objectif avec lequel on ne peut pas transiger, je me suis mise à pleurer (non, j’exagère pour vous apitoyer sur mon état). Il a eu les mots qu’il fallait : oui, « il faut donner à ceux qui ont moins », mais rien sur des critères ethniques, tout sur des critères économiques et sociaux. À la française, quoi. Sauf moment d’inattention de ma part, il n’a pas prononcé le mot magique – « diversité ». Du coup, le CRAN qui a peut-être compris qu’il avait perdu une bataille a immédiatement réclamé la création d’un ministère de la Diversité.

Le plus fort de la crise (de la mienne, j’entends) a coïncidé avec le passage sur la burqa. C’est comme ça que je l’espérais, mon président. Sans faiblesse, sans ambiguïté : pas de ça, chez nous. « La burqa n’est pas un signe religieux mais une manifestation d’asservissement. » Voilà pour ceux qui nous expliquent qu’emprisonner sa femme ou s’auto-emprisonner relève du libre exercice de la foi.

Je crois bien qu’après toutes ces émotions, je me suis évanouie, peut-être au moment précis où le président disait « Vive la République ! » Je me demande maintenant si j’ai rêvé. J’ai comme une gueule de bois. Et s’il ne s’agissait que de paroles verbales ? Si ce discours de reconquête n’était que de la com’, comme l’expliqueront ceux de mes confrères qui n’auront pas trouvé horribles les intentions elles-mêmes? Et si pour les Français qui croient encore en la parole présidentielle, la déception était, une fois encore, au rendez-vous ?

Vous voyez, ça va beaucoup mieux.

Est-ce ainsi que les femmes vivent ?

Avec le débat qui s’engage sur le port de la burqa, on peut constater qu’au moins soixante députés ont cessé de se voiler la face et qu’ils entendent le faire savoir. Y aura-t-il une interdiction à la clé ? Peut-on espérer qu’on acceptera désormais, en France, de sacrifier un droit ou une liberté à la défense de notre culture, c’est-à-dire de notre liberté ? Je sais que ce n’est pas gagné : légiférer sur les vêtements qu’on porte dans la rue fera lever pas mal de boucliers.

Derrière ces niqabs (burqas sans grillage) qui prolifèrent, des fondamentalistes tentent d’imposer leur mode de vie en faisant de la politique avec leurs femmes et leurs filles.

Des ignorants baignant dans une culture machiste ont prohibé le port de la jupe en banlieue, des barbus tentent, au sens propre, de couper du monde leurs femmes, jusque dans les rues. Une très large majorité de Français de toutes origines assiste impuissante à l’apparition de ces fantômes dans les villes et y voit une régression de la vie publique.

La soumission à une religion qui exige cela, l’affichage de son appartenance à cet islam-là sont incompatibles avec le pacte d’intégration qui offre protection, notamment sociale, aux citoyens en échange d’une adhésion aux valeurs et usages français. Si nous renonçons à cette exigence, c’est l’islamisation de la France qui avancera et l’islamisme avec. Bien placée pour le savoir, Fadela Amara nous met en garde : mettez le holà. Protégez-nous et protégez-vous. Les islamistes vous testent.

Je crains que cet avis précieux ne soit pas entendu et qu’encore une fois on brandisse un principe, une loi, un droit, un avantage acquis pour interdire d’interdire. La burqa, cet attribut de totalitarisme domestique, pourrait se répandre à l’abri de la liberté de s’habiller comme on veut, du droit de vivre sa foi ou du principe selon lequel l’intégration ne doit être forcée. Le principe suprême de notre temps, qui tient en trois mots – c’est mon choix – sera invoqué. Mais tout céder à l’exigence individualiste pourrait nous empêcher de dessiner ensemble notre monde commun, de décider ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas.

Dans cette affaire, il ne s’agit pas d’élargir le champ du possible mais de le restreindre, pas de sauver la liberté de critique, de parole ou de caricature menacée, mais de limiter la liberté d’afficher son identité. C’est moins facile. Brimer des jeunes filles dévotes et pudiques, ce n’est pas le combat rêvé. Certains esprits indécrottablement libertaires auront du mal à s’y faire. Pourtant sans réaction, l’islamisation à petits pas de la société, tolérée au nom du droit à la différence, installera les pratiques les plus liberticides qui soient, au pays des droits de l’homme – et grâce à eux.

Trop souvent, des autorités dont le seul souci est d’éviter de faire des vagues, des jugements pavés de bonnes intentions, des juges terrifiés à l’idée de passer pour islamophobes et répressifs ont concédé le terrain républicain à l’obscurantisme vert.

Il faut imposer des limites au multiculturalisme. On interdit la polygamie ou l’excision : quand on veut on peut. Il faut donc savoir ce qu’on veut et à qui on a affaire. Accepter que des femmes, en France, soient emprisonnées sous nos yeux, c’est renoncer à l’exigence d’égalité entre hommes et femmes, le plus précieux fondement de notre qualité de vie. Ne pas être à la hauteur dans ce bras de fer que tentent les islamistes serait, en plus d’une indignité, un mauvais calcul. La défaite et le déshonneur !

D’autres injonctions sont lancées à la République. Le consensus laïque auquel tous les immigrants s’étaient jusque-là adaptés est menacé dans les hôpitaux, les piscines, les cantines scolaires. Ce harcèlement ne s’arrêtera pas tout seul. La dérive de tribunaux européens racontée par Pat Condell doit nous inviter à légiférer fermement.

Il faut préserver les rues, les villes, les filles de la République de toutes les emprises religieuses. En refusant de transiger sur ses valeurs, la France enverrait aux peuples d’Europe et du monde un message d’espoir. Nous avons la laïcité la plus avancée d’Europe. Défendons-la. Elle est ce que nous pouvons offrir de mieux à tous ceux que l’islamisation inquiète : Français de souche ou d’ailleurs, Hollandais, Belges, Suédois, Danois et tant d’autres applaudiraient une France fidèle à sa devise.

S’ils sentent, sur ce coup-là, une société unie dans un refus clair et net, nos représentants sauront faire front. Je me prends à rêver d’un Sarkozy portant haut et fort la voix d’une France laïque, capable de braver la Cour européenne des droits de l’homme et certaines remontrances internationales. Défiant le monde diplomatique pour faire valoir cette exception française non négociable qu’est notre laïcité, il saisirait une chance historique de reconquérir un peu de souveraineté nationale. Par ce geste, il rassemblerait pratiquement toutes les familles politiques, des gaullistes aux gauchistes, ravis qu’on résiste à l’impérialisme multiculturel donneur de leçons ; des droites nationales et souverainistes rassurées sur ce coup-là, aux femmes, et en première ligne, celles des cités, c’est presque tout le peuple qui lui en serait reconnaissant.

Si la lâcheté devait prévaloir et la « tolérance » et le respect de toutes les cultures l’emporter, nous pourrons toujours opposer une résistance individuelle, en usant de notre droit de parler aux femmes dans la rue, même étrangères et inconnues, pour ne pas perdre ce savoir-faire à la française que le monde entier nous envie : la galanterie.

Merci à Alain Finkielkraut et Louis Aragon pour le titre.

Coca-colon ?

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C’est à des mondanités d’un type peu ordinaire que s’est livré la semaine dernière Christian Polge, président de Coca Cola France. Il était, à Drancy, l’invité vedette d’un dîner-débat organisé par l’UAM 93 (Union des associations musulmanes de la Seine-Saint-Denis). L’objet premier de ce déplacement était à l’évidence de déminer une rumeur urbaine (et plus spécialement péri-urbaine) qui fait des ravages depuis deux ans, selon laquelle le Coca contiendrait de l’alcool. Fort d’un certificat de halalitude en bonne et due forme, décerné par la Mosquée de Paris, il s’est donc employé à tordre le cou à la rumeur. Mais le PDG de Coca a dû aussi s’expliquer longuement sur des sujets moins en rapport avec les seuls interdits alimentaires musulmans et notamment sur le supposé soutien de son groupe à Israël, qui fait que de nombreux islamistes, mais aussi de nombreux sites pro-palestiniens, appellent au boycott de la boisson gazeuse. On ne sait pas si ses explications ont convaincu l’auditoire, mais dans le doute, amis du 9/3, ne prenez pas le risque de financer des alliés de l’occupant honni : buvez du Havana Club et du Puligny-Montrachet !

Téhéran : le printemps des illusions

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Impossible d’être insensible aux images qui filtrent d’Iran, à ces hommes et femmes qui aspirent à la liberté. Et difficile, en même temps, de ne pas être mélancolique en pensant à ce qui les attend s’ils gagnent – et ils gagneront tôt ou tard. Ils ne le savent pas, mais ils vivent leurs plus belles heures, quand la liberté est rêvée. C’est l’heure de la poésie avant que la prose du monde ne revienne faire son sale boulot.

Enthousiasme instinctif, donc face à l’écran, qui n’empêche quelques tristes réflexions. Nous le savons déjà, la suite, hélas, est inévitable : dans cinq, dix ou quinze ans l’Iran sera libre. Ce qui concrètement signifie qu’on y trouvera des centres commerciaux ouvert 7 sur 7 (je me demande si ce n’est pas déjà le cas), périodiques cochons dans les kiosques à journaux, citoyens consommateurs addicts à Plus belle la vie et au Loft, sans oublier des hordes de jeunes, pantalon en berne, épaule tatouée et piercing au nez. Et bien entendu, pas mal de monde s’offrira le frisson de la nostalgie du bon vieux temps, quand porter du rouge à lèvres ou boire une gorgée de bière étaient des actes subversifs.

Après des siècles de réflexion sur l’écart qui existe entre « liberté de » et « liberté pour », nous ne sommes pas très avancés. « Je fais ce que je veux » ne me dit pas « ce que je veux ». Les Iraniens qui vivent sous le joug d’interdictions multiples et absurdes ne veulent qu’une chose : s’en libérer. Cette aspiration à une « liberté négative », toute entière contenue dans les chaînes arrachées, est souvent le dénominateur commun aux coalitions hétéroclites qui accomplissent les révolutions. On ne prend pas le Palais d’Hiver en préparant un pacte de gouvernement. Pour que le Grand soir ait lieu, il faut que les lendemains chantent, que la poésie étouffe la prose. Et ça, ça ne dure jamais. Heureusement d’ailleurs.

Je me demande ce qu’ils imaginent, tous ceux qui, dans les rues de Téhéran, demandent la liberté et la démocratie ; quelles images, quels rêves ont-ils en tête ? Pour beaucoup, la « liberté » doit être le remède, celui qui guérira tous leur maux – même ceux qui n’ont rien à voir avec la politique. Mais quand le pouvoir s’installe dans les vies, quand il est capable d’y introduire le malheur, comment ne pas espérer que celui qui viendra apportera le bonheur ? Ils veulent une « autre vie », pas moins. Risqueraient-ils, sinon, leur travail et leur vie, leur quiétude et celle de leurs proches ? Affronteraient-ils la police et les milices s’ils savaient qu’à la clé, ils n’ont rien d’autre à gagner que l’existence des classes moyennes d’Occident. Et encore, ils la paieront cher. Même si un miracle amenait, demain matin, Hossein Moussavi au pouvoir, nombre de ceux qui manifestent avec tant de courage seraient toujours sans emploi et sans logement, l’horizon borné par les difficultés quotidiennes. Heureusement, ils ne savent pas. Heureusement, dans ce domaine, les leçons de l’Histoire ne comptent pas. Seuls les rêves transportent les foules. Pour se sacrifier il faut croire, même si c’est une illusion, qu’on se sacrifie à quelque chose de plus grand que soi. D’ailleurs, ce n’est jamais complètement une illusion.

L’expérience polonaise dont l’entourage de Moussavi dit s’être inspiré est effectivement emblématique. Rappelons-nous de Gdansk 1980-1981, Adam Michnik, l’esprit Solidarność, et observons la Pologne de 2009. Ceux qui manifestaient pour la liberté et la démocratie avec Lech Wałęsa rêvaient de tout autre chose. Heureusement. La déception, c’est le seul contrat que nous ayons avec l’Histoire.

Quant à nous, (télé)spectateurs de ce spectacle fascinant, nous regardons ces Iraniens de tous âges comme des vieux contemplent des jeunes en train de s’engager dans la vie avec cet enthousiasme dont seuls les ignorants sont capables. Et comme ces vieux, nous échangerions volontiers un peu de notre sagesse contre l’ignorance des Iraniens, cette ignorance bénie par Jésus himself, selon saint Marc en tout cas. Bonne chance, chers Iraniens, chères Iraniennes, vous vivez le meilleur, le plus intense, celui où la joie côtoie le danger. Savourez chaque instant. Un jour, que j’espère proche, vous gagnerez. Et rien ne sera plus jamais pareil.

Bienvenue dans l’Empire du moindre mal, selon la brillante définition de Jean-Claude Michéa. Après tout, on n’y est pas si mal. Vous ne pouvez pas éviter le tchador et tous les autres interdits, le monde dans lequel nous vivons offre au moins le luxe de pouvoir le déserter. Nul n’est obligé de s’abrutir devant la télé-poubelle, d’aller au Mac Do ou de lire d’infects romans contemporains. Oui, vous allez découvrir combien la liberté est prosaïque. C’est peut être triste à dire, mais c’est ce qu’on peut vous souhaiter de mieux. Ou de moins pire.

Fête des pères, do it yourself !

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Le conseil aurait pu être bon en ces périodes concomitantes de crise économique et de fête des pères : le site Burda Style nous explique comment fabriquer soi-même une cravate en soie. En théorie, ça a tout pour plaire (y compris à Jérôme Leroy, puisqu’il y a des patrons à découper). En pratique, faut quand même être à la fois bon en couture (il y a quatorze étapes de fabrication), mais aussi en anglais (faut traduire) et en calcul (faut convertir de ces fucking inches en mesures humaines). Et qu’on ne vienne pas me faire remarquer, please, qu’il existe un site de Burda en français, non seulement il est beaucoup moins trendy, mais on n’y trouve pas trace de cravates. Bref, mon conseil pour les retardataires, filez chercher une bouteille de Glenmachinchose chez l’Arabe du coin, les paternels aiment toujours ça. Ou alors, s’il y a marché dimanche matin par chez vous, allez y acheter une magnifique cravate made in Asia à 5 €. En plus d’un papa heureux, vous ferez une bonne œuvre en donnant du travail à un gamin de sept ans…

Intermède savoyard

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Short trip at home est, si nous nous souvenons bien, une nouvelle de Scott Fitzgerald, dont on pourrait traduire le titre par « Bref retour à la maison ». Cela convient parfaitement à notre situation présente. Nous sommes rentrés hier soir à 11 heures (23 heures en langage posthistorique) et nous repartons à 5 heures, ce dimanche, après avoir voté Front de Gauche, bu une bouteille de Chinon de chez Lenoir sur un romestèque au poivre flambé au ouisquie. La vie est un voyage en tégévé, et on ne dit pas seulement ça pour l’allitération.

Une semaine passée à Annemasse, donc, une ville qui a un nom de fille douée de ses mains. Annemasse se vit comme la banlieue de Genève. Annemasse a tort, Annemasse est une vraie ville, qui a échappé à la muséification française habituelle de l’urbanisme dénoncée par Marc Augé, où l’on a piétonnisé trois ou quatre rues dédiées à la vente de pacotilles spectaculaires-marchandes. Tout ça pour arriver à une cathédrale et/ou à une place rénovées, où des bobos viennent une fois par semaine faire leur marché bio et payer le radis l’équivalent d’un RSA.

Non, avec son urbanisme bordélique, ses avenues aux immeubles sans style bien défini et ses passants multicolores, Annemasse ressemble à une ville du monde d’avant, c’est-à-dire une ville où l’on vit d’une vie humaine et non un lieu où l’on se rend de temps à autre pour nourrir une triste dépendance de zombie consumériste.

Annemasse, comme ne l’ignorent pas ceux qui sont allés à l’école avant sa destruction massive par l’idéologie libérale-libertaire, se trouve en Haute-Savoie. La Haute-Savoie est un département avec des montagnes, dont le Mont-Blanc qui est quand même très beau (même pour un septentrional maritime comme votre serviteur), quand il apparait au détour d’une route dans le soleil du matin. Entre les montagnes, dans les vallées, on trouve des médiathèques habitées par de jolies bibliothécaires et des collèges où l’on a aimé la Grande Môme, un de nos romans à l’usage des jeunes gens qui lisent encore.

Quand vous êtes plus de cinq jours dans une ville inconnue, à dormir à l’hôtel, par une température qui ne descend pas en-dessous de 35°, vous pouvez perdre assez vite pied, avoir l’impression au choix d’être un personnage de Simenon en plein escapisme, comme Monsieur Monde ou de K. Dick, piégé dans une illusion psychotropique, croyant qu’il est là depuis la veille alors que ça fait trente ans (ou le contraire d’ailleurs).

Mais nos lecteurs savent qu’au bout du compte nous sommes des cartésiens, amoureux de la raison et de la méthode. Pour échapper à cette angoisse de la déréliction, nous avons donc décidé de nous accrocher de toutes nos forces à la réalité, et ce en pratiquant des sports à haut-risque comme la dégustation de tartiflettes par temps caniculaire, accompagnée de Mondeuse, qui est un vin tout à fait plaisant et qui a su rester naturel. Ils n’ont d’ailleurs aucun intérêt à trafiquer leur jaja puisque de toute façon l’exigüité de leur terroir leur interdit de fait les rendements démesurés.

Des centaines de visages aussi, en général bienveillants, polis, civilisés, comme tous ceux des gens qui aiment les livres pour ce qu’ils représentent de rêve et d’émancipation. Remercions la jeune femme de la médiathèque de Saint-Pierre en Faucigny qui, après l’atelier d’écriture du mercredi après-midi, voyant que nous souffrions visiblement à l’idée de retourner aussi vite dans la fournaise d’Annemasse nous a emmené dans sa petite automobile jusqu’au Grand Bornand prendre le frais et nous a fait passer au large des Glières. Reconnaissance également à l’aide documentaliste du lycée de Ville-La-Grand, dont la cour est longée par un petit chemin qui se faufile à travers des champs et qui marque la frontière avec la Suisse. Ce fut un lieu de passage pour les Juifs pendant l’Occup, qui étaient aidés par des prêtres du cru, devenus depuis des Justes. L’un d’eux, d’ailleurs est encore en vie. Bonheur du sentiment géographique, aussi, à cet endroit, quand on se voit soi-même à l’œil nu sur une carte franchir des frontières (même chose lors d’une baignade à Eilat, dans nos promenades hasardeuses à travers les bois du Mont Noir ou sur cette portion oubliée de la Grande Muraille, à une centaine de kilomètres de Pékin.)

Tout ça s’est terminé le samedi par le quinzième salon de littérature jeunesse d’Annemasse où nous avons découvert et acheté les livres de Plonk et Replonk, artistes suisses maitres du non-sense, qui détournent de vieilles carte-postales dans un esprit surréaliste proche de celui du dessinateur Glen Baxter.

Tout à l’heure, nous repartons pour Angers, Grande Môme toujours. Dans le train, on relira des poèmes de Bukowski et les Minima Moralia d’Adorno, qui sont aussi des poèmes dans leur genre. La preuve : « Il n’est sans doute rien qui distingue aussi profondément le mode de vie de l’intellectuel de celui du bourgeois que ceci : le premier ne reconnaît pas l’alternative entre le travail et l’amusement. »

Vive l’Eglise de France !

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Qui a dit que l’Eglise catholique se portait mal ? Sur l’excellent site du diocèse de Versailles, nous apprenons que le dimanche 28 juin 2009 en la cathédrale Saint-Louis, à 15 h 30, Mgr Aumonier, décidément bien nommé, ordonnera trois nouveaux prêtres : Jacques Noah Bikoé, Gaël Bénéat et Marc-Olivier de Vaugiraud. Nous remarquerons qu’en ces temps troublés où un certain nombre d’agités du bocal ont envie d’aller à la guerre ethnique, l’Eglise de France, fidèle à sa tradition universaliste, a choisi un Africain, c’est-à-dire un Noir, qui sera peut-être Pape un jour, un roturier de la bourgeoisie qui préfère dire la messe que de s’agiter dans une salle des marchés ou une start-up attrape-gogos on line et un aristocrate dont on peut penser qu’il est issu d’une dynastie de militaires héroïques et de conseillers d’Etat intègres. C’est décidément dans les derniers secteurs non-marchands de ce pays, Eglise catholique et école publique, que l’on semble décidé à donner sa chance à la « République, notre royaume de France », comme aurait dit Péguy, qui doit, de là où il est, regarder cela avec un certain soulagement.

Tout ça pour ça ?

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« C’est un remaniement ? – Non, Sire, un déménagement. » Depuis plusieurs semaines, Paris bruissait des rumeurs les plus folles. Certains nous annonçaient la nomination imminente d’Alain Juppé à Matignon, d’autres se réjouissaient de celle de Philippe Séguin place Vendôme. Les plus clairvoyants confiaient, à demi-mot, que la place Beauvau brûlait d’accueillir Manuel Valls et la rue de Valois Jack Lang. Claude Allègre se voyait bien à la tête d’un grand ministère de l’Industrie et de la Technologie – à défaut les Anciens combattants ou le Patinage artistique. Quant à Hubert Védrine, il occupait déjà le fauteuil de Bernard Kouchner que ce dernier y était encore assis.

Rien de tout cela ne s’est passé. Car rien ne s’est passé. Nicolas Sarkozy s’est contenté, pour tout remaniement, de sacrifier au jeu habituel des chaises musicales. Pourquoi aurait-il fait autrement ? Le résultat des élections européennes ne lui imposait pas d’en faire des tonnes. On prend donc les mêmes et on recommence. Certes, quelques nouvelles têtes font leur apparition. Mais, hormis Benoist Apparu (Logement et Urbanisme), Marie-Luce Penchard (Outre-Mer) et Nora Berra (aux Vieux, pardon aux Aînés), il faut revenir d’un long voyage aux Antipodes pour voir en Pierre Lellouche (Affaires européennes), Henri de Raincourt (relations avec le Parlement) et Christian Estrosi (Industrie) des perdreaux de l’année.

Evidemment, nul n’aura manqué de remarquer les deux trophées qui rejoignent, à la faveur de ce remaniement, les lambris élyséens : Michel Mercier et Frédéric Mitterrand.

Michel Mercier, c’est, dit-on, le coup de grâce porté à François Bayrou. Un ami de trente ans qui rejoint le gouvernement : le Béarnais est au plus mal. C’en est fini de lui. Pas sûr : le sénateur du Rhône a beau être trésorier du Modem, il ne siège plus dans les instances dirigeantes depuis plus d’un an et s’est positionné à de multiples reprises pour une alliance tactique avec l’UMP. Un rallié qui se rallie, belle prise de guerre !

L’arrivée de Frédéric Mitterrand rue de Valois est d’un tout autre genre. On en vient presque à regretter qu’Ava Gardner soit déjà morte : le nouveau ministre en aurait prononcé une nécrologie tout à fait convenable. C’est qu’il est doué, Frédéric Mitterrand, pour tenir les cordons du poêle, raconter l’histoire, le cinéma et les obsèques princières. Il a l’allure et la distinction pour aller à Cannes et à la Biennale de Venise, peut-être pas le métier suffisant pour porter le fer devant le Parlement. Qu’à cela ne tienne : ce n’est pas pour cela que Nicolas Sarkozy l’a choisi. Le président de la République a voulu se payer un menu plaisir : s’offrir un Mitterrand. Chacun a les fétichismes qu’il peut. Au Parti socialiste, on est visiblement gêné aux entournures pour dire quoi que ce soit de désobligeant de celui qui porte le nom de la statue du commandeur. On sait aussi que Frédéric a la rancune tenace et qu’il n’a toujours pas digéré le « droit d’inventaire » que Lionel Jospin invoquait le 9 avril 1995 pour déposer le bilan des années Mitterrand. Le premier socialiste qui l’ouvre est un homme mort : qu’on se le dise.

D’ailleurs, les socialistes n’ont pas vu passer le train. Benoît Hamon en tête, ils ont consacré leurs réactions à relativiser le remaniement : « Les ministres ne servent à rien. C’est le président de la République qui contrôle tout. » Au PS, on ne change pas une stratégie qui perd : les socialistes vont continuer à tirer sur Nicolas Sarkozy pendant les deux ans et demi qui viennent, sans toutefois jamais l’atteindre… Ils seront bien inspirés un jour de porter leurs critiques sur le gouvernement et ses membres, afin d’adopter une tactique éprouvée depuis longtemps : décrédibiliser les ministres et leur action, isoler le chef de l’Etat et l’affronter, le moment venu, d’homme à homme.

Rien de nouveau, donc, sous les ors de la République. Rien ? C’est vite dit. André Santini n’est plus ministre ! Le secrétaire d’Etat à la Fonction publique ne rempile pas. Est-il à la rue ? Non. L’heureux homme est sur le point de recouvrer son mandat de député de la dixième circonscription des Hauts-de-Seine. C’est son suppléant qui n’est pas jouasse. Il s’appelle Frédéric Lefebvre et il vient de se faire hacker son siège à l’Assemblée nationale. Maudits pirates !

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Lâchez-leur la burqa

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Elisabeth ! Mon Elisabeth ! Comment peux-tu dire des choses pareilles ? On reprend à zéro. Réponds-moi simplement à cette question : la loi peut-elle dicter les modes vestimentaires ? Tous les Etats de droit au monde ont tranché sans même s’interroger : les gens ont le droit de s’habiller comme ils l’entendent. Est-il interdit de porter une cagoule dans la rue ? On en trouve dans les défilés de mode ! Cette semaine seulement, un décret ministériel vient de prohiber le port de la cagoule « aux abords immédiats des manifestations », c’est dire qu’il est permis ailleurs.

Une burqa en cache une autre. Si des bouddhistes dissimulaient leur visage, on trouverait ça pittoresque. Tu ne parles pas de burqa, tu parles de l’Islam, des musulmans, de cinq, dix pour cent de la population avec qui le reste du pays est en bisbilles. À ces musulmans (la fraction la plus misérable en France), tu dis : cessez d’être musulmans ou cassez-vous. On ne veut plus vous voir. Pas de musulmans dans mon pays. Tu leur envoies ce mollard à la gueule au moment même où ils sont absolument déterminés à devenir plus musulmans que jamais. Rien que pour te faire chier. Rien que pour ça. Ah, tu veux pas que je sois musulman, eh ben tu vas voir. La burqa, je vais te mettre. Et va me l’interdire, voyons un peu si tu tiens autant à ton Etat de droit que tu le prétends, sale occupante d’Irak et d’ailleurs.

Je t’entends hurler d’ici. Moi, contre les musulmans en France ? Sitbon ! Où as-tu été chercher ça ? Qu’ils prient nuit et jour, qu’ils jeûnent jusqu’à plus soif, qu’ils se laissent pousser la barbe jusqu’aux baskets, j’en n’ai rien à cirer, c’est leur affaire. S’ils sont cons, qu’ils le restent. D’ailleurs, j’en pense autant des autres religieux. Mais la burqa, non. Tout, oui. La burqa, non. Elisabeth, tu te racontes des histoires. C’est à l’Islam que tu en veux, pas à la cagoule. D’abord, on a eu les odeurs de Chirac et puis les moutons de l’Aïd, et puis les mosquées, l’excision, la polygamie, les écoles musulmanes, la délinquance, le terrorisme, les banlieues, le voile, maintenant la burqa. Demain, on va découvrir que chaque année au Ramadan, vingt-deux vieillards et enfants meurent d’inanition. Sais-tu qu’un chrétien sur dix et un juif sur trois fréquentent des écoles religieuses sans que ça n’intéresse personne ? Mais les deux cents gamins des trois écoles islamiques, ça, c’est grave.

Tu veux la vérité, Elisabeth ? On a peur des musulmans. On, je, tu, il ou elle a peur des musulmans. Pourquoi on a peur ? Si tu m’accordes un papier de six milliards de signes, je te l’expliquerai pour te faire comprendre ce que je ne comprends pas moi-même. La chrétienté, on dit aujourd’hui l’Occident, est brouillée avec l’Islam depuis toujours. Dès que les musulmans ont franchi les frontières de la péninsule arabique (vers 637), ils se sont heurtés aux chrétiens. Tu sais, quand ils sont arrivés chez toi et moi, au Maghreb (vers 650), ils ont butté sur nos ancêtres vivant dans des Etats chrétiens (saint Augustin). Conquista, Reconquista, chute de Byzance, Lépante, piraterie, toute l’Europe de l’Est musulmane jusqu’à hier (fin du XIXe siècle), colonisation, décolonisation, Israël, tours jumelles, treize siècles, ça n’a pas cessé un jour. L’ennemi pour la chrétienté, pour l’Occident, c’est le Maure, le Sarrazin, le barbaresque, l’Arabe, le Chleu. Le chrétien a colonisé leur pays, ça c’est mal passé. Maintenant, ils colonisent (au sens propre) l’Occident, ça se passe mal. Normal.

Pas si normal que ça. Treize siècles durant, ce fut querelle territoriale. Aujourd’hui, hormis trois colonies en Cisjordanie, personne ne veut étendre sa souveraineté chez le voisin. Entre l’Occident et l’Islam, il n’y a plus d’enjeu qui vaille une guerre. Sauf un. Il concerne les musulmans, pas les autres.

Tu te promènes au Caire, à Casa : sorti de deux vieux quartiers touristiques, le reste de la ville est occidental. Les villes arabes disparaissent. Ils ont tout adopté de l’Occident : l’avion, le parfum Chanel, le jean’s et même les élections. Ils n’ont gardé de leur civilisation matérielle que la baklawa et le couscous. Ils écrivent des romans et font des films comme nous. Ils n’ont presque plus rien en propre ou qu’ils aient créé. Ils sont en voie de se métamorphoser, de leur propre gré, en Occidentaux. Ils ont été avalés, dévorés par leur ennemi. Ils deviennent leur ennemi. Il ne leur reste plus qu’un refuge avant de se fondre totalement en nous et de s’anéantir : la religion, l’Islam. On peut tout christianiser, occidentaliser, jamais on ne christianisera l’Islam. C’est une question de vie ou de mort. Quel peuple a envie de disparaître ? Ou tu t’abrites dans l’Islam ou tu disparais. Alors bien sûr, la burqa. Rien que pour te faire un peu chier. Pour ne pas mourir ce matin.

Tu vois, Elisabeth, ils ne te veulent pas du mal les musulmans. Ils sont dans une mauvaise passe. Aide-les à la traverser. Ça ne durera pas longtemps, un siècle ou deux à tout casser. Après, tu verras, tout ira bien dans une France sans chrétiens, sans musulmans et, enfin, sans juifs.

Mc Cartney vs rosbif : ne suivez pas le veuf !

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Nous avons, comme tous les hommes de goût, toujours préféré la mélancolie virile des Stones à la niaiserie sucrée des Beatles. Et si par hasard nous avions eu un doute, il aurait été dissipé par la dernière déclaration de Paul Mc Cartney, qui a à peu près autant le sens des réalités sociales qu’un électeur d’Europe Ecologie. Paul, en effet, en végétarien milliardaire convaincu, affirme qu’il serait bon pour la santé et l’effet de serre de décider d’un jour sans viande dans la semaine, en l’occurrence le lundi. En effet, pour Paul, on ne dit pas assez l’effet dévastateur des flatulences bovines sur la couche d’ozone et du stèque sur le cholestérol. Le problème, Paul, c’est que dans le Royaume-Uni et la France de notre belle époque de licenciements massifs et de précarité galopante, l’urgence serait plutôt, pour une part grandissante de la population, de proclamer un jour avec viande dans la semaine.

Ce Sarkozy-là, j’ai envie d’y croire

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C’est pas que ça m’inquiète, mais un peu tout de même. Je me demande si je ne suis pas devenue… sarkozyste. Non, ce serait trop affreux, c’est sans doute simplement un accès. Dès que je le verrai tripoter son téléphone portable devant le pape, vanter les mérites de son épouse comme s’il était chez Delarue ou proclamer son admiration pour les « écrivains qui vendent », le charme ou plutôt la maladie cessera.

La polémique assez convenue qui a précédé son discours au Congrès avait déjà attendri mes défenses immunitaires. Il est vrai que je n’ai pas de religion du régime et que peu me chaut que nous soyons encore dans la Ve République, dans la Ve bis ou dans la VIe moins le quart. Que les institutions, comme le droit d’ailleurs, s’adaptent aux changements des mœurs, je ne vois pas où est le problème. Que chaque président les tire là où le conduisent sa propre nature et les circonstances politiques, on se demande comment il pourrait en être autrement. Quant à la régression du Premier ministre au rang de Premier fonctionnaire du pays, ce qui n’est tout de même pas n’importe quel job, elle avait commencé depuis longtemps, à l’exception des périodes de cohabitation, et il n’y aura plus de cohabitation – à moins, évidemment, que nous devenions tous schizophrènes.

Il est indéniable, donc, que Nicolas Sarkozy change le régime. And so what ? En vrai, tout le monde s’en fout qu’on change de régime. La gauche, qui sait qu’elle ne va pas mobiliser les foules avec ça, a donc plus ou moins entonné l’air du bonapartisme, tout en jouant l’air habituel « chacun tire dans son coin ». Je ne sais pas si le terme « coup de force » a été prononcé mais je suis sûre que beaucoup l’avaient sur le bout de la langue. À l’aveugle, Edwy Plenel nous aurait parlé de « césarisme » que je n’en serais pas étonnée. C’est assez amusant. Pour une fois, au lieu d’aller à la télé, ce qu’il peut faire assez aisément et c’est normal, le président décide de s’adresser à la représentation nationale qui justement, se plaint depuis des années d’être déconsidérée et écartée du débat démocratique. On m’aurait demandé mon avis, j’aurais préféré qu’il restât écouter les réponses. Tant qu’à commettre une gravissime infraction à la séparation des pouvoirs (autre thème peu mobilisateur), autant être courtois. Mais enfin, que les Assemblées redeviennent l’un des théâtres de l’affrontement démocratique ne me déplairait pas. Encore faudrait-il que le pouvoir ait des adversaires en face de lui. Ceux qui nous répètent chaque jour que nos libertés sont menacées devraient peut-être s’interroger sur ce point.

Tout ça, dit-on enfin, exhale un petit fumet monarchique. Certes. La France a vécu mille ans en monarchie et un peu plus de deux siècles en république et on voudrait qu’elle n’ait rien conservé d’avant 1789 (pour ne pas parler des deux empires et des deux monarchies censitaires du XIXe siècle) ? Difficile de le nier, le château de Versailles évoque la monarchie. Serait-il prescrit quelque part que l’on doive oublier celle-ci ? Ce parfum de royauté ne me gêne pas, bien au contraire. Etait-ce l’effet de la fièvre ? Dans ce décor, j’ai trouvé que Nicolas Sarkozy habitait plutôt mieux la fonction qu’en bien d’autres occasions. Quelqu’un devrait le lui dire : un peu de solennité lui va pas mal au teint.

Là où j’ai vraiment commencé à m’inquiéter, c’est quand j’ai réalisé que son discours me plaisait. Manipulée par les communicants du président, avais-je perdu mon libre-arbitre ?

À peine sortis du château, les socialistes se sont rués sur les micros pour dire qu’il n’y avait rien de concret dedans. Je dois être vraiment atteinte parce que je n’ai pas trouvé. Je dirais plutôt que c’était du bon Guaino sur les principes, relu et corrigé par des praticiens de la chose économique et sociale. Il aurait été incongru, me semble-t-il, de déranger nos estimables représentants pour annoncer un catalogue de mesures. François Hollande a le droit de penser que les principes n’ont aucun intérêt. Je ne suis pas d’accord.

On me pardonnera d’étaler ainsi des symptômes gênants, mais j’ai choisi la transparence. Je me lance. À deux ou trois reprises, j’ai eu envie d’y croire. Ai-je entendu des voix ? Il m’a semblé que le président disait des choses que beaucoup de Français avaient besoin d’entendre. « Une France sans usines et sans ouvriers est une idée folle. » On aurait aimé entendre les responsables socialistes, lorsqu’ils étaient au pouvoir, défendre cette idée par le verbe et par les actes. Quant à l’idée d’un emprunt public pour financer les investissements, elle est au cœur du keynésianisme dont je croyais jusque-là qu’il était raccord avec la pensée économique du PS. J’ai dû me tromper. Et nos socialos de se désoler parce qu’un tel emprunt pèserait sur la dépense publique. S’ils ne comprennent pas que recourir à l’emprunt pour boucler ses fins de mois ou pour construire des infrastructures ne sont pas la même chose, qu’ils retournent à l’école.

Sur les détails, j’aurais bien deux ou trois objections à faire. D’abord, je ne suis pas sûre qu’il faille se priver de la possibilité d’augmenter les impôts, tout simplement parce qu’avec des dizaines de milliers de chômeurs et de précaires supplémentaires, il va bien falloir les boucler, les fins de mois. Et question redistribution, il faut bien admettre qu’il y a encore deux ou trois trucs qui coincent. D’autre part, je trouve un peu suspecte cette intention proclamée d’associer la France entière à l’élaboration des priorités. Je n’aime pas trop ce relent citoyen et participatif qui me rappelle quelqu’un mais je ne vois pas qui.

C’est quand Nicolas Sarkozy a abordé les questions qui fâchent que là, j’ai vraiment craqué. Il n’est pas si fréquent qu’un dirigeant revienne sur ses bourdes. Quand il a reconnu que la « discrimination positive » – qui était l’un de ses dadas – n’appartenait pas à la tradition française, j’étais collée au plafond. Et s’il avait récemment compris quelque chose à l’ADN de notre pays ? Quand il a ajouté que l’égalité des chances était un objectif avec lequel on ne peut pas transiger, je me suis mise à pleurer (non, j’exagère pour vous apitoyer sur mon état). Il a eu les mots qu’il fallait : oui, « il faut donner à ceux qui ont moins », mais rien sur des critères ethniques, tout sur des critères économiques et sociaux. À la française, quoi. Sauf moment d’inattention de ma part, il n’a pas prononcé le mot magique – « diversité ». Du coup, le CRAN qui a peut-être compris qu’il avait perdu une bataille a immédiatement réclamé la création d’un ministère de la Diversité.

Le plus fort de la crise (de la mienne, j’entends) a coïncidé avec le passage sur la burqa. C’est comme ça que je l’espérais, mon président. Sans faiblesse, sans ambiguïté : pas de ça, chez nous. « La burqa n’est pas un signe religieux mais une manifestation d’asservissement. » Voilà pour ceux qui nous expliquent qu’emprisonner sa femme ou s’auto-emprisonner relève du libre exercice de la foi.

Je crois bien qu’après toutes ces émotions, je me suis évanouie, peut-être au moment précis où le président disait « Vive la République ! » Je me demande maintenant si j’ai rêvé. J’ai comme une gueule de bois. Et s’il ne s’agissait que de paroles verbales ? Si ce discours de reconquête n’était que de la com’, comme l’expliqueront ceux de mes confrères qui n’auront pas trouvé horribles les intentions elles-mêmes? Et si pour les Français qui croient encore en la parole présidentielle, la déception était, une fois encore, au rendez-vous ?

Vous voyez, ça va beaucoup mieux.

Est-ce ainsi que les femmes vivent ?

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Avec le débat qui s’engage sur le port de la burqa, on peut constater qu’au moins soixante députés ont cessé de se voiler la face et qu’ils entendent le faire savoir. Y aura-t-il une interdiction à la clé ? Peut-on espérer qu’on acceptera désormais, en France, de sacrifier un droit ou une liberté à la défense de notre culture, c’est-à-dire de notre liberté ? Je sais que ce n’est pas gagné : légiférer sur les vêtements qu’on porte dans la rue fera lever pas mal de boucliers.

Derrière ces niqabs (burqas sans grillage) qui prolifèrent, des fondamentalistes tentent d’imposer leur mode de vie en faisant de la politique avec leurs femmes et leurs filles.

Des ignorants baignant dans une culture machiste ont prohibé le port de la jupe en banlieue, des barbus tentent, au sens propre, de couper du monde leurs femmes, jusque dans les rues. Une très large majorité de Français de toutes origines assiste impuissante à l’apparition de ces fantômes dans les villes et y voit une régression de la vie publique.

La soumission à une religion qui exige cela, l’affichage de son appartenance à cet islam-là sont incompatibles avec le pacte d’intégration qui offre protection, notamment sociale, aux citoyens en échange d’une adhésion aux valeurs et usages français. Si nous renonçons à cette exigence, c’est l’islamisation de la France qui avancera et l’islamisme avec. Bien placée pour le savoir, Fadela Amara nous met en garde : mettez le holà. Protégez-nous et protégez-vous. Les islamistes vous testent.

Je crains que cet avis précieux ne soit pas entendu et qu’encore une fois on brandisse un principe, une loi, un droit, un avantage acquis pour interdire d’interdire. La burqa, cet attribut de totalitarisme domestique, pourrait se répandre à l’abri de la liberté de s’habiller comme on veut, du droit de vivre sa foi ou du principe selon lequel l’intégration ne doit être forcée. Le principe suprême de notre temps, qui tient en trois mots – c’est mon choix – sera invoqué. Mais tout céder à l’exigence individualiste pourrait nous empêcher de dessiner ensemble notre monde commun, de décider ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas.

Dans cette affaire, il ne s’agit pas d’élargir le champ du possible mais de le restreindre, pas de sauver la liberté de critique, de parole ou de caricature menacée, mais de limiter la liberté d’afficher son identité. C’est moins facile. Brimer des jeunes filles dévotes et pudiques, ce n’est pas le combat rêvé. Certains esprits indécrottablement libertaires auront du mal à s’y faire. Pourtant sans réaction, l’islamisation à petits pas de la société, tolérée au nom du droit à la différence, installera les pratiques les plus liberticides qui soient, au pays des droits de l’homme – et grâce à eux.

Trop souvent, des autorités dont le seul souci est d’éviter de faire des vagues, des jugements pavés de bonnes intentions, des juges terrifiés à l’idée de passer pour islamophobes et répressifs ont concédé le terrain républicain à l’obscurantisme vert.

Il faut imposer des limites au multiculturalisme. On interdit la polygamie ou l’excision : quand on veut on peut. Il faut donc savoir ce qu’on veut et à qui on a affaire. Accepter que des femmes, en France, soient emprisonnées sous nos yeux, c’est renoncer à l’exigence d’égalité entre hommes et femmes, le plus précieux fondement de notre qualité de vie. Ne pas être à la hauteur dans ce bras de fer que tentent les islamistes serait, en plus d’une indignité, un mauvais calcul. La défaite et le déshonneur !

D’autres injonctions sont lancées à la République. Le consensus laïque auquel tous les immigrants s’étaient jusque-là adaptés est menacé dans les hôpitaux, les piscines, les cantines scolaires. Ce harcèlement ne s’arrêtera pas tout seul. La dérive de tribunaux européens racontée par Pat Condell doit nous inviter à légiférer fermement.

Il faut préserver les rues, les villes, les filles de la République de toutes les emprises religieuses. En refusant de transiger sur ses valeurs, la France enverrait aux peuples d’Europe et du monde un message d’espoir. Nous avons la laïcité la plus avancée d’Europe. Défendons-la. Elle est ce que nous pouvons offrir de mieux à tous ceux que l’islamisation inquiète : Français de souche ou d’ailleurs, Hollandais, Belges, Suédois, Danois et tant d’autres applaudiraient une France fidèle à sa devise.

S’ils sentent, sur ce coup-là, une société unie dans un refus clair et net, nos représentants sauront faire front. Je me prends à rêver d’un Sarkozy portant haut et fort la voix d’une France laïque, capable de braver la Cour européenne des droits de l’homme et certaines remontrances internationales. Défiant le monde diplomatique pour faire valoir cette exception française non négociable qu’est notre laïcité, il saisirait une chance historique de reconquérir un peu de souveraineté nationale. Par ce geste, il rassemblerait pratiquement toutes les familles politiques, des gaullistes aux gauchistes, ravis qu’on résiste à l’impérialisme multiculturel donneur de leçons ; des droites nationales et souverainistes rassurées sur ce coup-là, aux femmes, et en première ligne, celles des cités, c’est presque tout le peuple qui lui en serait reconnaissant.

Si la lâcheté devait prévaloir et la « tolérance » et le respect de toutes les cultures l’emporter, nous pourrons toujours opposer une résistance individuelle, en usant de notre droit de parler aux femmes dans la rue, même étrangères et inconnues, pour ne pas perdre ce savoir-faire à la française que le monde entier nous envie : la galanterie.

Merci à Alain Finkielkraut et Louis Aragon pour le titre.

Coca-colon ?

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C’est à des mondanités d’un type peu ordinaire que s’est livré la semaine dernière Christian Polge, président de Coca Cola France. Il était, à Drancy, l’invité vedette d’un dîner-débat organisé par l’UAM 93 (Union des associations musulmanes de la Seine-Saint-Denis). L’objet premier de ce déplacement était à l’évidence de déminer une rumeur urbaine (et plus spécialement péri-urbaine) qui fait des ravages depuis deux ans, selon laquelle le Coca contiendrait de l’alcool. Fort d’un certificat de halalitude en bonne et due forme, décerné par la Mosquée de Paris, il s’est donc employé à tordre le cou à la rumeur. Mais le PDG de Coca a dû aussi s’expliquer longuement sur des sujets moins en rapport avec les seuls interdits alimentaires musulmans et notamment sur le supposé soutien de son groupe à Israël, qui fait que de nombreux islamistes, mais aussi de nombreux sites pro-palestiniens, appellent au boycott de la boisson gazeuse. On ne sait pas si ses explications ont convaincu l’auditoire, mais dans le doute, amis du 9/3, ne prenez pas le risque de financer des alliés de l’occupant honni : buvez du Havana Club et du Puligny-Montrachet !

Téhéran : le printemps des illusions

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Impossible d’être insensible aux images qui filtrent d’Iran, à ces hommes et femmes qui aspirent à la liberté. Et difficile, en même temps, de ne pas être mélancolique en pensant à ce qui les attend s’ils gagnent – et ils gagneront tôt ou tard. Ils ne le savent pas, mais ils vivent leurs plus belles heures, quand la liberté est rêvée. C’est l’heure de la poésie avant que la prose du monde ne revienne faire son sale boulot.

Enthousiasme instinctif, donc face à l’écran, qui n’empêche quelques tristes réflexions. Nous le savons déjà, la suite, hélas, est inévitable : dans cinq, dix ou quinze ans l’Iran sera libre. Ce qui concrètement signifie qu’on y trouvera des centres commerciaux ouvert 7 sur 7 (je me demande si ce n’est pas déjà le cas), périodiques cochons dans les kiosques à journaux, citoyens consommateurs addicts à Plus belle la vie et au Loft, sans oublier des hordes de jeunes, pantalon en berne, épaule tatouée et piercing au nez. Et bien entendu, pas mal de monde s’offrira le frisson de la nostalgie du bon vieux temps, quand porter du rouge à lèvres ou boire une gorgée de bière étaient des actes subversifs.

Après des siècles de réflexion sur l’écart qui existe entre « liberté de » et « liberté pour », nous ne sommes pas très avancés. « Je fais ce que je veux » ne me dit pas « ce que je veux ». Les Iraniens qui vivent sous le joug d’interdictions multiples et absurdes ne veulent qu’une chose : s’en libérer. Cette aspiration à une « liberté négative », toute entière contenue dans les chaînes arrachées, est souvent le dénominateur commun aux coalitions hétéroclites qui accomplissent les révolutions. On ne prend pas le Palais d’Hiver en préparant un pacte de gouvernement. Pour que le Grand soir ait lieu, il faut que les lendemains chantent, que la poésie étouffe la prose. Et ça, ça ne dure jamais. Heureusement d’ailleurs.

Je me demande ce qu’ils imaginent, tous ceux qui, dans les rues de Téhéran, demandent la liberté et la démocratie ; quelles images, quels rêves ont-ils en tête ? Pour beaucoup, la « liberté » doit être le remède, celui qui guérira tous leur maux – même ceux qui n’ont rien à voir avec la politique. Mais quand le pouvoir s’installe dans les vies, quand il est capable d’y introduire le malheur, comment ne pas espérer que celui qui viendra apportera le bonheur ? Ils veulent une « autre vie », pas moins. Risqueraient-ils, sinon, leur travail et leur vie, leur quiétude et celle de leurs proches ? Affronteraient-ils la police et les milices s’ils savaient qu’à la clé, ils n’ont rien d’autre à gagner que l’existence des classes moyennes d’Occident. Et encore, ils la paieront cher. Même si un miracle amenait, demain matin, Hossein Moussavi au pouvoir, nombre de ceux qui manifestent avec tant de courage seraient toujours sans emploi et sans logement, l’horizon borné par les difficultés quotidiennes. Heureusement, ils ne savent pas. Heureusement, dans ce domaine, les leçons de l’Histoire ne comptent pas. Seuls les rêves transportent les foules. Pour se sacrifier il faut croire, même si c’est une illusion, qu’on se sacrifie à quelque chose de plus grand que soi. D’ailleurs, ce n’est jamais complètement une illusion.

L’expérience polonaise dont l’entourage de Moussavi dit s’être inspiré est effectivement emblématique. Rappelons-nous de Gdansk 1980-1981, Adam Michnik, l’esprit Solidarność, et observons la Pologne de 2009. Ceux qui manifestaient pour la liberté et la démocratie avec Lech Wałęsa rêvaient de tout autre chose. Heureusement. La déception, c’est le seul contrat que nous ayons avec l’Histoire.

Quant à nous, (télé)spectateurs de ce spectacle fascinant, nous regardons ces Iraniens de tous âges comme des vieux contemplent des jeunes en train de s’engager dans la vie avec cet enthousiasme dont seuls les ignorants sont capables. Et comme ces vieux, nous échangerions volontiers un peu de notre sagesse contre l’ignorance des Iraniens, cette ignorance bénie par Jésus himself, selon saint Marc en tout cas. Bonne chance, chers Iraniens, chères Iraniennes, vous vivez le meilleur, le plus intense, celui où la joie côtoie le danger. Savourez chaque instant. Un jour, que j’espère proche, vous gagnerez. Et rien ne sera plus jamais pareil.

Bienvenue dans l’Empire du moindre mal, selon la brillante définition de Jean-Claude Michéa. Après tout, on n’y est pas si mal. Vous ne pouvez pas éviter le tchador et tous les autres interdits, le monde dans lequel nous vivons offre au moins le luxe de pouvoir le déserter. Nul n’est obligé de s’abrutir devant la télé-poubelle, d’aller au Mac Do ou de lire d’infects romans contemporains. Oui, vous allez découvrir combien la liberté est prosaïque. C’est peut être triste à dire, mais c’est ce qu’on peut vous souhaiter de mieux. Ou de moins pire.

Fête des pères, do it yourself !

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Le conseil aurait pu être bon en ces périodes concomitantes de crise économique et de fête des pères : le site Burda Style nous explique comment fabriquer soi-même une cravate en soie. En théorie, ça a tout pour plaire (y compris à Jérôme Leroy, puisqu’il y a des patrons à découper). En pratique, faut quand même être à la fois bon en couture (il y a quatorze étapes de fabrication), mais aussi en anglais (faut traduire) et en calcul (faut convertir de ces fucking inches en mesures humaines). Et qu’on ne vienne pas me faire remarquer, please, qu’il existe un site de Burda en français, non seulement il est beaucoup moins trendy, mais on n’y trouve pas trace de cravates. Bref, mon conseil pour les retardataires, filez chercher une bouteille de Glenmachinchose chez l’Arabe du coin, les paternels aiment toujours ça. Ou alors, s’il y a marché dimanche matin par chez vous, allez y acheter une magnifique cravate made in Asia à 5 €. En plus d’un papa heureux, vous ferez une bonne œuvre en donnant du travail à un gamin de sept ans…

Intermède savoyard

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Short trip at home est, si nous nous souvenons bien, une nouvelle de Scott Fitzgerald, dont on pourrait traduire le titre par « Bref retour à la maison ». Cela convient parfaitement à notre situation présente. Nous sommes rentrés hier soir à 11 heures (23 heures en langage posthistorique) et nous repartons à 5 heures, ce dimanche, après avoir voté Front de Gauche, bu une bouteille de Chinon de chez Lenoir sur un romestèque au poivre flambé au ouisquie. La vie est un voyage en tégévé, et on ne dit pas seulement ça pour l’allitération.

Une semaine passée à Annemasse, donc, une ville qui a un nom de fille douée de ses mains. Annemasse se vit comme la banlieue de Genève. Annemasse a tort, Annemasse est une vraie ville, qui a échappé à la muséification française habituelle de l’urbanisme dénoncée par Marc Augé, où l’on a piétonnisé trois ou quatre rues dédiées à la vente de pacotilles spectaculaires-marchandes. Tout ça pour arriver à une cathédrale et/ou à une place rénovées, où des bobos viennent une fois par semaine faire leur marché bio et payer le radis l’équivalent d’un RSA.

Non, avec son urbanisme bordélique, ses avenues aux immeubles sans style bien défini et ses passants multicolores, Annemasse ressemble à une ville du monde d’avant, c’est-à-dire une ville où l’on vit d’une vie humaine et non un lieu où l’on se rend de temps à autre pour nourrir une triste dépendance de zombie consumériste.

Annemasse, comme ne l’ignorent pas ceux qui sont allés à l’école avant sa destruction massive par l’idéologie libérale-libertaire, se trouve en Haute-Savoie. La Haute-Savoie est un département avec des montagnes, dont le Mont-Blanc qui est quand même très beau (même pour un septentrional maritime comme votre serviteur), quand il apparait au détour d’une route dans le soleil du matin. Entre les montagnes, dans les vallées, on trouve des médiathèques habitées par de jolies bibliothécaires et des collèges où l’on a aimé la Grande Môme, un de nos romans à l’usage des jeunes gens qui lisent encore.

Quand vous êtes plus de cinq jours dans une ville inconnue, à dormir à l’hôtel, par une température qui ne descend pas en-dessous de 35°, vous pouvez perdre assez vite pied, avoir l’impression au choix d’être un personnage de Simenon en plein escapisme, comme Monsieur Monde ou de K. Dick, piégé dans une illusion psychotropique, croyant qu’il est là depuis la veille alors que ça fait trente ans (ou le contraire d’ailleurs).

Mais nos lecteurs savent qu’au bout du compte nous sommes des cartésiens, amoureux de la raison et de la méthode. Pour échapper à cette angoisse de la déréliction, nous avons donc décidé de nous accrocher de toutes nos forces à la réalité, et ce en pratiquant des sports à haut-risque comme la dégustation de tartiflettes par temps caniculaire, accompagnée de Mondeuse, qui est un vin tout à fait plaisant et qui a su rester naturel. Ils n’ont d’ailleurs aucun intérêt à trafiquer leur jaja puisque de toute façon l’exigüité de leur terroir leur interdit de fait les rendements démesurés.

Des centaines de visages aussi, en général bienveillants, polis, civilisés, comme tous ceux des gens qui aiment les livres pour ce qu’ils représentent de rêve et d’émancipation. Remercions la jeune femme de la médiathèque de Saint-Pierre en Faucigny qui, après l’atelier d’écriture du mercredi après-midi, voyant que nous souffrions visiblement à l’idée de retourner aussi vite dans la fournaise d’Annemasse nous a emmené dans sa petite automobile jusqu’au Grand Bornand prendre le frais et nous a fait passer au large des Glières. Reconnaissance également à l’aide documentaliste du lycée de Ville-La-Grand, dont la cour est longée par un petit chemin qui se faufile à travers des champs et qui marque la frontière avec la Suisse. Ce fut un lieu de passage pour les Juifs pendant l’Occup, qui étaient aidés par des prêtres du cru, devenus depuis des Justes. L’un d’eux, d’ailleurs est encore en vie. Bonheur du sentiment géographique, aussi, à cet endroit, quand on se voit soi-même à l’œil nu sur une carte franchir des frontières (même chose lors d’une baignade à Eilat, dans nos promenades hasardeuses à travers les bois du Mont Noir ou sur cette portion oubliée de la Grande Muraille, à une centaine de kilomètres de Pékin.)

Tout ça s’est terminé le samedi par le quinzième salon de littérature jeunesse d’Annemasse où nous avons découvert et acheté les livres de Plonk et Replonk, artistes suisses maitres du non-sense, qui détournent de vieilles carte-postales dans un esprit surréaliste proche de celui du dessinateur Glen Baxter.

Tout à l’heure, nous repartons pour Angers, Grande Môme toujours. Dans le train, on relira des poèmes de Bukowski et les Minima Moralia d’Adorno, qui sont aussi des poèmes dans leur genre. La preuve : « Il n’est sans doute rien qui distingue aussi profondément le mode de vie de l’intellectuel de celui du bourgeois que ceci : le premier ne reconnaît pas l’alternative entre le travail et l’amusement. »

Vive l’Eglise de France !

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Qui a dit que l’Eglise catholique se portait mal ? Sur l’excellent site du diocèse de Versailles, nous apprenons que le dimanche 28 juin 2009 en la cathédrale Saint-Louis, à 15 h 30, Mgr Aumonier, décidément bien nommé, ordonnera trois nouveaux prêtres : Jacques Noah Bikoé, Gaël Bénéat et Marc-Olivier de Vaugiraud. Nous remarquerons qu’en ces temps troublés où un certain nombre d’agités du bocal ont envie d’aller à la guerre ethnique, l’Eglise de France, fidèle à sa tradition universaliste, a choisi un Africain, c’est-à-dire un Noir, qui sera peut-être Pape un jour, un roturier de la bourgeoisie qui préfère dire la messe que de s’agiter dans une salle des marchés ou une start-up attrape-gogos on line et un aristocrate dont on peut penser qu’il est issu d’une dynastie de militaires héroïques et de conseillers d’Etat intègres. C’est décidément dans les derniers secteurs non-marchands de ce pays, Eglise catholique et école publique, que l’on semble décidé à donner sa chance à la « République, notre royaume de France », comme aurait dit Péguy, qui doit, de là où il est, regarder cela avec un certain soulagement.