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Complètement frappées

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couple

Il y a deux manières, pour le vieux macho ronchon que je crois être, de réagir à la nouvelle cause enfourchée par les féministes radicales, la lutte pour la reconnaissance d’un « délit de violences psychologiques au sein du couple ». La première est d’entonner le chant des lamentations pour déplorer que le résultat de la suractivité du lobby féministe aboutisse encore une fois à une intrusion de plus en plus grande de l’Etat au sein de la sphère privée. Pour constater, avec Alain Finkielkraut, que l’essentiel pour un groupe humain est aujourd’hui d’accéder au statut de victime collective à laquelle la société doit protection et réparation. Et enfin pour se dire que l’on n’est pas mécontent, lorsque l’on a l’essentiel de sa vie derrière soi, d’avoir pu vivre son rapport à l’autre sexe sans avoir constamment l’ombre du gendarme et du juge sur le mur de la chambre à coucher.

Il est certes difficile de revendiquer, au nom du charbonnier maître chez soi, le droit de tabasser sa compagne. Les poursuites engagées contre les maris ou concubins violents sont légitimes car elles s’appliquent à un être humain qui porte atteinte à l’intégrité physique de l’un de ses semblables, avec la circonstance aggravante, la plupart du temps, que la femme est physiquement incapable de résister à la force masculine brutale.

La deuxième attitude consiste à regarder la chose de plus près pour y découvrir des perspectives insoupçonnées, mais intéressantes ayant échappé à la vigilance des vigilantes. Ce délit de « violences psychologiques au sein du couple » été défini d’une proposition de loi présentée mercredi 24 novembre par un groupe de députés siégeant au sein de la mission parlementaire contre les violences faites aux femmes. Leur texte stipule que le fait de « soumettre un conjoint à des agissements ou à des paroles répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de vie de la victime susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d’entraîner une altération de sa santé physique ou mentale est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende ».

Pour la députée de Paris (Parti de gauche) et membre de la mission parlementaire contre les violences faites aux femmes Martine Billard, il s’agit bel et bien d’une petite révolution, car on prend enfin en compte le fait que « des paroles très humiliantes répétées quotidiennement à une femme peuvent totalement la détruire »
Cette fois-ci on ne rigole plus ! Les paroles verbales peuvent vous conduire au trou plus sûrement qu’un délit d’initié quand on est PDG d’EADS.

Mais si l’on regarde bien ce projet de loi que François Fillon, courageux mais pas téméraire devant les meufs en colère, a promis de soumettre aux assemblées en 2010, il se pourrait bien que les furies légiférantes se soient tirées une balle dans le pied. Autant il est facile d’attribuer très majoritairement aux hommes des actes de violences physique dans le couple (encore que les cas de maris battus soient moins rares qu’on ne l’imagine, selon quelques magistrats de ma connaissance), autant on pourra constater que les dames ne sont pas les moins enclines à vous pourrir la vie par leurs jérémiades incessantes, leurs minables chantages, leurs coups tordus pour vous débiner dans votre environnement etc…Toutes actions qui, si elle sont menées avec constance et régularité, peuvent aboutir a des conséquences fâcheuses sur votre santé physique et mentale, comme il est indiqué dans le projet de loi.

L’imagination des « emmerdantes, emmerdeuses, ou emmerderesses », selon la classification du genre féminin établie par Sacha Guitry, pour vous faire tourner en bourrique jusqu’à ce qu’elles obtiennent satisfaction semble sans limite. En tout cas, jusque-là, rien ne permettait de mettre un terme aux agissements d’une compagne qui estime que le meilleur moment pour passer l’aspirateur dans le salon coïncide avec la diffusion du match entre le XV de France et les All Blacks. Voilà qui est réparé !

La loi Billard, si elle est votée et baptisée du nom de cette députée qui s’en fait si éloquemment la championne, pourrait bien être à plusieurs bandes…

Goncourt de circonstances

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arc

La France est monstrueuse. Il y aurait des montreurs de pays, comme il y eut des montreurs d’ours ou de femmes à barbe, on exhiberait ses difformités sur les foires. Les badauds s’amasseraient et, vite saisis d’effroi, ils iraient dégueuler cette horrible vision dans un coin. On ferait payer l’entrée, bien sûr, et l’on s’enrichirait, car il est dans la nature humaine de prendre plaisir à vomir la France. Ce serait Freaks tous les jours et à guichet fermé. La monstrueuse parade.

Les peuples du monde ont bien essayé, au cours de leur histoire, de faire quelque chose pour la France. Nous autres Allemands n’avons pas été en reste et, deux ou trois petites fois, nous avons tenté l’impossible pour mettre un peu de civilisation dans une monstruosité pareille. Rien n’y fit : la France accoucha de l’hydre sarkozyste.

L’hydre sarkozyste, c’est un truc plus petit que la normale, mais terrible quand même. Les totalitarismes du XXe siècle, la guerre, la barbarie, ça n’est rien à côté. Staline faisait taire ses rivaux à coup de pic à glace, pas en les battant sauvagement à chaque élection. Pol Pot ne voulait castrer personne chimiquement ; il se contentait de ranger les gens sagement dans un charnier. Qui n’a vu Patrick Devedjian s’exprimer au sujet de la relance ne sait pas ce que la férocité veut dire. Qui n’a pas frémi en écoutant un jour Frédéric Lefebvre parler de Ségolène Royal ne connaît pas la terreur.

Et ce n’est pas tout ça. Le plus monstrueux, c’est que la France est un pays raciste. Ça doit provenir du fait que son président est d’origine hongroise. Je ne vois pas d’autre explication. Il n’y a pas pire raciste que les Hongrois, mis à part les Italiens, les Anglais, les Suisses, les Polonais, les Russes, les Chinois, les Marocains, les Albanais, les Danois, les Grecs, les Roumains, les Autrichiens. Non, pas les Autrichiens, ça leur arrive parfois d’être assez ouverts à d’autres cultures, notamment lorsqu’elles sont allemandes.

Le fait est qu’en France ce n’est pas demain la veille qu’on confiera un poste en vue à des femmes, des gens de couleur ou à des homosexuels. J’en discutais la semaine dernière avec Frédéric Mitterrand et Harry Roselmack, qui me disaient qu’il n’y avait malheureusement aucun écrivain noir en France, avant que Pierre Bergé ne vienne nous interrompre en nous traitant de « myopathes » – ce à quoi nous lui avons rétorqué : « C’est celui qui dit qui est. »

Si je n’étais déjà pas allemande et que je ne vivais pas à Stuttgart, je prendrais mon courage à deux mains, franchirais le Rhin et irais m’installer loin de France, pour ne pas avoir à vivre dans pareil pays.

Maintenant, c’est pas tout ça. J’ai fait mes lignes. A quel guichet je m’adresse pour mon Goncourt ?

A n’en pas croire ses vieux

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C’est à bord d’une puissante berline de marque germanique, sur une route départementale des environs de Bailleul, dans la Sarthe, que madame X ayant été flashée à plus de 160 km/h, a été arrêtée par la gendarmerie après une course poursuite de plusieurs heures. Madame X avait 83 ans et était accompagnée de son mari qui en avait 85. L’octogénaire avait décidé d’échapper aux forces de l’ordre car elle ne disposait plus d’assez de points sur son permis, ce qui semble indiquer une pratique décidément assidue de la délinquance routière. Ce genre de fait-divers, tout de même inquiétant, devrait inciter le gouvernement à relancer d’urgence le débat sur les retraites. En effet, au lieu de mourir épuisés juste après avoir atteint l’age légal de 60 ans, les retraités profitent avec insolence de leur bonne fortune. L’augmentation de l’espérance de vie peuple en effet notre pays de vieillards aux revenus scandaleux, qui se gobergent pendant des décennies en riant des masses laborieuses ou chômeuses et qui adoptent, pour finir, des comportements nihilistes (drogue, vitesse, sarkozysme) tant l’existence leur semble ennuyeuse et interminable.

L’Etat, c’est nous. Nous tous.

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police

Il est bien regrettable qu’Anyss Arbib soit un Français comme vous et moi. Parce que je connais une palanquée de donzelles qui accepteraient volontiers un mariage gris ou même blanc avec ce jeune homme bien sous tous rapports : beau comme un camion, intelligent, promis à un brillant avenir au service de l’Etat, des initiales de premier de la classe. Et en prime, un républicain comme on n’en fait plus. Bref, si Marianne était un homme, je voterais pour qu’on lui donne le visage d’Anyss[1. D’accord, il est un peu jeune pour moi, mais ce n’est pas très élégant de le faire remarquer.].

Autant dire que la lecture de son témoignage dans Libé du 24 novembre m’a fait froid dans le dos – et, pour tout dire franchement honte. D’origine marocaine, Anyss habite Bondy et, après la victoire de l’Algérie, il décide d’aller faire la fête à Paris avec un copain d’origine algérienne. Un peu comme un Français d’ascendance italienne aurait pu accompagner son voisin d’origine portugaise dans des circonstances analogues – ou comme de nombreux Juifs feraient la fête si Israël remportait une compétition, ce qui, grâces soient rendues au dieu des Juifs, n’est pas très probable. Porte Maillot, Anyss assiste à des violences policières alors que, selon lui, il n’y avait pas de casseurs dans le secteur. Les policiers le prennent à partie – avant de le gratifier, en prime, d’un jet de lacrymo. « Dégage, sale Arabe ». Il explique qu’en tant qu’étudiant à Sciences Po, il connaît ses droits. Réplique : « Sciences Po ou pas, t’es un Arabe ».

Quand Anyss parle de guerre franco-française, il faut l’entendre et même le remercier. Oui, Anyss a été maltraité par la police de son pays. Oui, Anyss est français, et même ce qu’on pourrait appeler un bon Français si on avait encore le droit de dire ce genre de choses. Un résumé de notre identité. Quand il invoque ses droits, il se montre plus romain que les Romains. Et peu nous chaut qu’il fasse le ramadan ou qu’il aille à la mosquée. Quand il dit que c’est sa République qui est en danger, il a raison. Qu’un agent de police, détenteur de la force publique, lui renvoie ses origines à la face, montre qu’il faudra faire un peu plus que l’affichage de la déclaration des droits de l’homme dans les commissariats pour enfoncer dans le crâne de nos flics que la France n’est pas une nation ethnique et que quiconque adopte ses valeurs, son histoire et sa langue est aussi français que si ses ancêtres étaient à Gergovie avec Vercingétorix.

Je sais, les flics se font caillasser, traiter de « sales Céfrans » quand ce n’est pas de « Français de merde ». Ceux qui s’en sont pris à Anyss Porte Maillot en avaient certainement bavé sur les Champs Elysées. And so what ? Si le fait d’être pauvre et chômeur ne justifie pas le vol de mobylette ou le trafic de drogue, on voit encore moins pourquoi les difficultés (par ailleurs réelles) du métier de policier justifieraient des comportements illégaux voire délictueux, quand leur boulot est précisément de faire respecter la loi. La politique de l’excuse, ça ne marche pas plus pour les gendarmes que pour les voleurs. Et personne n’est obligé de travailler dans la police.

Même s’ils avaient eu affaire à un vrai zyva qui dit « nique la France » toutes les trois phrases, le comportement des flics aurait été inexcusable. Mais en plus, il faut que ça tombe sur Anyss. Anyss, c’est pas le genre à traiter ses concitoyens de Gaulois ni à passer son temps à se plaindre d’être une victime. Il ne demande pas que la France s’adapte à lui. Il pense qu’il est normal que la police arrête les malfaiteurs présumés, pas qu’elle leur casse la gueule comme il l’a vu ce soir-là. Je l’avoue, si je n’avais pas peur d’être confondue avec Ségolène Royal, je lui demanderais bien pardon, à Anyss, pas au nom de la France, puisque la France c’est lui, mais au nom de sa police.

Seulement, le policier-voyou n’est pas la police et la police n’est pas la France. Or, à lire et à écouter les journalistes au grand cœur qui peuplent les rédactions hexagonales, on pourrait croire que la France est le Chili de Pinochet…ou l’Algérie d’octobre 1988 (date à laquelle des émeutes de la faim ont été réprimées dans le sang). De Libé à Canal + en passant par France Inter, on s’est jeté avec délectation sur l’histoire d’Anyss, parce qu’elle arrivait à point pour confirmer ce que tout le monde savait déjà, à savoir que ce vieux pays est peuplé de beaufs et de racistes. Heureusement, il se trouve de courageux journalistes pour dénoncer les dérives policières et l’atmosphère de chasse aux immigrés qui sévit aux quatre coins de l’Hexagone. On ne peut que se désoler pour les Inrocks et Télérama qui sortent le mercredi et ont donc raté cette affaire « exemplaire ». Qu’ils se rassurent, d’ici une semaine, ils trouveront bien autre chose pour prouver que la France est décidément le pays du racisme ordinaire.

D’accord, ce n’est pas très grave. Si mes confrères aiment exhiber leur belle âme et se gargariser silencieusement du courage qui leur fait dire à tous la même chose comme si chacun défiait cet Etat inique en combat singulier, grand bien leur fasse. Il n’est pas mauvais d’avoir une belle âme et, sur ce cas précis, leur indignation, quoiqu’un peu surjouée, est parfaitement justifiée. Le problème, c’est que la bavure policière a totalement fait disparaître des écrans radars les manifestations elles-mêmes et leurs débordements. Peu importe qu’à Toulouse on ait, semble-t-il, décroché les drapeaux français de la mairie pour les remplacer par des drapeaux algériens. Peu importe que les Parisiens et touristes de toutes origines aient subi, le soir du fameux match, des violences qui n’étaient pas seulement policières. Peu importent les vitrines brisées et les équipements dégradés. On ne va pas en faire une histoire. S’ils cassent, c’est parce que nous ne sommes pas gentils, non ? La preuve par Anyss.

Le résultat, c’est que les seuls à évoquer ce qui s’est passé, et de la pire façon, sont les Le Pen, père et fille, le premier estimant sans ambages que les supporters de l’Algérie ne sont pas français et qu’il n’y a qu’à les renvoyer « chez eux », tant pis si ce chez eux n’existe pas. Notez, c’est exactement ce dont ils rêvent, les confrères : un nouveau 21 avril, une quinzaine antifasciste comme disait Muray, qui leur permettrait, une fois encore, de se prendre pour Jean Moulin, la torture et le chapeau en moins.

Le Pen, donc, comme d’habitude, n’a pas déçu ceux à qui l’antilepénisme tient lieu de pensée politique. Reste que ce « déni de réel » permanent, pour reprendre l’expression employée chez Yves Calvi par mon cher Alain Finkielkraut, ce « flagrant déni » me souffle Gil Mihaely, ne peut que conduire à un désastre. Pour les malheureux autochtones qui ont le front de ne pas lire Libé et les Inrocks, voire de les lire sans adopter leur point de vue pourtant confondant de subtilité et de nuances, ces proclamations répétées d’hostilité à la France proférées par des Français sont inquiétantes, voire révoltantes. Si on ajoute à cela le syndrome « on nous cache tout », allez donc expliquer ensuite à ces crétins qui, comme leurs concitoyens d’origine étrangère, sont nés quelque part, que les sauvageons ne représentent pas plus la France issue de l’immigration que les électeurs du Front national ne représentent la France de souche. Allez leur dire, à ces braves gens qui finissent par l’être un peu moins, que la France est multiraciale parce qu’elle se fiche des races, multi-religieuse parce qu’elle est laïque, et multiculturelle parce qu’elle a une grande culture capable de s’enrichir de tous les apports sans se perdre. Allez donc porter la bonne parole dans ces quartiers populaires où les blancs votent Le Pen parce qu’ils en ont marre d’être traités de salauds.

À ce sujet, je ne résiste pas au plaisir de vous raconter le dialogue entre Eva Bettan, l’inaltérable Madame Cinéma à la voix de sucre de France Inter, et Bruno Dumont dont le dernier film, Hadewich, sort cette semaine. Madame Bettan juge ce film « maladroit », car il y est question d’une chrétienne qui épouse un musulman et devient islamiste. « Pourquoi ne pas avoir fait l’inverse, Bruno Dumont ? Pourquoi n’est-ce pas l’islam qui va vers la tolérance plutôt que la chrétienne qui va vers l’intégrisme ? » Jouez donc avec Eva, chers lecteurs. Réponse a : Dumont est islamophobe. Réponse b : Dumont est raciste. Réponse c : son scénario correspond plus à ce que vivent les vrais gens dans la vraie vie. Non, ne vous inquiétez pas, Dumont n’a pas dit ça, il s’en est sorti en invoquant Médée (je n’ai pas bien compris le rapport mais il doit exister).

Moi, j’ai honte quand des flics s’en prennent à mon concitoyen parce qu’il a une tête d’Arabe (et j’ai honte aussi quand ils s’en prennent à un Arabe non français parce qu’il a une tête d’Arabe). Et vous, chers confrères, vous n’avez jamais honte de ne pas voir ce qui crève les yeux ?
Martine Aubry trouve pour sa part que Sarkozy fait honte à la France « en voulant opposer identité nationale et immigration » (j’avais compris qu’il s’agissait plutôt de les réconcilier mais ça doit être une nouvelle attaque de mon virus sarkozyste). Sans doute veut-elle protéger son parti contre tout risque de victoire électorale. C’est son problème.

En attendant, cher Anyss, faites-moi une faveur comme disent les Anglais : continuez, malgré ce qui vous est arrivé, à être fier d’être français. Moi, je suis fière que vous le soyez. Et bonne chance : comme on dit chez moi, l’an prochain à l’ENA.

Téléthon, piège à dons

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Pierre Bergé

Il pleure, il pleure, Bergé, sur l’argent non récolté par le Sidaction à cause du Téléthon. Croyant apparemment dans la théorie éculée des vases communicants, le professionnel de la haute couture passé à la basse politique s’est agacé lors d’une interview désormais célèbre,tapant sur le Téléthon qui « parasite la générosité des Français ».

L’affaire a aussitôt déclenché les prises de position les plus fondamentales depuis – au moins – l’affaire Dreyfus.
Le socialiste Manuel Valls a originalement jugé ces propos « intolérables ». L’incontournable umpéiste Frédéric Lefèvre, qui n’en rate pas une, a demandé à Ségolène Royal – financée par Bergé – de s’expliquer. Les people habitués des plateaux du Téléthon ont crié au scandale. Daniel Auteuil a parlé de violence. Thierry Lhermitte est « navré ».

Voix discordante, l’antédiluvienne Line Renaud elle-même s’est mise de la partie : « il y a trop d’argent pour le Téléthon. Les enfants qui ont le sida sont des enfants handicapés pour la vie ». (L’inverse n’est pas toujours vrai, rassurons-nous). Le comble de l’hypocrisie a été atteint par le généticien Axel Kahn, qui a essayé de ménager la chèvre (du Bergé) et le chou : « Je le comprends et pourtant il a tort de dire tout cela ». Une sorte de responsable mais pas coupable à la sauce virale.

Bref, on a assisté à l’une de ces guerres picrocholines qui font l’honneur de notre peuple, et accessoirement les conversations des germanopratins.

Reste une impression de malaise diffus : Pierre Bergé, entre une vente du siècle à Paris et un séjour d’une semaine à Marrakech, n’aurait-t-il pas poussé le bouchon un peu loin ?

Une question se pose : certains malades sont-ils plus méritants que d’autres ? Un sidéen vaut-il autant qu’un myopathe ? Peut-il valoir plus ? Le double, comme une blanche compte deux noires en musique ? Quel est alors la valeur pondérée d’un myopathe ayant contracté le virus du sida ? Afin de ne pas être suspecté d’anti-myopathisme aiguë, Pierre Bergé a pris soin de signaler qu’il était lui-même myopathe ; à ce titre, a-t-il finement analysé, il pouvait ainsi « s’opposer au Téléthon ». Outre le fait que cet argument coluchien rappelle les affirmations blanchissantes de conscience du type « je ne suis pas raciste car j’ai un ami noir », il oppose singulièrement, sur le terrain de la critique constructive ou destructive, ceux qui en sont et ceux qui n’en sont pas… Un myopathe a le droit de taper sur le Téléthon ? Cela veut-il dire qu’il faut être sidéen pour critiquer le Sidaction ? Nazi pour s’opposer au NSDAP en 1933 ? Chien mexicain pour questionner un chihuahua ? On le voit, « tout cela », pour reprendre les mots de Kahn, se mord la queue.

Revenons à nos moutons : la logique de compétition – issue du monde des affaires – dans le domaine du don mène à des polémiques ineptes. Le « combien de divisions ? » débouche rarement sur l’analyse sereine d’une situation. Pierre Bergé n’a pas le monopole du cœur ; celui de la remarque idiote non plus, malheureusement. À vouloir appliquer au Sidaction une mentalité de businessman trader, il va finir par titriser les malheurs à la Bourse du misérabilisme. Qui alors, du sidéen ou du myopathe sera alors le subprime de la maladie grave ?

Une réflexion s’impose. L’inflation caritative guette. Chaque année, les Français sont appelés à donner plus pour guérir plus. Le problème, c’est que dans notre bon pays des droits du l’homme et du sidéen, l’appel au don privé pour financer la recherche est une injustice sociale et une erreur économique. Nous ne sommes pas aux Etats-Unis, où la bonne volonté libérale pallie l’absence d’efforts d’un Etat qui réduit ses interventions péri-caritatives à leur minimum. De l’autre côté de l’Atlantique, fondations privées, levées de fonds amicales, associations locales très actives contribuent au financement des secteurs délaissés – avec l’assentiment général – par l’Etat. En gros, les Américains croient plus à la goutte de générosité individuelle qu’à l’averse de dollars publique. Question de latitude et d’attitude.

En France, en revanche, le modèle de solidarité nationale est basé sur un financement public alimenté par diverses contributions et autres impôts. Doubler la mise, si l’on ose dire, en faisant directement appel à la générosité des Français, qui ont déjà raqué via des prélèvements obligatoires, est peut-être cathodique mais pas très catholique.
À ce dysfonctionnement redistributif, il faut ajouter l’aberration économique. Les chiffres sont cruels : utiliser l’impôt pour financer la recherche coûterait moins cher : près de 20 fois moins ! Pierre Bergé le reconnaît, qui se fend d’une tribune dans Le Monde daté du 25 novembre 2009 : « Dans notre monde idéal, les associations caritatives ne devraient pas exister, les impôts que paient tous les citoyens devraient suffire à répondre à leurs besoins, et les pouvoirs publics devraient suffisamment entendre ces besoins pour en faire des priorités d’action. ». Dont acte.

Une réponse surgit : pendant que Pierre Bergé pleurniche sur les fonds trop faibles accordés à son Sidaction, le téléspectateur moyen qui assiste au larmoyant spectacle téléthonesque peut légitimement se demander pourquoi il n’y pas un grippAthon, un cancerathon ou un Ségothon, voire un Bergéthon. Bergé a sa réponse toute prête ; conscient que trop de caritatif tue le caritatif (puis que les téloches en ont certainement assez de se faire kidnapper leurs antennes par les bonnes actions des autres), il « appelle de nos vœux, à nos côtés, une présence constructive, égalitaire, et positive, de l’association [organisatrice du Téléthon] avec laquelle les Français montrent la plus grande générosité ? ». C’est à dire, traduite en espèces sonnantes et trébuchantes, une mise en commun des dons. Le sacro-saint adjectif est lâché : « égalitaire ». Rien ne doit se faire qui ne réponde au vœu d’égalité juste et parfaite. On croirait entendre un discours col Mao des années 70, revu et retaillé modèle costard d’YSL Rive Gauche. Une riche idée quand même que cette règle de partage, malheureusement non généralisable à tous les dons. Pensons aux cafouillages inévitables si la règle bergégalitaire était appliquée dans les banques du sperme !

Mauvais signe pour Domenech

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On a beaucoup évoqué Raymond Domenech ces derniers jours. Eric Cantona a salué le talent du sélectionneur français en évoquant l’entraîneur le plus nul depuis Louis XVI. On a, en revanche, peu relevé un scandale qui pourrait porter le nom de Scorpiongate. Le sélectionneur, après s’être débarrassé de Robert Pirès qui figurait dans le groupe à son arrivée, n’a plus convoqué de joueurs nés entre le 23 octobre et le 22 novembre inclus. Il semble bien que le sorcier Raymond, qui se pique de lire dans les astres, considère que les individus nés sous le signe du Scorpion nuisent à l’esprit collectif en étant dotés d’une personnalité trop affirmée voire d’un ego surdimensionné[1. L’hôpital, la charité etc…]. Conscients du fait qu’un douzième de la population mâle française est ainsi honteusement discriminée et que, de plus, des personnalités aussi douées que Basile de Koch, François Miclo et votre serviteur sont ainsi exclues de la sélection nationale, nous envisageons sérieusement de saisir la Halde.

Van Rompuy, islamophobe ou tête de Turc ?

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Herman Van Rompuy

Vincent Jauvert, « grand reporter » au Nouvel Observateur, s’est fait une spécialité sur son blog de résumer pour nous et à sa façon les articles « d’Affaires étrangères » qu’il lit dans la grande presse anglo-saxonne. Bien sûr, je ne connais pas en détail l’emploi du temps de M. Jauvert, mais à la lecture de son blog, on en a une vague idée. Avant midi, il lit le Financial Times, et après midi le New York Times. Comme ça il a toujours un temps d’avance sur ses collègues qui se contentent de lire Le Monde, matin et soir. C’est l’avantage de parler l’anglais. Parfois même Vincent Jauvert se hasarde sur des sentiers moins pratiqués, et va jusqu’à cliquer sur des liens exotiques qu’il trouve sur son écran. C’est ainsi qu’au mépris du danger, il se rend parfois jusque sur le site du Moscow Times. FSB, même pas peur ! Quelle vie trépidante ! Pourfendre les tyrans à coup de clavier !

On comprend que le métier de reporter soit celui parmi les plus prisés des étudiants et lycéens. À l’heure de la réduction des coûts dans les rédactions, il faudrait penser à créer un prix spécial pour les meilleurs lecteurs de la presse étrangère et autres « grands reporters » coincés à Paris. Dénicher des scoops sur le web au mépris des risques de foulure de l’index gauche et autres troubles de la vision que représente l’usage immodéré de l’ordinateur, il faut le faire !

On se demande pourquoi, à la lumière de ce professionnalisme sans faille, la corporation journalistique tient tant à marquer « sa différence » face aux meutes hystériques de « journalistes citoyens » dopées par la généralisation de l’usage domestique du haut débit et des moteurs de recherche. À vue de nez, les méthodes ne sont pas foncièrement différentes, et les résultats pas tellement non plus : il s’agit de livrer un puissant à la vindicte du bon peuple d’Internet, et c’est encore mieux si le futur ex-puissant se trouve sous les feux de l’actualité. Voilà comment les grands reporters d’antan deviennent les grands rapporteurs d’aujourd’hui. Et comment le journaliste Vincent Jauvert devient l’inspecteur Jauvert sur internet, qui traque sans pitié les délinquants de la pensée.
 
C’est ainsi qu’en deux clics, trois copier-coller approximatifs, l’inspecteur Jauvert, grand rapporteur auprès des comités virtuels et citoyens du web, nous a dégotté un islamophobe. Et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de Herman Van Rompuy, le président de l’Europe, auteur, selon notre fin limier, d’une « déclaration pour le moins dérangeante » en…2004. « La Turquie ne fait pas partie de l’Europe et ne fera jamais partie de l’Europe… Un élargissement de l’UE pour inclure la Turquie ne peut pas être considéré comme une simple extension comme dans le passé. Les valeurs universelles qui sont en vigueur en Europe, et qui sont aussi des valeurs fondamentales du christianisme, perdront de leur force avec l’entrée d’un grand pays islamique comme la Turquie. »
 
Le crime islamophobe dans toute son horreur.
 
Oui, cette phrase « atterrante » serait le signe d’une « islamophobie » dont le hideux soupçon porterait une tache indélébile sur Van Rompuy, sommé par notre grand rapporteur de s’expliquer, à moins de faire face à la colère des « millions d’Européens de confession musulmane » qui n’auraient cependant sans doute jamais entendu parler de cette déclaration vieille de cinq ans si des petites mains zélées dans le genre de l’inspecteur Jauvert n’avaient eu l’idée généreuse de la leur faire connaître. D’ailleurs, grâce à lui, la nouvelle inonde déjà certains sites « citoyens » ou musulmans qui ne manquent pas d’hurler, au diapason du grand rapporteur, au crime « d’islamophobie »[1. Islamophobie : nouvelle catégorie de crime et produit star de notre phobophobie galopante qui a été popularisée par les mollahs iraniens pour disqualifier tout discours critique sur l’islam, utilisé sans aucun recul par de plus en plus de monde aujourd’hui en Occident.].
 
De façon tout à fait révélatrice quant aux nobles intentions de notre grand rapporteur, on pourra mesurer l’écart entre la pondération de l’article qui est la source de Jauvert, je veux dire celui du Financial Times, qui a aucun moment ne parle d’une « islamophobie » quelconque, et l’hystérie façon « bête immonde » et « heures les plus sombres de notre histoire » à laquelle il s’abandonne ici.
 
Voilà, Eric Raoult n’est plus seul, il a l’inspecteur Jauvert avec lui. Selon des informations par moi trouvées en direct sur mon web personnel, je me suis laissé suggérer par mon imagination un moment débridée qu’ils allaient être à l’origine d’une initiative conjointe qui visera à imposer à tous les anciens obscurs qui accèdent soudainement au statut envié de people, tels Marie N’Diaye et Herman Van Rompuy, un droit de réserve sur tous les sujets sensibles, avant, après et pendant leur période people, à moins d’irriter des millions de gens qui, avouons-le quand même, ne demandent bien souvent que ça. Pas question donc de dire autre chose que du bien de l’homoparentalité, l’islam, la capote, le débat sur l’identité nationale, la diversification du divers, le journalisme d’investigation sur internet et ailleurs, etc. La liste est ouverte, vous la complèterez vous-même. Mais gare à tous les apprentis people ici présents. L’inspecteur Jauvert, et son acolyte Raoult, veillent.

2012, tous aux urnes (funéraires) !

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2012

2012 sera catastrophique et ne sera pas. C’est la thèse de quelques millénaristes énervés, reprise par l’Allemand Roland Emmerich, émigré à Hollywood pour blockbusteriser à gogo. Après les extraterrestres pas extra du tout dans Independance Day, et le dérèglement climatique à son climax dans Le jour d’après, il nous livre sa lecture du calendrier maya, alors qu’on croyait naïvement que seul le grégorien avait un sens. Emmerich nous fait le coup d’un soleil brûlant, qui réchauffe la terre de l’intérieur, comme un vulgaire micro-onde importé d’un pays du bloc asiatique qui ne répondrait pas aux exigences des normes européennes, mais ceci est un autre débat. De débat, dans 2012, il n’en est pas question. Mais de hauts et de bas, oui : la température monte, l’eau également, et notre civilisation tombe de haut : 2012 donc, ça va mal finir, on va y passer, et c’est bien fait pour nous, Occidentaux replets que nous sommes.

Après la bagatelle – pour un massacre – de 2h38, on oscille entre la moquerie condescendante, l’ennui, et l’admiration pour la maîtrise sans borne des spécialistes des effets spéciaux hollywoodiens. Sauf que l’on évacue rapidement les deux derniers, pour ne retenir qu’une palanquée de poncifs hilarants qui feraient volontiers passer un film misérabiliste belgo-hexagonal tourné sous un ciel plombé de novembre pour un feu d’artifice dans l’empyrée vespéral de juillet.

Les clichés véhiculés par 2012 sont révélateurs de l’esprit dominant dans les cercles éclairés de l’intelligentsia médiatico-cinématographique plumée par Madoff qui prône désormais la croissance partagée et l’amour universel. À ce titre d’épitomés de medley post-crise dans un monde multipolaire, ces lieux communs méritent qu’on se penche un tout petit peu sur eux. En prenant garde de ne pas basculer dans la faille de San Andreas[1. La faille de San Andreas est une faille géologique à la jonction des plaques tectoniques du Pacifique et de l’Amérique. Elle provoque des séismes de forte intensité en Californie. Ses effets potentiellement dévastateurs sont montrés dans les grandes largeurs dans 2012.], bien entendu :

1. L’Afrique survit, s’élève même au sens littéral du terme, puisque la tectonique des plaques, perturbée par le réchauffement du centre de la terre, la hisse au dessus de tous les autres continents, lui évitant ainsi d’être submergée par les eaux. Symbole… C’est la seule surprise du scénario, qui surfe sur l’atmosphère crisique ambiante : le capitalisme est mauvais, l’Occident et les pays riches alignent les âneries, mais il y a une justice immanente : l’Africain, même si pas « entré dans l’histoire », comme dirait notre président, est sauf car il a été bien sage et connaît la vraie vie. On n’est pas loin ici d’une adaptation du mythe du bon sauvage, transposé par le kaléidoscope politiquement correct de la machinerie hollywoodienne. Seul hic de la bien-pensance du scénar : sauvés par d’énormes arches flottantes, des centaines de milliers de Chinois travailleurs et malins, d’Européens mous et inexistants, de Russes à fourrure et à blondes à seins refaits, et d’Américains obèses mais lucides vont rappliquer aussi sec sur le seul continent à sec… Les pauvres Hottentots n’en avaient pas pris assez avec les premiers Hollandais du Cap ? On en remet une couche, histoire de bien leur montrer qui est le patron. Surprise : le Cran n’a pas encore réagi à ce bégaiement historique.

2. Corollaire de la mauvaise conscience évoquée au point précédent : au cœur du pouvoir américain, la lutte entre jeune+noir+gentil et vieux+blanc+méchant bat son plein. Le digne président américain est noir, effet Obama oblige. Sa fille est une fille bien, évidemment. Les deux jeunes scientifiques qui alertent sur la catastrophe à venir sont respectivement un Indien et un Africain-Américain. En revanche, le cynique sans cœur qui ne veut sauver que les riches est dans la cinquantaine, blanc et gras. Comme l’autre figure négative du film, un milliardaire russe énorme et toqué (en astrakan), dont on précise bien qu’il a obligé sa petite amie à se faire refaire les seins, histoire de prouver combien il est vil : voilà un argument gonflé qui doit faire mouche chez les starlettes de Hollywood.

3. À l’Est, plein de nouveau : le Chinois est productif et malin, tout en étant humain, au fond : il a su manager ses hémisphères droit et gauche. Résultat, les Chinois sont des potes. Ce sont nos nouveaux amis, qui, en à peine deux ans, construisent les arches qui sauveront l’humanité. Bravo les gars ! L’atelier du monde montre sa maîtrise technologique, ça valait le coup de délocaliser.
 
4. Les Européens sont totalement à l’ouest. Passifs, à l’exécutif pléthorique, ils parlent néanmoins d’une seule voix : celle de la chancelière allemande, comme le réalisateur. Ach so ! L’identité nationale française en prend un coup. À noter, dans le concert soporifique des huiles de la vieille Europe, cette manie des Italiens de n’en faire qu’à leur tête. Il est vrai que ces Latins sont incontrôlables : Emmerich le vit tous les jours à Los Angeles où des hordes de Latinos incontrôlables passent la frontière pour servir de techniciens de surface dans les maisons cossues de Beverly Hills, au risque de peser à la baisse sur le salaire de l’Américain moyen.

5. La famille décomposée, recomposée, dérecomposée ou redécomposée puis re-recomposée – et où tout le monde s’aime – est le rempart, avec comme valeurs-valises la solidarité, la fraternité, l’égalité, tous ces « té » qui ne bouillent que pour un mot : l’humanité telle qu’on ne l’a jamais connue, sauf dans les discours du PS. Famille, je vous aime : d’ailleurs, les méchants sont tous divorcés donc seuls.

6. La référence à la religion et à Dieu est omniprésente, comme dans toute vulgate cinématographique américaine qui se respecte, et toute fin du monde imminente (mais là, seuls les dinosaures pourraient en témoigner). Toutes les religions sont représentées, pour ne léser personne. Mais une seule en prend plein la calotte : la catholique, qui voit Saint-Pierre de Rome s’affaler lourdement sur le sol romain. Emmerich a précisé qu’il avait filmé la destruction de la Mecque, mais qu’au montage, il avait posé un voile pudique sur la scène, de peur d’être victime d’une fatwa qui « l’obligerait à vivre avec des gardes du corps jusqu’à la fin de ses jours ». Allah étant miséricordieux, il avait peu à craindre, mais il se méfiait des barbus exaltés qui voient des mécréants partout. Grâce à cette saine prudence, Emmerich pourra encore tourner et gagner des millions. C’est en emmerichant qu’on devient riche. Et ça marche : 2012 a déjà rapporté 250 millions de dollars, seul dieu dont l’existence n’est pas discutable.

Restons concret : alors que le pouvoir d’achat est au centre des préoccupations de chacun, un ticket de 10 euros pour découvrir des lieux communs dans une salle bondée où une foule atteinte de jeunîte aiguë mâche du pop-corn et jette ses canettes sur le sol -apparemment peu attentive au fait qu’il faut garder notre planète propre avant qu’elle n’explose, mais on n’était pas à une projection du film d’Hulot- c’est pas rien. Du vécu.

Surtout, le film passe à côté du seul vrai événement de 2012. Ce ne sont pas les urnes funéraires qui nous attendent, mais les urnes électorales. C’est une question de probabilité. Les Mayas avaient sans doute l’équivalent des outils de prévision concoctés par un Patrick Buisson pour l’Elysée, mais on est prêt à parier son billet (10 euros, répétons-le), que les prévisions du second sur 2012 sont plus sûres que celles des premiers. Sauf à rêver d’une révolution qui immergerait les arches de l’UMP, du PS et autres frêles esquifs. Mais le succès panurgesque de 2012, après ceux de Independance Day et du Jour d’après, mène plutôt à penser que tout change pour que rien ne change. On n’échappera donc pas à la vague présidentielle, ses effets spéciaux, son scénario convenu, ses rôles récurrents.

On vous l’avait dit : 2012, ça va mal finir.

Je ne veux pas aller au Village

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cecile-duflot

Il n’y a pas de métaphore innocente, ni en poésie, ni en politique. Quand Lautréamont parle de la rencontre d’une machine à coudre et d’un parapluie sur une table de dissection dans Maldoror ou que Paul Eluard voit la terre « bleue comme une orange », la métaphore libère la raison et la perception. La métaphore émancipe. D’autres, au contraire, inquiètent.

La semaine dernière, Cecile Duflot, leader maxima des Verts, présentait la liste Europe Ecologie pour partir à l’assaut de la Région Ile-de-France. Comme d’habitude, l’ensemble se résume à un casting. Quand ils ne prennent pas un juge aux mains blanches du pôle financier, ils enrôlent une figure médiatique du combat pour les SDF, le désormais célèbre Augustin Legrand, fondateur des Enfants de Don Quichotte. Il n’est pas rancunier, Augustin Legrand. J’ai quand même le souvenir que les tentes des SDF plantées au bord du Canal Saint-Martin avaient fini par sérieusement agacer le quartier. Et pas seulement les commerçants, qui sont de petits boutiquiers roteurs, poujadistes et racistes. Mais aussi la néo-bourgeoisie éclairée (c’est-à-dire celle qui votre écologiste) du quartier, un peu fatiguée au bout de plusieurs semaines de devoir slalomer entre les tentes quechuas d’ivrognes célestes pour aller faire ses courses, avec le bébé porté par papa dans le sac kangourou et maman qui veut son jus de mangue Max Havelaar sans oublier un adorable petit haut équitable chez Zadig et Voltaire, qui ira très bien sur la jupe tibétaine.

Elle a raison d’y croire, Cécile Duflot. L’Ile-de-France, c’est jouable pour Europe Ecologie. Ils ont écrasé le PS dans tous les secteurs du jeu en juin 2009 et ont même eu des pointes à plus de 30% dans l’est parisien. En plus, quand ils regardent du côté de Dijon, et qu’ils voient que le débat idéologique se résume à un jeu de chaises musicales entre deux centristes honteux, Peillon et Royal, qui n’osent pas faire leur coming out, ils se disent n’y a pas de raison de se priver et que la bête se meurt.

Or donc, que nous dit Cecile Duflot, quand elle présente la liste pour l’Ile-de-France dont elle sera la tête ? Elle appelle à « une région village qui rassemble les Franciliens ».
Et là, j’ai peur. Un village, au départ, je trouve ça très joli, moi. Aragon aussi, d’ailleurs. Chanter les usines de Magnitogorsk ne l’empêche pas d’avoir écrit ce chef d’œuvre, « Le conscrit aux cent villages », un grand poème de la Résistance

Adieu Forléans Marimbault
Vollore-Ville Volmerange
Avize Avoine Vallerange
Ainval-Septoutre Mongibaud

Fains-la-Folie Aumur Andance
Guillaume-Peyrouse Escarmin
Dancevoir Parmilieu Parmain
Linthes-Pleurs Caresse Abondance.

Mais enfin jamais il ne lui serait venu à l’idée d’ériger le village en modèle politique. Bien au contraire. Le village, c’est la mort, l’ennui, l’espionnage mutuel et constant comme unique distraction. L’un des premiers a s’être extasié sur le concept de village est un « lou ravi » américain, Marshall Mac Luhan, chantre du « village planétaire » que Guy Debord a bien raison de rhabiller pour l’hiver dans Les commentaires sur la société du spectacle : « Mac Luhan parlait de village planétaire, si instamment accessible à tous sans fatigue. Mais les villages ont toujours été dominés par le conformisme, l’isolement, les ragots toujours répétés sur quelques mêmes familles. Et c’est bien ainsi que se présente désormais la vulgarité de la planète spectaculaire »

Rien de grand ne s’est jamais fait dans un village, il ne faut pas rêver. Un village, c’est agité par les passions élémentaires et abruti par l’endogamie. C’est la communauté fermée par excellence, celle à qui on peut faire croire à peu près n’importe quoi. Un livre récent de Jean Teulé raconte une histoire vraie : comment, en plein 19ème siècle, tout un village s’est précipité un jour de marché, sans raison apparente, sur un pauvre garçon qu’ils ont dévoré vif comme dans un film gore de série Z[1. Mangez-le si vous voulez (Julliard 2009)]. Et puisqu’on parle de cinéma, je rappelle à ceux qui l’ont vu que Délivrance, le film de Boorman, montre à quel point des dégénérés vivant certes dans une belle simplicité volontaire, une belle sobriété heureuse sont en fait des sadiques sodomites et zoophiles.

Plus généralement, l’idée de transformer une région comme l’Ile-de-France en village traduit de fait un inconscient réactionnaire, voire crypto-pétainiste. On sait depuis la Commune que lorsqu’on veut balayer une révolution qui invente de nouvelles façons d’être ensemble, et ce genre d’invention n’est possible que dans les villes où bouillonnent heureusement idées, théories et utopies, Thiers et les Versaillais envoient des bataillons de la Garde Nationale recrutés dans les villages de l’Ouest pour aller massacre du partageux et le finir à la mitrailleuse lourde dans les jardins du Luxembourg.

Le Village ne mentirait pas, serait humain, authentique alors que la Ville serait le lieu de toutes les chutes. Cet inconscient vert qui devient explicite dans l’aile avancée des Décroissants est profondément ambigu et il n’y a rien d’étonnant à voir une certaine droite identitaire, obsédée par la pureté de la race et les communautés ethniquement homogènes, tenter régulièrement des hybridations idéologiques avec la Décroissance. C’est logique : tous ces white trash, ces red neck à la française, ces rurbains malheureux (ni village, ni ville) ont des fantasmes de fermes fortifiées dans lesquelles on pourra résister aux hordes négro-mahométanes en cultivant du poireau et en s’entraînant au fusil Ithaca.

Non, décidément, pas de village. Les villes sont polluées, délinquantes, inabordables mais il y a mille façons de s’y perdre, de jouir de cette chose si rare aujourd’hui et qui pour le coup ressemble à une espèce en voie de disparition : l’anonymat. Les villes, ce sont aussi les possibilités poétiques de la rencontre amoureuse (Nadja de Breton ne se passe pas à Trifouilly les Oies que je sache) et du hasard objectif, des joyeuses conjurations politiques, des insomnies lumineuses dans les salles d’art et d’essai ou des navigations nocturnes dans le fauteuil club d’un bar d’hôtel avec un verre de Bushmill Malt qui met des couleurs aux souvenirs.
Je ne veux décidément pas vivre dans le monde de Cécile Duflot. Je me souviens que le Village, c’est aussi cet endroit insituable où est enfermé le numéro 6 incarné par le regretté Patrick Mac Gohan.
Et si le monde délocalisé que nous vivons est un cauchemar mal climatisé, celui, relocalisé, qu’elle nous annonce, sera à coup sûr un enfer étouffant.

De la dictature de l’amour des enfants

Le scoop du siècle est tombé lundi sur les téléscripteurs du monde entier. Nicolas Sarkozy veut-il faire entrer le Pétomane au Panthéon ? Non. Eric Raoult a émis l’idée de nationaliser Gallimard et Flammarion ? Non. La commune d’Alfortville, dans le Val de Marne, vient de décrocher l’effrayant label « Ville amie des enfants ». La mairie de gauche, emmenée par le député-maire Rouquet (PS), s’est longuement – et bruyamment – félicitée de cette réussite dans la presse. Le Parisien nous apprend ainsi qu’il existe un « club très fermé » des villes « amies des enfants » : moins de 200 communes sur 36,000 en sont. Mais c’est quoi être une ville « amie des enfants » ? Mme. Santiago, élue à la petite enfance, se vautre dans la langue de bois la plus délicieuse sans – naturellement – répondre à la question : « C’est une façon de bénéficier des richesses des uns et des autres pour engager de nouveaux projets ». De nouveaux projets certainement « innovants » et nous projetant dans une « dynamique collective de progrès ». Bon, on s’en doute, ce label de l’UNICEF est là pour amuser la galerie. Il dégouline de moraline moderniste, ce macaron « Ville amie des enfants »… il implique certainement l’existence de villes ennemies des enfants, voir des gens parfaitement humains qui n’aimeraient pas – mais alors là pas du tout – les enfants… On pressent que Neuilly-sur-Seine ou Nice ne l’auront jamais ce label, qui est réservé à une élite d’édiles d’élite concentrant leurs efforts politiques sur une population qui n’a même pas le droit de vote. Pour tout vous dire, moi je n’y crois pas ! A la crèche les zenfants !

Complètement frappées

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couple

Il y a deux manières, pour le vieux macho ronchon que je crois être, de réagir à la nouvelle cause enfourchée par les féministes radicales, la lutte pour la reconnaissance d’un « délit de violences psychologiques au sein du couple ». La première est d’entonner le chant des lamentations pour déplorer que le résultat de la suractivité du lobby féministe aboutisse encore une fois à une intrusion de plus en plus grande de l’Etat au sein de la sphère privée. Pour constater, avec Alain Finkielkraut, que l’essentiel pour un groupe humain est aujourd’hui d’accéder au statut de victime collective à laquelle la société doit protection et réparation. Et enfin pour se dire que l’on n’est pas mécontent, lorsque l’on a l’essentiel de sa vie derrière soi, d’avoir pu vivre son rapport à l’autre sexe sans avoir constamment l’ombre du gendarme et du juge sur le mur de la chambre à coucher.

Il est certes difficile de revendiquer, au nom du charbonnier maître chez soi, le droit de tabasser sa compagne. Les poursuites engagées contre les maris ou concubins violents sont légitimes car elles s’appliquent à un être humain qui porte atteinte à l’intégrité physique de l’un de ses semblables, avec la circonstance aggravante, la plupart du temps, que la femme est physiquement incapable de résister à la force masculine brutale.

La deuxième attitude consiste à regarder la chose de plus près pour y découvrir des perspectives insoupçonnées, mais intéressantes ayant échappé à la vigilance des vigilantes. Ce délit de « violences psychologiques au sein du couple » été défini d’une proposition de loi présentée mercredi 24 novembre par un groupe de députés siégeant au sein de la mission parlementaire contre les violences faites aux femmes. Leur texte stipule que le fait de « soumettre un conjoint à des agissements ou à des paroles répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de vie de la victime susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d’entraîner une altération de sa santé physique ou mentale est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende ».

Pour la députée de Paris (Parti de gauche) et membre de la mission parlementaire contre les violences faites aux femmes Martine Billard, il s’agit bel et bien d’une petite révolution, car on prend enfin en compte le fait que « des paroles très humiliantes répétées quotidiennement à une femme peuvent totalement la détruire »
Cette fois-ci on ne rigole plus ! Les paroles verbales peuvent vous conduire au trou plus sûrement qu’un délit d’initié quand on est PDG d’EADS.

Mais si l’on regarde bien ce projet de loi que François Fillon, courageux mais pas téméraire devant les meufs en colère, a promis de soumettre aux assemblées en 2010, il se pourrait bien que les furies légiférantes se soient tirées une balle dans le pied. Autant il est facile d’attribuer très majoritairement aux hommes des actes de violences physique dans le couple (encore que les cas de maris battus soient moins rares qu’on ne l’imagine, selon quelques magistrats de ma connaissance), autant on pourra constater que les dames ne sont pas les moins enclines à vous pourrir la vie par leurs jérémiades incessantes, leurs minables chantages, leurs coups tordus pour vous débiner dans votre environnement etc…Toutes actions qui, si elle sont menées avec constance et régularité, peuvent aboutir a des conséquences fâcheuses sur votre santé physique et mentale, comme il est indiqué dans le projet de loi.

L’imagination des « emmerdantes, emmerdeuses, ou emmerderesses », selon la classification du genre féminin établie par Sacha Guitry, pour vous faire tourner en bourrique jusqu’à ce qu’elles obtiennent satisfaction semble sans limite. En tout cas, jusque-là, rien ne permettait de mettre un terme aux agissements d’une compagne qui estime que le meilleur moment pour passer l’aspirateur dans le salon coïncide avec la diffusion du match entre le XV de France et les All Blacks. Voilà qui est réparé !

La loi Billard, si elle est votée et baptisée du nom de cette députée qui s’en fait si éloquemment la championne, pourrait bien être à plusieurs bandes…

Goncourt de circonstances

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arc

La France est monstrueuse. Il y aurait des montreurs de pays, comme il y eut des montreurs d’ours ou de femmes à barbe, on exhiberait ses difformités sur les foires. Les badauds s’amasseraient et, vite saisis d’effroi, ils iraient dégueuler cette horrible vision dans un coin. On ferait payer l’entrée, bien sûr, et l’on s’enrichirait, car il est dans la nature humaine de prendre plaisir à vomir la France. Ce serait Freaks tous les jours et à guichet fermé. La monstrueuse parade.

Les peuples du monde ont bien essayé, au cours de leur histoire, de faire quelque chose pour la France. Nous autres Allemands n’avons pas été en reste et, deux ou trois petites fois, nous avons tenté l’impossible pour mettre un peu de civilisation dans une monstruosité pareille. Rien n’y fit : la France accoucha de l’hydre sarkozyste.

L’hydre sarkozyste, c’est un truc plus petit que la normale, mais terrible quand même. Les totalitarismes du XXe siècle, la guerre, la barbarie, ça n’est rien à côté. Staline faisait taire ses rivaux à coup de pic à glace, pas en les battant sauvagement à chaque élection. Pol Pot ne voulait castrer personne chimiquement ; il se contentait de ranger les gens sagement dans un charnier. Qui n’a vu Patrick Devedjian s’exprimer au sujet de la relance ne sait pas ce que la férocité veut dire. Qui n’a pas frémi en écoutant un jour Frédéric Lefebvre parler de Ségolène Royal ne connaît pas la terreur.

Et ce n’est pas tout ça. Le plus monstrueux, c’est que la France est un pays raciste. Ça doit provenir du fait que son président est d’origine hongroise. Je ne vois pas d’autre explication. Il n’y a pas pire raciste que les Hongrois, mis à part les Italiens, les Anglais, les Suisses, les Polonais, les Russes, les Chinois, les Marocains, les Albanais, les Danois, les Grecs, les Roumains, les Autrichiens. Non, pas les Autrichiens, ça leur arrive parfois d’être assez ouverts à d’autres cultures, notamment lorsqu’elles sont allemandes.

Le fait est qu’en France ce n’est pas demain la veille qu’on confiera un poste en vue à des femmes, des gens de couleur ou à des homosexuels. J’en discutais la semaine dernière avec Frédéric Mitterrand et Harry Roselmack, qui me disaient qu’il n’y avait malheureusement aucun écrivain noir en France, avant que Pierre Bergé ne vienne nous interrompre en nous traitant de « myopathes » – ce à quoi nous lui avons rétorqué : « C’est celui qui dit qui est. »

Si je n’étais déjà pas allemande et que je ne vivais pas à Stuttgart, je prendrais mon courage à deux mains, franchirais le Rhin et irais m’installer loin de France, pour ne pas avoir à vivre dans pareil pays.

Maintenant, c’est pas tout ça. J’ai fait mes lignes. A quel guichet je m’adresse pour mon Goncourt ?

A n’en pas croire ses vieux

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C’est à bord d’une puissante berline de marque germanique, sur une route départementale des environs de Bailleul, dans la Sarthe, que madame X ayant été flashée à plus de 160 km/h, a été arrêtée par la gendarmerie après une course poursuite de plusieurs heures. Madame X avait 83 ans et était accompagnée de son mari qui en avait 85. L’octogénaire avait décidé d’échapper aux forces de l’ordre car elle ne disposait plus d’assez de points sur son permis, ce qui semble indiquer une pratique décidément assidue de la délinquance routière. Ce genre de fait-divers, tout de même inquiétant, devrait inciter le gouvernement à relancer d’urgence le débat sur les retraites. En effet, au lieu de mourir épuisés juste après avoir atteint l’age légal de 60 ans, les retraités profitent avec insolence de leur bonne fortune. L’augmentation de l’espérance de vie peuple en effet notre pays de vieillards aux revenus scandaleux, qui se gobergent pendant des décennies en riant des masses laborieuses ou chômeuses et qui adoptent, pour finir, des comportements nihilistes (drogue, vitesse, sarkozysme) tant l’existence leur semble ennuyeuse et interminable.

L’Etat, c’est nous. Nous tous.

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police

Il est bien regrettable qu’Anyss Arbib soit un Français comme vous et moi. Parce que je connais une palanquée de donzelles qui accepteraient volontiers un mariage gris ou même blanc avec ce jeune homme bien sous tous rapports : beau comme un camion, intelligent, promis à un brillant avenir au service de l’Etat, des initiales de premier de la classe. Et en prime, un républicain comme on n’en fait plus. Bref, si Marianne était un homme, je voterais pour qu’on lui donne le visage d’Anyss[1. D’accord, il est un peu jeune pour moi, mais ce n’est pas très élégant de le faire remarquer.].

Autant dire que la lecture de son témoignage dans Libé du 24 novembre m’a fait froid dans le dos – et, pour tout dire franchement honte. D’origine marocaine, Anyss habite Bondy et, après la victoire de l’Algérie, il décide d’aller faire la fête à Paris avec un copain d’origine algérienne. Un peu comme un Français d’ascendance italienne aurait pu accompagner son voisin d’origine portugaise dans des circonstances analogues – ou comme de nombreux Juifs feraient la fête si Israël remportait une compétition, ce qui, grâces soient rendues au dieu des Juifs, n’est pas très probable. Porte Maillot, Anyss assiste à des violences policières alors que, selon lui, il n’y avait pas de casseurs dans le secteur. Les policiers le prennent à partie – avant de le gratifier, en prime, d’un jet de lacrymo. « Dégage, sale Arabe ». Il explique qu’en tant qu’étudiant à Sciences Po, il connaît ses droits. Réplique : « Sciences Po ou pas, t’es un Arabe ».

Quand Anyss parle de guerre franco-française, il faut l’entendre et même le remercier. Oui, Anyss a été maltraité par la police de son pays. Oui, Anyss est français, et même ce qu’on pourrait appeler un bon Français si on avait encore le droit de dire ce genre de choses. Un résumé de notre identité. Quand il invoque ses droits, il se montre plus romain que les Romains. Et peu nous chaut qu’il fasse le ramadan ou qu’il aille à la mosquée. Quand il dit que c’est sa République qui est en danger, il a raison. Qu’un agent de police, détenteur de la force publique, lui renvoie ses origines à la face, montre qu’il faudra faire un peu plus que l’affichage de la déclaration des droits de l’homme dans les commissariats pour enfoncer dans le crâne de nos flics que la France n’est pas une nation ethnique et que quiconque adopte ses valeurs, son histoire et sa langue est aussi français que si ses ancêtres étaient à Gergovie avec Vercingétorix.

Je sais, les flics se font caillasser, traiter de « sales Céfrans » quand ce n’est pas de « Français de merde ». Ceux qui s’en sont pris à Anyss Porte Maillot en avaient certainement bavé sur les Champs Elysées. And so what ? Si le fait d’être pauvre et chômeur ne justifie pas le vol de mobylette ou le trafic de drogue, on voit encore moins pourquoi les difficultés (par ailleurs réelles) du métier de policier justifieraient des comportements illégaux voire délictueux, quand leur boulot est précisément de faire respecter la loi. La politique de l’excuse, ça ne marche pas plus pour les gendarmes que pour les voleurs. Et personne n’est obligé de travailler dans la police.

Même s’ils avaient eu affaire à un vrai zyva qui dit « nique la France » toutes les trois phrases, le comportement des flics aurait été inexcusable. Mais en plus, il faut que ça tombe sur Anyss. Anyss, c’est pas le genre à traiter ses concitoyens de Gaulois ni à passer son temps à se plaindre d’être une victime. Il ne demande pas que la France s’adapte à lui. Il pense qu’il est normal que la police arrête les malfaiteurs présumés, pas qu’elle leur casse la gueule comme il l’a vu ce soir-là. Je l’avoue, si je n’avais pas peur d’être confondue avec Ségolène Royal, je lui demanderais bien pardon, à Anyss, pas au nom de la France, puisque la France c’est lui, mais au nom de sa police.

Seulement, le policier-voyou n’est pas la police et la police n’est pas la France. Or, à lire et à écouter les journalistes au grand cœur qui peuplent les rédactions hexagonales, on pourrait croire que la France est le Chili de Pinochet…ou l’Algérie d’octobre 1988 (date à laquelle des émeutes de la faim ont été réprimées dans le sang). De Libé à Canal + en passant par France Inter, on s’est jeté avec délectation sur l’histoire d’Anyss, parce qu’elle arrivait à point pour confirmer ce que tout le monde savait déjà, à savoir que ce vieux pays est peuplé de beaufs et de racistes. Heureusement, il se trouve de courageux journalistes pour dénoncer les dérives policières et l’atmosphère de chasse aux immigrés qui sévit aux quatre coins de l’Hexagone. On ne peut que se désoler pour les Inrocks et Télérama qui sortent le mercredi et ont donc raté cette affaire « exemplaire ». Qu’ils se rassurent, d’ici une semaine, ils trouveront bien autre chose pour prouver que la France est décidément le pays du racisme ordinaire.

D’accord, ce n’est pas très grave. Si mes confrères aiment exhiber leur belle âme et se gargariser silencieusement du courage qui leur fait dire à tous la même chose comme si chacun défiait cet Etat inique en combat singulier, grand bien leur fasse. Il n’est pas mauvais d’avoir une belle âme et, sur ce cas précis, leur indignation, quoiqu’un peu surjouée, est parfaitement justifiée. Le problème, c’est que la bavure policière a totalement fait disparaître des écrans radars les manifestations elles-mêmes et leurs débordements. Peu importe qu’à Toulouse on ait, semble-t-il, décroché les drapeaux français de la mairie pour les remplacer par des drapeaux algériens. Peu importe que les Parisiens et touristes de toutes origines aient subi, le soir du fameux match, des violences qui n’étaient pas seulement policières. Peu importent les vitrines brisées et les équipements dégradés. On ne va pas en faire une histoire. S’ils cassent, c’est parce que nous ne sommes pas gentils, non ? La preuve par Anyss.

Le résultat, c’est que les seuls à évoquer ce qui s’est passé, et de la pire façon, sont les Le Pen, père et fille, le premier estimant sans ambages que les supporters de l’Algérie ne sont pas français et qu’il n’y a qu’à les renvoyer « chez eux », tant pis si ce chez eux n’existe pas. Notez, c’est exactement ce dont ils rêvent, les confrères : un nouveau 21 avril, une quinzaine antifasciste comme disait Muray, qui leur permettrait, une fois encore, de se prendre pour Jean Moulin, la torture et le chapeau en moins.

Le Pen, donc, comme d’habitude, n’a pas déçu ceux à qui l’antilepénisme tient lieu de pensée politique. Reste que ce « déni de réel » permanent, pour reprendre l’expression employée chez Yves Calvi par mon cher Alain Finkielkraut, ce « flagrant déni » me souffle Gil Mihaely, ne peut que conduire à un désastre. Pour les malheureux autochtones qui ont le front de ne pas lire Libé et les Inrocks, voire de les lire sans adopter leur point de vue pourtant confondant de subtilité et de nuances, ces proclamations répétées d’hostilité à la France proférées par des Français sont inquiétantes, voire révoltantes. Si on ajoute à cela le syndrome « on nous cache tout », allez donc expliquer ensuite à ces crétins qui, comme leurs concitoyens d’origine étrangère, sont nés quelque part, que les sauvageons ne représentent pas plus la France issue de l’immigration que les électeurs du Front national ne représentent la France de souche. Allez leur dire, à ces braves gens qui finissent par l’être un peu moins, que la France est multiraciale parce qu’elle se fiche des races, multi-religieuse parce qu’elle est laïque, et multiculturelle parce qu’elle a une grande culture capable de s’enrichir de tous les apports sans se perdre. Allez donc porter la bonne parole dans ces quartiers populaires où les blancs votent Le Pen parce qu’ils en ont marre d’être traités de salauds.

À ce sujet, je ne résiste pas au plaisir de vous raconter le dialogue entre Eva Bettan, l’inaltérable Madame Cinéma à la voix de sucre de France Inter, et Bruno Dumont dont le dernier film, Hadewich, sort cette semaine. Madame Bettan juge ce film « maladroit », car il y est question d’une chrétienne qui épouse un musulman et devient islamiste. « Pourquoi ne pas avoir fait l’inverse, Bruno Dumont ? Pourquoi n’est-ce pas l’islam qui va vers la tolérance plutôt que la chrétienne qui va vers l’intégrisme ? » Jouez donc avec Eva, chers lecteurs. Réponse a : Dumont est islamophobe. Réponse b : Dumont est raciste. Réponse c : son scénario correspond plus à ce que vivent les vrais gens dans la vraie vie. Non, ne vous inquiétez pas, Dumont n’a pas dit ça, il s’en est sorti en invoquant Médée (je n’ai pas bien compris le rapport mais il doit exister).

Moi, j’ai honte quand des flics s’en prennent à mon concitoyen parce qu’il a une tête d’Arabe (et j’ai honte aussi quand ils s’en prennent à un Arabe non français parce qu’il a une tête d’Arabe). Et vous, chers confrères, vous n’avez jamais honte de ne pas voir ce qui crève les yeux ?
Martine Aubry trouve pour sa part que Sarkozy fait honte à la France « en voulant opposer identité nationale et immigration » (j’avais compris qu’il s’agissait plutôt de les réconcilier mais ça doit être une nouvelle attaque de mon virus sarkozyste). Sans doute veut-elle protéger son parti contre tout risque de victoire électorale. C’est son problème.

En attendant, cher Anyss, faites-moi une faveur comme disent les Anglais : continuez, malgré ce qui vous est arrivé, à être fier d’être français. Moi, je suis fière que vous le soyez. Et bonne chance : comme on dit chez moi, l’an prochain à l’ENA.

Téléthon, piège à dons

104

Pierre Bergé

Il pleure, il pleure, Bergé, sur l’argent non récolté par le Sidaction à cause du Téléthon. Croyant apparemment dans la théorie éculée des vases communicants, le professionnel de la haute couture passé à la basse politique s’est agacé lors d’une interview désormais célèbre,tapant sur le Téléthon qui « parasite la générosité des Français ».

L’affaire a aussitôt déclenché les prises de position les plus fondamentales depuis – au moins – l’affaire Dreyfus.
Le socialiste Manuel Valls a originalement jugé ces propos « intolérables ». L’incontournable umpéiste Frédéric Lefèvre, qui n’en rate pas une, a demandé à Ségolène Royal – financée par Bergé – de s’expliquer. Les people habitués des plateaux du Téléthon ont crié au scandale. Daniel Auteuil a parlé de violence. Thierry Lhermitte est « navré ».

Voix discordante, l’antédiluvienne Line Renaud elle-même s’est mise de la partie : « il y a trop d’argent pour le Téléthon. Les enfants qui ont le sida sont des enfants handicapés pour la vie ». (L’inverse n’est pas toujours vrai, rassurons-nous). Le comble de l’hypocrisie a été atteint par le généticien Axel Kahn, qui a essayé de ménager la chèvre (du Bergé) et le chou : « Je le comprends et pourtant il a tort de dire tout cela ». Une sorte de responsable mais pas coupable à la sauce virale.

Bref, on a assisté à l’une de ces guerres picrocholines qui font l’honneur de notre peuple, et accessoirement les conversations des germanopratins.

Reste une impression de malaise diffus : Pierre Bergé, entre une vente du siècle à Paris et un séjour d’une semaine à Marrakech, n’aurait-t-il pas poussé le bouchon un peu loin ?

Une question se pose : certains malades sont-ils plus méritants que d’autres ? Un sidéen vaut-il autant qu’un myopathe ? Peut-il valoir plus ? Le double, comme une blanche compte deux noires en musique ? Quel est alors la valeur pondérée d’un myopathe ayant contracté le virus du sida ? Afin de ne pas être suspecté d’anti-myopathisme aiguë, Pierre Bergé a pris soin de signaler qu’il était lui-même myopathe ; à ce titre, a-t-il finement analysé, il pouvait ainsi « s’opposer au Téléthon ». Outre le fait que cet argument coluchien rappelle les affirmations blanchissantes de conscience du type « je ne suis pas raciste car j’ai un ami noir », il oppose singulièrement, sur le terrain de la critique constructive ou destructive, ceux qui en sont et ceux qui n’en sont pas… Un myopathe a le droit de taper sur le Téléthon ? Cela veut-il dire qu’il faut être sidéen pour critiquer le Sidaction ? Nazi pour s’opposer au NSDAP en 1933 ? Chien mexicain pour questionner un chihuahua ? On le voit, « tout cela », pour reprendre les mots de Kahn, se mord la queue.

Revenons à nos moutons : la logique de compétition – issue du monde des affaires – dans le domaine du don mène à des polémiques ineptes. Le « combien de divisions ? » débouche rarement sur l’analyse sereine d’une situation. Pierre Bergé n’a pas le monopole du cœur ; celui de la remarque idiote non plus, malheureusement. À vouloir appliquer au Sidaction une mentalité de businessman trader, il va finir par titriser les malheurs à la Bourse du misérabilisme. Qui alors, du sidéen ou du myopathe sera alors le subprime de la maladie grave ?

Une réflexion s’impose. L’inflation caritative guette. Chaque année, les Français sont appelés à donner plus pour guérir plus. Le problème, c’est que dans notre bon pays des droits du l’homme et du sidéen, l’appel au don privé pour financer la recherche est une injustice sociale et une erreur économique. Nous ne sommes pas aux Etats-Unis, où la bonne volonté libérale pallie l’absence d’efforts d’un Etat qui réduit ses interventions péri-caritatives à leur minimum. De l’autre côté de l’Atlantique, fondations privées, levées de fonds amicales, associations locales très actives contribuent au financement des secteurs délaissés – avec l’assentiment général – par l’Etat. En gros, les Américains croient plus à la goutte de générosité individuelle qu’à l’averse de dollars publique. Question de latitude et d’attitude.

En France, en revanche, le modèle de solidarité nationale est basé sur un financement public alimenté par diverses contributions et autres impôts. Doubler la mise, si l’on ose dire, en faisant directement appel à la générosité des Français, qui ont déjà raqué via des prélèvements obligatoires, est peut-être cathodique mais pas très catholique.
À ce dysfonctionnement redistributif, il faut ajouter l’aberration économique. Les chiffres sont cruels : utiliser l’impôt pour financer la recherche coûterait moins cher : près de 20 fois moins ! Pierre Bergé le reconnaît, qui se fend d’une tribune dans Le Monde daté du 25 novembre 2009 : « Dans notre monde idéal, les associations caritatives ne devraient pas exister, les impôts que paient tous les citoyens devraient suffire à répondre à leurs besoins, et les pouvoirs publics devraient suffisamment entendre ces besoins pour en faire des priorités d’action. ». Dont acte.

Une réponse surgit : pendant que Pierre Bergé pleurniche sur les fonds trop faibles accordés à son Sidaction, le téléspectateur moyen qui assiste au larmoyant spectacle téléthonesque peut légitimement se demander pourquoi il n’y pas un grippAthon, un cancerathon ou un Ségothon, voire un Bergéthon. Bergé a sa réponse toute prête ; conscient que trop de caritatif tue le caritatif (puis que les téloches en ont certainement assez de se faire kidnapper leurs antennes par les bonnes actions des autres), il « appelle de nos vœux, à nos côtés, une présence constructive, égalitaire, et positive, de l’association [organisatrice du Téléthon] avec laquelle les Français montrent la plus grande générosité ? ». C’est à dire, traduite en espèces sonnantes et trébuchantes, une mise en commun des dons. Le sacro-saint adjectif est lâché : « égalitaire ». Rien ne doit se faire qui ne réponde au vœu d’égalité juste et parfaite. On croirait entendre un discours col Mao des années 70, revu et retaillé modèle costard d’YSL Rive Gauche. Une riche idée quand même que cette règle de partage, malheureusement non généralisable à tous les dons. Pensons aux cafouillages inévitables si la règle bergégalitaire était appliquée dans les banques du sperme !

Mauvais signe pour Domenech

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On a beaucoup évoqué Raymond Domenech ces derniers jours. Eric Cantona a salué le talent du sélectionneur français en évoquant l’entraîneur le plus nul depuis Louis XVI. On a, en revanche, peu relevé un scandale qui pourrait porter le nom de Scorpiongate. Le sélectionneur, après s’être débarrassé de Robert Pirès qui figurait dans le groupe à son arrivée, n’a plus convoqué de joueurs nés entre le 23 octobre et le 22 novembre inclus. Il semble bien que le sorcier Raymond, qui se pique de lire dans les astres, considère que les individus nés sous le signe du Scorpion nuisent à l’esprit collectif en étant dotés d’une personnalité trop affirmée voire d’un ego surdimensionné[1. L’hôpital, la charité etc…]. Conscients du fait qu’un douzième de la population mâle française est ainsi honteusement discriminée et que, de plus, des personnalités aussi douées que Basile de Koch, François Miclo et votre serviteur sont ainsi exclues de la sélection nationale, nous envisageons sérieusement de saisir la Halde.

Van Rompuy, islamophobe ou tête de Turc ?

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Herman Van Rompuy

Vincent Jauvert, « grand reporter » au Nouvel Observateur, s’est fait une spécialité sur son blog de résumer pour nous et à sa façon les articles « d’Affaires étrangères » qu’il lit dans la grande presse anglo-saxonne. Bien sûr, je ne connais pas en détail l’emploi du temps de M. Jauvert, mais à la lecture de son blog, on en a une vague idée. Avant midi, il lit le Financial Times, et après midi le New York Times. Comme ça il a toujours un temps d’avance sur ses collègues qui se contentent de lire Le Monde, matin et soir. C’est l’avantage de parler l’anglais. Parfois même Vincent Jauvert se hasarde sur des sentiers moins pratiqués, et va jusqu’à cliquer sur des liens exotiques qu’il trouve sur son écran. C’est ainsi qu’au mépris du danger, il se rend parfois jusque sur le site du Moscow Times. FSB, même pas peur ! Quelle vie trépidante ! Pourfendre les tyrans à coup de clavier !

On comprend que le métier de reporter soit celui parmi les plus prisés des étudiants et lycéens. À l’heure de la réduction des coûts dans les rédactions, il faudrait penser à créer un prix spécial pour les meilleurs lecteurs de la presse étrangère et autres « grands reporters » coincés à Paris. Dénicher des scoops sur le web au mépris des risques de foulure de l’index gauche et autres troubles de la vision que représente l’usage immodéré de l’ordinateur, il faut le faire !

On se demande pourquoi, à la lumière de ce professionnalisme sans faille, la corporation journalistique tient tant à marquer « sa différence » face aux meutes hystériques de « journalistes citoyens » dopées par la généralisation de l’usage domestique du haut débit et des moteurs de recherche. À vue de nez, les méthodes ne sont pas foncièrement différentes, et les résultats pas tellement non plus : il s’agit de livrer un puissant à la vindicte du bon peuple d’Internet, et c’est encore mieux si le futur ex-puissant se trouve sous les feux de l’actualité. Voilà comment les grands reporters d’antan deviennent les grands rapporteurs d’aujourd’hui. Et comment le journaliste Vincent Jauvert devient l’inspecteur Jauvert sur internet, qui traque sans pitié les délinquants de la pensée.
 
C’est ainsi qu’en deux clics, trois copier-coller approximatifs, l’inspecteur Jauvert, grand rapporteur auprès des comités virtuels et citoyens du web, nous a dégotté un islamophobe. Et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de Herman Van Rompuy, le président de l’Europe, auteur, selon notre fin limier, d’une « déclaration pour le moins dérangeante » en…2004. « La Turquie ne fait pas partie de l’Europe et ne fera jamais partie de l’Europe… Un élargissement de l’UE pour inclure la Turquie ne peut pas être considéré comme une simple extension comme dans le passé. Les valeurs universelles qui sont en vigueur en Europe, et qui sont aussi des valeurs fondamentales du christianisme, perdront de leur force avec l’entrée d’un grand pays islamique comme la Turquie. »
 
Le crime islamophobe dans toute son horreur.
 
Oui, cette phrase « atterrante » serait le signe d’une « islamophobie » dont le hideux soupçon porterait une tache indélébile sur Van Rompuy, sommé par notre grand rapporteur de s’expliquer, à moins de faire face à la colère des « millions d’Européens de confession musulmane » qui n’auraient cependant sans doute jamais entendu parler de cette déclaration vieille de cinq ans si des petites mains zélées dans le genre de l’inspecteur Jauvert n’avaient eu l’idée généreuse de la leur faire connaître. D’ailleurs, grâce à lui, la nouvelle inonde déjà certains sites « citoyens » ou musulmans qui ne manquent pas d’hurler, au diapason du grand rapporteur, au crime « d’islamophobie »[1. Islamophobie : nouvelle catégorie de crime et produit star de notre phobophobie galopante qui a été popularisée par les mollahs iraniens pour disqualifier tout discours critique sur l’islam, utilisé sans aucun recul par de plus en plus de monde aujourd’hui en Occident.].
 
De façon tout à fait révélatrice quant aux nobles intentions de notre grand rapporteur, on pourra mesurer l’écart entre la pondération de l’article qui est la source de Jauvert, je veux dire celui du Financial Times, qui a aucun moment ne parle d’une « islamophobie » quelconque, et l’hystérie façon « bête immonde » et « heures les plus sombres de notre histoire » à laquelle il s’abandonne ici.
 
Voilà, Eric Raoult n’est plus seul, il a l’inspecteur Jauvert avec lui. Selon des informations par moi trouvées en direct sur mon web personnel, je me suis laissé suggérer par mon imagination un moment débridée qu’ils allaient être à l’origine d’une initiative conjointe qui visera à imposer à tous les anciens obscurs qui accèdent soudainement au statut envié de people, tels Marie N’Diaye et Herman Van Rompuy, un droit de réserve sur tous les sujets sensibles, avant, après et pendant leur période people, à moins d’irriter des millions de gens qui, avouons-le quand même, ne demandent bien souvent que ça. Pas question donc de dire autre chose que du bien de l’homoparentalité, l’islam, la capote, le débat sur l’identité nationale, la diversification du divers, le journalisme d’investigation sur internet et ailleurs, etc. La liste est ouverte, vous la complèterez vous-même. Mais gare à tous les apprentis people ici présents. L’inspecteur Jauvert, et son acolyte Raoult, veillent.

2012, tous aux urnes (funéraires) !

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2012

2012 sera catastrophique et ne sera pas. C’est la thèse de quelques millénaristes énervés, reprise par l’Allemand Roland Emmerich, émigré à Hollywood pour blockbusteriser à gogo. Après les extraterrestres pas extra du tout dans Independance Day, et le dérèglement climatique à son climax dans Le jour d’après, il nous livre sa lecture du calendrier maya, alors qu’on croyait naïvement que seul le grégorien avait un sens. Emmerich nous fait le coup d’un soleil brûlant, qui réchauffe la terre de l’intérieur, comme un vulgaire micro-onde importé d’un pays du bloc asiatique qui ne répondrait pas aux exigences des normes européennes, mais ceci est un autre débat. De débat, dans 2012, il n’en est pas question. Mais de hauts et de bas, oui : la température monte, l’eau également, et notre civilisation tombe de haut : 2012 donc, ça va mal finir, on va y passer, et c’est bien fait pour nous, Occidentaux replets que nous sommes.

Après la bagatelle – pour un massacre – de 2h38, on oscille entre la moquerie condescendante, l’ennui, et l’admiration pour la maîtrise sans borne des spécialistes des effets spéciaux hollywoodiens. Sauf que l’on évacue rapidement les deux derniers, pour ne retenir qu’une palanquée de poncifs hilarants qui feraient volontiers passer un film misérabiliste belgo-hexagonal tourné sous un ciel plombé de novembre pour un feu d’artifice dans l’empyrée vespéral de juillet.

Les clichés véhiculés par 2012 sont révélateurs de l’esprit dominant dans les cercles éclairés de l’intelligentsia médiatico-cinématographique plumée par Madoff qui prône désormais la croissance partagée et l’amour universel. À ce titre d’épitomés de medley post-crise dans un monde multipolaire, ces lieux communs méritent qu’on se penche un tout petit peu sur eux. En prenant garde de ne pas basculer dans la faille de San Andreas[1. La faille de San Andreas est une faille géologique à la jonction des plaques tectoniques du Pacifique et de l’Amérique. Elle provoque des séismes de forte intensité en Californie. Ses effets potentiellement dévastateurs sont montrés dans les grandes largeurs dans 2012.], bien entendu :

1. L’Afrique survit, s’élève même au sens littéral du terme, puisque la tectonique des plaques, perturbée par le réchauffement du centre de la terre, la hisse au dessus de tous les autres continents, lui évitant ainsi d’être submergée par les eaux. Symbole… C’est la seule surprise du scénario, qui surfe sur l’atmosphère crisique ambiante : le capitalisme est mauvais, l’Occident et les pays riches alignent les âneries, mais il y a une justice immanente : l’Africain, même si pas « entré dans l’histoire », comme dirait notre président, est sauf car il a été bien sage et connaît la vraie vie. On n’est pas loin ici d’une adaptation du mythe du bon sauvage, transposé par le kaléidoscope politiquement correct de la machinerie hollywoodienne. Seul hic de la bien-pensance du scénar : sauvés par d’énormes arches flottantes, des centaines de milliers de Chinois travailleurs et malins, d’Européens mous et inexistants, de Russes à fourrure et à blondes à seins refaits, et d’Américains obèses mais lucides vont rappliquer aussi sec sur le seul continent à sec… Les pauvres Hottentots n’en avaient pas pris assez avec les premiers Hollandais du Cap ? On en remet une couche, histoire de bien leur montrer qui est le patron. Surprise : le Cran n’a pas encore réagi à ce bégaiement historique.

2. Corollaire de la mauvaise conscience évoquée au point précédent : au cœur du pouvoir américain, la lutte entre jeune+noir+gentil et vieux+blanc+méchant bat son plein. Le digne président américain est noir, effet Obama oblige. Sa fille est une fille bien, évidemment. Les deux jeunes scientifiques qui alertent sur la catastrophe à venir sont respectivement un Indien et un Africain-Américain. En revanche, le cynique sans cœur qui ne veut sauver que les riches est dans la cinquantaine, blanc et gras. Comme l’autre figure négative du film, un milliardaire russe énorme et toqué (en astrakan), dont on précise bien qu’il a obligé sa petite amie à se faire refaire les seins, histoire de prouver combien il est vil : voilà un argument gonflé qui doit faire mouche chez les starlettes de Hollywood.

3. À l’Est, plein de nouveau : le Chinois est productif et malin, tout en étant humain, au fond : il a su manager ses hémisphères droit et gauche. Résultat, les Chinois sont des potes. Ce sont nos nouveaux amis, qui, en à peine deux ans, construisent les arches qui sauveront l’humanité. Bravo les gars ! L’atelier du monde montre sa maîtrise technologique, ça valait le coup de délocaliser.
 
4. Les Européens sont totalement à l’ouest. Passifs, à l’exécutif pléthorique, ils parlent néanmoins d’une seule voix : celle de la chancelière allemande, comme le réalisateur. Ach so ! L’identité nationale française en prend un coup. À noter, dans le concert soporifique des huiles de la vieille Europe, cette manie des Italiens de n’en faire qu’à leur tête. Il est vrai que ces Latins sont incontrôlables : Emmerich le vit tous les jours à Los Angeles où des hordes de Latinos incontrôlables passent la frontière pour servir de techniciens de surface dans les maisons cossues de Beverly Hills, au risque de peser à la baisse sur le salaire de l’Américain moyen.

5. La famille décomposée, recomposée, dérecomposée ou redécomposée puis re-recomposée – et où tout le monde s’aime – est le rempart, avec comme valeurs-valises la solidarité, la fraternité, l’égalité, tous ces « té » qui ne bouillent que pour un mot : l’humanité telle qu’on ne l’a jamais connue, sauf dans les discours du PS. Famille, je vous aime : d’ailleurs, les méchants sont tous divorcés donc seuls.

6. La référence à la religion et à Dieu est omniprésente, comme dans toute vulgate cinématographique américaine qui se respecte, et toute fin du monde imminente (mais là, seuls les dinosaures pourraient en témoigner). Toutes les religions sont représentées, pour ne léser personne. Mais une seule en prend plein la calotte : la catholique, qui voit Saint-Pierre de Rome s’affaler lourdement sur le sol romain. Emmerich a précisé qu’il avait filmé la destruction de la Mecque, mais qu’au montage, il avait posé un voile pudique sur la scène, de peur d’être victime d’une fatwa qui « l’obligerait à vivre avec des gardes du corps jusqu’à la fin de ses jours ». Allah étant miséricordieux, il avait peu à craindre, mais il se méfiait des barbus exaltés qui voient des mécréants partout. Grâce à cette saine prudence, Emmerich pourra encore tourner et gagner des millions. C’est en emmerichant qu’on devient riche. Et ça marche : 2012 a déjà rapporté 250 millions de dollars, seul dieu dont l’existence n’est pas discutable.

Restons concret : alors que le pouvoir d’achat est au centre des préoccupations de chacun, un ticket de 10 euros pour découvrir des lieux communs dans une salle bondée où une foule atteinte de jeunîte aiguë mâche du pop-corn et jette ses canettes sur le sol -apparemment peu attentive au fait qu’il faut garder notre planète propre avant qu’elle n’explose, mais on n’était pas à une projection du film d’Hulot- c’est pas rien. Du vécu.

Surtout, le film passe à côté du seul vrai événement de 2012. Ce ne sont pas les urnes funéraires qui nous attendent, mais les urnes électorales. C’est une question de probabilité. Les Mayas avaient sans doute l’équivalent des outils de prévision concoctés par un Patrick Buisson pour l’Elysée, mais on est prêt à parier son billet (10 euros, répétons-le), que les prévisions du second sur 2012 sont plus sûres que celles des premiers. Sauf à rêver d’une révolution qui immergerait les arches de l’UMP, du PS et autres frêles esquifs. Mais le succès panurgesque de 2012, après ceux de Independance Day et du Jour d’après, mène plutôt à penser que tout change pour que rien ne change. On n’échappera donc pas à la vague présidentielle, ses effets spéciaux, son scénario convenu, ses rôles récurrents.

On vous l’avait dit : 2012, ça va mal finir.

Je ne veux pas aller au Village

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cecile-duflot

Il n’y a pas de métaphore innocente, ni en poésie, ni en politique. Quand Lautréamont parle de la rencontre d’une machine à coudre et d’un parapluie sur une table de dissection dans Maldoror ou que Paul Eluard voit la terre « bleue comme une orange », la métaphore libère la raison et la perception. La métaphore émancipe. D’autres, au contraire, inquiètent.

La semaine dernière, Cecile Duflot, leader maxima des Verts, présentait la liste Europe Ecologie pour partir à l’assaut de la Région Ile-de-France. Comme d’habitude, l’ensemble se résume à un casting. Quand ils ne prennent pas un juge aux mains blanches du pôle financier, ils enrôlent une figure médiatique du combat pour les SDF, le désormais célèbre Augustin Legrand, fondateur des Enfants de Don Quichotte. Il n’est pas rancunier, Augustin Legrand. J’ai quand même le souvenir que les tentes des SDF plantées au bord du Canal Saint-Martin avaient fini par sérieusement agacer le quartier. Et pas seulement les commerçants, qui sont de petits boutiquiers roteurs, poujadistes et racistes. Mais aussi la néo-bourgeoisie éclairée (c’est-à-dire celle qui votre écologiste) du quartier, un peu fatiguée au bout de plusieurs semaines de devoir slalomer entre les tentes quechuas d’ivrognes célestes pour aller faire ses courses, avec le bébé porté par papa dans le sac kangourou et maman qui veut son jus de mangue Max Havelaar sans oublier un adorable petit haut équitable chez Zadig et Voltaire, qui ira très bien sur la jupe tibétaine.

Elle a raison d’y croire, Cécile Duflot. L’Ile-de-France, c’est jouable pour Europe Ecologie. Ils ont écrasé le PS dans tous les secteurs du jeu en juin 2009 et ont même eu des pointes à plus de 30% dans l’est parisien. En plus, quand ils regardent du côté de Dijon, et qu’ils voient que le débat idéologique se résume à un jeu de chaises musicales entre deux centristes honteux, Peillon et Royal, qui n’osent pas faire leur coming out, ils se disent n’y a pas de raison de se priver et que la bête se meurt.

Or donc, que nous dit Cecile Duflot, quand elle présente la liste pour l’Ile-de-France dont elle sera la tête ? Elle appelle à « une région village qui rassemble les Franciliens ».
Et là, j’ai peur. Un village, au départ, je trouve ça très joli, moi. Aragon aussi, d’ailleurs. Chanter les usines de Magnitogorsk ne l’empêche pas d’avoir écrit ce chef d’œuvre, « Le conscrit aux cent villages », un grand poème de la Résistance

Adieu Forléans Marimbault
Vollore-Ville Volmerange
Avize Avoine Vallerange
Ainval-Septoutre Mongibaud

Fains-la-Folie Aumur Andance
Guillaume-Peyrouse Escarmin
Dancevoir Parmilieu Parmain
Linthes-Pleurs Caresse Abondance.

Mais enfin jamais il ne lui serait venu à l’idée d’ériger le village en modèle politique. Bien au contraire. Le village, c’est la mort, l’ennui, l’espionnage mutuel et constant comme unique distraction. L’un des premiers a s’être extasié sur le concept de village est un « lou ravi » américain, Marshall Mac Luhan, chantre du « village planétaire » que Guy Debord a bien raison de rhabiller pour l’hiver dans Les commentaires sur la société du spectacle : « Mac Luhan parlait de village planétaire, si instamment accessible à tous sans fatigue. Mais les villages ont toujours été dominés par le conformisme, l’isolement, les ragots toujours répétés sur quelques mêmes familles. Et c’est bien ainsi que se présente désormais la vulgarité de la planète spectaculaire »

Rien de grand ne s’est jamais fait dans un village, il ne faut pas rêver. Un village, c’est agité par les passions élémentaires et abruti par l’endogamie. C’est la communauté fermée par excellence, celle à qui on peut faire croire à peu près n’importe quoi. Un livre récent de Jean Teulé raconte une histoire vraie : comment, en plein 19ème siècle, tout un village s’est précipité un jour de marché, sans raison apparente, sur un pauvre garçon qu’ils ont dévoré vif comme dans un film gore de série Z[1. Mangez-le si vous voulez (Julliard 2009)]. Et puisqu’on parle de cinéma, je rappelle à ceux qui l’ont vu que Délivrance, le film de Boorman, montre à quel point des dégénérés vivant certes dans une belle simplicité volontaire, une belle sobriété heureuse sont en fait des sadiques sodomites et zoophiles.

Plus généralement, l’idée de transformer une région comme l’Ile-de-France en village traduit de fait un inconscient réactionnaire, voire crypto-pétainiste. On sait depuis la Commune que lorsqu’on veut balayer une révolution qui invente de nouvelles façons d’être ensemble, et ce genre d’invention n’est possible que dans les villes où bouillonnent heureusement idées, théories et utopies, Thiers et les Versaillais envoient des bataillons de la Garde Nationale recrutés dans les villages de l’Ouest pour aller massacre du partageux et le finir à la mitrailleuse lourde dans les jardins du Luxembourg.

Le Village ne mentirait pas, serait humain, authentique alors que la Ville serait le lieu de toutes les chutes. Cet inconscient vert qui devient explicite dans l’aile avancée des Décroissants est profondément ambigu et il n’y a rien d’étonnant à voir une certaine droite identitaire, obsédée par la pureté de la race et les communautés ethniquement homogènes, tenter régulièrement des hybridations idéologiques avec la Décroissance. C’est logique : tous ces white trash, ces red neck à la française, ces rurbains malheureux (ni village, ni ville) ont des fantasmes de fermes fortifiées dans lesquelles on pourra résister aux hordes négro-mahométanes en cultivant du poireau et en s’entraînant au fusil Ithaca.

Non, décidément, pas de village. Les villes sont polluées, délinquantes, inabordables mais il y a mille façons de s’y perdre, de jouir de cette chose si rare aujourd’hui et qui pour le coup ressemble à une espèce en voie de disparition : l’anonymat. Les villes, ce sont aussi les possibilités poétiques de la rencontre amoureuse (Nadja de Breton ne se passe pas à Trifouilly les Oies que je sache) et du hasard objectif, des joyeuses conjurations politiques, des insomnies lumineuses dans les salles d’art et d’essai ou des navigations nocturnes dans le fauteuil club d’un bar d’hôtel avec un verre de Bushmill Malt qui met des couleurs aux souvenirs.
Je ne veux décidément pas vivre dans le monde de Cécile Duflot. Je me souviens que le Village, c’est aussi cet endroit insituable où est enfermé le numéro 6 incarné par le regretté Patrick Mac Gohan.
Et si le monde délocalisé que nous vivons est un cauchemar mal climatisé, celui, relocalisé, qu’elle nous annonce, sera à coup sûr un enfer étouffant.

De la dictature de l’amour des enfants

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Le scoop du siècle est tombé lundi sur les téléscripteurs du monde entier. Nicolas Sarkozy veut-il faire entrer le Pétomane au Panthéon ? Non. Eric Raoult a émis l’idée de nationaliser Gallimard et Flammarion ? Non. La commune d’Alfortville, dans le Val de Marne, vient de décrocher l’effrayant label « Ville amie des enfants ». La mairie de gauche, emmenée par le député-maire Rouquet (PS), s’est longuement – et bruyamment – félicitée de cette réussite dans la presse. Le Parisien nous apprend ainsi qu’il existe un « club très fermé » des villes « amies des enfants » : moins de 200 communes sur 36,000 en sont. Mais c’est quoi être une ville « amie des enfants » ? Mme. Santiago, élue à la petite enfance, se vautre dans la langue de bois la plus délicieuse sans – naturellement – répondre à la question : « C’est une façon de bénéficier des richesses des uns et des autres pour engager de nouveaux projets ». De nouveaux projets certainement « innovants » et nous projetant dans une « dynamique collective de progrès ». Bon, on s’en doute, ce label de l’UNICEF est là pour amuser la galerie. Il dégouline de moraline moderniste, ce macaron « Ville amie des enfants »… il implique certainement l’existence de villes ennemies des enfants, voir des gens parfaitement humains qui n’aimeraient pas – mais alors là pas du tout – les enfants… On pressent que Neuilly-sur-Seine ou Nice ne l’auront jamais ce label, qui est réservé à une élite d’édiles d’élite concentrant leurs efforts politiques sur une population qui n’a même pas le droit de vote. Pour tout vous dire, moi je n’y crois pas ! A la crèche les zenfants !