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Philippe Val: passer à l’offensive

Quoi qu’en disent les médias, nous n’avons peut-être jamais été aussi nombreux, de Paris à Téhéran, à vouloir écraser l’internationale islamiste. À l’avant-garde de la lutte contre les barbus, l’ancien patron de France Inter estime que nous sommes à un point de rupture : le moment n’est plus à l’apaisement, mais à la bataille victorieuse.


Causeur. Qu’avez-vous pensé ou ressenti le 7-Octobre ?

Philippe Val. Ce jour-là, j’ai pensé à l’histoire d’Israël. Quand on connaît un peu l’enchaînement des événements depuis la déclaration Balfour de 1917, on sait bien que ce n’est pas la première fois qu’il y a sur cette terre des populations arabes qui ne veulent pas de la population juive et qui commettent hélas des pogroms. Seulement, entre-temps, un événement universel a eu lieu, la Shoah, qui nous a montré à quelle tragédie absolue peut mener la haine envers les juifs. Le 7 octobre m’a semblé être une réplique de cette tragédie absolue.

Mais n’y a-t-il pas une différence entre le l’antisémitisme des années 1930 et 1940 et l’antisémitisme d’aujourd’hui ?

C’est vrai, l’antisémitisme a muté. Il avait déjà muté au xixe siècle, passant d’un antisémitisme chrétien à un antisémitisme idéologique, notamment sous l’influence paradoxale de Karl Marx. Dans certains textes, ce petit-fils de rabbin dépeint les juifs comme des capitalistes cosmopolites qui ruinent les pauvres. Sa responsabilité est immense. En France, de nombreux théoriciens socialistes et anarchistes, comme Blanqui ou Proudhon, ont repris ses clichés mais aussi, plus tard, des écrivains comme Gide. Cet antisémitisme d’avant le nazisme n’est pas innocent, il est déjà criminel, surtout dans un pays comme le nôtre où on en trouve la trace chez une certaine élite culturelle. Il faut cependant reconnaître que, quand on a découvert les camps de la mort, la totalité des intellectuels français a rompu avec l’antisémitisme, sauf bien sûr une poignée d’anciens collabos qui étaient quand même des animaux exotiques et faisaient l’objet de la réprobation massive de l’opinion. Le répit a été de courte durée, et assez vite l’antisémitisme a fait, sous une autre forme, son retour sur la scène des idées. Des gens de gauche, qui ne s’étaient pas toujours bien comportés sous l’Occupation, se sont trouvé un héroïsme de rechange en s’engageant pour le FLN et en épousant l’antisémitisme masqué du nationalisme algérien. Il est devenu géopolitique : ne pouvant plus s’exprimer de façon religieuse ni idéologique, il s’est manifesté dans la haine d’Israël. Les codes pour formuler la chose ont ainsi changé. Mais la nature de la chose est restée la même. La preuve, c’est l’incroyable vitesse avec laquelle l’horreur de ce qui s’est passé le 7 octobre a été recouverte par une violente propagande antijuive, qui s’est surtout déchaînée à gauche. Heureusement pas dans toute la gauche.

C’est pourtant en France toute la gauche qui vient de s’allier avec LFI, ce mouvement sur lequel il n’est plus possible d’avoir de doutes. Les donneurs de leçons sempiternels, qui s’écrient « vous pactisez avec le diable ! » dès qu’un élu de droite prend un café avec un élu RN, sont allés à la soupe.

J’ai regardé cela avec effarement. Quand Raphaël Glucksmann a fait son bon score aux élections européennes, j’étais content, je pensais que la gauche intelligente et libérale prenait le dessus. Et puis j’ai vu se former le Nouveau Front populaire. Avec par-dessus le marché un François Hollande qui toute honte bue se réconcilie avec la gauche radicale, antisioniste, dont je sais à quel point il la déteste. C’est hallucinant. Heureusement Manuel Valls et Bernard Cazeneuve sont restés à l’écart de cette honte. Ils ont sauvé l’honneur.

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Sans doute, même s’ils continuent à psalmodier que le danger prioritaire est à l’extrême droite, agitant ainsi un fantasme qui occulte les vrais combats.

Je ne suis pas certain que l’extrême droite antisémite soit complètement un fantasme.

Peut-être, mais vous nous parlez de sentiments. Ce n’est pas l’extrême droite qui menace la sécurité des juifs. Or, avec leur baratin sur la tenaille identitaire, surtout destiné à assurer leur estime de soi, vos amis ont favorisé les atermoiements face à l’islamisme. Il y a des priorités. Pour battre Hitler, il a bien fallu s’allier avec Staline.

La condition humaine ne consiste pas à choisir entre le pur et l’impur mais à choisir, au cœur de la tragédie, la meilleure opportunité qui se présente… Je suis un admirateur de Churchill. Il avait Hitler en horreur et il éprouvait une détestation viscérale pour Staline. Il a choisi l’alliance stratégique la plus sûre pour atteindre son but : la défaite de l’Allemagne nazie. Je crois à la politique, qui est affaire de traîtres, et je ne crois nullement à l’idéologie, qui est affaire de crétins.

Reste un fait incontestable : Marine Le Pen a viré son père. Je ne voterai jamais pour elle, car j’ai une aversion philosophique profonde pour les partis radicaux, qu’ils soient de droite ou de gauche. Mais cela ne m’interdit pas de voir que le problème massif de l’antisémitisme n’est plus au RN, mais à gauche. Non seulement pour les raisons historiques que j’ai rappelées, mais aussi parce que l’extrême gauche, par opportunisme, mise sur l’antisémitisme supposé de la communauté musulmane établie dans les pays européens, et notamment en France.

Des figures de La France insoumise participent à une manifestation étudiante en soutien à la Palestine, lors de l’occupation d’un bâtiment de Sciences-Po Paris, 26 avril 2024. JEANNE ACCORSINI/SIPA

Ce n’est pas un « antisémitisme supposé » ! Toutes les études montrent que l’antisémitisme concerne à peu près la moitié des musulmans européens.

Ce qui veut dire que l’autre moitié n’est pas antisémite.

Halleluyah !

N’ironisez pas. Ceux-là existent, et ils sont nombreux. Il ne faut pas les insulter. Je vous dis cela parce que je sais ce que c’est que d’être insulté. À Charlie Hebdo, Cabu et moi avons toujours été très fermes sur la défense de l’existence d’Israël et sur la lutte contre l’antisémitisme, y compris à gauche. Raison pour laquelle nous n’avons pas arrêté de nous faire traiter de fachos.

Par qui ?

Par cette gauche mélenchoniste qui pue et qui sévit notamment dans les écoles de journalisme et à l’Université. Si vous allez dans les provinces, les gens ne sont pas antisémites, ils s’en foutent ; c’est seulement une obsession au sein d’une petite élite enseignante et médiatique. Aujourd’hui, par exemple, je pense que le positionnement du Monde est un gros problème. Si ce n’était pas le journal de référence, je m’en foutrais, mais leur influence est considérable, ils dictent beaucoup de choses au reste de la presse, notamment aux chaînes publiques, or leur positionnement géopolitique est très violemment anti-israélien. Ils n’ont pratiquement rien publié sur les otages juifs retrouvés assassinés après avoir été torturés ! Je pense que le général de Gaulle a bien résumé les choses avec cette formule : « Dans Le Monde, tout est faux, même la date. » C’est tellement vrai… Cela dit, je le lis tous les jours, parce qu’on y trouve aussi des articles de grande qualité, sans doute écrits par des rédacteurs très malheureux.

Au rang des médias anti-israéliens, il y a aussi France Inter, dont vous avez été le directeur. Il s’y est passé pourtant des choses intéressantes cette année, puisqu’ils ont viré Guillaume Meurice, décision qui ne nous a pas enthousiasmés. Et vous ?

Par principe, je ne m’exprime pas au sujet de l’action de mes successeurs. Mais je peux quand même faire un commentaire général. Un directeur ou une directrice d’un média quelconque a le droit de dire « ça me plaît » ou « ça ne me plaît pas », sinon il n’y a pas de direction. Si Adèle Van Reeth, la directrice de France Inter, n’aime pas l’humour de Guillaume Meurice, elle a le droit de ne pas renouveler son contrat.

Vous savez bien que ce n’est pas pour ça qu’il a été limogé…

En tous les cas, je sais qu’il n’a pas été limogé parce qu’il était follement drôle.

Le « roman » d’Aurélien Bellanger qui accuse la gauche laïque et républicaine en général et feu Laurent Bouvet en particulier de crypto-maurassisme, enchante France Inter et toutes les sacristies de la gauche médiatique. L’avez-vous lu ?

Je ne l’ai pas lu, mais on m’en a beaucoup parlé puisqu’il paraît qu’un des personnages me ressemble beaucoup. J’y vois plutôt un bon signe. Cela veut dire que l’extrême gauche panique. On peut les comprendre. Quand Charlie Hebdo a publié les caricatures de Mahomet en 2006, on était très seuls. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout vrai. Une très grande partie de la société française, et même de nombreux médias, sont avec nous. Malgré les apparences, j’ai l’impression qu’on approche de la fin d’un cycle. Je pense que les antisionistes qui se prennent pour une avant-garde sont en réalité une arrière-garde vermoulue et conformiste. Alors ce livre sort pour nous défoncer, de même Le Monde publie régulièrement des papiers pour nous défoncer. On a l’habitude, la guerre est ouverte.

Moins seuls, d’accord. Emmanuel Macron est-il de votre, de nôtre côté ?

Dans La Citadelle, le livre de Jean-Michel Blanquer, on comprend comment le logiciel d’Emmanuel Macron fonctionne : se conformer en fin de compte au magistère intellectuel de l’extrême gauche. Quelle déception ! Surtout que la plupart des Français refusent ce magistère. D’où leur défiance vis-à-vis du personnel politique, qui n’ose pas traiter le problème de l’islamisme, non seulement par conformisme intellectuel, mais aussi par affairisme, parce que notre pays fait du commerce avec le monde arabe. Tout cela donne un enrobage anesthésiant, confortable, tiédasse dans lequel les dirigeants se réfugient dès que ça commence à chauffer. Si seulement nos politiques voyageaient un peu plus, ils verraient combien l’esprit européen fait envie au reste du monde. J’ai fait des reportages pendant dix ou quinze ans à travers la planète, et j’ai rencontré partout des gens intelligents qui me suppliaient : « Tenez bon, parce que l’Europe est notre seul espoir. On veut vous ressembler ! » Ils désirent parler librement, avoir les relations sexuelles qu’ils veulent, lire des livres qu’ils aiment, voyager, pouvoir s’exprimer, boire quand ils en ont envie.

L’esprit européen, dites-vous. N’est-ce pas une fiction consolatrice ?

Pour moi, il y a un peuple européen : Mozart, Fellini, Chaplin, Proust, Goethe, Dante, Cervantes, Érasme, Kundera. Je n’ai pas d’état d’âme à proclamer qu’il faut défendre l’esprit européen, qui a à voir avec la façon dont on rit sur notre continent depuis l’Antiquité. C’est pour cela que j’ai écrit un livre sur le sujet.

Suffit-il de grandes déclarations d’amour pour défendre ce qu’on admire ?

Non vous avez raison. Le 7 octobre marque une rupture. Le ton doit changer. On ne doit plus se défendre de la même façon, il faut attaquer. Il faut dire : « On va se battre » – intellectuellement bien sûr. Le moment n’est plus venu d’apaiser, mais de gagner. C’est-à-dire de ne pas perdre notre héritage commun.

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Vous donnez à l’attaque antisémite du 7 octobre une portée européenne, si ce n’est mondiale. Ne faudrait-il pas en finir avec la centralité de la question juive ? Tout ne tourne pas autour des juifs !

Mais elle est centrale ! L’Europe s’est fondée, construite, inventée avec la pensée juive et la pensée grecque. L’antisémitisme est toujours un suicide européen, une forme de haine de soi. C’est central, car c’est par là que ça commence et par là que ça finit.

On approche des dix ans des attentats de 2015 et on va avoir un festival de proclamations. On répétera en boucle que « s’attaquer à un dessinateur de Charlie, à un Parisien qui boit un verre en terrasse, à un fan de rock, à un juif qui fait son marché dans un supermarché casher, c’est s’attaquer à la France ». On en a marre ! Pour mener le combat intellectuel, comme vous dites, commençons par le sujet qui fâche, l’immigration ?

Cela fait partie du combat, je suis d’accord. Il faut ramener tout cela dans le débat, sinon ça ne sert à rien. Je ne peux plus entendre non plus des raisonnements comme : « L’islamisme, ce n’est pas bien, mais ça n’a rien à voir avec l’islam. » L’islamisme a tout à voir avec l’islam. Il y a un problème au sein de cette religion, si on ne le dit pas, on ne dit rien. Je ne dis pas que tous les musulmans sont des terroristes, mais que tous les terroristes sont musulmans.

Vous le dîtes, mais qui veut l’entendre ? Vous ne pensez jamais que c’est foutu ?

Je ne sais pas si c’est foutu ou pas mais de toute façon, on n’a pas le droit de baisser les bras. Et puis je voudrais finir par une note d’espoir. On devrait davantage observer ce qui se passe en Iran. Je pense que si le régime des mollahs, par bonheur, s’effondrait, cela changerait tout, car c’est le vrai bastion des Frères musulmans. Cela semble étrange de dire cela puisque l’Iran est chiite alors que les Frères musulmans sont sunnites. Mais la révolution de Khomeini était en réalité beaucoup plus sunnite qu’on ne le pense. Tandis que le peuple iranien est, lui, culturellement beaucoup plus proche de nous et d’Israël. Si demain l’Iran se débarrassait des mollahs, il y aurait tout un pan de l’antisémitisme qui s’effondrerait, j’en suis certain.

Rafa, l’enfant à la main d’or

Notre chroniqueur dit au revoir au champion de tennis espagnol qui prend sa retraite sportive


Voilà, c’est fini. Le corps a dit stop, même si la tête d’un gaucher n’abdique jamais. Trop de blessures, trop de semaines passées sur le circuit ATP, trop de balles frappées avec l’énergie et la fougue d’un possédé, trop de litres de sueur et d’entraînements à la limite. Il aura consacré la première partie de sa jeune existence au tennis, à ce jeu diabolique, éreintant, superbe d’arabesques et d’engagements physiques ; à ce jeu machiavélique où l’adversaire n’est pas un ennemi et où l’œil et la main travaillent de concert, dans un même mouvement libératoire. À 38 ans, Nadal raccrochera sa raquette en novembre prochain après la Coupe Davis à Malaga. Dans son pays, il est adoré et respecté pour sa carrière au meilleur niveau mondial et son fair-play d’hidalgo courtois. Il comptabilise 1 080 victoires. Il est la fierté de l’Espagne, son enfant chéri. Là-bas, il est intouchable. Rafa est apparu un jour de printemps sur nos postes de télé. Il portait les cheveux longs et un débardeur qui laissait dévoiler des biceps musculeux. Depuis ce jour-là, sur la terre ocre de la Porte d’Auteuil, nous l’avons aimé d’instinct, sans réfléchir, comme un petit cousin par alliance qui débarque dans la famille. Il fut d’abord le prince, puis le roi et l’empereur de Roland-Garros avec ses 14 titres. Il est arrivé à un moment de notre tennis national où nous avions des joueurs de tout premier plan mais où la perspective de gagner un grand chelem relevait de l’utopie. La marche était trop haute pour nos tricolores alors nous avons rabattu notre enthousiasme et nos espoirs sur ce latin aux belles manières et au punch ravageur. À force de briller chaque mois de mai, dans le XVIème arrondissement, Rafa était devenu un Parisien d’adoption. Durant deux semaines, tour après tour, Rafa était toujours au rendez-vous. Il y a les sportifs épisodiques qui brillent une saison puis s’évanouissent dans les profondeurs du classement. Et puis, il y a Rafa qui, année après année, sacrifice après sacrifice, a maintenu un niveau tennistique hors du commun. Il était une borne temporelle dans nos vies. Si une hirondelle ne fait pas le printemps, l’irruption de Rafa sur le Central était tout de même la promesse d’un beau tournoi. Ses frappes ont soulevé une telle ferveur à travers le monde. Les abonnés du Camp Nou connaissent intimement ce sentiment de plénitude, les soirs de match. Il avait quelque peu changé physiquement, il n’était plus le gosse de 2005. Son visage s’était affermi, ses déplacements moins stratosphériques, il restait cependant l’essentiel, ce regard concentré, pénétré par l’âme du tennis. Cette soif avide de gagner et cette résistance à l’effort extrême concouraient à la même détermination. Intacte. Imperturbable et émancipatrice. Il avait bien perdu des cheveux mais l’abandon ne fit jamais partie de son vocabulaire. On l’aimait pour son sens du dévouement dans une époque qui renie toute forme d’engagement. Quand il pénétrait sur un court, il savait que seule la victoire est belle. Au moment de quitter l’avant-scène, on pense à Richard Gasquet qui a annoncé prendre sa retraite à la fin de Roland-Garros, l’année prochaine. Ces deux-là se fréquentent depuis le tournoi des Petits As à Tarbes. On pense aussi à Roger Federer, le danseur étoile au pied léger, leur affrontement tenait de l’exercice de style et du gentlemen’s agreement. D’un côté, le taureau tempétueux, broutant la terre, massacrant la balle jaune ; de l’autre, la leçon de tennis à l’état pur, le geste dans l’expression d’une fluidité irréelle. Et puis, on pense fatalement à Djoko, le plus étincelant palmarès de l’histoire du tennis, le dernier des mohicans, qui semble courir après l’amour du public. Ce triumvirat cachait en fait un couple d’amis.  

Pour comprendre l’effet Rafa, il faut l’avoir vu jouer de nombreuses fois à Roland. Depuis l’âge de douze ans, je foule les Internationaux de France, j’ai vu Connors, Noah, Leconte, Sampras, Edberg, des artistes, des cabots, des cogneurs, des relanceurs, des défenseurs patients et des attaquants suicidaires, aucun n’a réussi à arrêter le temps comme Rafa. Il entrait sur le Chatrier comme Johnny survolait le Stade de France. Les spectateurs étaient venus pour lui, le voir, sentir le frisson de son coup droit et s’inspirer de son attitude. Je me souviendrai de ces premières minutes où le match démarre souvent sur un faux rythme. Avec Rafa, de la première balle jusqu’à la balle de match, chaque coup était catapulté avec une vigueur et une joie communicatives.

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De Judith Butler à Laure Adler

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Laure Adler adore le dernier livre de Judith Butler, laquelle est admirée par Mona Cholet. Halte au massacre!


Le dernier livre de Judith Butler, Qui a peur du genre ?, vient de sortir. Enthousiasmée, Pascale Fautrier en a fait la publicité dans un article paru le 19 septembre dernier dans L’Humanité. Et ça démarre sur les chapeaux de roue: « Partout la diabolisation de “l’idéologie du genre” et des “théories critiques de la race” est le symptôme de tendances fascisantes [qui] défendent des politiques d’exclusion racistes, homophobes et anti-trans, ouvrant les conditions à (sic) la multiplication des ratonnades et des crimes ». Passons rapidement sur la langue négligée avec laquelle est écrit cet article, d’autant plus regrettable que son auteur est… docteure agrégée de Lettres modernes, et sur cette énième et banale accusation de fascisme pour nous intéresser au rapprochement opéré naturellement par Mme Fautrier entre l’idéologie du genre et l’idéologie « racialiste ». Ces deux branches du wokisme œuvrent effectivement de concert et travaillent conjointement à la « déconstruction », c’est-à-dire à la destruction des valeurs occidentales.

Philosophies de l’émancipation

« De la théorie du genre à la théorie critique de la race, en passant par l’épistémologie du point de vue, le but des wokes est de “déconstruire” tout l’héritage culturel et scientifique d’un Occident accusé d’être “systématiquement” sexiste, raciste et colonialiste », rappelle Jean-François Braunstein dans La religion woke (Grasset). Ce n’est pas un hasard si le journal de stricte obédience gaucho-wokiste Mediapart, après avoir créé en son sein un poste de « responsable éditorial aux questions de genre », vient de nommer une « responsable éditoriale aux questions raciales ». Sabrina Kassa, la responsable en question, a annoncé qu’elle veillera entre autres à ce que les notions racialistes et les mots « race », « racialisation », « racisation », « blanchité » et « privilèges », soient assidûment employés afin que ne perdure pas l’idée (fausse, bien entendu, selon elle) que la France est « indifférente à la couleur ». Au moment de la création de SOS Racisme, Jean Baudrillard avait déjà compris de quoi il retournait : « SOS Racisme. SOS baleines. Ambiguïté : dans un cas, c’est pour dénoncer le racisme, dans l’autre, c’est pour sauver les baleines. Et si dans le premier cas, c’était aussi un appel subliminal à sauver le racisme, et donc l’enjeu de la lutte antiraciste comme dernier vestige des passions politiques ». En plus du racialisme, dansent aujourd’hui sur ce tas de ruines politiques tous les co-locataires de l’idéologie woke : le néo-féminisme, le transgenrisme et l’écologisme.       

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Pour les idéologues du genre et du racialisme, l’adversaire à abattre a dès lors des contours précis : il est un individu occidental, plutôt hétérosexuel, plutôt blanc, plutôt ordinaire. Imperméable aux chants des sirènes butlériennes et aux accusations de racisme des racialistes, souvent désireux de fonder une famille – « une famille hétéronormée », précisent avec une moue de dégoût Judith Butler et Pascale Fautrier à sa suite –, aspirant à des relations apaisées, voire amicales, avec ses voisins ou ses collègues de travail – que ceux-ci soient blancs, jaunes ou noirs –, cet individu, bien qu’estomaqué par l’obscénité des comportements ou la bêtise des propos de ceux qui se revendiquent bruyamment des mouvements queer ou des associations obsédées par la race, n’a pas vraiment pour habitude de se livrer à « des ratonnades et des crimes » ; il ferait même plutôt partie de ceux qui, à juste titre, craignent de devenir les victimes d’une nouvelle et grandissante délinquance. Il n’empêche, trop conservateur dans ses mœurs, peu enclin à suivre les préceptes butlériens et, par conséquent, à « multiplier les possibilités d’existence » – c’est-à-dire à se prendre pour autre chose que ce qu’il est, homme ou femme, à se teindre les cheveux en vert ou à vivre en trouple – cet individu-là est, aux yeux de Mme Fautrier, un réactionnaire, un privilégié effrayé par le prétendu « combat anticapitaliste » de Judith Butler, cette « philosophe de l’émancipation ». Ce suppôt du libéralisme, écrit-elle en substance, a du mouron à se faire car « la professeure de Berkeley appelle la gauche à nouer partout les alliances les plus larges possibles pour contrer cette offensive réactionnaire, en associant “la lutte pour les droits et la liberté du genre à la critique du capitalisme” ». Au cimetière londonien de Highgate, il paraît qu’on a vu dernièrement l’imposante tombe de Marx bouger dans tous les sens…

L’éveil de Laure Adler

« Le combat pour la reconnaissance des désirs, des genres, loin des assignations hétéronormées, ne fait que commencer », écrit de son côté, dans Les Inrocks, l’impayable Laure Adler, une des plus éminentes propagatrices de la culture gauchisante et des élucubrations pseudo-intellectuelles en vogue. Selon elle, le dernier opus de Judith Butler est « magistral ». Pensez donc, la théoricienne du genre y analyse « comment des forces d’extrême droite peuvent instrumentaliser des consciences en s’appuyant sur des peurs construites de fin de civilisation car l’ordre patriarcal est menacé ». Laure Adler – qui, soit dit en passant, écrit maintenant ses articles dans un style de plus en plus débraillé et en écriture inclusive – est tombée dans la théorie du genre comme d’autres tombent, parfois tardivement, dans la religion. La lecture des écrits alambiqués de la papesse du genre et de ses cardinaux – Éric Fassin & Co – l’a plongée dans une torpeur intellectuelle qu’elle imagine être un « éveil de la conscience ».

Enivrée par les thèses et le style amphigouriques de la théoricienne idolâtrée et par les purées verbeuses de ses zélateurs, Laure Adler a reçu il y a quelques mois sur France Inter le très butlérien et très transgenré meneur de revues intellectuelles queer Paul B. Preciado. Ce dernier l’envoûta grâce à une formule magique connue des seuls initiés aux nouveaux rites butléro-deleuziens : « La transition est un acte somato-politique de décolonisation, pour essayer d’extraire les instances, donc les technologies de subjectivation, qui essaient de capturer la puissance désirante qui nous habite. » La buée que ce brouillard ésotérique déposa sur les lunettes bleues de la journaliste ne l’empêcha pas d’avoir une vision ; un nouveau commandement s’inscrivit en lettres de feu dans son esprit : « Dorénavant, l’ordre hétéro-patriarco-colonial tu combattras ! » Depuis, l’ex-directrice de France Culture croit dur comme fer que le genre n’est qu’une « construction sociale », que le sexe est « assigné à la naissance », que le patriarcat de souche perdure en France, que les hommes sont élevés dans la « culture du viol », que la « sororité » et le « métissage des genres et des cultures » sauveront le monde et que « la culture queer et trans peut être l’avant-garde du combat contre tout système de domination ». Adhérer, même par pur conformisme, au wokisme, finit par esquinter l’intelligence, quel que soit son niveau initial. L’essayiste qui admira naguère la vie et la pensée de Hannah Arendt ou celles de Simone Weil, affirme aujourd’hui que la dernière entourloupe pseudo-philosophique de Judith Butler « fera date ». Cela aurait pu n’être qu’un égarement momentané. Errare humanum est, perseverare diabolicum, dit-on. Malheureusement, et au grand dam de certains insectes, Laure Adler persévère…       

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En plus de prêcher la bonne parole tous les soirs, sur France 5, dans l’émission bienpensante “C ce soir” animée par le très politiquement correct Karim Rissouli, Mme Adler vient en effet de concocter pour La Chaîne Parlementaire (LCP) un programme d’entretiens intitulé “Paroles de femmes”. Les femmes reçues par la journaliste sont conviées à donner « leur vision du féminisme » ; le nom de certaines invitées laisse augurer de grands moments d’ennui, d’irrépressibles bâillements, de possibles somnolences. Le 6 octobre, par exemple, l’invitée a été… Ovidie. L’ex-star du porno reconvertie dans le féminisme a livré à cette occasion, apprend-on sur le site de LCP, ses réflexions sur la « politisation de l’intime qui associe la femme à un sentiment de désir dans la société sexiste qui est la nôtre ». L’assoupissement nous gagne déjà… Profitons de cette pénible expérience pour en appeler solennellement au député Aymeric Caron : ne serait-il pas temps d’ouvrir un véritable débat et d’envisager des mesures énergiques pour que cessent les actes de cruauté sexuelle sur les coléoptères dans certaines émissions de l’audiovisuel public ?

Le 20 octobre, Laure Adler recevra… Mona Chollet, cette autre penseuse de haut vol plané qui estime que « considérée froidement, l’hétérosexualité est une aberration »[1], promeut en ce moment sa dernière production, un nouveau livre plein de vide, comme son précédent, inutile et superflu, comme l’ensemble de son œuvre. Dans Résister à la culpabilisation, Mme Chollet avoue avoir « commencé à entendre des voix dans [sa] tête il y a environ huit ans », alors que, vivant seule dans son appartement, sans avoir à recourir à un travail salarié pour profiter pleinement de la vie, elle était confrontée à des « interrogations existentielles » en même temps qu’à une « conscience aiguë de [sa] situation privilégiée ». Une de ces voix, avoue-t-elle, lui aurait dit à plusieurs reprises : « Ce n’est pas possible d’être aussi conne. » Il n’est pas absolument certain que le passage à l’écriture inclusive dont se vante Mme Chollet adoucisse ce jugement. Il paraît que, lors de son entretien avec Laure Adler, cette autrice « partagera ses réflexions sur les défis actuels du féminisme et interrogera les normes sociales et les mécanismes de pouvoir en place ». D’où notre appel réitéré au député Caron.

Enfin, Laure Adler s’entretiendra le 3 novembre avec… Alice Coffin. Il est prévu que cette dernière explique « comment ses idéaux devraient se traduire en actions concrètes dans la société ». Les coléoptères auront intérêt, plus que jamais, à serrer les miches. Notre ultime appel au député Caron sera, nous en sommes convaincus, entendu – un homme qui n’a pas hésité à s’opposer au meurtre des mamans moustiques ne saurait rester indifférent au sort des coléoptères, des mouches et autres diptères, victimes innocentes des byzantins missionnaires du néo-féminisme et de la religion woke. Halte au massacre !

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[1] Extrait de Réinventer l’amour. Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles, 2021, Zones.

Harris, les inquiétudes de l’Etat-major démocrate

À un mois de l’élection, les faiblesses de la campagne de Kamala Harris sont de plus en plus visibles. Un décrochage de la candidate est-il inéluctable ?


La bulle médiatique autour de Kamala Harris pourrait bientôt finir par éclater. À un mois du scrutin, la candidate Démocrate semble avoir terminé sa lune de miel avec l’opinion publique américaine.

Les sondages restent serrés, en particulier dans les Etats clefs, et chacun s’accorde pour dire que le scrutin demeure incertain, malgré une avance nationale de 2 ou 3 points pour les Démocrates. Mais, depuis la rentrée, Kamala Harris ne progresse plus. Son état-major est donc un peu fébrile. Le score de Trump a été gravement sous-estimé dans les sondages en 2016 et 2020. Aussi, les 1 ou 2 points d’avance qu’affiche Kamala Harris dans les Etats pivots de Pennsylvanie et du Nevada ou les 0.5 point d’avance dans le Wisconsin ne sont pas une avance très confortable. D’autant que dans le Michigan, des sondeurs disent que Trump est de nouveau en tête.

La vice-présidente de Joe Biden doit d’abord assumer un bilan très critiqué. Les Américains ont eu le sentiment (légitime) de voir leur niveau de vie se dégrader sous l’administration Démocrate, que l’immigration n’était pas maîtrisée, alors que progressaient à l’international les désordres en tous genres. Après le retrait chaotique d’Afghanistan, le déclenchement de la guerre en Ukraine ou le retour de la guerre en Israël, les Républicains ont beau jeu de critiquer un bilan diplomatique désastreux. Et il est très difficile pour Kamala Harris d’incarner le renouveau, quand Joe Biden dans ses interventions admet lui avoir transmis « les clés du camion » en matière de politique internationale et que l’on est soi-même numéro deux de son administration.

Une campagne virtuelle déconnectée de la réalité

Dans ce contexte, la stratégie de communication des Démocrates reste très hésitante. En 2020, l’équipe de campagne de Joe Biden avait revendiqué un temps de déconnexion numérique : c’en était fini de Twitter où l’on ne trouvait que des journalistes et des militants politiques ! Place alors à la vraie vie, place alors aux propositions concrètes visant à améliorer le quotidien des Américains, place à l’économie et au pouvoir d’achat plutôt qu’aux habituelles dénonciations de l’adversaire honni ! Pour la cuvée 2024, étrangement, les Démocrates misent de nouveau sur une stratégie virale, axée principalement sur Tiktok, espérant capter l’attention des jeunes électeurs avec des vidéos courtes et accrocheuses souvent assez vides de propositions voire de tout contenu politique. James Carville, l’ancien conseiller de Bill Clinton, a critiqué ouvertement l’équipe de campagne de Harris, l’accusant de ne pas être en prise avec la réalité. Cette remarque met en lumière un fossé entre la réalité politique et une stratégie de communication aseptisée qui n’a pour seul atout qu’une modernité numérique supposée. Côté Trump, les Républicains mènent une campagne de terrain tournée vers l’action militante ; et ils progressent, notamment dans la collecte de bulletins de vote – un élément devenu clef pour la victoire comme l’a montré le scrutin de 2020.

Le choix du colistier : un handicap politique ?

Le choix du colistier de Mme Harrius, Tim Walz, gouverneur du Minnesota, n’a rien arrangé, et l’ensemble de la campagne peine à susciter l’enthousiasme. En témoignent les sondages dans ce fameux Minnesota, fief Démocrate qui semblait solide et n’avait pas voté Républicain depuis le raz-de-marée Reagan de 1980. L’avance du ticket Démocrate s’y est réduite à seulement cinq points dans les derniers sondages. Un signal d’alarme qui peut d’autant plus inquiéter l’équipe de campagne de Harris que le choix d’un colistier permet d’ordinaire de sécuriser l’Etat d’origine du potentiel vice-président… Le Minnesota fait partie de cette ceinture industrielle des Grands Lacs, où les électeurs de la classe ouvrière américaine sont nombreux à pencher pour Trump depuis 2016. Beaucoup y sont sensibles au discours de Trump sur le retour du protectionnisme et la défense des frontières.

A écouter: Harris-Trump : les enjeux fondamentaux de l’élection américaine. Un débat contradictoire

Les syndicats de travailleurs, traditionnellement acquis aux Démocrates, voient certains de leurs adhérents virer leur cuti. Une consultation interne des membres du syndicat International Brotherhood of Teamsters a révélé que 60% d’entre eux préféreraient le ticket Républicain. Si J.D Vance, le colistier de Trump, reste un personnage controversé, le public a pu mesurer ses qualités intellectuelles lors du débat qui l’opposait à Walz, et son statut de fils d’ouvrier appalachien demeure un formidable atout.

Splendeurs et misères d’un plan média

Si les élites Démocrates des grandes métropoles ont depuis longtemps négligé le vote ouvrier, elles pouvaient jusqu’à ce jour au moins se consoler avec le soutien des grandes figures du show-biz et les célébrités hollywoodiennes. Il ne faut cependant pas négliger l’effet de scandales répétés sur l’image de ces dernières. L’affaire qui affecte ces derniers jours le rappeur P Diddy, accusé de trafic sexuel, fait beaucoup de bruit. Il sera jugé en mai 2025, et reste pour l’instant en prison. La star avait appelé à voter Obama et Biden par le passé. Pareils soutiens sont-ils encore pourvoyeurs de voix ? Rien n’est moins sûr. Faute de pouvoir accrocher de nouveaux électeurs avec de beaux récits hoolywoodiens, les candidats Démocrates tentent d’élaborer le leur, au prix de certaines exagérations. Kamala Harris a ainsi tenté de faire pleurer dans les chaumières en se disant issue de la classe moyenne (avec une mère universitaire et chercheuse en biologie, et un père lui aussi universitaire et économiste, quand même), et en rappelant qu’elle travaillait durement chez McDonald’s dans sa jeunesse. Son récit a paru au public quelque peu enjolivé. Tim Walz, de son côté, a voulu exhiber ses faits d’armes glorieux, prétendant avoir été déployé dans des zones de combat rapprochés et avoir assisté aux évènements de la place Tiananmen. La véracité de son récit a été depuis remise en cause.

Harris et Walz ont par ailleurs fait le choix d’une communication strictement verticale, sans véritables interactions avec les journalistes ou entretiens. Les relations de l’équipe avec la presse sont extrêmement limitées et cadrées. À quoi attribuer ce mutisme ? Cherchent-ils à fuir les sujets sensibles pour dérouler ce roman d’existences imaginaires ? Ou cherchent-ils tout bonnement à dissimuler leur absence de propositions concrètes ? Ils ne préfèrent quand même pas l’eau tiède des discours candides sur les prétendues réussites du président Biden ? Les adversaires de Trump ont en tout cas bien de la peine à le faire passer pour un dégonflé, lui qui n’a jamais craint l’algarade médiatique. Son message est certes clivant, mais il a le mérite d’une certaine clarté. 

Une campagne qui peine à convaincre

A quoi attribuer toutes les faiblesses de la candidature Harris ? Rappelons que Kamala Harris n’était pas le premier choix des Démocrates. Brièvement candidate à l’investiture en 2020, elle avait dû renoncer avant même la primaire de l’Iowa, faute de soutien populaire (ses intentions de vote plafonnaient à 1% des voix). Le renoncement précipité de Joe Biden fut l’épilogue d’un tour de passe-passe inédit dans l’histoire politique américaine. Conscients du vieillissement du président sortant, les stratèges Démocrates ne se résignaient pourtant pas à le débrancher avant l’élection primaire, de peur que des candidats contestataires se saisissent du vote pour imposer leur ligne au parti. Bernie Sanders avait manqué par deux fois (et de très peu) d’être investi en 2016 et en 2020. Dans les métropoles, la base Démocrate penche plus nettement à gauche. Beaucoup d’électeurs Démocrates traditionnels reprochent par ailleurs l’abandon de la classe ouvrière par la direction du parti. Une primaire aurait été l’occasion d’une grande et douloureuse explication collective, que l’establishment progressiste américain voulait à tout prix éviter. Moyennant quoi, ni la question du libre-échange, ni celle de l’immigration, ni celle de la sécurité ou encore de la fiscalité n’ont pu être franchement tranchées par les électeurs. Or, à ne jamais évoquer les questions qui fâchent, on finit par ne plus parler de rien. Faute de légitimité populaire, Kamala Harris est contrainte de rester floue pour ne contrarier aucun de ses soutiens. Une primaire aurait à tout le moins permis à un candidat d’avancer un message clair et offert aux Etats-Unis un véritable débat démocratique. Bien mal acquis ne profite finalement jamais…

Un bon ministre serait-il un ministre mort?

Sans nos ex-gouvernants, on ne rirait plus en France…


On aura deviné, je l’espère, que je ne souhaite évidemment la mort de personne, même pas de quelques ministres présents ou récemment remerciés. Comment se passer, en effet, de leur ridicule, de leurs postures, de leur caquetage de basse-cour dorée, de leurs grands airs de « Monsieur (ou Madame) Je-sais-tout », de leurs pensées et convictions à peu près aussi vides que les caisses de l’État et que le seront nos poches dans un futur proche ? Comment se passer de ces gens qui au fond prêteraient à rire s’ils ne nous coûtaient aussi cher ? La chose n’est pas nouvelle. Déjà en son temps, Sébastien-Roch Nicolas, dit Chamfort – de si gratifiante lecture – s’en faisait l’écho : « Sans le gouvernement, on ne rirait plus en France ». Rire jaune, le plus souvent. Très jaune même, ces temps-ci.

L’une des raisons pour lesquelles ces gens-là pourraient déclencher un soupçon d’hilarité est l’aptitude plutôt bizarre qu’ils ont de n’être compétents qu’une fois morts, je veux dire que lorsqu’ils ne sont plus aux affaires, aux manettes.

On dirait bien qu’il suffit d’éjecter un ministre de son confortable fauteuil pour que, soudain visité par la grâce, touché par la lumière de l’intelligence la plus créatrice, il sache très précisément ce qu’il convient de faire pour la prospérité du pays et le bonheur de ses populations. C’est fou ! À peine virés – dans le cas présent – pour résultats pis que calamiteux, voilà que, toute honte bue, avec une arrogance à se tordre de rire tellement elle donne dans le grotesque, ils courent les plateaux TV pour faire la leçon aux successeurs, leur expliquer en long, en large et en travers la bonne méthode, exposer les mesures de courage et d’impérieuse nécessité à prendre pour remédier aux maux qu’au prix de sept ans d’errements accumulés avec un zèle digne d’éloges ils ont eux-mêmes causés ou aggravés. Splendide ! On applaudit à tout rompre. Le courage politique seulement lorsqu’on n’est plus en position de l’exercer, voilà leur truc. C’est malin. Confortable et malin. À se tordre, non ?

Oscarisables dans cet exercice, nous avons comme tout premiers nominés MM. Attal et Darmanin, duettistes au culot à peu près aussi énorme que le déficit et la dette conjugués. L’un et l’autre ne craignent pas de présenter comme indispensables et vitales des mesures – temps de travail, fiscalité, etc. – qu’on n’avait jamais entendues de leur bouche du temps de leur gloire ministérielle. L’indécence, le mépris de l’intelligence « citoyenne » seraient nobelisables, nous aurions-là le duo finaliste. Duo converti en tiercé si l’on veut bien lui associer M. Hollande (La France devenue « pays bas » sous son règne. On aurait dû s’y attendre). M. Hollande, disais-je, dont tout le monde – à part lui-même apparemment – se souvient qu’il fut président de la République. Avec à la sortie le bilan éblouissant que nul n’ignore. Lui aussi, déchu, viré, auto-limogé pour résultats catastrophiques, aurait vu la lumière. Sans rire, voilà même qu’il revendique à présent le mérite, la gloire immense d’avoir sauvé la Grèce de sa disparition pure et simple dans les poubelles de l’économie mondialisée. Je suis bien certain que, entendant cela, Jupiter, l’autre le vrai, le grand, celui des Grecs anciens, se roule par terre de rire.

Puisque ces jours-ci tout le monde y va de son conseil pour aider à la guérison du malade France, pourquoi m’en priverais-je ? Je préconise que soit inscrit dans la Constitution – oui, dans le marbre de la Constitution – l’obligation faite à tout ministre ou président débarqué, premièrement de la boucler pendant deux ou trois ans. Deuxièmement, de se rendre enfin utile au pays, utile pour de bon. En pompiers volontaires pour Attal et Darmanin, ils sont en âge. En clown-visiteur en EHPAD pour Hollande. Lui aussi est en âge, et il semblerait qu’il ait un certain talent pour faire rigoler l’entourage. Ce serait déjà cela.

LES TÊTES MOLLES - HONTE ET RUINE DE LA FRANCE

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Causons! Le podcast hebdomadaire de Causeur

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Il y a un an, le 7-octobre; misère de la gauche néoféministe; haine de soi occidentale. Avec Céline Pina et Jeremy Stubbs.


Pourquoi le 7-octobre représente-t-il un jour sans fin, comme l’annonce la couverture du numéro d’octobre de Causeur? Parce que quelque chose s’est effondré ce jour-là, quelque chose qui n’était peut-être qu’une illusion mais qui tenait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale: le « jamais plus ça ».

Le 7-octobre marque le retour d’une forme de totalitarisme, un totalitarisme qui trouve encore ses idiots utiles en Occident, en particulier chez les intellectuelles de la gauche néoféministe. Nous commentons les dernières imbécillités de Mona Chollet en France et de Naomi Klein dans le monde anglophone. L’Occident a lentement et patiemment construit un concept d’universalisme, en essayant de définir un certain nombre de principes moraux valables pour tout le monde. Sommes-nous aujourd’hui en train de capituler devant un nouveau tribalisme?

«Antoine Arnault et le foot, c’est un mariage naturel»

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La nouvelle a fait l’effet d’une bombe: la famille Arnault a racheté le Paris FC ! Deuxième club de la capitale, le Paris FC est actuellement leader de la Ligue 2. Aura-t-on demain un grand derby parisien entre, d’un côté, le PSG propriété du fonds souverain qatari, et, de l’autre, le PFC détenu par la plus grande fortune française? Daniel Riolo, le journaliste football de RMC qui n’a pas sa langue dans sa poche, en parle avec nous.


Causeur. Ce rachat du Paris FC par la famille Arnault en association avec Red Bull (85% des parts pour les Arnault à terme, et 15% pour le conglomérat de la boisson énergisante autrichienne) réunit deux de vos obsessions afteriennes[1]. Vous avez souvent affirmé que la France n’était pas un vrai pays de foot comme l’Angleterre ou l’Espagne, parce que ses grandes fortunes n’investissaient pas dedans. Vous avez aussi fréquemment regretté que nos voisins aient de grands derbys de villes (Manchester, Madrid, Milan ou encore Londres) et pas nous. J’imagine que l’arrivée des Arnault dans le foot français vous enthousiasme ?

Le journaliste de RMC Daniel Riolo publie « Chaos Football Club ». Photo : D.R.

Daniel Riolo. Oui, mais restons calmes ! Cela fait plusieurs années que le football francilien se développait. Le Paris FC faisait déjà bonne figure en Ligue 2, depuis près d’une dizaine d’années. Et le club a loupé de peu la montée en première division à différentes reprises. Au moment où nous nous parlons, ils sont d’ailleurs déjà en tête du championnat. Pierre Ferracci a bien travaillé, c’est un club sain qui est racheté. Par ailleurs, le Red Star, l’équipe de Saint-Ouen (93), est aussi en Ligue 2. Ce club n’est pas au même niveau, mais il est dans le ventre mou de la Ligue 2 et n’est pas menacé par une relégation.

Reste que dans l’imaginaire collectif, on demande depuis longtemps un autre gros club dans la capitale. Les grands derbys milanais ou madrilènes font partie de la mythologie du football. Il est donc logique d’en rêver aussi pour Paris, surtout avec la famille qui débarque et les moyens dont elle dispose ! Sur le papier, quand la plus grande fortune française et peut-être mondiale arrive dans le foot, on se dit que le Paris FC va rapidement grandir et que la capitale française rejoindra la norme européenne. Mais nous en sommes encore loin. Pour l’heure, c’est une promesse.

De fait, le travail qui s’annonce est important. J’ai trouvé intéressantes les déclarations qui ont filtré dans la presse sur la philosophie qui préside à ce rachat. Pendant deux saisons, Pierre Ferracci restera à la tête du club, avant qu’Antoine Arnault ne prenne la présidence. C’est bien : ils attendent, ils sont patients, ils ne vont pas d’entrée de jeu déverser une tonne d’oseille mais miser sur la jeunesse, construire des fondations solides pour espérer arriver au plus haut niveau. De plus, l’association avec Red Bull permettra de bénéficier de l’expérience sportive de ce groupe, de son savoir-faire qui ne peut qu’être bénéfique. Red Bull a su monter entièrement des clubs qui ont réussi, je pense notamment au RB Leipzig. En plus d’une façon de jouer, c’est aussi une façon de bien éduquer les jeunes joueurs du centre en leur donnant des fondamentaux sportifs et des valeurs humaines. Ils ont dû être séduits par ces aspects. Je note d’ailleurs que le Paris FC n’est que la deuxième participation minoritaire de Red Bull, après Leeds.

Vous les voyez donc miser sur le vivier francilien et la formation ?

Oui. Aujourd’hui, le PSG a tout pour lui, c’est là que sont les stars. Dans un premier temps, le PFC doit donc construire une aventure familiale en formant des jeunes. Cela ne signifie pas qu’ils ne feront pas rapidement des beaux transferts aussi, mais ils vont jouer sur deux tableaux. Par ailleurs, ils ne pourront pas fonctionner sur l’ancienne mode du trading de joueurs, l’arrêt Diarra vient de mettre un terme à cette pratique (voir vidéo ci-dessous NDLR). Un jour, le Paris FC pourra peut-être rivaliser avec le PSG. Mais tout cela prendra quelques saisons. Cela étant, je ne vois pas la famille Arnault arriver en Ligue 1 pour jouer les seconds rôles. Ils ont de grandes ambitions et un projet global déjà bien établi qui s’affinera avec le temps.


Il se dit qu’Antoine Arnault a eu des vues sur d’autres clubs (on parle de Bordeaux, de Lille et même de Milan). Ce serait donc une idée qui trotte dans sa tête depuis longtemps. Les Jeux Olympiques, sur lesquels le groupe LVMH a beaucoup investi, auraient-ils précipité les choses ?

Oui. Le bruit courait depuis un moment. Les Arnault avaient Lille en vue parce qu’ils ont leurs attaches familiales dans la région. Je crois aussi savoir qu’ils sont proches d’Amiens, et que la famille aime le football : c’est pour eux traditionnel. Bordeaux, ça faisait aussi sens, avec le vin. Mais c’est un grand club qui a souffert ces dernières années à cause de mauvais investisseurs. La rumeur milanaise, je pense qu’elle n’était pas tout à fait fondée, même s’il y aurait eu aussi une certaine logique économique.

Vous savez, je crois que c’est finalement un mariage assez naturel que nous observons. Antoine Arnault est un vrai passionné de foot. On le voit très souvent au Parc des Princes pour les matchs du PSG. Il connait d’ailleurs bien la direction du PSG, avec laquelle il s’entend très bien. La famille Arnault est de manière générale sportive. Bernard Arnault est proche de Roger Federer, c’est un fan de tennis. Un des fils est un malade de Formule 1, d’où les liens avec Red Bull. Et puis Lionel Messi a figuré dans des pubs Vuitton, et Mbappé a été souvent aperçu avec eux. Je pense que c’est un achat passion. Acheter un club de football, c’est toujours par passion. Ce n’est pas ça qui va leur faire gagner de l’argent. D’ailleurs, c’est la famille qui achète le club et pas le groupe LVMH. Gagner des titres procure des émotions incomparables. Je crois que c’est ce qu’ils sont venus chercher. Paris c’est le glamour, le luxe. On aura donc deux clubs avec cette image.

Mais le Paris FC est-il un club populaire, est-il suivi par le public ?

C’est un club qui a une base de supporters réduite, et qui est encore en recherche d’identité. Même si la star Raï en est déjà un des ambassadeurs ! Ils jouent à Charléty (13e arrondissement) cette année, et seront à Jean Bouin (16e) l’an prochain en colocation avec le rugby. Il y a évidemment la place pour deux clubs à Paris, bien que cela ne se fasse évidemment pas en claquant des doigts. Le Paris Saint-Germain est le club de la capitale aujourd’hui, c’est lui qui a l’histoire. Au PFC d’écrire la sienne en obtenant des résultats. Il faut investir immédiatement. Je pense qu’ils vont recruter quelques bons profils dès le mercato d’hiver, pour tenter de sécuriser la montée en Ligue 1 l’an prochain…

Le football français est paradoxal : il y a une crise à la Ligue professionnelle de foot, et dans le même temps de belles équipes de Ligue 1 arrivent à obtenir des résultats en Coupe d’Europe. Cet investissement du groupe Arnault démontre que le football français intéresse encore les investisseurs et est toujours porteur. Pourtant, on sent comme un désamour : le nouveau diffuseur DAZN ne parvient pas à décoller, les supporters ne s’abonnent plus…

Financièrement, le foot français ne vaut plus rien alors que les matchs du week-end sont magnifiques. Le niveau est formidable en comparaison avec ce qu’on voyait il y a 10 ans. On est presque revenu au niveau du championnat de France si excitant des années 90… Et en Coupe d’Europe, nous ne sommes plus ridicules. Lille tape le Real, et Brest met des cartons.

Le paradoxe que vous évoquez s’explique par le mauvais travail de la Ligue. Labrune est un incompétent qui s’est brouillé avec Canal + et a fait miroiter le « milliard » aux présidents de clubs. Canal aurait bien mis les 700 millions sur la table, mais la chaîne ne veut plus traiter avec Labrune. Rappelez-vous : quand l’espagnol Mediapro est venu investir en France, on avait des stars au PSG et à Monaco, Neymar venait d’arriver. Tout cela a fait gonfler bien des têtes qui toutes ont rêvé de l’or des GAFAM et de toutes ces conneries de plateformes de streaming… Les hauts dirigeants du foot hexagonal sont soi-disant conseillés par des spécialistes des médias, mais leurs résultats sont catastrophiques. Il y a un vrai risque financier à terme puisque DAZN est une coquille vide qui va tomber. Dans ce contexte, espérons que l’arrivée d’industriels importants comme les Arnault inspire d’autres fortunes.

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[1] Daniel Riolo est présent au micro de l’After foot, le soir sur l’antenne de RMC NDLR.

Charlotte Le Bon convaincante en Niki de Saint Phalle

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Niki est un biopic plein d’émotion sur la plasticienne Niki de Saint Phalle. C’est le premier film de Céline Sallette. En salle depuis mercredi dernier.   


Lors de son ouverture en 1977, le centre Georges-Pompidou avait mis en avant quelques œuvres révolutionnaires en sa possession, telle une Nana de Niki de Saint Phalle, représentation d’un corps féminin obèse et informe, aux couleurs criardes, qui trônait majestueusement au milieu du Musée d’art moderne. J’étais très jeune alors, et l’on m’avait emmené voir cette sculpture déjà renommée, parmi quelques autres qui sans doute me frappèrent moins.

Nana, Hanovre (Allemagne). DR.

J’en tirai l’idée préconçue que Niki de Saint Phalle s’était représentée elle-même, et qu’elle possédait dans la réalité ce physique monstrueux ! Cette conclusion enfantine perdura en moi très longtemps ‒ peut-être même jusqu’à aujourd’hui, où un film, un biopic, nous rend enfin, et pour l’éternité peut-être, la vraie silhouette, frêle et longiligne, de Niki, sa grâce innée et sa jeunesse pleine d’esprit.

Une ressemblance frappante

Il existe d’ailleurs entre Niki de Saint Phalle et l’actrice choisie pour l’incarner, la Québécoise Charlotte Le Bon, une ressemblance physique frappante. Cette incarnation est littéralement une réincarnation. Il faut savoir en plus que le parcours de Charlotte Le Bon n’est pas sans points communs avec celui de Niki : le mannequinat, et un grand intérêt pour les arts plastiques. Notons, dans ce sens, que Charlotte Le Bon a réalisé un long métrage, Falcon, en 2022, qui a reçu le prix Louis-Delluc du premier film la même année. Par sa seule présence dans Niki, Charlotte Le Bon, ancienne « miss météo » sur Canal+, apporte donc indirectement un démenti complet à ma première impression ressentie à Beaubourg en 1977, au sujet de laquelle je me perds évidemment en conjectures.

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L’éclosion du génie

Niki est non seulement un premier film, mais le premier film d’une actrice. Céline Sallette, après avoir interprété un grand nombre de rôles au cinéma, s’est mise à ce biopic sur Niki de Saint Phalle avec une grande conviction et une certaine réussite. Il a été sélectionné à Cannes cette année dans la catégorie « Un certain regard ». Ce qui intéresse Céline Sallette, avant tout, c’est de montrer l’éclosion du génie artistique de Niki de Saint Phalle. Née en 1930 dans une famille étouffante de l’aristocratie, de mère américaine et de père français, la jeune Niki décide de s’enfuir en France, pays de la liberté. Elle révélera bien plus tard avoir été victime d’un inceste de la part de son père. Cet événement aggravera très probablement son état psychique, déjà fragile et vulnérable. Le médecin qui s’occupe d’elle, un psychiatre équivoque, la fera interner dans un service spécialisé. C’est là pourtant qu’elle découvrira sa vocation artistique, que rien ne laissait présager. « J’ai besoin de faire quelque chose… se lamente-t-elle. Je veux faire ma création à moi, c’est ma vocation… Je l’ai trouvée chez les fous. » Et en effet, la pratique de l’art viendra quasiment à bout de ses tentations suicidaires.

Mettre toute la gomme

De ses deux maris, Harry Mathews et Jean Tinguely, c’est sans conteste le second qui l’épaulera le plus et qui la comprendra le mieux. Elle créera même des œuvres avec lui. L’inspiration de Niki de Saint Phalle, quoique artiste autodidacte, est à rechercher dans les courants ultramodernistes des années soixante, comme les « Nouveaux Réalistes », et sans doute aussi chez un peintre comme Jean Dubuffet, inventeur de l’art brut. Niki excellait également dans la performance, par exemple dans les fameux Tirs, où elle déchargeait des cartouches de couleur avec un fusil de chasse sur des toiles peintes, pour se libérer, disait-elle au public, de la colère qu’il y avait en elle. Voulant s’imposer légitimement dans le monde de l’art, Niki de Saint Phalle dut faire preuve de beaucoup de persévérance, afin de lever les obstacles. Tout le monde, dans son entourage, avait tendance à lui signifier que sa sculpture ne valait rien, ou qu’elle n’était pour elle qu’une occupation de femme au foyer. À chaque fois, elle se remettait en question, décidant d’aller plus loin encore et de mettre toute la gomme, pour reprendre l’expression de Jean Tinguely.

La douleur d’être au monde

Niki ressentait une douleur à vivre, malgré les joies de la création. C’est cette douleur qu’elle exprime dans son travail et que le film fait si bien ressentir. Céline Sallette n’a pas eu le droit de montrer des œuvres de l’artiste, ce qui ne gêne, selon moi, en rien le bon déroulement de son film. Car au fond, Niki n’a fait que représenter, grâce à son génie, le monde qui l’entourait, certes au filtre de son âme. Et ce monde ne bouge pas, il est toujours le nôtre aujourd’hui encore. L’œuvre même de Niki de Saint Palle, c’est la réalité du « il y a », comme le proclamait déjà Rimbaud dans ses Illuminations (cf. « Enfance », § III): « Au bois, écrit Rimbaud, il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir. Etc., etc. »

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Niki est un film sur l’enfance et la jeunesse, et le surgissement spécial d’une artiste particulièrement attachante. Céline Sallette y met beaucoup de vigueur et de mordant, notamment quand elle décrit les relations amoureuses à fleur de peau de Niki. On se dit alors que ce cinéma-là, quand il arrive ainsi à ces sortes de paroxysmes, se place dans la lignée de ceux de Pialat ou de Breillat. Niki n’est heureusement pas un biopic à l’américaine, mais un film subtil, de bonne foi, qui permet qu’une véritable rencontre se produise et que, donc, le spectateur ressorte de la projection meilleur qu’il n’y était entré.

Niki, film de Céline Sallette. Biopic, 1h 38. Avec Charlotte Le Bon. En salle depuis mercredi dernier.

Bruno Retailleau n’est pas « un cas »…

Convaincu qu’il sait ce que veulent les Français, le ministre de l’Intérieur donne le sentiment de ne pas vouloir faire de langue de bois. Il entend porter le fer dans la plaie sur les sujets sécuritaires les plus brûlants: État de droit, prison, OQTF, aide médicale d’État, justice des mineurs… De l’ordre, de l’ordre, de l’ordre: quand on veut, on peut ?


Un entretien dans Le Parisien. Une analyse fouillée dans Le Point sur « Le cas Retailleau » par Nathalie Schuck. Bruno Retailleau est omniprésent. Une exposition médiatique intense depuis qu’il a été nommé ministre de l’Intérieur. Parce qu’il est « l’homme fort du gouvernement (…), le ministre le plus puissant du gouvernement » ?

Il me semble que derrière cette apparence politique et médiatique, il y a comme un saisissement face à cette personnalité qu’on peut qualifier d’atypique, parce qu’elle se trouve impliquée dans un univers du pouvoir aux antipodes de ce qu’elle est.

Je n’appartiens pas à « sa galaxie » telle qu’elle est décrite, même si en son sein j’apprécie, parmi ceux que je connais, Gérard Larcher, François-Xavier Bellamy, Othman Nasrou, Christelle Morançais et Louis-Marie Le Roy.

Depuis qu’il est ministre, il maintient une ligne vigoureusement conservatrice

Cependant, les relations amicales que j’ai toujours entretenues avec lui me permettent, certes sur un point que d’aucuns jugeraient dérisoire mais qui ne l’est pas pour moi, de louer sa fiabilité et sa réactivité qui ne laissent jamais un SMS sans réponse, quel que soit son emploi du temps chargé, y compris depuis qu’il est ministre. C’est un signe révélateur d’une organisation intellectuelle et professionnelle structurée et cohérente.

Bruno Retailleau suscite une adhésion de plus en plus nette de la majorité nationale sur laquelle il s’appuie, et l’étonnement de ceux qui, depuis trop longtemps, avaient fait une croix sur la possibilité d’une durable sincérité politique.

C’est d’abord cette caractéristique que je désire mettre en lumière. Je me souviens des critiques sur son apparence austère, avant même qu’il soit ministre. J’avais été surpris qu’on lui appliquât les mêmes critères que ceux généralement réservés, absurdement, aux femmes en politique. Cette impression aujourd’hui me paraît fondamentale parce qu’elle sort radicalement Bruno Retailleau des stratégies de séduction qui consistent à dissimuler par tactique ce qu’on est vraiment et à offrir au citoyen ce qu’il désire entendre. La démagogie étant reine, et non pas le courage de la sincérité, qui est pourtant le moyen le plus efficace et le plus direct pour convaincre les Français.

Retailleau, depuis qu’il est entré en politique, n’a pas dévié d’un pouce par rapport à une ligne intelligemment et vigoureusement conservatrice qui, miracle, s’est maintenue, encore plus assumée, depuis qu’il est ministre.

Sur l’immigration qu’on ne saurait qualifier aujourd’hui de « chance pour la France » au regard de quelques exceptions bienheureuses ; sur les OQTF, sur la durée des rétentions, sur l’excuse de minorité, sur l’État de droit qui évidemment ne doit pas être « intangible », sur l’obligation d’une politique dont le volontarisme n’a de sens que s’il sait mettre en actes les projets, Bruno Retailleau n’use pas de la langue de bois. Il n’hésite pas – tout en rappelant que celui qui décide est le Premier ministre – à porter le fer dans la plaie, à faire apparaître les conflits quand ils sont nécessaires et à invoquer une solidarité ministérielle qui sert trop souvent de prétexte à l’effacement. Comme pour l’aide médicale d’État qu’il aspire à remplacer par une aide médicale d’urgence, contre sa collègue MoDem de la Santé.

Quand on veut, on peut ?

Bruno Retailleau n’a peur de rien sur le plan intellectuel et politique. Aucune prétendue évidence ne lui résiste. Tous les poncifs que propage une droite gangrenée par la gauche, il les pourfend. Il est favorable aux courtes peines. Il démolit le slogan « tout sauf la prison », d’autant plus aberrant que, si la prison demeure un horizon indépassable, cela tient d’abord au fait que c’est la seule sanction dont la concrétisation peut être immédiate – à cause de la faiblesse du dispositif général d’exécution des peines. Le nouveau ministre de l’Intérieur ne fait pas de la politique en étant persuadé, comme tant d’autres, par un défaitisme anticipé et commode, de l’impuissance du politique. À peine a-t-il été nommé qu’il a durci deux circulaires de Gérald Darmanin : quand on veut, on peut ! Il contraint Didier Migaud à se poser, comme ministre de la Justice, les bonnes questions…

C’est ne rien comprendre à cette personnalité singulière que la placer sous le pavillon stupide du Vendéen réactionnaire et catholique, pour la discréditer. Ou à lui inventer dès aujourd’hui des desseins présidentiels… Bruno Retailleau est un homme qui a perçu, le premier, que la victoire de la droite ne serait définitive que si elle l’emportait sur le plan culturel. Il l’a affirmé notamment à mon micro en 2020.

Reprendre à la gauche ce dont elle a privé abusivement la droite, redonner sa fierté à cette dernière en cessant de la noyer dans des jeux et des « je » politiciens désastreux, comme Laurent Wauquiez à l’Assemblée nationale, accomplir cette élémentaire coïncidence entre la pensée, la promesse et l’incarnation et ne pas se préoccuper d’un futur qui ne serait que l’expression d’une pure ambition.

Dans Le Point, Bruno Retailleau me permet une belle conclusion : « Hannah Arendt disait qu’en politique « les mots justes trouvés au bon moment sont de l’action ». Dans l’action, on ne peut pas se payer de mots. Je sais que je serai jugé à mes résultats et que j’ai peu de temps ».

Bruno Retailleau n’est pas aujourd’hui « un cas » mais devrait être un exemple pour les ministres.

Un paradis nommé Rwanda

Le grand projet des conservateurs britanniques consistant à externaliser les demandes d’asile au Rwanda semble compromis. Mais, d’autres nations européennes pourraient finalement le faire.


Sitôt élu début juillet, le travailliste Keir Starmer a annulé un projet conçu par le précédent gouvernement conservateur : celui consistant à externaliser au Rwanda les demandes d’asile de migrants entrés clandestinement sur le territoire britannique. Il a ainsi mis fin à une saga politico-judiciaire qui avait commencé en 2022. Boris Johnson avait alors annoncé un accord par lequel, en échange de fonds de développement et un financement pour accueillir les migrants, le Rwanda traiterait leurs demandes et leur donneraient asile. Le projet a été déclaré conforme à la loi par la Haute Cour de Londres en décembre 2022, mais non conforme par la Cour suprême britannique en novembre 2023. Un accord similaire de nature informelle entre le Rwanda et Israël, entre 2013 et 2018, y a été cité comme un mauvais précédent, certains réfugiés africains ayant été refoulés vers leur pays d’origine. En réponse, le gouvernement de Richi Sunak a signé un traité avec Kigali imposant des obligations et des contrôles aux Rwandais. En avril cette année, il a promulgué une loi parlementaire affirmant que le Rwanda était un pays sûr. Les élections sont intervenues avant que le nouveau projet puisse démarrer. Mais est-ce la fin ? Le Danemark avait signé un accord similaire avec le Rwanda en 2022, pour le suspendre en 2023. Lors d’un colloque européen en mai de cette année, son ministre de l’Immigration et de l’Intégration a déclaré qu’une telle coopération avec un pays tiers était souhaitable au niveau européen. En novembre 2023, le gouvernement autrichien a annoncé vouloir développer lui aussi un projet avec le Rwanda. Lors des élections européennes de juin, le groupe conservateur, le PPE, a fait campagne sur l’idée d’exploiter des pays tiers sûrs d’une façon similaire. Le gouvernement allemand de Scholz réfléchit depuis presque un an à une telle exploitation. Début septembre, son Représentant spécial pour les accords sur les migrations, Joachim Stamp, propose de faire un nouvel accord avec Kigali, en utilisant les installations que les Britanniques avaient fait construire – en vain – pour accueillir les migrants. Le Rwanda n’a pas fini de faire rêver les Européens.

Philippe Val: passer à l’offensive

Philippe Val © Hannah Assouline

Quoi qu’en disent les médias, nous n’avons peut-être jamais été aussi nombreux, de Paris à Téhéran, à vouloir écraser l’internationale islamiste. À l’avant-garde de la lutte contre les barbus, l’ancien patron de France Inter estime que nous sommes à un point de rupture : le moment n’est plus à l’apaisement, mais à la bataille victorieuse.


Causeur. Qu’avez-vous pensé ou ressenti le 7-Octobre ?

Philippe Val. Ce jour-là, j’ai pensé à l’histoire d’Israël. Quand on connaît un peu l’enchaînement des événements depuis la déclaration Balfour de 1917, on sait bien que ce n’est pas la première fois qu’il y a sur cette terre des populations arabes qui ne veulent pas de la population juive et qui commettent hélas des pogroms. Seulement, entre-temps, un événement universel a eu lieu, la Shoah, qui nous a montré à quelle tragédie absolue peut mener la haine envers les juifs. Le 7 octobre m’a semblé être une réplique de cette tragédie absolue.

Mais n’y a-t-il pas une différence entre le l’antisémitisme des années 1930 et 1940 et l’antisémitisme d’aujourd’hui ?

C’est vrai, l’antisémitisme a muté. Il avait déjà muté au xixe siècle, passant d’un antisémitisme chrétien à un antisémitisme idéologique, notamment sous l’influence paradoxale de Karl Marx. Dans certains textes, ce petit-fils de rabbin dépeint les juifs comme des capitalistes cosmopolites qui ruinent les pauvres. Sa responsabilité est immense. En France, de nombreux théoriciens socialistes et anarchistes, comme Blanqui ou Proudhon, ont repris ses clichés mais aussi, plus tard, des écrivains comme Gide. Cet antisémitisme d’avant le nazisme n’est pas innocent, il est déjà criminel, surtout dans un pays comme le nôtre où on en trouve la trace chez une certaine élite culturelle. Il faut cependant reconnaître que, quand on a découvert les camps de la mort, la totalité des intellectuels français a rompu avec l’antisémitisme, sauf bien sûr une poignée d’anciens collabos qui étaient quand même des animaux exotiques et faisaient l’objet de la réprobation massive de l’opinion. Le répit a été de courte durée, et assez vite l’antisémitisme a fait, sous une autre forme, son retour sur la scène des idées. Des gens de gauche, qui ne s’étaient pas toujours bien comportés sous l’Occupation, se sont trouvé un héroïsme de rechange en s’engageant pour le FLN et en épousant l’antisémitisme masqué du nationalisme algérien. Il est devenu géopolitique : ne pouvant plus s’exprimer de façon religieuse ni idéologique, il s’est manifesté dans la haine d’Israël. Les codes pour formuler la chose ont ainsi changé. Mais la nature de la chose est restée la même. La preuve, c’est l’incroyable vitesse avec laquelle l’horreur de ce qui s’est passé le 7 octobre a été recouverte par une violente propagande antijuive, qui s’est surtout déchaînée à gauche. Heureusement pas dans toute la gauche.

C’est pourtant en France toute la gauche qui vient de s’allier avec LFI, ce mouvement sur lequel il n’est plus possible d’avoir de doutes. Les donneurs de leçons sempiternels, qui s’écrient « vous pactisez avec le diable ! » dès qu’un élu de droite prend un café avec un élu RN, sont allés à la soupe.

J’ai regardé cela avec effarement. Quand Raphaël Glucksmann a fait son bon score aux élections européennes, j’étais content, je pensais que la gauche intelligente et libérale prenait le dessus. Et puis j’ai vu se former le Nouveau Front populaire. Avec par-dessus le marché un François Hollande qui toute honte bue se réconcilie avec la gauche radicale, antisioniste, dont je sais à quel point il la déteste. C’est hallucinant. Heureusement Manuel Valls et Bernard Cazeneuve sont restés à l’écart de cette honte. Ils ont sauvé l’honneur.

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Sans doute, même s’ils continuent à psalmodier que le danger prioritaire est à l’extrême droite, agitant ainsi un fantasme qui occulte les vrais combats.

Je ne suis pas certain que l’extrême droite antisémite soit complètement un fantasme.

Peut-être, mais vous nous parlez de sentiments. Ce n’est pas l’extrême droite qui menace la sécurité des juifs. Or, avec leur baratin sur la tenaille identitaire, surtout destiné à assurer leur estime de soi, vos amis ont favorisé les atermoiements face à l’islamisme. Il y a des priorités. Pour battre Hitler, il a bien fallu s’allier avec Staline.

La condition humaine ne consiste pas à choisir entre le pur et l’impur mais à choisir, au cœur de la tragédie, la meilleure opportunité qui se présente… Je suis un admirateur de Churchill. Il avait Hitler en horreur et il éprouvait une détestation viscérale pour Staline. Il a choisi l’alliance stratégique la plus sûre pour atteindre son but : la défaite de l’Allemagne nazie. Je crois à la politique, qui est affaire de traîtres, et je ne crois nullement à l’idéologie, qui est affaire de crétins.

Reste un fait incontestable : Marine Le Pen a viré son père. Je ne voterai jamais pour elle, car j’ai une aversion philosophique profonde pour les partis radicaux, qu’ils soient de droite ou de gauche. Mais cela ne m’interdit pas de voir que le problème massif de l’antisémitisme n’est plus au RN, mais à gauche. Non seulement pour les raisons historiques que j’ai rappelées, mais aussi parce que l’extrême gauche, par opportunisme, mise sur l’antisémitisme supposé de la communauté musulmane établie dans les pays européens, et notamment en France.

Des figures de La France insoumise participent à une manifestation étudiante en soutien à la Palestine, lors de l’occupation d’un bâtiment de Sciences-Po Paris, 26 avril 2024. JEANNE ACCORSINI/SIPA

Ce n’est pas un « antisémitisme supposé » ! Toutes les études montrent que l’antisémitisme concerne à peu près la moitié des musulmans européens.

Ce qui veut dire que l’autre moitié n’est pas antisémite.

Halleluyah !

N’ironisez pas. Ceux-là existent, et ils sont nombreux. Il ne faut pas les insulter. Je vous dis cela parce que je sais ce que c’est que d’être insulté. À Charlie Hebdo, Cabu et moi avons toujours été très fermes sur la défense de l’existence d’Israël et sur la lutte contre l’antisémitisme, y compris à gauche. Raison pour laquelle nous n’avons pas arrêté de nous faire traiter de fachos.

Par qui ?

Par cette gauche mélenchoniste qui pue et qui sévit notamment dans les écoles de journalisme et à l’Université. Si vous allez dans les provinces, les gens ne sont pas antisémites, ils s’en foutent ; c’est seulement une obsession au sein d’une petite élite enseignante et médiatique. Aujourd’hui, par exemple, je pense que le positionnement du Monde est un gros problème. Si ce n’était pas le journal de référence, je m’en foutrais, mais leur influence est considérable, ils dictent beaucoup de choses au reste de la presse, notamment aux chaînes publiques, or leur positionnement géopolitique est très violemment anti-israélien. Ils n’ont pratiquement rien publié sur les otages juifs retrouvés assassinés après avoir été torturés ! Je pense que le général de Gaulle a bien résumé les choses avec cette formule : « Dans Le Monde, tout est faux, même la date. » C’est tellement vrai… Cela dit, je le lis tous les jours, parce qu’on y trouve aussi des articles de grande qualité, sans doute écrits par des rédacteurs très malheureux.

Au rang des médias anti-israéliens, il y a aussi France Inter, dont vous avez été le directeur. Il s’y est passé pourtant des choses intéressantes cette année, puisqu’ils ont viré Guillaume Meurice, décision qui ne nous a pas enthousiasmés. Et vous ?

Par principe, je ne m’exprime pas au sujet de l’action de mes successeurs. Mais je peux quand même faire un commentaire général. Un directeur ou une directrice d’un média quelconque a le droit de dire « ça me plaît » ou « ça ne me plaît pas », sinon il n’y a pas de direction. Si Adèle Van Reeth, la directrice de France Inter, n’aime pas l’humour de Guillaume Meurice, elle a le droit de ne pas renouveler son contrat.

Vous savez bien que ce n’est pas pour ça qu’il a été limogé…

En tous les cas, je sais qu’il n’a pas été limogé parce qu’il était follement drôle.

Le « roman » d’Aurélien Bellanger qui accuse la gauche laïque et républicaine en général et feu Laurent Bouvet en particulier de crypto-maurassisme, enchante France Inter et toutes les sacristies de la gauche médiatique. L’avez-vous lu ?

Je ne l’ai pas lu, mais on m’en a beaucoup parlé puisqu’il paraît qu’un des personnages me ressemble beaucoup. J’y vois plutôt un bon signe. Cela veut dire que l’extrême gauche panique. On peut les comprendre. Quand Charlie Hebdo a publié les caricatures de Mahomet en 2006, on était très seuls. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout vrai. Une très grande partie de la société française, et même de nombreux médias, sont avec nous. Malgré les apparences, j’ai l’impression qu’on approche de la fin d’un cycle. Je pense que les antisionistes qui se prennent pour une avant-garde sont en réalité une arrière-garde vermoulue et conformiste. Alors ce livre sort pour nous défoncer, de même Le Monde publie régulièrement des papiers pour nous défoncer. On a l’habitude, la guerre est ouverte.

Moins seuls, d’accord. Emmanuel Macron est-il de votre, de nôtre côté ?

Dans La Citadelle, le livre de Jean-Michel Blanquer, on comprend comment le logiciel d’Emmanuel Macron fonctionne : se conformer en fin de compte au magistère intellectuel de l’extrême gauche. Quelle déception ! Surtout que la plupart des Français refusent ce magistère. D’où leur défiance vis-à-vis du personnel politique, qui n’ose pas traiter le problème de l’islamisme, non seulement par conformisme intellectuel, mais aussi par affairisme, parce que notre pays fait du commerce avec le monde arabe. Tout cela donne un enrobage anesthésiant, confortable, tiédasse dans lequel les dirigeants se réfugient dès que ça commence à chauffer. Si seulement nos politiques voyageaient un peu plus, ils verraient combien l’esprit européen fait envie au reste du monde. J’ai fait des reportages pendant dix ou quinze ans à travers la planète, et j’ai rencontré partout des gens intelligents qui me suppliaient : « Tenez bon, parce que l’Europe est notre seul espoir. On veut vous ressembler ! » Ils désirent parler librement, avoir les relations sexuelles qu’ils veulent, lire des livres qu’ils aiment, voyager, pouvoir s’exprimer, boire quand ils en ont envie.

L’esprit européen, dites-vous. N’est-ce pas une fiction consolatrice ?

Pour moi, il y a un peuple européen : Mozart, Fellini, Chaplin, Proust, Goethe, Dante, Cervantes, Érasme, Kundera. Je n’ai pas d’état d’âme à proclamer qu’il faut défendre l’esprit européen, qui a à voir avec la façon dont on rit sur notre continent depuis l’Antiquité. C’est pour cela que j’ai écrit un livre sur le sujet.

Suffit-il de grandes déclarations d’amour pour défendre ce qu’on admire ?

Non vous avez raison. Le 7 octobre marque une rupture. Le ton doit changer. On ne doit plus se défendre de la même façon, il faut attaquer. Il faut dire : « On va se battre » – intellectuellement bien sûr. Le moment n’est plus venu d’apaiser, mais de gagner. C’est-à-dire de ne pas perdre notre héritage commun.

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Vous donnez à l’attaque antisémite du 7 octobre une portée européenne, si ce n’est mondiale. Ne faudrait-il pas en finir avec la centralité de la question juive ? Tout ne tourne pas autour des juifs !

Mais elle est centrale ! L’Europe s’est fondée, construite, inventée avec la pensée juive et la pensée grecque. L’antisémitisme est toujours un suicide européen, une forme de haine de soi. C’est central, car c’est par là que ça commence et par là que ça finit.

On approche des dix ans des attentats de 2015 et on va avoir un festival de proclamations. On répétera en boucle que « s’attaquer à un dessinateur de Charlie, à un Parisien qui boit un verre en terrasse, à un fan de rock, à un juif qui fait son marché dans un supermarché casher, c’est s’attaquer à la France ». On en a marre ! Pour mener le combat intellectuel, comme vous dites, commençons par le sujet qui fâche, l’immigration ?

Cela fait partie du combat, je suis d’accord. Il faut ramener tout cela dans le débat, sinon ça ne sert à rien. Je ne peux plus entendre non plus des raisonnements comme : « L’islamisme, ce n’est pas bien, mais ça n’a rien à voir avec l’islam. » L’islamisme a tout à voir avec l’islam. Il y a un problème au sein de cette religion, si on ne le dit pas, on ne dit rien. Je ne dis pas que tous les musulmans sont des terroristes, mais que tous les terroristes sont musulmans.

Vous le dîtes, mais qui veut l’entendre ? Vous ne pensez jamais que c’est foutu ?

Je ne sais pas si c’est foutu ou pas mais de toute façon, on n’a pas le droit de baisser les bras. Et puis je voudrais finir par une note d’espoir. On devrait davantage observer ce qui se passe en Iran. Je pense que si le régime des mollahs, par bonheur, s’effondrait, cela changerait tout, car c’est le vrai bastion des Frères musulmans. Cela semble étrange de dire cela puisque l’Iran est chiite alors que les Frères musulmans sont sunnites. Mais la révolution de Khomeini était en réalité beaucoup plus sunnite qu’on ne le pense. Tandis que le peuple iranien est, lui, culturellement beaucoup plus proche de nous et d’Israël. Si demain l’Iran se débarrassait des mollahs, il y aurait tout un pan de l’antisémitisme qui s’effondrerait, j’en suis certain.

Rafa, l’enfant à la main d’or

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L'Espagnol Rafael Nadal aux Jeux Olympiques à Paris, 31 juillet 2024 © USA TODAY Network/Sipa USA/SIPA

Notre chroniqueur dit au revoir au champion de tennis espagnol qui prend sa retraite sportive


Voilà, c’est fini. Le corps a dit stop, même si la tête d’un gaucher n’abdique jamais. Trop de blessures, trop de semaines passées sur le circuit ATP, trop de balles frappées avec l’énergie et la fougue d’un possédé, trop de litres de sueur et d’entraînements à la limite. Il aura consacré la première partie de sa jeune existence au tennis, à ce jeu diabolique, éreintant, superbe d’arabesques et d’engagements physiques ; à ce jeu machiavélique où l’adversaire n’est pas un ennemi et où l’œil et la main travaillent de concert, dans un même mouvement libératoire. À 38 ans, Nadal raccrochera sa raquette en novembre prochain après la Coupe Davis à Malaga. Dans son pays, il est adoré et respecté pour sa carrière au meilleur niveau mondial et son fair-play d’hidalgo courtois. Il comptabilise 1 080 victoires. Il est la fierté de l’Espagne, son enfant chéri. Là-bas, il est intouchable. Rafa est apparu un jour de printemps sur nos postes de télé. Il portait les cheveux longs et un débardeur qui laissait dévoiler des biceps musculeux. Depuis ce jour-là, sur la terre ocre de la Porte d’Auteuil, nous l’avons aimé d’instinct, sans réfléchir, comme un petit cousin par alliance qui débarque dans la famille. Il fut d’abord le prince, puis le roi et l’empereur de Roland-Garros avec ses 14 titres. Il est arrivé à un moment de notre tennis national où nous avions des joueurs de tout premier plan mais où la perspective de gagner un grand chelem relevait de l’utopie. La marche était trop haute pour nos tricolores alors nous avons rabattu notre enthousiasme et nos espoirs sur ce latin aux belles manières et au punch ravageur. À force de briller chaque mois de mai, dans le XVIème arrondissement, Rafa était devenu un Parisien d’adoption. Durant deux semaines, tour après tour, Rafa était toujours au rendez-vous. Il y a les sportifs épisodiques qui brillent une saison puis s’évanouissent dans les profondeurs du classement. Et puis, il y a Rafa qui, année après année, sacrifice après sacrifice, a maintenu un niveau tennistique hors du commun. Il était une borne temporelle dans nos vies. Si une hirondelle ne fait pas le printemps, l’irruption de Rafa sur le Central était tout de même la promesse d’un beau tournoi. Ses frappes ont soulevé une telle ferveur à travers le monde. Les abonnés du Camp Nou connaissent intimement ce sentiment de plénitude, les soirs de match. Il avait quelque peu changé physiquement, il n’était plus le gosse de 2005. Son visage s’était affermi, ses déplacements moins stratosphériques, il restait cependant l’essentiel, ce regard concentré, pénétré par l’âme du tennis. Cette soif avide de gagner et cette résistance à l’effort extrême concouraient à la même détermination. Intacte. Imperturbable et émancipatrice. Il avait bien perdu des cheveux mais l’abandon ne fit jamais partie de son vocabulaire. On l’aimait pour son sens du dévouement dans une époque qui renie toute forme d’engagement. Quand il pénétrait sur un court, il savait que seule la victoire est belle. Au moment de quitter l’avant-scène, on pense à Richard Gasquet qui a annoncé prendre sa retraite à la fin de Roland-Garros, l’année prochaine. Ces deux-là se fréquentent depuis le tournoi des Petits As à Tarbes. On pense aussi à Roger Federer, le danseur étoile au pied léger, leur affrontement tenait de l’exercice de style et du gentlemen’s agreement. D’un côté, le taureau tempétueux, broutant la terre, massacrant la balle jaune ; de l’autre, la leçon de tennis à l’état pur, le geste dans l’expression d’une fluidité irréelle. Et puis, on pense fatalement à Djoko, le plus étincelant palmarès de l’histoire du tennis, le dernier des mohicans, qui semble courir après l’amour du public. Ce triumvirat cachait en fait un couple d’amis.  

Pour comprendre l’effet Rafa, il faut l’avoir vu jouer de nombreuses fois à Roland. Depuis l’âge de douze ans, je foule les Internationaux de France, j’ai vu Connors, Noah, Leconte, Sampras, Edberg, des artistes, des cabots, des cogneurs, des relanceurs, des défenseurs patients et des attaquants suicidaires, aucun n’a réussi à arrêter le temps comme Rafa. Il entrait sur le Chatrier comme Johnny survolait le Stade de France. Les spectateurs étaient venus pour lui, le voir, sentir le frisson de son coup droit et s’inspirer de son attitude. Je me souviendrai de ces premières minutes où le match démarre souvent sur un faux rythme. Avec Rafa, de la première balle jusqu’à la balle de match, chaque coup était catapulté avec une vigueur et une joie communicatives.

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De Judith Butler à Laure Adler

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De gauche à droite, Judith Butler, Mona Chollet et Laure Adler. DR.

Laure Adler adore le dernier livre de Judith Butler, laquelle est admirée par Mona Cholet. Halte au massacre!


Le dernier livre de Judith Butler, Qui a peur du genre ?, vient de sortir. Enthousiasmée, Pascale Fautrier en a fait la publicité dans un article paru le 19 septembre dernier dans L’Humanité. Et ça démarre sur les chapeaux de roue: « Partout la diabolisation de “l’idéologie du genre” et des “théories critiques de la race” est le symptôme de tendances fascisantes [qui] défendent des politiques d’exclusion racistes, homophobes et anti-trans, ouvrant les conditions à (sic) la multiplication des ratonnades et des crimes ». Passons rapidement sur la langue négligée avec laquelle est écrit cet article, d’autant plus regrettable que son auteur est… docteure agrégée de Lettres modernes, et sur cette énième et banale accusation de fascisme pour nous intéresser au rapprochement opéré naturellement par Mme Fautrier entre l’idéologie du genre et l’idéologie « racialiste ». Ces deux branches du wokisme œuvrent effectivement de concert et travaillent conjointement à la « déconstruction », c’est-à-dire à la destruction des valeurs occidentales.

Philosophies de l’émancipation

« De la théorie du genre à la théorie critique de la race, en passant par l’épistémologie du point de vue, le but des wokes est de “déconstruire” tout l’héritage culturel et scientifique d’un Occident accusé d’être “systématiquement” sexiste, raciste et colonialiste », rappelle Jean-François Braunstein dans La religion woke (Grasset). Ce n’est pas un hasard si le journal de stricte obédience gaucho-wokiste Mediapart, après avoir créé en son sein un poste de « responsable éditorial aux questions de genre », vient de nommer une « responsable éditoriale aux questions raciales ». Sabrina Kassa, la responsable en question, a annoncé qu’elle veillera entre autres à ce que les notions racialistes et les mots « race », « racialisation », « racisation », « blanchité » et « privilèges », soient assidûment employés afin que ne perdure pas l’idée (fausse, bien entendu, selon elle) que la France est « indifférente à la couleur ». Au moment de la création de SOS Racisme, Jean Baudrillard avait déjà compris de quoi il retournait : « SOS Racisme. SOS baleines. Ambiguïté : dans un cas, c’est pour dénoncer le racisme, dans l’autre, c’est pour sauver les baleines. Et si dans le premier cas, c’était aussi un appel subliminal à sauver le racisme, et donc l’enjeu de la lutte antiraciste comme dernier vestige des passions politiques ». En plus du racialisme, dansent aujourd’hui sur ce tas de ruines politiques tous les co-locataires de l’idéologie woke : le néo-féminisme, le transgenrisme et l’écologisme.       

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Pour les idéologues du genre et du racialisme, l’adversaire à abattre a dès lors des contours précis : il est un individu occidental, plutôt hétérosexuel, plutôt blanc, plutôt ordinaire. Imperméable aux chants des sirènes butlériennes et aux accusations de racisme des racialistes, souvent désireux de fonder une famille – « une famille hétéronormée », précisent avec une moue de dégoût Judith Butler et Pascale Fautrier à sa suite –, aspirant à des relations apaisées, voire amicales, avec ses voisins ou ses collègues de travail – que ceux-ci soient blancs, jaunes ou noirs –, cet individu, bien qu’estomaqué par l’obscénité des comportements ou la bêtise des propos de ceux qui se revendiquent bruyamment des mouvements queer ou des associations obsédées par la race, n’a pas vraiment pour habitude de se livrer à « des ratonnades et des crimes » ; il ferait même plutôt partie de ceux qui, à juste titre, craignent de devenir les victimes d’une nouvelle et grandissante délinquance. Il n’empêche, trop conservateur dans ses mœurs, peu enclin à suivre les préceptes butlériens et, par conséquent, à « multiplier les possibilités d’existence » – c’est-à-dire à se prendre pour autre chose que ce qu’il est, homme ou femme, à se teindre les cheveux en vert ou à vivre en trouple – cet individu-là est, aux yeux de Mme Fautrier, un réactionnaire, un privilégié effrayé par le prétendu « combat anticapitaliste » de Judith Butler, cette « philosophe de l’émancipation ». Ce suppôt du libéralisme, écrit-elle en substance, a du mouron à se faire car « la professeure de Berkeley appelle la gauche à nouer partout les alliances les plus larges possibles pour contrer cette offensive réactionnaire, en associant “la lutte pour les droits et la liberté du genre à la critique du capitalisme” ». Au cimetière londonien de Highgate, il paraît qu’on a vu dernièrement l’imposante tombe de Marx bouger dans tous les sens…

L’éveil de Laure Adler

« Le combat pour la reconnaissance des désirs, des genres, loin des assignations hétéronormées, ne fait que commencer », écrit de son côté, dans Les Inrocks, l’impayable Laure Adler, une des plus éminentes propagatrices de la culture gauchisante et des élucubrations pseudo-intellectuelles en vogue. Selon elle, le dernier opus de Judith Butler est « magistral ». Pensez donc, la théoricienne du genre y analyse « comment des forces d’extrême droite peuvent instrumentaliser des consciences en s’appuyant sur des peurs construites de fin de civilisation car l’ordre patriarcal est menacé ». Laure Adler – qui, soit dit en passant, écrit maintenant ses articles dans un style de plus en plus débraillé et en écriture inclusive – est tombée dans la théorie du genre comme d’autres tombent, parfois tardivement, dans la religion. La lecture des écrits alambiqués de la papesse du genre et de ses cardinaux – Éric Fassin & Co – l’a plongée dans une torpeur intellectuelle qu’elle imagine être un « éveil de la conscience ».

Enivrée par les thèses et le style amphigouriques de la théoricienne idolâtrée et par les purées verbeuses de ses zélateurs, Laure Adler a reçu il y a quelques mois sur France Inter le très butlérien et très transgenré meneur de revues intellectuelles queer Paul B. Preciado. Ce dernier l’envoûta grâce à une formule magique connue des seuls initiés aux nouveaux rites butléro-deleuziens : « La transition est un acte somato-politique de décolonisation, pour essayer d’extraire les instances, donc les technologies de subjectivation, qui essaient de capturer la puissance désirante qui nous habite. » La buée que ce brouillard ésotérique déposa sur les lunettes bleues de la journaliste ne l’empêcha pas d’avoir une vision ; un nouveau commandement s’inscrivit en lettres de feu dans son esprit : « Dorénavant, l’ordre hétéro-patriarco-colonial tu combattras ! » Depuis, l’ex-directrice de France Culture croit dur comme fer que le genre n’est qu’une « construction sociale », que le sexe est « assigné à la naissance », que le patriarcat de souche perdure en France, que les hommes sont élevés dans la « culture du viol », que la « sororité » et le « métissage des genres et des cultures » sauveront le monde et que « la culture queer et trans peut être l’avant-garde du combat contre tout système de domination ». Adhérer, même par pur conformisme, au wokisme, finit par esquinter l’intelligence, quel que soit son niveau initial. L’essayiste qui admira naguère la vie et la pensée de Hannah Arendt ou celles de Simone Weil, affirme aujourd’hui que la dernière entourloupe pseudo-philosophique de Judith Butler « fera date ». Cela aurait pu n’être qu’un égarement momentané. Errare humanum est, perseverare diabolicum, dit-on. Malheureusement, et au grand dam de certains insectes, Laure Adler persévère…       

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En plus de prêcher la bonne parole tous les soirs, sur France 5, dans l’émission bienpensante “C ce soir” animée par le très politiquement correct Karim Rissouli, Mme Adler vient en effet de concocter pour La Chaîne Parlementaire (LCP) un programme d’entretiens intitulé “Paroles de femmes”. Les femmes reçues par la journaliste sont conviées à donner « leur vision du féminisme » ; le nom de certaines invitées laisse augurer de grands moments d’ennui, d’irrépressibles bâillements, de possibles somnolences. Le 6 octobre, par exemple, l’invitée a été… Ovidie. L’ex-star du porno reconvertie dans le féminisme a livré à cette occasion, apprend-on sur le site de LCP, ses réflexions sur la « politisation de l’intime qui associe la femme à un sentiment de désir dans la société sexiste qui est la nôtre ». L’assoupissement nous gagne déjà… Profitons de cette pénible expérience pour en appeler solennellement au député Aymeric Caron : ne serait-il pas temps d’ouvrir un véritable débat et d’envisager des mesures énergiques pour que cessent les actes de cruauté sexuelle sur les coléoptères dans certaines émissions de l’audiovisuel public ?

Le 20 octobre, Laure Adler recevra… Mona Chollet, cette autre penseuse de haut vol plané qui estime que « considérée froidement, l’hétérosexualité est une aberration »[1], promeut en ce moment sa dernière production, un nouveau livre plein de vide, comme son précédent, inutile et superflu, comme l’ensemble de son œuvre. Dans Résister à la culpabilisation, Mme Chollet avoue avoir « commencé à entendre des voix dans [sa] tête il y a environ huit ans », alors que, vivant seule dans son appartement, sans avoir à recourir à un travail salarié pour profiter pleinement de la vie, elle était confrontée à des « interrogations existentielles » en même temps qu’à une « conscience aiguë de [sa] situation privilégiée ». Une de ces voix, avoue-t-elle, lui aurait dit à plusieurs reprises : « Ce n’est pas possible d’être aussi conne. » Il n’est pas absolument certain que le passage à l’écriture inclusive dont se vante Mme Chollet adoucisse ce jugement. Il paraît que, lors de son entretien avec Laure Adler, cette autrice « partagera ses réflexions sur les défis actuels du féminisme et interrogera les normes sociales et les mécanismes de pouvoir en place ». D’où notre appel réitéré au député Caron.

Enfin, Laure Adler s’entretiendra le 3 novembre avec… Alice Coffin. Il est prévu que cette dernière explique « comment ses idéaux devraient se traduire en actions concrètes dans la société ». Les coléoptères auront intérêt, plus que jamais, à serrer les miches. Notre ultime appel au député Caron sera, nous en sommes convaincus, entendu – un homme qui n’a pas hésité à s’opposer au meurtre des mamans moustiques ne saurait rester indifférent au sort des coléoptères, des mouches et autres diptères, victimes innocentes des byzantins missionnaires du néo-féminisme et de la religion woke. Halte au massacre !

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[1] Extrait de Réinventer l’amour. Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles, 2021, Zones.

Harris, les inquiétudes de l’Etat-major démocrate

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Chandler, Arizona, 11 octobre 2024 © Ross D. Franklin/AP/SIPA

À un mois de l’élection, les faiblesses de la campagne de Kamala Harris sont de plus en plus visibles. Un décrochage de la candidate est-il inéluctable ?


La bulle médiatique autour de Kamala Harris pourrait bientôt finir par éclater. À un mois du scrutin, la candidate Démocrate semble avoir terminé sa lune de miel avec l’opinion publique américaine.

Les sondages restent serrés, en particulier dans les Etats clefs, et chacun s’accorde pour dire que le scrutin demeure incertain, malgré une avance nationale de 2 ou 3 points pour les Démocrates. Mais, depuis la rentrée, Kamala Harris ne progresse plus. Son état-major est donc un peu fébrile. Le score de Trump a été gravement sous-estimé dans les sondages en 2016 et 2020. Aussi, les 1 ou 2 points d’avance qu’affiche Kamala Harris dans les Etats pivots de Pennsylvanie et du Nevada ou les 0.5 point d’avance dans le Wisconsin ne sont pas une avance très confortable. D’autant que dans le Michigan, des sondeurs disent que Trump est de nouveau en tête.

La vice-présidente de Joe Biden doit d’abord assumer un bilan très critiqué. Les Américains ont eu le sentiment (légitime) de voir leur niveau de vie se dégrader sous l’administration Démocrate, que l’immigration n’était pas maîtrisée, alors que progressaient à l’international les désordres en tous genres. Après le retrait chaotique d’Afghanistan, le déclenchement de la guerre en Ukraine ou le retour de la guerre en Israël, les Républicains ont beau jeu de critiquer un bilan diplomatique désastreux. Et il est très difficile pour Kamala Harris d’incarner le renouveau, quand Joe Biden dans ses interventions admet lui avoir transmis « les clés du camion » en matière de politique internationale et que l’on est soi-même numéro deux de son administration.

Une campagne virtuelle déconnectée de la réalité

Dans ce contexte, la stratégie de communication des Démocrates reste très hésitante. En 2020, l’équipe de campagne de Joe Biden avait revendiqué un temps de déconnexion numérique : c’en était fini de Twitter où l’on ne trouvait que des journalistes et des militants politiques ! Place alors à la vraie vie, place alors aux propositions concrètes visant à améliorer le quotidien des Américains, place à l’économie et au pouvoir d’achat plutôt qu’aux habituelles dénonciations de l’adversaire honni ! Pour la cuvée 2024, étrangement, les Démocrates misent de nouveau sur une stratégie virale, axée principalement sur Tiktok, espérant capter l’attention des jeunes électeurs avec des vidéos courtes et accrocheuses souvent assez vides de propositions voire de tout contenu politique. James Carville, l’ancien conseiller de Bill Clinton, a critiqué ouvertement l’équipe de campagne de Harris, l’accusant de ne pas être en prise avec la réalité. Cette remarque met en lumière un fossé entre la réalité politique et une stratégie de communication aseptisée qui n’a pour seul atout qu’une modernité numérique supposée. Côté Trump, les Républicains mènent une campagne de terrain tournée vers l’action militante ; et ils progressent, notamment dans la collecte de bulletins de vote – un élément devenu clef pour la victoire comme l’a montré le scrutin de 2020.

Le choix du colistier : un handicap politique ?

Le choix du colistier de Mme Harrius, Tim Walz, gouverneur du Minnesota, n’a rien arrangé, et l’ensemble de la campagne peine à susciter l’enthousiasme. En témoignent les sondages dans ce fameux Minnesota, fief Démocrate qui semblait solide et n’avait pas voté Républicain depuis le raz-de-marée Reagan de 1980. L’avance du ticket Démocrate s’y est réduite à seulement cinq points dans les derniers sondages. Un signal d’alarme qui peut d’autant plus inquiéter l’équipe de campagne de Harris que le choix d’un colistier permet d’ordinaire de sécuriser l’Etat d’origine du potentiel vice-président… Le Minnesota fait partie de cette ceinture industrielle des Grands Lacs, où les électeurs de la classe ouvrière américaine sont nombreux à pencher pour Trump depuis 2016. Beaucoup y sont sensibles au discours de Trump sur le retour du protectionnisme et la défense des frontières.

A écouter: Harris-Trump : les enjeux fondamentaux de l’élection américaine. Un débat contradictoire

Les syndicats de travailleurs, traditionnellement acquis aux Démocrates, voient certains de leurs adhérents virer leur cuti. Une consultation interne des membres du syndicat International Brotherhood of Teamsters a révélé que 60% d’entre eux préféreraient le ticket Républicain. Si J.D Vance, le colistier de Trump, reste un personnage controversé, le public a pu mesurer ses qualités intellectuelles lors du débat qui l’opposait à Walz, et son statut de fils d’ouvrier appalachien demeure un formidable atout.

Splendeurs et misères d’un plan média

Si les élites Démocrates des grandes métropoles ont depuis longtemps négligé le vote ouvrier, elles pouvaient jusqu’à ce jour au moins se consoler avec le soutien des grandes figures du show-biz et les célébrités hollywoodiennes. Il ne faut cependant pas négliger l’effet de scandales répétés sur l’image de ces dernières. L’affaire qui affecte ces derniers jours le rappeur P Diddy, accusé de trafic sexuel, fait beaucoup de bruit. Il sera jugé en mai 2025, et reste pour l’instant en prison. La star avait appelé à voter Obama et Biden par le passé. Pareils soutiens sont-ils encore pourvoyeurs de voix ? Rien n’est moins sûr. Faute de pouvoir accrocher de nouveaux électeurs avec de beaux récits hoolywoodiens, les candidats Démocrates tentent d’élaborer le leur, au prix de certaines exagérations. Kamala Harris a ainsi tenté de faire pleurer dans les chaumières en se disant issue de la classe moyenne (avec une mère universitaire et chercheuse en biologie, et un père lui aussi universitaire et économiste, quand même), et en rappelant qu’elle travaillait durement chez McDonald’s dans sa jeunesse. Son récit a paru au public quelque peu enjolivé. Tim Walz, de son côté, a voulu exhiber ses faits d’armes glorieux, prétendant avoir été déployé dans des zones de combat rapprochés et avoir assisté aux évènements de la place Tiananmen. La véracité de son récit a été depuis remise en cause.

Harris et Walz ont par ailleurs fait le choix d’une communication strictement verticale, sans véritables interactions avec les journalistes ou entretiens. Les relations de l’équipe avec la presse sont extrêmement limitées et cadrées. À quoi attribuer ce mutisme ? Cherchent-ils à fuir les sujets sensibles pour dérouler ce roman d’existences imaginaires ? Ou cherchent-ils tout bonnement à dissimuler leur absence de propositions concrètes ? Ils ne préfèrent quand même pas l’eau tiède des discours candides sur les prétendues réussites du président Biden ? Les adversaires de Trump ont en tout cas bien de la peine à le faire passer pour un dégonflé, lui qui n’a jamais craint l’algarade médiatique. Son message est certes clivant, mais il a le mérite d’une certaine clarté. 

Une campagne qui peine à convaincre

A quoi attribuer toutes les faiblesses de la candidature Harris ? Rappelons que Kamala Harris n’était pas le premier choix des Démocrates. Brièvement candidate à l’investiture en 2020, elle avait dû renoncer avant même la primaire de l’Iowa, faute de soutien populaire (ses intentions de vote plafonnaient à 1% des voix). Le renoncement précipité de Joe Biden fut l’épilogue d’un tour de passe-passe inédit dans l’histoire politique américaine. Conscients du vieillissement du président sortant, les stratèges Démocrates ne se résignaient pourtant pas à le débrancher avant l’élection primaire, de peur que des candidats contestataires se saisissent du vote pour imposer leur ligne au parti. Bernie Sanders avait manqué par deux fois (et de très peu) d’être investi en 2016 et en 2020. Dans les métropoles, la base Démocrate penche plus nettement à gauche. Beaucoup d’électeurs Démocrates traditionnels reprochent par ailleurs l’abandon de la classe ouvrière par la direction du parti. Une primaire aurait été l’occasion d’une grande et douloureuse explication collective, que l’establishment progressiste américain voulait à tout prix éviter. Moyennant quoi, ni la question du libre-échange, ni celle de l’immigration, ni celle de la sécurité ou encore de la fiscalité n’ont pu être franchement tranchées par les électeurs. Or, à ne jamais évoquer les questions qui fâchent, on finit par ne plus parler de rien. Faute de légitimité populaire, Kamala Harris est contrainte de rester floue pour ne contrarier aucun de ses soutiens. Une primaire aurait à tout le moins permis à un candidat d’avancer un message clair et offert aux Etats-Unis un véritable débat démocratique. Bien mal acquis ne profite finalement jamais…

Un bon ministre serait-il un ministre mort?

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MM. Attal et Darmanin, Assemblée nationale, questions au gouvernement © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Sans nos ex-gouvernants, on ne rirait plus en France…


On aura deviné, je l’espère, que je ne souhaite évidemment la mort de personne, même pas de quelques ministres présents ou récemment remerciés. Comment se passer, en effet, de leur ridicule, de leurs postures, de leur caquetage de basse-cour dorée, de leurs grands airs de « Monsieur (ou Madame) Je-sais-tout », de leurs pensées et convictions à peu près aussi vides que les caisses de l’État et que le seront nos poches dans un futur proche ? Comment se passer de ces gens qui au fond prêteraient à rire s’ils ne nous coûtaient aussi cher ? La chose n’est pas nouvelle. Déjà en son temps, Sébastien-Roch Nicolas, dit Chamfort – de si gratifiante lecture – s’en faisait l’écho : « Sans le gouvernement, on ne rirait plus en France ». Rire jaune, le plus souvent. Très jaune même, ces temps-ci.

L’une des raisons pour lesquelles ces gens-là pourraient déclencher un soupçon d’hilarité est l’aptitude plutôt bizarre qu’ils ont de n’être compétents qu’une fois morts, je veux dire que lorsqu’ils ne sont plus aux affaires, aux manettes.

On dirait bien qu’il suffit d’éjecter un ministre de son confortable fauteuil pour que, soudain visité par la grâce, touché par la lumière de l’intelligence la plus créatrice, il sache très précisément ce qu’il convient de faire pour la prospérité du pays et le bonheur de ses populations. C’est fou ! À peine virés – dans le cas présent – pour résultats pis que calamiteux, voilà que, toute honte bue, avec une arrogance à se tordre de rire tellement elle donne dans le grotesque, ils courent les plateaux TV pour faire la leçon aux successeurs, leur expliquer en long, en large et en travers la bonne méthode, exposer les mesures de courage et d’impérieuse nécessité à prendre pour remédier aux maux qu’au prix de sept ans d’errements accumulés avec un zèle digne d’éloges ils ont eux-mêmes causés ou aggravés. Splendide ! On applaudit à tout rompre. Le courage politique seulement lorsqu’on n’est plus en position de l’exercer, voilà leur truc. C’est malin. Confortable et malin. À se tordre, non ?

Oscarisables dans cet exercice, nous avons comme tout premiers nominés MM. Attal et Darmanin, duettistes au culot à peu près aussi énorme que le déficit et la dette conjugués. L’un et l’autre ne craignent pas de présenter comme indispensables et vitales des mesures – temps de travail, fiscalité, etc. – qu’on n’avait jamais entendues de leur bouche du temps de leur gloire ministérielle. L’indécence, le mépris de l’intelligence « citoyenne » seraient nobelisables, nous aurions-là le duo finaliste. Duo converti en tiercé si l’on veut bien lui associer M. Hollande (La France devenue « pays bas » sous son règne. On aurait dû s’y attendre). M. Hollande, disais-je, dont tout le monde – à part lui-même apparemment – se souvient qu’il fut président de la République. Avec à la sortie le bilan éblouissant que nul n’ignore. Lui aussi, déchu, viré, auto-limogé pour résultats catastrophiques, aurait vu la lumière. Sans rire, voilà même qu’il revendique à présent le mérite, la gloire immense d’avoir sauvé la Grèce de sa disparition pure et simple dans les poubelles de l’économie mondialisée. Je suis bien certain que, entendant cela, Jupiter, l’autre le vrai, le grand, celui des Grecs anciens, se roule par terre de rire.

Puisque ces jours-ci tout le monde y va de son conseil pour aider à la guérison du malade France, pourquoi m’en priverais-je ? Je préconise que soit inscrit dans la Constitution – oui, dans le marbre de la Constitution – l’obligation faite à tout ministre ou président débarqué, premièrement de la boucler pendant deux ou trois ans. Deuxièmement, de se rendre enfin utile au pays, utile pour de bon. En pompiers volontaires pour Attal et Darmanin, ils sont en âge. En clown-visiteur en EHPAD pour Hollande. Lui aussi est en âge, et il semblerait qu’il ait un certain talent pour faire rigoler l’entourage. Ce serait déjà cela.

LES TÊTES MOLLES - HONTE ET RUINE DE LA FRANCE

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Causons! Le podcast hebdomadaire de Causeur

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DR.

Il y a un an, le 7-octobre; misère de la gauche néoféministe; haine de soi occidentale. Avec Céline Pina et Jeremy Stubbs.


Pourquoi le 7-octobre représente-t-il un jour sans fin, comme l’annonce la couverture du numéro d’octobre de Causeur? Parce que quelque chose s’est effondré ce jour-là, quelque chose qui n’était peut-être qu’une illusion mais qui tenait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale: le « jamais plus ça ».

Le 7-octobre marque le retour d’une forme de totalitarisme, un totalitarisme qui trouve encore ses idiots utiles en Occident, en particulier chez les intellectuelles de la gauche néoféministe. Nous commentons les dernières imbécillités de Mona Chollet en France et de Naomi Klein dans le monde anglophone. L’Occident a lentement et patiemment construit un concept d’universalisme, en essayant de définir un certain nombre de principes moraux valables pour tout le monde. Sommes-nous aujourd’hui en train de capituler devant un nouveau tribalisme?

«Antoine Arnault et le foot, c’est un mariage naturel»

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Antoine Arnault © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

La nouvelle a fait l’effet d’une bombe: la famille Arnault a racheté le Paris FC ! Deuxième club de la capitale, le Paris FC est actuellement leader de la Ligue 2. Aura-t-on demain un grand derby parisien entre, d’un côté, le PSG propriété du fonds souverain qatari, et, de l’autre, le PFC détenu par la plus grande fortune française? Daniel Riolo, le journaliste football de RMC qui n’a pas sa langue dans sa poche, en parle avec nous.


Causeur. Ce rachat du Paris FC par la famille Arnault en association avec Red Bull (85% des parts pour les Arnault à terme, et 15% pour le conglomérat de la boisson énergisante autrichienne) réunit deux de vos obsessions afteriennes[1]. Vous avez souvent affirmé que la France n’était pas un vrai pays de foot comme l’Angleterre ou l’Espagne, parce que ses grandes fortunes n’investissaient pas dedans. Vous avez aussi fréquemment regretté que nos voisins aient de grands derbys de villes (Manchester, Madrid, Milan ou encore Londres) et pas nous. J’imagine que l’arrivée des Arnault dans le foot français vous enthousiasme ?

Le journaliste de RMC Daniel Riolo publie « Chaos Football Club ». Photo : D.R.

Daniel Riolo. Oui, mais restons calmes ! Cela fait plusieurs années que le football francilien se développait. Le Paris FC faisait déjà bonne figure en Ligue 2, depuis près d’une dizaine d’années. Et le club a loupé de peu la montée en première division à différentes reprises. Au moment où nous nous parlons, ils sont d’ailleurs déjà en tête du championnat. Pierre Ferracci a bien travaillé, c’est un club sain qui est racheté. Par ailleurs, le Red Star, l’équipe de Saint-Ouen (93), est aussi en Ligue 2. Ce club n’est pas au même niveau, mais il est dans le ventre mou de la Ligue 2 et n’est pas menacé par une relégation.

Reste que dans l’imaginaire collectif, on demande depuis longtemps un autre gros club dans la capitale. Les grands derbys milanais ou madrilènes font partie de la mythologie du football. Il est donc logique d’en rêver aussi pour Paris, surtout avec la famille qui débarque et les moyens dont elle dispose ! Sur le papier, quand la plus grande fortune française et peut-être mondiale arrive dans le foot, on se dit que le Paris FC va rapidement grandir et que la capitale française rejoindra la norme européenne. Mais nous en sommes encore loin. Pour l’heure, c’est une promesse.

De fait, le travail qui s’annonce est important. J’ai trouvé intéressantes les déclarations qui ont filtré dans la presse sur la philosophie qui préside à ce rachat. Pendant deux saisons, Pierre Ferracci restera à la tête du club, avant qu’Antoine Arnault ne prenne la présidence. C’est bien : ils attendent, ils sont patients, ils ne vont pas d’entrée de jeu déverser une tonne d’oseille mais miser sur la jeunesse, construire des fondations solides pour espérer arriver au plus haut niveau. De plus, l’association avec Red Bull permettra de bénéficier de l’expérience sportive de ce groupe, de son savoir-faire qui ne peut qu’être bénéfique. Red Bull a su monter entièrement des clubs qui ont réussi, je pense notamment au RB Leipzig. En plus d’une façon de jouer, c’est aussi une façon de bien éduquer les jeunes joueurs du centre en leur donnant des fondamentaux sportifs et des valeurs humaines. Ils ont dû être séduits par ces aspects. Je note d’ailleurs que le Paris FC n’est que la deuxième participation minoritaire de Red Bull, après Leeds.

Vous les voyez donc miser sur le vivier francilien et la formation ?

Oui. Aujourd’hui, le PSG a tout pour lui, c’est là que sont les stars. Dans un premier temps, le PFC doit donc construire une aventure familiale en formant des jeunes. Cela ne signifie pas qu’ils ne feront pas rapidement des beaux transferts aussi, mais ils vont jouer sur deux tableaux. Par ailleurs, ils ne pourront pas fonctionner sur l’ancienne mode du trading de joueurs, l’arrêt Diarra vient de mettre un terme à cette pratique (voir vidéo ci-dessous NDLR). Un jour, le Paris FC pourra peut-être rivaliser avec le PSG. Mais tout cela prendra quelques saisons. Cela étant, je ne vois pas la famille Arnault arriver en Ligue 1 pour jouer les seconds rôles. Ils ont de grandes ambitions et un projet global déjà bien établi qui s’affinera avec le temps.


Il se dit qu’Antoine Arnault a eu des vues sur d’autres clubs (on parle de Bordeaux, de Lille et même de Milan). Ce serait donc une idée qui trotte dans sa tête depuis longtemps. Les Jeux Olympiques, sur lesquels le groupe LVMH a beaucoup investi, auraient-ils précipité les choses ?

Oui. Le bruit courait depuis un moment. Les Arnault avaient Lille en vue parce qu’ils ont leurs attaches familiales dans la région. Je crois aussi savoir qu’ils sont proches d’Amiens, et que la famille aime le football : c’est pour eux traditionnel. Bordeaux, ça faisait aussi sens, avec le vin. Mais c’est un grand club qui a souffert ces dernières années à cause de mauvais investisseurs. La rumeur milanaise, je pense qu’elle n’était pas tout à fait fondée, même s’il y aurait eu aussi une certaine logique économique.

Vous savez, je crois que c’est finalement un mariage assez naturel que nous observons. Antoine Arnault est un vrai passionné de foot. On le voit très souvent au Parc des Princes pour les matchs du PSG. Il connait d’ailleurs bien la direction du PSG, avec laquelle il s’entend très bien. La famille Arnault est de manière générale sportive. Bernard Arnault est proche de Roger Federer, c’est un fan de tennis. Un des fils est un malade de Formule 1, d’où les liens avec Red Bull. Et puis Lionel Messi a figuré dans des pubs Vuitton, et Mbappé a été souvent aperçu avec eux. Je pense que c’est un achat passion. Acheter un club de football, c’est toujours par passion. Ce n’est pas ça qui va leur faire gagner de l’argent. D’ailleurs, c’est la famille qui achète le club et pas le groupe LVMH. Gagner des titres procure des émotions incomparables. Je crois que c’est ce qu’ils sont venus chercher. Paris c’est le glamour, le luxe. On aura donc deux clubs avec cette image.

Mais le Paris FC est-il un club populaire, est-il suivi par le public ?

C’est un club qui a une base de supporters réduite, et qui est encore en recherche d’identité. Même si la star Raï en est déjà un des ambassadeurs ! Ils jouent à Charléty (13e arrondissement) cette année, et seront à Jean Bouin (16e) l’an prochain en colocation avec le rugby. Il y a évidemment la place pour deux clubs à Paris, bien que cela ne se fasse évidemment pas en claquant des doigts. Le Paris Saint-Germain est le club de la capitale aujourd’hui, c’est lui qui a l’histoire. Au PFC d’écrire la sienne en obtenant des résultats. Il faut investir immédiatement. Je pense qu’ils vont recruter quelques bons profils dès le mercato d’hiver, pour tenter de sécuriser la montée en Ligue 1 l’an prochain…

Le football français est paradoxal : il y a une crise à la Ligue professionnelle de foot, et dans le même temps de belles équipes de Ligue 1 arrivent à obtenir des résultats en Coupe d’Europe. Cet investissement du groupe Arnault démontre que le football français intéresse encore les investisseurs et est toujours porteur. Pourtant, on sent comme un désamour : le nouveau diffuseur DAZN ne parvient pas à décoller, les supporters ne s’abonnent plus…

Financièrement, le foot français ne vaut plus rien alors que les matchs du week-end sont magnifiques. Le niveau est formidable en comparaison avec ce qu’on voyait il y a 10 ans. On est presque revenu au niveau du championnat de France si excitant des années 90… Et en Coupe d’Europe, nous ne sommes plus ridicules. Lille tape le Real, et Brest met des cartons.

Le paradoxe que vous évoquez s’explique par le mauvais travail de la Ligue. Labrune est un incompétent qui s’est brouillé avec Canal + et a fait miroiter le « milliard » aux présidents de clubs. Canal aurait bien mis les 700 millions sur la table, mais la chaîne ne veut plus traiter avec Labrune. Rappelez-vous : quand l’espagnol Mediapro est venu investir en France, on avait des stars au PSG et à Monaco, Neymar venait d’arriver. Tout cela a fait gonfler bien des têtes qui toutes ont rêvé de l’or des GAFAM et de toutes ces conneries de plateformes de streaming… Les hauts dirigeants du foot hexagonal sont soi-disant conseillés par des spécialistes des médias, mais leurs résultats sont catastrophiques. Il y a un vrai risque financier à terme puisque DAZN est une coquille vide qui va tomber. Dans ce contexte, espérons que l’arrivée d’industriels importants comme les Arnault inspire d’autres fortunes.

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[1] Daniel Riolo est présent au micro de l’After foot, le soir sur l’antenne de RMC NDLR.

Charlotte Le Bon convaincante en Niki de Saint Phalle

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Charlotte Le Bon dans "Niki" (2024) film de Céline Sallette © Wild Bunch

Niki est un biopic plein d’émotion sur la plasticienne Niki de Saint Phalle. C’est le premier film de Céline Sallette. En salle depuis mercredi dernier.   


Lors de son ouverture en 1977, le centre Georges-Pompidou avait mis en avant quelques œuvres révolutionnaires en sa possession, telle une Nana de Niki de Saint Phalle, représentation d’un corps féminin obèse et informe, aux couleurs criardes, qui trônait majestueusement au milieu du Musée d’art moderne. J’étais très jeune alors, et l’on m’avait emmené voir cette sculpture déjà renommée, parmi quelques autres qui sans doute me frappèrent moins.

Nana, Hanovre (Allemagne). DR.

J’en tirai l’idée préconçue que Niki de Saint Phalle s’était représentée elle-même, et qu’elle possédait dans la réalité ce physique monstrueux ! Cette conclusion enfantine perdura en moi très longtemps ‒ peut-être même jusqu’à aujourd’hui, où un film, un biopic, nous rend enfin, et pour l’éternité peut-être, la vraie silhouette, frêle et longiligne, de Niki, sa grâce innée et sa jeunesse pleine d’esprit.

Une ressemblance frappante

Il existe d’ailleurs entre Niki de Saint Phalle et l’actrice choisie pour l’incarner, la Québécoise Charlotte Le Bon, une ressemblance physique frappante. Cette incarnation est littéralement une réincarnation. Il faut savoir en plus que le parcours de Charlotte Le Bon n’est pas sans points communs avec celui de Niki : le mannequinat, et un grand intérêt pour les arts plastiques. Notons, dans ce sens, que Charlotte Le Bon a réalisé un long métrage, Falcon, en 2022, qui a reçu le prix Louis-Delluc du premier film la même année. Par sa seule présence dans Niki, Charlotte Le Bon, ancienne « miss météo » sur Canal+, apporte donc indirectement un démenti complet à ma première impression ressentie à Beaubourg en 1977, au sujet de laquelle je me perds évidemment en conjectures.

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L’éclosion du génie

Niki est non seulement un premier film, mais le premier film d’une actrice. Céline Sallette, après avoir interprété un grand nombre de rôles au cinéma, s’est mise à ce biopic sur Niki de Saint Phalle avec une grande conviction et une certaine réussite. Il a été sélectionné à Cannes cette année dans la catégorie « Un certain regard ». Ce qui intéresse Céline Sallette, avant tout, c’est de montrer l’éclosion du génie artistique de Niki de Saint Phalle. Née en 1930 dans une famille étouffante de l’aristocratie, de mère américaine et de père français, la jeune Niki décide de s’enfuir en France, pays de la liberté. Elle révélera bien plus tard avoir été victime d’un inceste de la part de son père. Cet événement aggravera très probablement son état psychique, déjà fragile et vulnérable. Le médecin qui s’occupe d’elle, un psychiatre équivoque, la fera interner dans un service spécialisé. C’est là pourtant qu’elle découvrira sa vocation artistique, que rien ne laissait présager. « J’ai besoin de faire quelque chose… se lamente-t-elle. Je veux faire ma création à moi, c’est ma vocation… Je l’ai trouvée chez les fous. » Et en effet, la pratique de l’art viendra quasiment à bout de ses tentations suicidaires.

Mettre toute la gomme

De ses deux maris, Harry Mathews et Jean Tinguely, c’est sans conteste le second qui l’épaulera le plus et qui la comprendra le mieux. Elle créera même des œuvres avec lui. L’inspiration de Niki de Saint Phalle, quoique artiste autodidacte, est à rechercher dans les courants ultramodernistes des années soixante, comme les « Nouveaux Réalistes », et sans doute aussi chez un peintre comme Jean Dubuffet, inventeur de l’art brut. Niki excellait également dans la performance, par exemple dans les fameux Tirs, où elle déchargeait des cartouches de couleur avec un fusil de chasse sur des toiles peintes, pour se libérer, disait-elle au public, de la colère qu’il y avait en elle. Voulant s’imposer légitimement dans le monde de l’art, Niki de Saint Phalle dut faire preuve de beaucoup de persévérance, afin de lever les obstacles. Tout le monde, dans son entourage, avait tendance à lui signifier que sa sculpture ne valait rien, ou qu’elle n’était pour elle qu’une occupation de femme au foyer. À chaque fois, elle se remettait en question, décidant d’aller plus loin encore et de mettre toute la gomme, pour reprendre l’expression de Jean Tinguely.

La douleur d’être au monde

Niki ressentait une douleur à vivre, malgré les joies de la création. C’est cette douleur qu’elle exprime dans son travail et que le film fait si bien ressentir. Céline Sallette n’a pas eu le droit de montrer des œuvres de l’artiste, ce qui ne gêne, selon moi, en rien le bon déroulement de son film. Car au fond, Niki n’a fait que représenter, grâce à son génie, le monde qui l’entourait, certes au filtre de son âme. Et ce monde ne bouge pas, il est toujours le nôtre aujourd’hui encore. L’œuvre même de Niki de Saint Palle, c’est la réalité du « il y a », comme le proclamait déjà Rimbaud dans ses Illuminations (cf. « Enfance », § III): « Au bois, écrit Rimbaud, il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir. Etc., etc. »

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Niki est un film sur l’enfance et la jeunesse, et le surgissement spécial d’une artiste particulièrement attachante. Céline Sallette y met beaucoup de vigueur et de mordant, notamment quand elle décrit les relations amoureuses à fleur de peau de Niki. On se dit alors que ce cinéma-là, quand il arrive ainsi à ces sortes de paroxysmes, se place dans la lignée de ceux de Pialat ou de Breillat. Niki n’est heureusement pas un biopic à l’américaine, mais un film subtil, de bonne foi, qui permet qu’une véritable rencontre se produise et que, donc, le spectateur ressorte de la projection meilleur qu’il n’y était entré.

Niki, film de Céline Sallette. Biopic, 1h 38. Avec Charlotte Le Bon. En salle depuis mercredi dernier.

Bruno Retailleau n’est pas « un cas »…

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Othman Nasrou et Bruno Retailleau dans le jardin du Luxembourg à Paris, 3 novembre 2022 © Jacques Witt/SIPA

Convaincu qu’il sait ce que veulent les Français, le ministre de l’Intérieur donne le sentiment de ne pas vouloir faire de langue de bois. Il entend porter le fer dans la plaie sur les sujets sécuritaires les plus brûlants: État de droit, prison, OQTF, aide médicale d’État, justice des mineurs… De l’ordre, de l’ordre, de l’ordre: quand on veut, on peut ?


Un entretien dans Le Parisien. Une analyse fouillée dans Le Point sur « Le cas Retailleau » par Nathalie Schuck. Bruno Retailleau est omniprésent. Une exposition médiatique intense depuis qu’il a été nommé ministre de l’Intérieur. Parce qu’il est « l’homme fort du gouvernement (…), le ministre le plus puissant du gouvernement » ?

Il me semble que derrière cette apparence politique et médiatique, il y a comme un saisissement face à cette personnalité qu’on peut qualifier d’atypique, parce qu’elle se trouve impliquée dans un univers du pouvoir aux antipodes de ce qu’elle est.

Je n’appartiens pas à « sa galaxie » telle qu’elle est décrite, même si en son sein j’apprécie, parmi ceux que je connais, Gérard Larcher, François-Xavier Bellamy, Othman Nasrou, Christelle Morançais et Louis-Marie Le Roy.

Depuis qu’il est ministre, il maintient une ligne vigoureusement conservatrice

Cependant, les relations amicales que j’ai toujours entretenues avec lui me permettent, certes sur un point que d’aucuns jugeraient dérisoire mais qui ne l’est pas pour moi, de louer sa fiabilité et sa réactivité qui ne laissent jamais un SMS sans réponse, quel que soit son emploi du temps chargé, y compris depuis qu’il est ministre. C’est un signe révélateur d’une organisation intellectuelle et professionnelle structurée et cohérente.

Bruno Retailleau suscite une adhésion de plus en plus nette de la majorité nationale sur laquelle il s’appuie, et l’étonnement de ceux qui, depuis trop longtemps, avaient fait une croix sur la possibilité d’une durable sincérité politique.

C’est d’abord cette caractéristique que je désire mettre en lumière. Je me souviens des critiques sur son apparence austère, avant même qu’il soit ministre. J’avais été surpris qu’on lui appliquât les mêmes critères que ceux généralement réservés, absurdement, aux femmes en politique. Cette impression aujourd’hui me paraît fondamentale parce qu’elle sort radicalement Bruno Retailleau des stratégies de séduction qui consistent à dissimuler par tactique ce qu’on est vraiment et à offrir au citoyen ce qu’il désire entendre. La démagogie étant reine, et non pas le courage de la sincérité, qui est pourtant le moyen le plus efficace et le plus direct pour convaincre les Français.

Retailleau, depuis qu’il est entré en politique, n’a pas dévié d’un pouce par rapport à une ligne intelligemment et vigoureusement conservatrice qui, miracle, s’est maintenue, encore plus assumée, depuis qu’il est ministre.

Sur l’immigration qu’on ne saurait qualifier aujourd’hui de « chance pour la France » au regard de quelques exceptions bienheureuses ; sur les OQTF, sur la durée des rétentions, sur l’excuse de minorité, sur l’État de droit qui évidemment ne doit pas être « intangible », sur l’obligation d’une politique dont le volontarisme n’a de sens que s’il sait mettre en actes les projets, Bruno Retailleau n’use pas de la langue de bois. Il n’hésite pas – tout en rappelant que celui qui décide est le Premier ministre – à porter le fer dans la plaie, à faire apparaître les conflits quand ils sont nécessaires et à invoquer une solidarité ministérielle qui sert trop souvent de prétexte à l’effacement. Comme pour l’aide médicale d’État qu’il aspire à remplacer par une aide médicale d’urgence, contre sa collègue MoDem de la Santé.

Quand on veut, on peut ?

Bruno Retailleau n’a peur de rien sur le plan intellectuel et politique. Aucune prétendue évidence ne lui résiste. Tous les poncifs que propage une droite gangrenée par la gauche, il les pourfend. Il est favorable aux courtes peines. Il démolit le slogan « tout sauf la prison », d’autant plus aberrant que, si la prison demeure un horizon indépassable, cela tient d’abord au fait que c’est la seule sanction dont la concrétisation peut être immédiate – à cause de la faiblesse du dispositif général d’exécution des peines. Le nouveau ministre de l’Intérieur ne fait pas de la politique en étant persuadé, comme tant d’autres, par un défaitisme anticipé et commode, de l’impuissance du politique. À peine a-t-il été nommé qu’il a durci deux circulaires de Gérald Darmanin : quand on veut, on peut ! Il contraint Didier Migaud à se poser, comme ministre de la Justice, les bonnes questions…

C’est ne rien comprendre à cette personnalité singulière que la placer sous le pavillon stupide du Vendéen réactionnaire et catholique, pour la discréditer. Ou à lui inventer dès aujourd’hui des desseins présidentiels… Bruno Retailleau est un homme qui a perçu, le premier, que la victoire de la droite ne serait définitive que si elle l’emportait sur le plan culturel. Il l’a affirmé notamment à mon micro en 2020.

Reprendre à la gauche ce dont elle a privé abusivement la droite, redonner sa fierté à cette dernière en cessant de la noyer dans des jeux et des « je » politiciens désastreux, comme Laurent Wauquiez à l’Assemblée nationale, accomplir cette élémentaire coïncidence entre la pensée, la promesse et l’incarnation et ne pas se préoccuper d’un futur qui ne serait que l’expression d’une pure ambition.

Dans Le Point, Bruno Retailleau me permet une belle conclusion : « Hannah Arendt disait qu’en politique « les mots justes trouvés au bon moment sont de l’action ». Dans l’action, on ne peut pas se payer de mots. Je sais que je serai jugé à mes résultats et que j’ai peu de temps ».

Bruno Retailleau n’est pas aujourd’hui « un cas » mais devrait être un exemple pour les ministres.

Un paradis nommé Rwanda

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DR.

Le grand projet des conservateurs britanniques consistant à externaliser les demandes d’asile au Rwanda semble compromis. Mais, d’autres nations européennes pourraient finalement le faire.


Sitôt élu début juillet, le travailliste Keir Starmer a annulé un projet conçu par le précédent gouvernement conservateur : celui consistant à externaliser au Rwanda les demandes d’asile de migrants entrés clandestinement sur le territoire britannique. Il a ainsi mis fin à une saga politico-judiciaire qui avait commencé en 2022. Boris Johnson avait alors annoncé un accord par lequel, en échange de fonds de développement et un financement pour accueillir les migrants, le Rwanda traiterait leurs demandes et leur donneraient asile. Le projet a été déclaré conforme à la loi par la Haute Cour de Londres en décembre 2022, mais non conforme par la Cour suprême britannique en novembre 2023. Un accord similaire de nature informelle entre le Rwanda et Israël, entre 2013 et 2018, y a été cité comme un mauvais précédent, certains réfugiés africains ayant été refoulés vers leur pays d’origine. En réponse, le gouvernement de Richi Sunak a signé un traité avec Kigali imposant des obligations et des contrôles aux Rwandais. En avril cette année, il a promulgué une loi parlementaire affirmant que le Rwanda était un pays sûr. Les élections sont intervenues avant que le nouveau projet puisse démarrer. Mais est-ce la fin ? Le Danemark avait signé un accord similaire avec le Rwanda en 2022, pour le suspendre en 2023. Lors d’un colloque européen en mai de cette année, son ministre de l’Immigration et de l’Intégration a déclaré qu’une telle coopération avec un pays tiers était souhaitable au niveau européen. En novembre 2023, le gouvernement autrichien a annoncé vouloir développer lui aussi un projet avec le Rwanda. Lors des élections européennes de juin, le groupe conservateur, le PPE, a fait campagne sur l’idée d’exploiter des pays tiers sûrs d’une façon similaire. Le gouvernement allemand de Scholz réfléchit depuis presque un an à une telle exploitation. Début septembre, son Représentant spécial pour les accords sur les migrations, Joachim Stamp, propose de faire un nouvel accord avec Kigali, en utilisant les installations que les Britanniques avaient fait construire – en vain – pour accueillir les migrants. Le Rwanda n’a pas fini de faire rêver les Européens.