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Quand Trump dit «America first», ça veut dire quoi?

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Gary Cooper dans « Le Train sifflera trois fois » (Photo : DR)

L’Amérique est lasse. Lasse de gendarmer le monde. Gendarme elle l’était parce qu’elle le voulait bien, mais surtout parce qu’on le lui demandait avec insistance. Lasse de se battre pour protéger l’Arabie saoudite contre les chiites qui veulent la peau des wahhabites et contre son enfant monstrueux et dévoyé, les fanatiques de Daech. Lasse de faire la guerre en lieu et place d’une armée irakienne ni motivée ni combative.

Lasse de bombarder en Syrie, en Libye et en Afghanistan. Lasse de faire contre le terrorisme ce que l’Europe molle et de plus en plus ramollie répugne à faire. Lasse de verser des milliards pour que l’Afrique ne meure pas de faim ou de maladie. Lasse de faire tout ça et, en retour, de se faire cracher à la gueule : plus elle intervient et plus l’anti-américanisme prospère.

Il s’agit d’une lame de fond dont Donald Trump a saisi la force mieux que quiconque. Tel est le sens de ses discours rythmés par un « America first ». « L’Amérique d’abord », le monde après. Il n’est pas sûr que sa rivale, Hillary Clinton, ne soit pas obligée de le suivre un peu sur ce terrain. L’isolationnisme fait partie d’une longue tradition américaine. Donald Trump a des mots qui en Europe choquent. Il ne veut pas de musulmans sur le sol américain. Mais ce n’est pas lui qui enverra des GI se faire trouer la peau pour tuer des musulmans…

L’Europe s’est longtemps abritée dans les plis de la bannière étoilée. Pourtant le terrorisme fait des ravages chez nous, pas au Kansas ou au Texas. Pour aider les dirigeants américains à comprendre ce qui se passe en Amérique un western peut les aider : « Le Train sifflera trois fois ».

Le shérif — Gary Cooper — se trouve seul pour faire face à une bande de hors-la-loi qui ont décidé de l’abattre. Il cherche de l’aide, des volontaires pour les affronter. Tous se défilent : la lâcheté et la peur règnent sur la ville. Finalement, Gary Cooper triomphera. La ville soulagée viendra l’acclamer. Le shérif dégoûté arrachera son étoile, la jettera au sol et partira. Croyez-vous que François Hollande, Angela Merkel et quelques autres ont envie de ramasser cette étoile ?

Black M: ça dé-rappe pas mal à Verdun

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verdun palmyre russie

Il n’y a pas de hasard, même quand on s’appelle Samuel Hazard, qu’on est maire de Verdun et qu’on a l’idée loufoque de convier un rappeur pour fêter — pardon : commémorer — le centenaire de la plus funeste bataille de tous les temps.

Il n’y pas de hasard chez Hazard, mais il y a du danger (hazard en anglais). Un danger dont M. Hazard et ceux de sa coterie dirigeante n’avaient peut-être pas conscience et qui a abouti à l’annulation de leur happening.

Petit préalable linguistique

Les réseaux sociaux sont entrés en ébullition sur leur aile droite sitôt l’annonce du concert de Black M. Comment pouvait-on placer, hurlaient-ils, un tel événement sous le patronage d’un « rappeur antifrançais » ? Je déteste les pléonasmes. Un « rappeur antifrançais », c’est comme un « arrosoir mouillant ». Le rap est afrançais dans le meilleur des cas, étant importé sans sous-titres des ghettos de New York. Quoi ? On me dit qu’ils « râpent » en français ? Voyons ! L’accentuation d’une langue est son premier signe distinctif, et celle du rap dit français véhicule la phonétique d’une langue étrangère. Heureusement, cela a pour vertu d’entraver la compréhension des textes.

Pour ma part je m’arrête là. Que ces MM. Casquette-à-l’envers soient antifrançais tombe sous le sens, même quand tout sens leur est étranger. Le caractère culturellement hostile du genre est peut-être difficile à capter pour la troisième génération de Français abreuvée de musiquettes anglosaxonnes hâtivement traduites. Si les grands-pères ont pu avaler le trémoussement écervelé des yéyés, comment reprocher aux petits-fils de gutturaliser leur parler ordinaire et de systématiquement mettre l’accent sur la première syllabe à la manière de Cabrel ?

Dilemmes musicaux

Les patriotes français n’auraient pas dû s’emporter contre M. Hazard, ni l’abreuver d’insultes jusqu’à lui faire annuler son spectacle. Cette campagne prouve leur manque de discernement. Ils auraient dû au contraire lui être reconnaissants. Black M n’est « représentatif » de la France d’aujourd’hui qu’aux yeux des propagandistes du melting pot global et de quelques communautés bien définies. Il ne risquait en aucun cas de « détourner » ou de « brouiller », ni même de « salir » la mémoire de Verdun. Au contraire, les indignations qu’il soulevait allaient bien au-delà du camp qui vote FN. Chaque famille française, qu’elle soit de droite ou de gauche, a laissé des ancêtres dans ce charnier et la simple idée de chanter sur leurs sépultures doit révulser plus de cœurs qu’on n’ose se l’avouer. En obtenant son bannissement, on l’a mis, lui et ses soutiens, dans la position enviable de victimes.

Ce qui étonne, dans cette affaire, c’est la parfaite incongruité de l’ensemble. Avec un peu d’habileté, la mairie de Verdun aurait pu rassembler plutôt que diviser. Mais était-ce son but ?

Il existait jusqu’il y a peu, et il existe encore dans certains pays, une musique taillée sur mesure pour les événements de ce genre. Cela s’appelle le classique. C’est vieillot, mais approprié. A Verdun, le Requiem de Fauré s’imposerait de lui-même. Sur les ruines de Palmyre, Assad et Poutine ont dépêché un grand orchestre symphonique, non le chanteur pop à la mode qui aurait « rallié les jeunes ». Mais la France n’est ni la Russie ni la Syrie. Au pays de festivus festivus, on enterre les morts aux sons des Rita Mitsouko « parce que le défunt les aimait bien et qu’il aurait voulu qu’on s’éclate plutôt que de faire la gueule ». Au pays de festivus festivus, la musique solennelle et l’état d’âme qui y correspond sont du dernier ringard. Le choix qui s’offrait à M. Hazard était donc, somme toute, assez restreint.

Mais on aurait pu monter par exemple un opéra rock sur Les héros de Verdun avec Johnny dans le rôle de Joffre et Nina Hagen dans celui de von Falkenhayn, version trans. Un spectacle bling-bling-consensuel qui aurait été au patriotisme ce que les Enfoirés sont à la solidarité sociale. Avec une bonne orchestration et des paroles débordantes de pathos, on aurait « fait vibrer » toute la France frivole, c’est-à-dire beaucoup de monde. Mme Hollande et M. Merkel auraient pu monter sur scène sous les ovations, et les détracteurs de ce kitsch tudesque eussent passé pour de vils ronchons. Esbroufe, émotion, confusion : « Certes, c’est démago ! Mais quels beaux airs ! Quels interprètes ! »

Or il n’en est rien. M. Hazard n’a rien trouvé de mieux que de convoquer l’antidote parfait à toute tentative de consensus national, le répulsif absolu. Offrant du même coup la mémoire de Verdun, malmenée mais intacte, tout entière aux forces de la réaction. Sur un plateau ! Comme on leur a offert Jeanne d’Arc. Comme s’il préparait secrètement son passage au FN…

Un succès continu dans l’échec

A tout bien prendre, il est surprenant qu’un pouvoir démonétisé n’ait pas su plus habilement exploiter une telle commémoration. Les morts de la Grande Guerre sont l’un des rares sujets sur lesquels les Français, en gros, peuvent tomber d’accord. Une de leurs dernières valeurs sacrées, également. Or que fait-on ? On s’empresse de les bafouer en invitant, littéralement, des rappeurs à danser sur leurs tombes.

La symbolique de ce geste absurde est multiple et, à chaque fois, hautement significative.

Tout d’abord, elle s’inscrit dans une course à l’abîme engagée de longue date. Pour tomber aussi bas dans l’estime de ses sujets — pardon : de ses concitoyens —, le pouvoir français n’a pas seulement failli sur les indices matériels de la gouvernance : chômage, sécurité, niveau de vie, prestige international. Il a aussi, et surtout, multiplié les provocations symboliques comme s’il avait voulu s’aliéner des franges de plus en plus vastes de l’électorat.

Quelle urgence y avait-il à mobiliser la crédibilité et les ressources de l’État autour du Mariage pour tous, qui ne concerne, en tout état de cause, qu’une part très mince de la population ? A-t-on songé que l’électeur de base, fût-il socialiste, qui peine à boucler les fins de mois, pouvait avoir sur cette urgence une opinion très différente de celle de l’« intelligentsia créative » du Marais et de la Rive gauche ? Seule conséquence à portée historique : l’émergence par contrecoup de la Manif pour tous, embryon d’une Tea Party à la française.

Quel besoin avait-on d’imposer des vulves conceptuelles à Versailles et des arbres de Noël en forme de plug anal sur des places où se promènent les familles ? D’inventer des ministres de la Culture qui ne lisent rien, pas même le prix Nobel français ?

Qu’avait-on à soutenir diplomatiquement, au Moyen-Orient, des terroristes sanguinaires que les structures de sécurité du même État français considèrent comme une menace de premier plan ?

Quel goût étrange, enfin, suggérait-il de perturber la paix des morts qui ont défendu la patrie avec des spectacles qui martèlent à grands coups de décibels le triomphe de l’étranger ? Voulait-on donner raison à Renaud Camus en attestant que les ex-colonies, sous tutelle anglo-saxonne, avaient déjà accaparé le pouvoir culturel en France, faute d’avoir physiquement remplacé sa population ?

On observe dans les régimes à la dérive ce besoin de scandaliser leur propre population, comme s’ils voulaient inlassablement se donner des garanties de leur toute-puissance. Nous reviennent en mémoire l’élévation du cheval de Caligula au rang de sénateur, les palais blancs de Ceausescu dans une Roumanie crevant de faim, l’ostentation Duvalier et les mille carnavals africains.

Le pouvoir des symboles

Ceci nous conduit à un rapprochement hautement symbolique. Le projet de rap à Verdun survient au moment même où la France est gouvernée par diktat. Le recours à l’article 49.3 pour faire passer une loi sur le travail sans doute nécessaire revient à assommer le malade pour lui administrer un vaccin. Il achèvera de discréditer l’économie libre et de conforter dans son assistanat une nation dont les conditions de travail sont parmi les plus socialisées et les plus protégées en Europe. Encore un contrecoup (non) désiré ? La France serait-elle gouvernée à coups d’oxymores ?

A ce point, un autre parallèle s’impose. Au moment même où les manifestations se multiplient en France, la Russie fête le jour de la victoire sur le nazisme, goujatement boudée par les Occidentaux. Au moment où le chef de l’État français, d’une impopularité jamais vue dans l’histoire, s’entoure de robocops, le chef de l’État russe assiste au défilé militaire au ras du sol, à hauteur d’homme, et non du haut de la fameuse tribune des apparatchiks. A l’heure où le pouvoir français délègue aux rappeurs le soin de commémorer ses combattants, le chef de l’État russe prend la tête du Régiment immortel en brandissant la photographie de son père, combattant et blessé de guerre. Ces symboles, qui ont dû impliquer un effort de sécurité colossal, sont d’une puissance historique.

Changer de paradigme

Mais il serait faux de réduire cet abîme à une affaire de personnel. Verdun est un symbole trop lourd et trop vaste pour la France actuelle, quels qu’en soient les dirigeants.

Les morts de Verdun et des autres golgothas de la Grande Guerre demeurent l’unique trait d’union entre tous les vivants de la France moderne, nation profondément divisée. Tragiquement, obstinément divisée par sa Révolution, maladie qu’elle a exportée vers le reste du monde, et dont tout le monde cherche à se remettre… sauf son foyer originel.

Pour leur rendre l’hommage que ces morts méritent, pour parachever le service qu’ils ont rendu à la nation, il faut des gestes absolument solennels, absolument simples, absolument impartiaux. Il s’agit de réintégrer dans un même corps les deux moitiés d’une âme déchirée sans qu’aucune ne s’y sente humiliée. Aucune idéologie ne peut accomplir cela à elle seule. C’est pourquoi la Russie a restauré sa foi sans renier son passé soviétique. C’est pourquoi son armée qui n’a pas changé ses insignes rouges défile derrière le signe de croix de son ministre de la Défense… lui-même bouddhiste. Les Russes, renaissant après quatre générations de cauchemar communiste, ont compris cette simple vérité encore totalement inaccessible aux élites françaises : que l’idéologie, c’est la division.

Pour accomplir sa réunification, la France n’a pas besoin de héros. Mais elle a besoin de gens humbles, sans idéologie et impartiaux. Ce qui est peut-être encore plus rare.

La tactique du Diable

Mais les polémiques créées autour de Verdun vont masquer encore un autre aspect de cet héritage, peut-être le plus important à l’échelle de l’humanité. Le message Verdun dépasse les frontières de la France et les bornes de 14-18. Il est époqual : il nous fait entrer, tous, dans une autre époque.

Dans le pays où je suis né, en Serbie, on a connu aux côtés des Français le versant héroïque de la Grande Guerre : les Dardanelles, le front de Salonique. D’où cette fraternité d’armes qui s’est transformée en fraternité tout court entre nos nations. Mais Verdun, la Somme, c’est son aspect purement mécanique. Aucune fraternité ne s’en dégage, juste le sentiment de l’absurde et du dégoût. Verdun annonce la sortie de l’Histoire du mâle européen. Dada, le surréalisme, le nazisme y prennent leur source. La massification, l’écrasement de l’humain par les moyens dont il s’est doté, y trouvent leur expression parfaite. Notre transformation rapide dans le ratorium puis la grande fourmilière des visions de Zinoviev, c’est là qu’elle commence.

Je possède chez moi l’intégrale de l’Illustration, couvrant la période 1914-1919. Pour une grande part, c’est un catalogue d’armements. J’ai passé des heures à y survoler un défilement monotone de chiffres et de rodomontades technologiques. A chaque numéro, nous avions l’arme décisive qui allait permettre de les exterminer comme des blattes. Notre canon de 75, nos fusils supérieurs… On y voit déjà l’esquisse des « bombes intelligentes » et des « bombardements chirurgicaux » qui ne sont jamais que de nouveaux carnages. Je ne pouvais m’empêcher d’imaginer la même vantardise dans les Bildzeitungen de l’autre camp.

Deux hordes de fous qui s’entre-tuent en clamant que l’autre n’est pas humain ! Les guerres de tribus, où la bataille est résolue par l’affrontement à la massue de deux champions délégués par chaque camp, sont infiniment plus civilisées et plus sensées que ce délire scientiste !

Car les batailles du front de l’Ouest n’avaient rien, à vrai dire d’un combat. Cela revenait, pour les soldats, à affronter des forces élémentaires, des ouragans meurtriers, en priant la Providence. Les célèbres Orages d’acier de Jünger en témoignent : le pur bonheur d’être vivant, la satisfaction d’avoir tué son adversaire plutôt que d’être tué. Sans sentiment. Sans haine. Comme de survivre à un raz-de-marée. Comme de faire boucherie.

Mieux encore, ce roman ironiquement appelé Civilisation, de Georges Duhamel, qu’on aurait dû faire lire dans tous les lycées en ces années de jubilés et qu’on s’est empressé d’enterrer malgré son prix Goncourt. On y voit la civilisation moderne incarnée par un autoclave soufflant et sifflant, un lazaret où l’on rafistole à la chaîne des machines humaines cassées par la guerre mécanisée. Un système de destruction autoalimenté, sans but ni raison, d’où la volonté humaine est exclue.

Le fleuve des morts de Verdun charrie toutes ces ombres-là. Les réduire à une rivalité entre la culture rap et l’idéologie du Front national est une obscénité et une offense non seulement à l’égard de ces morts ou du sentiment patriotique, mais envers l’humanité entière. Tout compte fait, je reviens sur mon hypothèse de départ : peut-être savaient-ils parfaitement ce qu’ils faisaient. Si le Diable avait une tactique pour monter encore plus les peuples contre eux-mêmes, il ne s’y prendrait pas autrement.

Un printemps russe patriotique

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Défilé du 9 mai 2016 à Moscou. Photo: Sipa. Numéro de reportage : AP21893692_000002.

Il y a une semaine, les célébrations du 9 mai ont débuté par la traditionnelle parade. Le défilé des soldats, la présentation des unités blindées, des avions et hélicoptères, des armes de pointe et des machines de guerre visent à faire une démonstration de puissance militaire, à assurer la projection d’une image de force.

L’après-midi, place au cortège du « Régiment immortel », une manifestation spontanée, née en 2012 à l’initiative d’un journaliste, qui se propose de rendre hommage aux anciens combattants. Les participants brandissent les portraits de leurs proches ayant œuvré à la victoire soviétique sur l’Allemagne nazie.

En 2015, à l’occasion du 70e anniversaire de la victoire, le Régiment immortel a pris une ampleur sans précédent. Cette année encore, des centaines de milliers de Russes ont parcouru les rues du centre-ville de Moscou pour converger vers la place Rouge. À Saint-Pétersbourg, le cortège s’est déployé le long de la perspective Nevski. Le Régiment immortel s’est également mis en marche dans toutes les villes de Russie, d’ex-Union soviétique, mais aussi de par le monde, dans près de 50 pays, là où résident des communautés russes : Berlin, Londres, New York, Washington, Buenos Aires…

Au total, des millions de participants, de tous âges. Quelques rares vétérans arborant leurs médailles ; des enfants coiffés de calots kaki, vêtus d’uniformes ; des adolescents en treillis… Les plus âgés fredonnent des chansons des années de guerre. Le succès populaire est indéniable.

Vladimir Poutine s’est joint au cortège de Moscou, une photo de son père à la main, tout en précisant qu’il se refusait à donner à cette action « qui vient du cœur de notre peuple » un caractère bureaucratique, officiel. Il a salué le respect qu’inspirent à toutes les générations ceux qui ont défendu leur pays.

Bien que, contrairement à l’an passé, les chefs d’État étrangers n’aient pas été conviés (à l’exception du président kazakh Noursoultan Nazarbaev), des invités européens étaient cependant présents… dont un couple de Français, sacrés par Vladimir Poutine, qui s’est entretenu avec eux au Kremlin, « meilleurs ambassadeurs de la France ».

Jean-Claude et Micheline Magué sont venus faire offrande des décorations de guerre de leur famille aux parents du défunt officier Prokhorenko, attristés par le silence des médias français sur sa récente disparition en Syrie.

Alexandre Prokhorenko, 25 ans, originaire de la région d’Orenbourg, s’est illustré près de Palmyre, où il était chargé de marquer les cibles terroristes au sol pour aiguiller les avions de chasse des forces spéciales russes. Le 17 mars 2016, le jeune militaire a trouvé la mort en demandant à son commandant de lancer un bombardement sur sa propre position, après s’être retrouvé encerclé par des djihadistes de l’État islamique.

Le 11 avril, un oukaze présidentiel a permis de lui décerner à titre posthume la plus haute distinction honorifique, celle de « héros de la Fédération de Russie ». Sa dépouille, retrouvée fin avril par les forces kurdes syriennes, a été rapatriée. Ses obsèques ont eu lieu le 6 mai, avec les honneurs militaires, le lendemain du concert de l’orchestre symphonique du théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg, dirigé par Valeri Guerguiev, dans l’amphithéâtre antique de Palmyre, retransmis en direct par la télévision publique russe. À cette occasion, les autorités de la ville d’Orenbourg, où un deuil a été décrété, ont dévoilé une plaque commémorant la mort du jeune homme sur la façade de la caserne des officiers.

Les journaux russes ont glorifié pendant des semaines la bravoure d’Alexandre Prokhorenko, de l’étoffe dont on fait les héros. Alexandre est paré de toutes les vertus. On loue sa jeunesse exemplaire, son sens aigu des responsabilités : excellent élève d’extraction modeste, il aidait ses parents après l’école, rêvait d’une carrière militaire depuis l’enfance. On raconte qu’avec sa classe il a planté 600 bouleaux dans une allée. Les uns exaltent son acte d’héroïsme « digne d’un roman », d’autres évoquent « un film d’Hollywood », c’est selon…

L’esprit de sacrifice et l’amour de la patrie ne laissent pas indifférents le monde du spectacle et Internet. En l’honneur du jeune homme, des célébrités récitent le poème Le Fils de l’artilleur, de l’écrivain soviétique Konstantin Simonov ; des clips et montages vidéo sont diffusés sur YouTube. Ces hommages appuyés, sorte de reviviscence de la mémoire de la deuxième guerre, viennent cette fois illustrer une autre guerre, contemporaine, sur un autre territoire.

Le très lourd tribut soviétique dans la lutte contre le nazisme ne peut être étranger à ce retour obstiné de l’héroïsation, et surtout à cette omniprésence de la guerre dans l’imaginaire collectif. Chansons, cinéma et littérature de guerre continuent d’occuper une place de choix. Il n’est que de citer des classiques comme La Jeune Garde d’Alexandre Fadeev, Dans les tranchées de Stalingrad de Viktor Nekrassov, toujours lus. Pourtant, même à l’époque soviétique, le récit des hauts faits héroïques a alterné avec les témoignages plus personnels et plus tragiques : aux mémoires officiels des généraux ont succédé les ouvrages des vétérans, simples soldats, qui, dans les années 1960, ont fait tomber les canons idéologiques en narrant leur expérience quotidienne au front.

Si le patriotisme, qui prête au soupçon, ne fait plus recette en Occident, la fabrique des héros – petits et grands – fonctionne toujours à plein régime à l’Est.

Trump: pour les médias, le candidat à abattre

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(Photo : SIPA.AP21813041_000008)

En France, la cause est jugée. Le Monde a applaudi les attaques d’Obama jugeant Trump un peu arriéré et Libération a titré sur « le comportement pas toujours correct de Trump avec les femmes », relayant une attaque du New York Times. Mais, cette nouvelle attaque est pour le moins fragile.

En effet, cette affaire repose sur le témoignage d’une ex-petite amie ou, plus exactement, sur l’interprétation tendancieuse de ce témoignage. Car le témoin s’est rebiffé, estimant que le journaliste avait tronqué ses propos. Sur la chaîne de télévision Fox News, le journaliste Bill O’Reilly et le commentateur Charles Krauthammer ont donc réfuté cette nouvelle campagne de désinformation contre Trump, en faisant valoir une série d’arguments.

Primo, le New York Times est resté muet sur la nouvelle affaire Clinton : une Fondation parrainée par Bill aurait détourné des fonds à des fins de financement politique. Secundo, la violence des attaques anti-Trump n’est pas une nouveauté : lors du duel entre Jefferson et Adams avait fusée une accusation d’inceste. Rappelons aussi que l’on moquait l’incapacité de Gérald Ford à faire deux choses à la fois, comme de descendre un escalier tout en mâchant du chewing-gum ! Il est clair que si le chien de Trump avait jadis mordu le chat du voisin, certains journalistes en auraient fait leurs choux gras.

Tertio, Fox News a déploré que le journaliste du New York Times, après avoir orienté le témoignage et extrapolé, ait dissimulé sa subjectivité en évoquant « une histoire qui parle d’elle-même ». On touche là au cœur du réacteur, au problème de l’honnêteté intellectuelle. Certains abritent leur subjectivité derrière de grandes pétitions de principe qui invoquent l’objectivité, la déontologie, ou l’investigation. Ce n’est pas nouveau. Dans le film de Sergio Leone, « Il était une fois la Révolution », le journal à la solde du dictateur s’appelle El imparcial.

En réalité, beaucoup de journalistes roulent pour Hillary, ne peuvent pas souffrir Trump et sont prêts à saisir la moindre occasion pour ternir sa réputation. Et comme ils ont chassé de leurs rangs la contradiction et l’altérité, ils finissent par raisonner en circuit fermé, dans leur bulle. Cet effet d’autorenforcement de leurs convictions les empêche de concevoir que les gens ont de bonnes raisons de penser ce qu’ils pensent.

Les sympathisants de Trump saluent un candidat « qui dit les choses comme elles sont ». Tenons compte de leur sensibilité, sans les mépriser en tombant dans le raisonnement primaire d’Obélix : « Ils sont fous ces Romains ! » Le rôle des journalistes est de porter des faits à la connaissance du public. A l’exemple de Facebook, qui vient de faire un serment : « Pledges fairness in all spectrum ».

Nuit de boue, jours de cendres

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(Photo : SIPA.00756207_000001)

Ils sont venus, ils sont tous là, les ersatz de Mai 68, les zadistes professionnels, les écolos sans logis, les enfants perdus de la République. Tous privilégiés d’un système dont ils mâchouillent l’enseignement sur les bancs d’universités vidées de leur sens par un gouvernement – dixit notre inénarrable ministre de la sous-éducation – qui n’a de cesse de traquer le curé sous les costumes noirs des hussards de la République. C’est le sens qu’elle donne au mot « laïcité ». Avec toute la violence dont est capable un égaré incapable de lire son chemin sur une boussole. C’est le sens que je donne à « déboussolés qui nous gouvernent ».

Ils sont venus, ils sont tous là, leur manuel du parfait révolutionnaire à la main, exhibant l’apparente bonhomie peace and love d’un autre temps et le vide placardé sur leur avenir. Rien n’est construit pour demain dans leurs esprits, mais ils chantent, débattent, « commissionnent » sur tout et surtout rien, se rencontrent, se reconnaissent, se félicitent. Il suffit de quelques slogans creux et puérils pour s’imaginer édifier un futur.

Autour d’eux, pourtant, c’est tout autre chose : comme des fauves tapis dans l’ombre des nuits de boue, rôdent les casseurs sans frontières. Qui n’ont d’autre but que détruire, car pour eux tout ce qui est bâti n’est que le sas d’une prison pour l’humanité tout entière. Hordes d’une autre mondialisation, génération spontanée du massacre et des ruines, métastases mortelles d’un cancer installé dans la démocratie : celui de la liberté individuelle à tout prix.

Mais peut-on être démocrate avec qui ne l’est pas ? Alors, tous les jours et depuis tant de jours, c’est à Paris l’occupation improbable et exponentielle d’une place comme par hasard de la République, et des centaines de riverains bloqués chez eux dans cette néo-réalité républicaine qu’est le laxisme, l’abandon de toute responsabilité, le petit calcul politicien. La soumission idéologique. Et les maladies virales étant toujours contagieuses, voici Nantes, Rennes et tout ce que l’on tait, la main sur le cœur, pour ne point effrayer le bailleur de fonds qui dort en tout citoyen. Lequel, au bout du compte, a peur, creuse les tranchées de sa colère dans des pulsions de mort de moins en moins refrénées et paye avec ses impôts la note de l’inconséquence que l’on a portée au pouvoir. Car l’urne du vote est trop souvent l’urne de ses propres cendres.

Réfléchissons quelques instants au grand cirque du n’importe quoi que les gros bras gouvernementaux laissent s’installer dans nos rues et imaginons ce qui peut bien se passer dans la tête des terroristes qui nous observent. Voici un pays frappé par la foudre de la terreur islamique qui décide à grand fracas médiatique de verrouiller sciemment ses libertés fondamentales pour se prémunir de la mort annoncée. On décrète l’état d’urgence, on étale sa police, sa gendarmerie et son armée sur tout le territoire, on interdit les manifestations ludiques les plus susceptibles d’attirer les tueurs. Pourtant, alliances politiciennes exigeant, la moindre petite loi contestée peut toujours déclencher des copies-collées de notre inénarrable « Révolution de Mai 68 », avec blocage de rues, défilés agressifs, affrontements avec nos forces de l’ordre, provocations en tous genres se souciant comme d’une guigne de la loi comme du danger. Et bien sûr, les deux déclinaisons habituelles : systématiques dégradations publiques et privées d’une part, volonté de blesser physiquement, et plus encore si manque d’affinité, nos policiers et gendarmes qui hier encore étaient Charlie, d’autre part ! Tout ceci échappant, on ne sait par quelle argutie, au concept d’état d’urgence.

On croit rêver ! C’est, juste avant le jour de cendres, le petit matin des poltrons et des minets. Ceux-là même qui roulent des mécaniques devant leur miroir idéologique mais s’écrasent platement devant les réalités. Envoyant sans état d’âme au casse-pipe des fonctionnaires de la défense nationale, censés ne pas contester les ordres reçus et ne pas exprimer leur propre opinion. Ce que font pourtant allègrement ceux qui les affrontent, contester l’ordre de la démocratie et faire vibrer une opinion qui n’en admet pas d’autres. Mais que voulez-vous, réélection oblige quelques petites entorses à la logique, exige de passer sous le joug des alliances politiciennes. Réélection est mère du pouvoir.

Mais la désolation va au-delà. Voilà des voix qui s’élèvent dans le Parti socialiste et chez ses élus pour contester la faiblesse et l’irrésolution du gouvernement et de son mentor élyséen. Un gouvernement dont l’hypothermie est inquiétante : 49.3 le matin ! Les voix brandissent lors devant lui l’épée de Don Quichotte, mais c’est l’âne de Sancho Pança qui lancera le dernier braiement et les voix rentreront sagement dans leurs moulins. Fin de l’incident. On peut retourner aux apéros dominicaux. La faiblesse replie ses ailes. L’agonie se donne quelques jours de plus. Le micron présidentiel peut reprendre le chemin des micros avec sa bonne parole et les sans-dents respirer l’irrespirable. Autant qu’il est possible dans une atmosphère de cendres. Mais jusqu’à quand le mensonge ? Mais jusqu’à quand l’inconséquence ? Mais jusqu’à quand l’affaiblissement du pays, l’appauvrissement des citoyens et le supplice de nos valeurs ? Mais jusqu’à quand vendre ses souverainetés, nationale et individuelle, aux minorités donneuses de leçons démocratiques ?

Pascal disait : « Il faut que ce qui est juste soit fort et que ce qui est  fort soit juste. » J’ai peur que, désormais, ce qui est juste ne le soit même pas alors que ce qui est fort ne le sera que trop. Nous entrerions définitivement, tête première et col découpé, dans la République des victimes et des bourreaux.

>>> Retrouvez en cliquant ici l’ensemble de nos articles consacrés à Nuit debout.

Au (pré)nom de la liberté…

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(Photo : SIPA.00726874_000004)

Djoulyan, Poupoune, Aboubacar-Jacky… Voici quelques uns des exemples de prénoms recensés par le site Internet de la Ligue des officiers d’état civil. Ils sont les enfants d’une loi, celle du 8 janvier 1993, qui consacrait la liberté des parents de donner le prénom qu’ils souhaitent à leur progéniture. Avant la loi portée par Michel Vauzelle, garde des sceaux du gouvernement Bérégovoy, l’officier d’état civil pouvait refuser un prénom et lui en attribuer un autre ; c’était aux parents d’effectuer un recours en justice. Depuis vingt-trois ans, c’est l’inverse : l’officier d’état civil doit saisir le procureur, qui donne suite ou non. En attendant, l’enfant garde le prénom choisi par les parents. La course au prénom original est donc partie de là.

Evidemment, les parquets débordés ont souvent autre chose à faire que de s’occuper d’histoire de prénoms, et les officiers d’état civil le savent, donc ils ont la saisine moins facile. Dans l’hilarante pièce de théâtre Le Prénom, le personnage joué par Patrick Bruel déclame une superbe diatribe en direction de son beau-frère bobo dont les enfants s’appellent Appolin et Myrtille. Y est fustigé avec talent cette maladie de cette époque : « Oui, je trouve ridicule de donner des prénoms qui n’existent pas ! Cette surenchère dans l’originalité, ce n’est plus des prénoms, c’est des post-it collés sur le front. Prière de ne pas oublier que je suis différent ! Prière de ne pas croire que je suis classique ! Ici habite une famille d’intellectuels de gauche abonnés à Télérama même s’ils n’ont pas la télé… »

Les Kévin se rebiffent

Mais aujourd’hui les enfants de la loi Vauzelle se rebiffent. Ils sont de plus en plus nombreux à souhaiter changer de prénom et demandent à l’Etat de réparer les dégâts créés par son naïf laisser-faire libéral. Comment croyez-vous que nos gouvernants, qui sont aussi les descendants du gouvernement social-libéral de l’époque, allaient réagir, constatant les résultats de ce libéralisme culturel qu’ils vénèrent, lequel a accouché non seulement de cette loi sur les prénoms mais aussi du mariage pour tous et la volonté de supprimer le passage obligatoire devant le juge pour les divorces par consentement mutuel ? Revenir à la situation d’avant 1993 afin de fermer cette parenthèse et, en somme, d’arrêter les frais ? Que nenni ! Revenir en arrière, vous n’y pensez pas ? Quel horreur ! Nous passerions pour des affreux réactionnaires ! Ce qui, pour le coup, serait juste d’un point de vue étymologique, mais pas forcément inopportun.

Non, ce que le gouvernement s’apprête à faire, c’est de faciliter le changement de prénom pour les adultes. Le citoyen majeur pourra plus facilement changer son état civil s’il juge que ses parents l’ont trop mal prénommé. Evidemment, il pourra aussi demander de changer un prénom qui n’a rien de ridicule mais qui ne lui plaît pas, par exemple s’il estime que Kévin n’est pas adapté pour quelqu’un qui se destine au monde de l’édition ou Joséphine dans le mannequinat. Il n’obtiendra pas forcément satisfaction mais les demandes risquent d’affluer, ce qui pourrait encore encombrer les greffes de nos tribunaux.

Quand on fait une bêtise, on répond donc par une autre bêtise. Un peu comme un arbitre de football qui, ayant conscience d’avoir donné un pénalty trop généreux à une équipe en première mi-temps, en accorde un autre en compensation à l’équipe adverse lors de la seconde période. Il croit n’avoir pas influé sur la tenue du match : en réalité il a commis deux erreurs d’arbitrage. On peut aussi comparer cette attitude à celle des communistes dans le bloc soviétique qui pensaient que tous leurs malheurs venaient du fait qu’il n’y avait pas assez de communisme. Ou les européistes qui, depuis quarante ans, agissent de même. Cette fois-ci, on nous joue la même fable avec le libéralisme-libertaire.

D’authentiques libéraux de mes amis me diront sans doute que je me fourvoie. Que nos maux proviennent au contraire de la propension française à vouloir légiférer sans cesse. Ils me citeront peut-être Ségolène Royal et Marine Le Pen qui ont des prénoms différents à l’état civil et qui ont pu sans problème faire inscrire celui qu’elles souhaitaient sur leurs bulletins de vote officiels. Ils n’auront sans doute pas complètement tort. Notre libéralisme-libertaire idéologique, qui nous propose compulsivement de faire tabula rasa, s’est très bien adapté à la longue tradition française de légiférer sans cesse. Nous cumulons ainsi les inconvénients du premier avec ceux de la deuxième sans en tirer aucun avantage. Décidément, cette histoire de prénoms s’avère dramatiquement symptomatique de la situation de notre pays.

Unesco: la France se déshonore puis se ridiculise

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Ayrault et Abbas. Sipa. Numéro de reportage : 00638619_000006.

Dans sa résolution 199 EX/19 du 11 avril 2016, l’Unesco a effacé trois mille cinq cent ans d’histoire juive à Jérusalem en niant tout lien entre le peuple juif d’une part, et le Mont du Temple et le mur des Lamentations d’autre part, pour en faire des lieux saints exclusivement musulmans.

Initiée par un quarteron de pays musulmans tous connus pour leur respect des autres cultures (kabyle en Algérie, copte en Egypte, chrétienne animiste au Soudan…), la motion sobrement intitulée « Palestine occupée » était adoptée sans émotion particulière par les membres d’une organisation censée améliorer les relations humaines par la culture et l’enseignement.

Les antisémites en ont rêvé, l’Unesco l’a fait

Égale à elle-même et à sa realpolitik indéfectiblement pro-arabe, la France se déshonorait une fois de plus et votait en faveur de cette déclaration scélérate. Si Paris valait bien une messe pour Henri IV, la vente de Rafale et de centrales nucléaires vaut bien 3 500 ans d’histoire juive à Jérusalem pour le Quai d’Orsay. Et qu’importe les anachronismes. Le fait que le Temple de Salomon ait été construit plus de 1 600 ans avant la naissance de l’islam n’a pas semblé gêner les votants. Bien au contraire. Et pour cause, cela ne fait que confirmer l’immense fourberie des Juifs, capables de s’approprier les lieux saints d’une religion qui n’existe pas encore. Les antisémites en ont rêvé, l’Unesco l’a fait.

Quelques semaines plus tard et devant le tollé continu que ce vote a soulevé, le président de la République, le Premier ministre, le ministre de l’Intérieur et le ministre des Affaires étrangères ont enfin pris leur distance avec ce texte. Mais à quel prix! Celui du ridicule. Un ridicule qui ne tue pas et c’est heureux dans un sens parce que l’exécutif français aurait été décimé en une semaine.

Vote de la France : des explications embrouillées

À court d’imagination, M. Hollande a repris mot pour mot les explications de son ministre des Affaires étrangères. Des explications aux termes desquelles on peut légitimement se demander si nos dirigeants nous prennent pour des idiots ou le sont eux-mêmes.

C’est ainsi que l’Élysée et le Quai d’Orsay regrettent les éventuelles incompréhensions du fait de certaines formulations, mais nous rassurent : la position de la France restera la même à savoir la défense de la liberté d’accès et de culte à Jérusalem pour les trois grandes religions monothéistes. Et en effet, quel meilleur moyen de garantir la liberté d’accès et de culte à Jérusalem pour les Juifs qu’en niant trois mille cinq cent ans de présence et d’histoire ininterrompues entre la capitale du roi David et le judaïsme et de faire croire que les Juifs creusent de fausses tombes dans les cimetières musulmans pour les chasser d’Israël jusque dans la mort?

Et d’ajouter, comme démonstration d’une certaine constance dans la stupidité, que la France avait, par le passé, déjà voté « ce texte avec d’autres partenaires européens pour marquer son attachement au statu quo sur les Lieux saints à Jérusalem ». Voilà le statu quo tant espéré : des lieux saints à Jérusalem mais pas pour les Juifs.

Le Premier ministre et le celui de l’Intérieur ont, quant à eux, fait preuve d’un peu plus de bon sens en soulignant que la résolution était maladroite et que le vote n’aurait pas dû avoir lieu. Mais alors pourquoi l’avoir votée? Et une fois ces regrets inutiles énoncés avec une mine contrite, que fait-on ? Une dénonciation officielle de ce vote, la démission d’office du représentant français auprès de l’Unesco seraient le minimum minimorum. Cela ne changerait pas grand chose mais cela prouverait qu’à moins d’un an des élections présidentielles, la majorité socialiste ne verse pas dans la démagogie la plus racoleuse et a le courage de ne pas remettre en cause les fondements de notre société pour quelques milliers de voix qu’elle a d’ores et déjà perdu au gré de ses promesses non tenues.

Mieux encore, au lieu de contribuer à falsifier la relation plurimillénaire entre Jérusalem et le peuple juif, le gouvernement français devrait contribuer à la naissance d’un nouveau Quai d’Orsay en essayant une politique alternative.

Car non contente de voter et revoter ce type de résolutions honteuses et mensongères, la France contribue également, entre autres réjouissances, au financement :

–          de programmes de constructions illégales en Judée-Samarie via l’Union européenne,

–          des livres scolaires distribués par l’Autorité palestinienne aux petits Palestiniens dans lesquels Israël n’existe pas et les unités de calculs sont des Juifs morts,

–          des salaires que l’Autorité palestinienne verse aux terroristes emprisonnés pour crimes de sang.

Un baroud de déshonneur ?

Et comme si cela ne suffisait pas, la France tiendra à l’été une réunion ministérielle internationale pour relancer le processus de paix israélo-palestinien qui pourrait donner lieu ensuite à un sommet international. François Hollande rêve sans doute d’un sommet sur le modèle du nucléaire iranien pour la postérité de son quinquennat. Et comme Obama pour l’Iran, il lui suffira d’acquiescer à toutes les demandes palestiniennes en prenant des garanties qui n’en sont pas.

Un baroud du déshonneur en quelque sorte. Comment la France, avec un tel passif, une telle partialité, une telle malhonnêteté intellectuelle peut-elle encore prétendre à jouer un rôle utile sur le plan international ?

La France est prisonnière de ses passions arabes et de l’antisémitisme bon teint de sa diplomatie. Et tant que ce sera le cas, elle ne pourra prétendre à rien d’autre qu’à un strapontin aux négociations israélo-palestiniennes et regarder l’Histoire se faire sans elle.

Divorce: on nous prend pour des imbéciles, le saviez-vous?

Tweet du ministère de la justice

Rubrique : « Ils ont touché le fond mais ils ont des pelles. » Chaque jour nous apporte un motif d’exaspération et d’accablement. Chaque intervention de ce pouvoir démontre une capacité à transformer en pantalonnade tout ce qu’il touche. Exemple récent donné par un tweet que vient de commettre le ministère de la Justice pour défendre une des mesures contestées du projet de loi « justice du XXIe siècle », la suppression de l’intervention du juge dans les divorces par consentement mutuel. À chaque fois, on se pose la question de savoir s’ils sont vraiment nuls à ce point, ou bien que par mépris des gens ils les prennent systématiquement pour des imbéciles.

La suppression de l’intervention du juge dans le prononcé du divorce par consentement mutuel est une question qui mérite débat. L’institution du mariage républicain été mise à bas par le divorce de masse. Depuis la réforme de 1976 les statistiques sont là pour démontrer que ce qui était vécu avant comme un événement à charge sociale négative est devenu complètement banal.

Au travers d’une procédure empreinte d’une certaine solennité, et marquée par quelques précautions comme la publication des bans, on demande pourtant toujours au maire, de recueillir et par conséquent de vérifier le consentement des futurs époux. Et pour mettre fin à une situation juridique aux conséquences multiples, on voudrait s’en remettre à une simple démarche contractuelle mise en forme par un notaire ? En réfléchissant un peu, on constate alors que ce qui peut être considéré comme une mesure de bon sens pose quand même certains problèmes

Les avocats, qui voient s’enfuir une source de revenus sont contrariés, et c’est normal. Les cathos sont contre le divorce donc leur avis est plein d’arrière-pensées. L’expérience cubaine n’est guère encourageante, puisque qu’après avoir instauré, dans l’euphorie révolutionnaire de 1959 un système de simple déclaration à l’État civil, les barbudos  ont précipitamment battu en retraite. Donc, ça discute et ça grince ce qui ennuie la place Vendôme qui ne voit dans cette mesure qu’un moyen de faire des économies. Alors, les bureaucrates ont eu l’idée de twitter pour parler directement au peuple en passant par-dessus la tête des lobbys.

Et cela donne ceci : « le saviez-vous ? #Étymologie Juger= trancher 1 litige Dans un divorce par consentement mutuel, il n’y a pas de litige ; donc pas besoin de juge ». Est-il possible de faire pire ?

Je sais bien que l’enseignement du latin va être bientôt proscrit, mais lorsque l’on parle d’étymologie, il faudrait éviter de se foutre du monde. « Juger » vient de « judicare », de « jus » (droit) et « dico » (dire). Donc juger, c’est dire le droit, ce qu’on apprend en première année de ses études de droit. Alors, dans un premier temps faisons au rédacteur le crédit de son ignorance crasse, et acceptons qu’en écrivant « étymologie », il ait pensé « définition » et regardons de plus près. Mais là, c’est encore pire. La définition de juger est beaucoup plus large et comprend comme synonyme : apprécier, estimer, évaluer, déclarer coupable, condamner, etc. Donc le constat est clair, on nous prendre pour des imbéciles.

Une mesure qu’on tente de faire passer en contrebande

Alors, interpellés par ce cynisme, penchons-nous un peu sur cette proposition que l’on essaie de faire passer en contrebande. Le divorce met fin à un dispositif dont la construction juridique qui relève peu de la volonté des parties. Le mariage est un contrat organisé par la loi. Lorsqu’on le dissout, au-delà des problèmes affectifs et psychologiques qu’il faut affronter, on doit organiser beaucoup de choses. La question des enfants, les résidences respectives, les pensions alimentaires, les prestations compensatoires, la dévolution et le partage des biens mobiliers et éventuellement immobiliers, toutes questions matériellement compliquées et à fortes charge affectives. Le passage devant le juge est destiné à vérifier le consentement non seulement au divorce, mais également à l’organisation de toutes ses conséquences. C’est la raison pour laquelle lors de l’audience toujours appelée dans le jargon « de conciliation », le magistrat recevra les époux séparément. Pour vérifier que le consentement n’a pas été arraché, et ne souffre d’aucun vice tel que ceux décrits par le Code civil pour tous les contrats : l’erreur, le dol, la violence. Chacun aura compris qu’en l’état actuel de la société, ce sont surtout les femmes qu’il convient de protéger, même si l’inverse existe.

Et le juge se penchera aussi sur l’équilibre des conventions qui lui sont soumises. C’est un contrôle a priori de la « commune intention des parties ». Dans un contrat commercial civil banal, ce contrôle relève toujours de l’office du juge, même s’il se produit a posteriori lorsque le contrat lui est soumis. Le mariage républicain n’est pas un contrat banal.

Ajoutons dans un autre ordre d’idées, que lorsqu’une entité publique met fin à un litige par une transaction, après l’avoir fait voter par son assemblée délibérante elle va saisir le juge administratif pour lui demander d’homologuer le protocole et lui donner ainsi force exécutoire. Que de précautions… Inutiles pour des époux ?

Alors, « le saviez-vous ? » nous demande un ministre de la Justice par l’intermédiaire de son twittos. Non Monsieur le ministre, nous ne risquions pas de le savoir puisque c’est faux. En revanche ce dont nous sommes sûrs, c’est que l’on ne peut pas vous faire confiance.

François, quo vadis domine?

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Célébration de l'Immaculée Conception en 2013 (Photo : SIPA.00671040_000004)

« Ah, la laïcité française ! » C’est un cri du cœur. Et il n’a pas été poussé par un imam quelconque, par un apôtre bien-pensant du « vivre-ensemble » ou par un rappeur rendant hommage à l’islam. C’est le pape François qui l’a dit dans une interview au journal La Croix.

Le souverain pontife est un partisan sincère de la liberté. Et en l’occurrence, il plaide pour la liberté, entravée selon lui en France, des musulmanes de porter le voile. Depuis, dans tous les médias, ça dégouline d’eau bénite. Évêques, porte-paroles et spécialistes de la religion défilent au micro pour dire tout le bien qu’il convient de penser des saintes paroles du saint homme.

Le pape François ne peut ignorer que la liberté des uns s’arrête là où commence la liberté des autres. Ma liberté à moi, qui ne suis pas très catholique, c’est de dire que le Saint-Père fait beaucoup de bruit. Et qu’à ce bruit, je préfère celui de la musique d’un Requiem de Mozart ou d’un Ave Maria de Gounod.

Rien ne me permet de me mêler des choix d’un pape. Et comme je ne suis pas cardinal, je ne suis pour rien dans l’élection de François. Pour autant, je m’autorise à avoir des préférences concernant celui qui occupe le Saint-Siège. Il y en a eu un que j’aimais bien : Benoît XVI. Quand il n’était encore que le cardinal Ratzinger, il avait prononcé quelques phrases définitives et critiques sur Mahomet « chef de guerre ». C’était rafraîchissant.

Les propos du pape François m’amènent à penser à un livre qui vaut toutes les évangiles : Quo vadis de Henryk Sienkiewicz. L’histoire se passe au temps où Néron donnait les chrétiens aux lions. Pierre quitte Rome et sur sa route il aperçoit Jésus qui marche dans le sens inverse. Pierre : « Quo vadis domine ? » (« Où vas-tu maître ? »). « Je vais à Rome, que tu as abandonnée ». Pierre, honteux, rebrousse chemin. Et s’en va mourir avec les siens.

Quo vadis ?

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Quand Trump dit «America first», ça veut dire quoi?

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Gary Cooper dans
Gary Cooper dans « Le Train sifflera trois fois » (Photo : DR)

L’Amérique est lasse. Lasse de gendarmer le monde. Gendarme elle l’était parce qu’elle le voulait bien, mais surtout parce qu’on le lui demandait avec insistance. Lasse de se battre pour protéger l’Arabie saoudite contre les chiites qui veulent la peau des wahhabites et contre son enfant monstrueux et dévoyé, les fanatiques de Daech. Lasse de faire la guerre en lieu et place d’une armée irakienne ni motivée ni combative.

Lasse de bombarder en Syrie, en Libye et en Afghanistan. Lasse de faire contre le terrorisme ce que l’Europe molle et de plus en plus ramollie répugne à faire. Lasse de verser des milliards pour que l’Afrique ne meure pas de faim ou de maladie. Lasse de faire tout ça et, en retour, de se faire cracher à la gueule : plus elle intervient et plus l’anti-américanisme prospère.

Il s’agit d’une lame de fond dont Donald Trump a saisi la force mieux que quiconque. Tel est le sens de ses discours rythmés par un « America first ». « L’Amérique d’abord », le monde après. Il n’est pas sûr que sa rivale, Hillary Clinton, ne soit pas obligée de le suivre un peu sur ce terrain. L’isolationnisme fait partie d’une longue tradition américaine. Donald Trump a des mots qui en Europe choquent. Il ne veut pas de musulmans sur le sol américain. Mais ce n’est pas lui qui enverra des GI se faire trouer la peau pour tuer des musulmans…

L’Europe s’est longtemps abritée dans les plis de la bannière étoilée. Pourtant le terrorisme fait des ravages chez nous, pas au Kansas ou au Texas. Pour aider les dirigeants américains à comprendre ce qui se passe en Amérique un western peut les aider : « Le Train sifflera trois fois ».

Le shérif — Gary Cooper — se trouve seul pour faire face à une bande de hors-la-loi qui ont décidé de l’abattre. Il cherche de l’aide, des volontaires pour les affronter. Tous se défilent : la lâcheté et la peur règnent sur la ville. Finalement, Gary Cooper triomphera. La ville soulagée viendra l’acclamer. Le shérif dégoûté arrachera son étoile, la jettera au sol et partira. Croyez-vous que François Hollande, Angela Merkel et quelques autres ont envie de ramasser cette étoile ?

Black M: ça dé-rappe pas mal à Verdun

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verdun palmyre russie

verdun palmyre russie

Il n’y a pas de hasard, même quand on s’appelle Samuel Hazard, qu’on est maire de Verdun et qu’on a l’idée loufoque de convier un rappeur pour fêter — pardon : commémorer — le centenaire de la plus funeste bataille de tous les temps.

Il n’y pas de hasard chez Hazard, mais il y a du danger (hazard en anglais). Un danger dont M. Hazard et ceux de sa coterie dirigeante n’avaient peut-être pas conscience et qui a abouti à l’annulation de leur happening.

Petit préalable linguistique

Les réseaux sociaux sont entrés en ébullition sur leur aile droite sitôt l’annonce du concert de Black M. Comment pouvait-on placer, hurlaient-ils, un tel événement sous le patronage d’un « rappeur antifrançais » ? Je déteste les pléonasmes. Un « rappeur antifrançais », c’est comme un « arrosoir mouillant ». Le rap est afrançais dans le meilleur des cas, étant importé sans sous-titres des ghettos de New York. Quoi ? On me dit qu’ils « râpent » en français ? Voyons ! L’accentuation d’une langue est son premier signe distinctif, et celle du rap dit français véhicule la phonétique d’une langue étrangère. Heureusement, cela a pour vertu d’entraver la compréhension des textes.

Pour ma part je m’arrête là. Que ces MM. Casquette-à-l’envers soient antifrançais tombe sous le sens, même quand tout sens leur est étranger. Le caractère culturellement hostile du genre est peut-être difficile à capter pour la troisième génération de Français abreuvée de musiquettes anglosaxonnes hâtivement traduites. Si les grands-pères ont pu avaler le trémoussement écervelé des yéyés, comment reprocher aux petits-fils de gutturaliser leur parler ordinaire et de systématiquement mettre l’accent sur la première syllabe à la manière de Cabrel ?

Dilemmes musicaux

Les patriotes français n’auraient pas dû s’emporter contre M. Hazard, ni l’abreuver d’insultes jusqu’à lui faire annuler son spectacle. Cette campagne prouve leur manque de discernement. Ils auraient dû au contraire lui être reconnaissants. Black M n’est « représentatif » de la France d’aujourd’hui qu’aux yeux des propagandistes du melting pot global et de quelques communautés bien définies. Il ne risquait en aucun cas de « détourner » ou de « brouiller », ni même de « salir » la mémoire de Verdun. Au contraire, les indignations qu’il soulevait allaient bien au-delà du camp qui vote FN. Chaque famille française, qu’elle soit de droite ou de gauche, a laissé des ancêtres dans ce charnier et la simple idée de chanter sur leurs sépultures doit révulser plus de cœurs qu’on n’ose se l’avouer. En obtenant son bannissement, on l’a mis, lui et ses soutiens, dans la position enviable de victimes.

Ce qui étonne, dans cette affaire, c’est la parfaite incongruité de l’ensemble. Avec un peu d’habileté, la mairie de Verdun aurait pu rassembler plutôt que diviser. Mais était-ce son but ?

Il existait jusqu’il y a peu, et il existe encore dans certains pays, une musique taillée sur mesure pour les événements de ce genre. Cela s’appelle le classique. C’est vieillot, mais approprié. A Verdun, le Requiem de Fauré s’imposerait de lui-même. Sur les ruines de Palmyre, Assad et Poutine ont dépêché un grand orchestre symphonique, non le chanteur pop à la mode qui aurait « rallié les jeunes ». Mais la France n’est ni la Russie ni la Syrie. Au pays de festivus festivus, on enterre les morts aux sons des Rita Mitsouko « parce que le défunt les aimait bien et qu’il aurait voulu qu’on s’éclate plutôt que de faire la gueule ». Au pays de festivus festivus, la musique solennelle et l’état d’âme qui y correspond sont du dernier ringard. Le choix qui s’offrait à M. Hazard était donc, somme toute, assez restreint.

Mais on aurait pu monter par exemple un opéra rock sur Les héros de Verdun avec Johnny dans le rôle de Joffre et Nina Hagen dans celui de von Falkenhayn, version trans. Un spectacle bling-bling-consensuel qui aurait été au patriotisme ce que les Enfoirés sont à la solidarité sociale. Avec une bonne orchestration et des paroles débordantes de pathos, on aurait « fait vibrer » toute la France frivole, c’est-à-dire beaucoup de monde. Mme Hollande et M. Merkel auraient pu monter sur scène sous les ovations, et les détracteurs de ce kitsch tudesque eussent passé pour de vils ronchons. Esbroufe, émotion, confusion : « Certes, c’est démago ! Mais quels beaux airs ! Quels interprètes ! »

Or il n’en est rien. M. Hazard n’a rien trouvé de mieux que de convoquer l’antidote parfait à toute tentative de consensus national, le répulsif absolu. Offrant du même coup la mémoire de Verdun, malmenée mais intacte, tout entière aux forces de la réaction. Sur un plateau ! Comme on leur a offert Jeanne d’Arc. Comme s’il préparait secrètement son passage au FN…

Un succès continu dans l’échec

A tout bien prendre, il est surprenant qu’un pouvoir démonétisé n’ait pas su plus habilement exploiter une telle commémoration. Les morts de la Grande Guerre sont l’un des rares sujets sur lesquels les Français, en gros, peuvent tomber d’accord. Une de leurs dernières valeurs sacrées, également. Or que fait-on ? On s’empresse de les bafouer en invitant, littéralement, des rappeurs à danser sur leurs tombes.

La symbolique de ce geste absurde est multiple et, à chaque fois, hautement significative.

Tout d’abord, elle s’inscrit dans une course à l’abîme engagée de longue date. Pour tomber aussi bas dans l’estime de ses sujets — pardon : de ses concitoyens —, le pouvoir français n’a pas seulement failli sur les indices matériels de la gouvernance : chômage, sécurité, niveau de vie, prestige international. Il a aussi, et surtout, multiplié les provocations symboliques comme s’il avait voulu s’aliéner des franges de plus en plus vastes de l’électorat.

Quelle urgence y avait-il à mobiliser la crédibilité et les ressources de l’État autour du Mariage pour tous, qui ne concerne, en tout état de cause, qu’une part très mince de la population ? A-t-on songé que l’électeur de base, fût-il socialiste, qui peine à boucler les fins de mois, pouvait avoir sur cette urgence une opinion très différente de celle de l’« intelligentsia créative » du Marais et de la Rive gauche ? Seule conséquence à portée historique : l’émergence par contrecoup de la Manif pour tous, embryon d’une Tea Party à la française.

Quel besoin avait-on d’imposer des vulves conceptuelles à Versailles et des arbres de Noël en forme de plug anal sur des places où se promènent les familles ? D’inventer des ministres de la Culture qui ne lisent rien, pas même le prix Nobel français ?

Qu’avait-on à soutenir diplomatiquement, au Moyen-Orient, des terroristes sanguinaires que les structures de sécurité du même État français considèrent comme une menace de premier plan ?

Quel goût étrange, enfin, suggérait-il de perturber la paix des morts qui ont défendu la patrie avec des spectacles qui martèlent à grands coups de décibels le triomphe de l’étranger ? Voulait-on donner raison à Renaud Camus en attestant que les ex-colonies, sous tutelle anglo-saxonne, avaient déjà accaparé le pouvoir culturel en France, faute d’avoir physiquement remplacé sa population ?

On observe dans les régimes à la dérive ce besoin de scandaliser leur propre population, comme s’ils voulaient inlassablement se donner des garanties de leur toute-puissance. Nous reviennent en mémoire l’élévation du cheval de Caligula au rang de sénateur, les palais blancs de Ceausescu dans une Roumanie crevant de faim, l’ostentation Duvalier et les mille carnavals africains.

Le pouvoir des symboles

Ceci nous conduit à un rapprochement hautement symbolique. Le projet de rap à Verdun survient au moment même où la France est gouvernée par diktat. Le recours à l’article 49.3 pour faire passer une loi sur le travail sans doute nécessaire revient à assommer le malade pour lui administrer un vaccin. Il achèvera de discréditer l’économie libre et de conforter dans son assistanat une nation dont les conditions de travail sont parmi les plus socialisées et les plus protégées en Europe. Encore un contrecoup (non) désiré ? La France serait-elle gouvernée à coups d’oxymores ?

A ce point, un autre parallèle s’impose. Au moment même où les manifestations se multiplient en France, la Russie fête le jour de la victoire sur le nazisme, goujatement boudée par les Occidentaux. Au moment où le chef de l’État français, d’une impopularité jamais vue dans l’histoire, s’entoure de robocops, le chef de l’État russe assiste au défilé militaire au ras du sol, à hauteur d’homme, et non du haut de la fameuse tribune des apparatchiks. A l’heure où le pouvoir français délègue aux rappeurs le soin de commémorer ses combattants, le chef de l’État russe prend la tête du Régiment immortel en brandissant la photographie de son père, combattant et blessé de guerre. Ces symboles, qui ont dû impliquer un effort de sécurité colossal, sont d’une puissance historique.

Changer de paradigme

Mais il serait faux de réduire cet abîme à une affaire de personnel. Verdun est un symbole trop lourd et trop vaste pour la France actuelle, quels qu’en soient les dirigeants.

Les morts de Verdun et des autres golgothas de la Grande Guerre demeurent l’unique trait d’union entre tous les vivants de la France moderne, nation profondément divisée. Tragiquement, obstinément divisée par sa Révolution, maladie qu’elle a exportée vers le reste du monde, et dont tout le monde cherche à se remettre… sauf son foyer originel.

Pour leur rendre l’hommage que ces morts méritent, pour parachever le service qu’ils ont rendu à la nation, il faut des gestes absolument solennels, absolument simples, absolument impartiaux. Il s’agit de réintégrer dans un même corps les deux moitiés d’une âme déchirée sans qu’aucune ne s’y sente humiliée. Aucune idéologie ne peut accomplir cela à elle seule. C’est pourquoi la Russie a restauré sa foi sans renier son passé soviétique. C’est pourquoi son armée qui n’a pas changé ses insignes rouges défile derrière le signe de croix de son ministre de la Défense… lui-même bouddhiste. Les Russes, renaissant après quatre générations de cauchemar communiste, ont compris cette simple vérité encore totalement inaccessible aux élites françaises : que l’idéologie, c’est la division.

Pour accomplir sa réunification, la France n’a pas besoin de héros. Mais elle a besoin de gens humbles, sans idéologie et impartiaux. Ce qui est peut-être encore plus rare.

La tactique du Diable

Mais les polémiques créées autour de Verdun vont masquer encore un autre aspect de cet héritage, peut-être le plus important à l’échelle de l’humanité. Le message Verdun dépasse les frontières de la France et les bornes de 14-18. Il est époqual : il nous fait entrer, tous, dans une autre époque.

Dans le pays où je suis né, en Serbie, on a connu aux côtés des Français le versant héroïque de la Grande Guerre : les Dardanelles, le front de Salonique. D’où cette fraternité d’armes qui s’est transformée en fraternité tout court entre nos nations. Mais Verdun, la Somme, c’est son aspect purement mécanique. Aucune fraternité ne s’en dégage, juste le sentiment de l’absurde et du dégoût. Verdun annonce la sortie de l’Histoire du mâle européen. Dada, le surréalisme, le nazisme y prennent leur source. La massification, l’écrasement de l’humain par les moyens dont il s’est doté, y trouvent leur expression parfaite. Notre transformation rapide dans le ratorium puis la grande fourmilière des visions de Zinoviev, c’est là qu’elle commence.

Je possède chez moi l’intégrale de l’Illustration, couvrant la période 1914-1919. Pour une grande part, c’est un catalogue d’armements. J’ai passé des heures à y survoler un défilement monotone de chiffres et de rodomontades technologiques. A chaque numéro, nous avions l’arme décisive qui allait permettre de les exterminer comme des blattes. Notre canon de 75, nos fusils supérieurs… On y voit déjà l’esquisse des « bombes intelligentes » et des « bombardements chirurgicaux » qui ne sont jamais que de nouveaux carnages. Je ne pouvais m’empêcher d’imaginer la même vantardise dans les Bildzeitungen de l’autre camp.

Deux hordes de fous qui s’entre-tuent en clamant que l’autre n’est pas humain ! Les guerres de tribus, où la bataille est résolue par l’affrontement à la massue de deux champions délégués par chaque camp, sont infiniment plus civilisées et plus sensées que ce délire scientiste !

Car les batailles du front de l’Ouest n’avaient rien, à vrai dire d’un combat. Cela revenait, pour les soldats, à affronter des forces élémentaires, des ouragans meurtriers, en priant la Providence. Les célèbres Orages d’acier de Jünger en témoignent : le pur bonheur d’être vivant, la satisfaction d’avoir tué son adversaire plutôt que d’être tué. Sans sentiment. Sans haine. Comme de survivre à un raz-de-marée. Comme de faire boucherie.

Mieux encore, ce roman ironiquement appelé Civilisation, de Georges Duhamel, qu’on aurait dû faire lire dans tous les lycées en ces années de jubilés et qu’on s’est empressé d’enterrer malgré son prix Goncourt. On y voit la civilisation moderne incarnée par un autoclave soufflant et sifflant, un lazaret où l’on rafistole à la chaîne des machines humaines cassées par la guerre mécanisée. Un système de destruction autoalimenté, sans but ni raison, d’où la volonté humaine est exclue.

Le fleuve des morts de Verdun charrie toutes ces ombres-là. Les réduire à une rivalité entre la culture rap et l’idéologie du Front national est une obscénité et une offense non seulement à l’égard de ces morts ou du sentiment patriotique, mais envers l’humanité entière. Tout compte fait, je reviens sur mon hypothèse de départ : peut-être savaient-ils parfaitement ce qu’ils faisaient. Si le Diable avait une tactique pour monter encore plus les peuples contre eux-mêmes, il ne s’y prendrait pas autrement.

Un printemps russe patriotique

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moscou russie poutine
Défilé du 9 mai 2016 à Moscou. Photo: Sipa. Numéro de reportage : AP21893692_000002.
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Défilé du 9 mai 2016 à Moscou. Photo: Sipa. Numéro de reportage : AP21893692_000002.

Il y a une semaine, les célébrations du 9 mai ont débuté par la traditionnelle parade. Le défilé des soldats, la présentation des unités blindées, des avions et hélicoptères, des armes de pointe et des machines de guerre visent à faire une démonstration de puissance militaire, à assurer la projection d’une image de force.

L’après-midi, place au cortège du « Régiment immortel », une manifestation spontanée, née en 2012 à l’initiative d’un journaliste, qui se propose de rendre hommage aux anciens combattants. Les participants brandissent les portraits de leurs proches ayant œuvré à la victoire soviétique sur l’Allemagne nazie.

En 2015, à l’occasion du 70e anniversaire de la victoire, le Régiment immortel a pris une ampleur sans précédent. Cette année encore, des centaines de milliers de Russes ont parcouru les rues du centre-ville de Moscou pour converger vers la place Rouge. À Saint-Pétersbourg, le cortège s’est déployé le long de la perspective Nevski. Le Régiment immortel s’est également mis en marche dans toutes les villes de Russie, d’ex-Union soviétique, mais aussi de par le monde, dans près de 50 pays, là où résident des communautés russes : Berlin, Londres, New York, Washington, Buenos Aires…

Au total, des millions de participants, de tous âges. Quelques rares vétérans arborant leurs médailles ; des enfants coiffés de calots kaki, vêtus d’uniformes ; des adolescents en treillis… Les plus âgés fredonnent des chansons des années de guerre. Le succès populaire est indéniable.

Vladimir Poutine s’est joint au cortège de Moscou, une photo de son père à la main, tout en précisant qu’il se refusait à donner à cette action « qui vient du cœur de notre peuple » un caractère bureaucratique, officiel. Il a salué le respect qu’inspirent à toutes les générations ceux qui ont défendu leur pays.

Bien que, contrairement à l’an passé, les chefs d’État étrangers n’aient pas été conviés (à l’exception du président kazakh Noursoultan Nazarbaev), des invités européens étaient cependant présents… dont un couple de Français, sacrés par Vladimir Poutine, qui s’est entretenu avec eux au Kremlin, « meilleurs ambassadeurs de la France ».

Jean-Claude et Micheline Magué sont venus faire offrande des décorations de guerre de leur famille aux parents du défunt officier Prokhorenko, attristés par le silence des médias français sur sa récente disparition en Syrie.

Alexandre Prokhorenko, 25 ans, originaire de la région d’Orenbourg, s’est illustré près de Palmyre, où il était chargé de marquer les cibles terroristes au sol pour aiguiller les avions de chasse des forces spéciales russes. Le 17 mars 2016, le jeune militaire a trouvé la mort en demandant à son commandant de lancer un bombardement sur sa propre position, après s’être retrouvé encerclé par des djihadistes de l’État islamique.

Le 11 avril, un oukaze présidentiel a permis de lui décerner à titre posthume la plus haute distinction honorifique, celle de « héros de la Fédération de Russie ». Sa dépouille, retrouvée fin avril par les forces kurdes syriennes, a été rapatriée. Ses obsèques ont eu lieu le 6 mai, avec les honneurs militaires, le lendemain du concert de l’orchestre symphonique du théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg, dirigé par Valeri Guerguiev, dans l’amphithéâtre antique de Palmyre, retransmis en direct par la télévision publique russe. À cette occasion, les autorités de la ville d’Orenbourg, où un deuil a été décrété, ont dévoilé une plaque commémorant la mort du jeune homme sur la façade de la caserne des officiers.

Les journaux russes ont glorifié pendant des semaines la bravoure d’Alexandre Prokhorenko, de l’étoffe dont on fait les héros. Alexandre est paré de toutes les vertus. On loue sa jeunesse exemplaire, son sens aigu des responsabilités : excellent élève d’extraction modeste, il aidait ses parents après l’école, rêvait d’une carrière militaire depuis l’enfance. On raconte qu’avec sa classe il a planté 600 bouleaux dans une allée. Les uns exaltent son acte d’héroïsme « digne d’un roman », d’autres évoquent « un film d’Hollywood », c’est selon…

L’esprit de sacrifice et l’amour de la patrie ne laissent pas indifférents le monde du spectacle et Internet. En l’honneur du jeune homme, des célébrités récitent le poème Le Fils de l’artilleur, de l’écrivain soviétique Konstantin Simonov ; des clips et montages vidéo sont diffusés sur YouTube. Ces hommages appuyés, sorte de reviviscence de la mémoire de la deuxième guerre, viennent cette fois illustrer une autre guerre, contemporaine, sur un autre territoire.

Le très lourd tribut soviétique dans la lutte contre le nazisme ne peut être étranger à ce retour obstiné de l’héroïsation, et surtout à cette omniprésence de la guerre dans l’imaginaire collectif. Chansons, cinéma et littérature de guerre continuent d’occuper une place de choix. Il n’est que de citer des classiques comme La Jeune Garde d’Alexandre Fadeev, Dans les tranchées de Stalingrad de Viktor Nekrassov, toujours lus. Pourtant, même à l’époque soviétique, le récit des hauts faits héroïques a alterné avec les témoignages plus personnels et plus tragiques : aux mémoires officiels des généraux ont succédé les ouvrages des vétérans, simples soldats, qui, dans les années 1960, ont fait tomber les canons idéologiques en narrant leur expérience quotidienne au front.

Si le patriotisme, qui prête au soupçon, ne fait plus recette en Occident, la fabrique des héros – petits et grands – fonctionne toujours à plein régime à l’Est.

Trump: pour les médias, le candidat à abattre

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(Photo : SIPA.AP21813041_000008)
(Photo : SIPA.AP21813041_000008)

En France, la cause est jugée. Le Monde a applaudi les attaques d’Obama jugeant Trump un peu arriéré et Libération a titré sur « le comportement pas toujours correct de Trump avec les femmes », relayant une attaque du New York Times. Mais, cette nouvelle attaque est pour le moins fragile.

En effet, cette affaire repose sur le témoignage d’une ex-petite amie ou, plus exactement, sur l’interprétation tendancieuse de ce témoignage. Car le témoin s’est rebiffé, estimant que le journaliste avait tronqué ses propos. Sur la chaîne de télévision Fox News, le journaliste Bill O’Reilly et le commentateur Charles Krauthammer ont donc réfuté cette nouvelle campagne de désinformation contre Trump, en faisant valoir une série d’arguments.

Primo, le New York Times est resté muet sur la nouvelle affaire Clinton : une Fondation parrainée par Bill aurait détourné des fonds à des fins de financement politique. Secundo, la violence des attaques anti-Trump n’est pas une nouveauté : lors du duel entre Jefferson et Adams avait fusée une accusation d’inceste. Rappelons aussi que l’on moquait l’incapacité de Gérald Ford à faire deux choses à la fois, comme de descendre un escalier tout en mâchant du chewing-gum ! Il est clair que si le chien de Trump avait jadis mordu le chat du voisin, certains journalistes en auraient fait leurs choux gras.

Tertio, Fox News a déploré que le journaliste du New York Times, après avoir orienté le témoignage et extrapolé, ait dissimulé sa subjectivité en évoquant « une histoire qui parle d’elle-même ». On touche là au cœur du réacteur, au problème de l’honnêteté intellectuelle. Certains abritent leur subjectivité derrière de grandes pétitions de principe qui invoquent l’objectivité, la déontologie, ou l’investigation. Ce n’est pas nouveau. Dans le film de Sergio Leone, « Il était une fois la Révolution », le journal à la solde du dictateur s’appelle El imparcial.

En réalité, beaucoup de journalistes roulent pour Hillary, ne peuvent pas souffrir Trump et sont prêts à saisir la moindre occasion pour ternir sa réputation. Et comme ils ont chassé de leurs rangs la contradiction et l’altérité, ils finissent par raisonner en circuit fermé, dans leur bulle. Cet effet d’autorenforcement de leurs convictions les empêche de concevoir que les gens ont de bonnes raisons de penser ce qu’ils pensent.

Les sympathisants de Trump saluent un candidat « qui dit les choses comme elles sont ». Tenons compte de leur sensibilité, sans les mépriser en tombant dans le raisonnement primaire d’Obélix : « Ils sont fous ces Romains ! » Le rôle des journalistes est de porter des faits à la connaissance du public. A l’exemple de Facebook, qui vient de faire un serment : « Pledges fairness in all spectrum ».

Nuit de boue, jours de cendres

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(Photo : SIPA.00756207_000001)

Ils sont venus, ils sont tous là, les ersatz de Mai 68, les zadistes professionnels, les écolos sans logis, les enfants perdus de la République. Tous privilégiés d’un système dont ils mâchouillent l’enseignement sur les bancs d’universités vidées de leur sens par un gouvernement – dixit notre inénarrable ministre de la sous-éducation – qui n’a de cesse de traquer le curé sous les costumes noirs des hussards de la République. C’est le sens qu’elle donne au mot « laïcité ». Avec toute la violence dont est capable un égaré incapable de lire son chemin sur une boussole. C’est le sens que je donne à « déboussolés qui nous gouvernent ».

Ils sont venus, ils sont tous là, leur manuel du parfait révolutionnaire à la main, exhibant l’apparente bonhomie peace and love d’un autre temps et le vide placardé sur leur avenir. Rien n’est construit pour demain dans leurs esprits, mais ils chantent, débattent, « commissionnent » sur tout et surtout rien, se rencontrent, se reconnaissent, se félicitent. Il suffit de quelques slogans creux et puérils pour s’imaginer édifier un futur.

Autour d’eux, pourtant, c’est tout autre chose : comme des fauves tapis dans l’ombre des nuits de boue, rôdent les casseurs sans frontières. Qui n’ont d’autre but que détruire, car pour eux tout ce qui est bâti n’est que le sas d’une prison pour l’humanité tout entière. Hordes d’une autre mondialisation, génération spontanée du massacre et des ruines, métastases mortelles d’un cancer installé dans la démocratie : celui de la liberté individuelle à tout prix.

Mais peut-on être démocrate avec qui ne l’est pas ? Alors, tous les jours et depuis tant de jours, c’est à Paris l’occupation improbable et exponentielle d’une place comme par hasard de la République, et des centaines de riverains bloqués chez eux dans cette néo-réalité républicaine qu’est le laxisme, l’abandon de toute responsabilité, le petit calcul politicien. La soumission idéologique. Et les maladies virales étant toujours contagieuses, voici Nantes, Rennes et tout ce que l’on tait, la main sur le cœur, pour ne point effrayer le bailleur de fonds qui dort en tout citoyen. Lequel, au bout du compte, a peur, creuse les tranchées de sa colère dans des pulsions de mort de moins en moins refrénées et paye avec ses impôts la note de l’inconséquence que l’on a portée au pouvoir. Car l’urne du vote est trop souvent l’urne de ses propres cendres.

Réfléchissons quelques instants au grand cirque du n’importe quoi que les gros bras gouvernementaux laissent s’installer dans nos rues et imaginons ce qui peut bien se passer dans la tête des terroristes qui nous observent. Voici un pays frappé par la foudre de la terreur islamique qui décide à grand fracas médiatique de verrouiller sciemment ses libertés fondamentales pour se prémunir de la mort annoncée. On décrète l’état d’urgence, on étale sa police, sa gendarmerie et son armée sur tout le territoire, on interdit les manifestations ludiques les plus susceptibles d’attirer les tueurs. Pourtant, alliances politiciennes exigeant, la moindre petite loi contestée peut toujours déclencher des copies-collées de notre inénarrable « Révolution de Mai 68 », avec blocage de rues, défilés agressifs, affrontements avec nos forces de l’ordre, provocations en tous genres se souciant comme d’une guigne de la loi comme du danger. Et bien sûr, les deux déclinaisons habituelles : systématiques dégradations publiques et privées d’une part, volonté de blesser physiquement, et plus encore si manque d’affinité, nos policiers et gendarmes qui hier encore étaient Charlie, d’autre part ! Tout ceci échappant, on ne sait par quelle argutie, au concept d’état d’urgence.

On croit rêver ! C’est, juste avant le jour de cendres, le petit matin des poltrons et des minets. Ceux-là même qui roulent des mécaniques devant leur miroir idéologique mais s’écrasent platement devant les réalités. Envoyant sans état d’âme au casse-pipe des fonctionnaires de la défense nationale, censés ne pas contester les ordres reçus et ne pas exprimer leur propre opinion. Ce que font pourtant allègrement ceux qui les affrontent, contester l’ordre de la démocratie et faire vibrer une opinion qui n’en admet pas d’autres. Mais que voulez-vous, réélection oblige quelques petites entorses à la logique, exige de passer sous le joug des alliances politiciennes. Réélection est mère du pouvoir.

Mais la désolation va au-delà. Voilà des voix qui s’élèvent dans le Parti socialiste et chez ses élus pour contester la faiblesse et l’irrésolution du gouvernement et de son mentor élyséen. Un gouvernement dont l’hypothermie est inquiétante : 49.3 le matin ! Les voix brandissent lors devant lui l’épée de Don Quichotte, mais c’est l’âne de Sancho Pança qui lancera le dernier braiement et les voix rentreront sagement dans leurs moulins. Fin de l’incident. On peut retourner aux apéros dominicaux. La faiblesse replie ses ailes. L’agonie se donne quelques jours de plus. Le micron présidentiel peut reprendre le chemin des micros avec sa bonne parole et les sans-dents respirer l’irrespirable. Autant qu’il est possible dans une atmosphère de cendres. Mais jusqu’à quand le mensonge ? Mais jusqu’à quand l’inconséquence ? Mais jusqu’à quand l’affaiblissement du pays, l’appauvrissement des citoyens et le supplice de nos valeurs ? Mais jusqu’à quand vendre ses souverainetés, nationale et individuelle, aux minorités donneuses de leçons démocratiques ?

Pascal disait : « Il faut que ce qui est juste soit fort et que ce qui est  fort soit juste. » J’ai peur que, désormais, ce qui est juste ne le soit même pas alors que ce qui est fort ne le sera que trop. Nous entrerions définitivement, tête première et col découpé, dans la République des victimes et des bourreaux.

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Au (pré)nom de la liberté…

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(Photo : SIPA.00726874_000004)
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Djoulyan, Poupoune, Aboubacar-Jacky… Voici quelques uns des exemples de prénoms recensés par le site Internet de la Ligue des officiers d’état civil. Ils sont les enfants d’une loi, celle du 8 janvier 1993, qui consacrait la liberté des parents de donner le prénom qu’ils souhaitent à leur progéniture. Avant la loi portée par Michel Vauzelle, garde des sceaux du gouvernement Bérégovoy, l’officier d’état civil pouvait refuser un prénom et lui en attribuer un autre ; c’était aux parents d’effectuer un recours en justice. Depuis vingt-trois ans, c’est l’inverse : l’officier d’état civil doit saisir le procureur, qui donne suite ou non. En attendant, l’enfant garde le prénom choisi par les parents. La course au prénom original est donc partie de là.

Evidemment, les parquets débordés ont souvent autre chose à faire que de s’occuper d’histoire de prénoms, et les officiers d’état civil le savent, donc ils ont la saisine moins facile. Dans l’hilarante pièce de théâtre Le Prénom, le personnage joué par Patrick Bruel déclame une superbe diatribe en direction de son beau-frère bobo dont les enfants s’appellent Appolin et Myrtille. Y est fustigé avec talent cette maladie de cette époque : « Oui, je trouve ridicule de donner des prénoms qui n’existent pas ! Cette surenchère dans l’originalité, ce n’est plus des prénoms, c’est des post-it collés sur le front. Prière de ne pas oublier que je suis différent ! Prière de ne pas croire que je suis classique ! Ici habite une famille d’intellectuels de gauche abonnés à Télérama même s’ils n’ont pas la télé… »

Les Kévin se rebiffent

Mais aujourd’hui les enfants de la loi Vauzelle se rebiffent. Ils sont de plus en plus nombreux à souhaiter changer de prénom et demandent à l’Etat de réparer les dégâts créés par son naïf laisser-faire libéral. Comment croyez-vous que nos gouvernants, qui sont aussi les descendants du gouvernement social-libéral de l’époque, allaient réagir, constatant les résultats de ce libéralisme culturel qu’ils vénèrent, lequel a accouché non seulement de cette loi sur les prénoms mais aussi du mariage pour tous et la volonté de supprimer le passage obligatoire devant le juge pour les divorces par consentement mutuel ? Revenir à la situation d’avant 1993 afin de fermer cette parenthèse et, en somme, d’arrêter les frais ? Que nenni ! Revenir en arrière, vous n’y pensez pas ? Quel horreur ! Nous passerions pour des affreux réactionnaires ! Ce qui, pour le coup, serait juste d’un point de vue étymologique, mais pas forcément inopportun.

Non, ce que le gouvernement s’apprête à faire, c’est de faciliter le changement de prénom pour les adultes. Le citoyen majeur pourra plus facilement changer son état civil s’il juge que ses parents l’ont trop mal prénommé. Evidemment, il pourra aussi demander de changer un prénom qui n’a rien de ridicule mais qui ne lui plaît pas, par exemple s’il estime que Kévin n’est pas adapté pour quelqu’un qui se destine au monde de l’édition ou Joséphine dans le mannequinat. Il n’obtiendra pas forcément satisfaction mais les demandes risquent d’affluer, ce qui pourrait encore encombrer les greffes de nos tribunaux.

Quand on fait une bêtise, on répond donc par une autre bêtise. Un peu comme un arbitre de football qui, ayant conscience d’avoir donné un pénalty trop généreux à une équipe en première mi-temps, en accorde un autre en compensation à l’équipe adverse lors de la seconde période. Il croit n’avoir pas influé sur la tenue du match : en réalité il a commis deux erreurs d’arbitrage. On peut aussi comparer cette attitude à celle des communistes dans le bloc soviétique qui pensaient que tous leurs malheurs venaient du fait qu’il n’y avait pas assez de communisme. Ou les européistes qui, depuis quarante ans, agissent de même. Cette fois-ci, on nous joue la même fable avec le libéralisme-libertaire.

D’authentiques libéraux de mes amis me diront sans doute que je me fourvoie. Que nos maux proviennent au contraire de la propension française à vouloir légiférer sans cesse. Ils me citeront peut-être Ségolène Royal et Marine Le Pen qui ont des prénoms différents à l’état civil et qui ont pu sans problème faire inscrire celui qu’elles souhaitaient sur leurs bulletins de vote officiels. Ils n’auront sans doute pas complètement tort. Notre libéralisme-libertaire idéologique, qui nous propose compulsivement de faire tabula rasa, s’est très bien adapté à la longue tradition française de légiférer sans cesse. Nous cumulons ainsi les inconvénients du premier avec ceux de la deuxième sans en tirer aucun avantage. Décidément, cette histoire de prénoms s’avère dramatiquement symptomatique de la situation de notre pays.

Unesco: la France se déshonore puis se ridiculise

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ayrault netanyahou israel unesco jerusalem
Ayrault et Abbas. Sipa. Numéro de reportage : 00638619_000006.
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Ayrault et Abbas. Sipa. Numéro de reportage : 00638619_000006.

Dans sa résolution 199 EX/19 du 11 avril 2016, l’Unesco a effacé trois mille cinq cent ans d’histoire juive à Jérusalem en niant tout lien entre le peuple juif d’une part, et le Mont du Temple et le mur des Lamentations d’autre part, pour en faire des lieux saints exclusivement musulmans.

Initiée par un quarteron de pays musulmans tous connus pour leur respect des autres cultures (kabyle en Algérie, copte en Egypte, chrétienne animiste au Soudan…), la motion sobrement intitulée « Palestine occupée » était adoptée sans émotion particulière par les membres d’une organisation censée améliorer les relations humaines par la culture et l’enseignement.

Les antisémites en ont rêvé, l’Unesco l’a fait

Égale à elle-même et à sa realpolitik indéfectiblement pro-arabe, la France se déshonorait une fois de plus et votait en faveur de cette déclaration scélérate. Si Paris valait bien une messe pour Henri IV, la vente de Rafale et de centrales nucléaires vaut bien 3 500 ans d’histoire juive à Jérusalem pour le Quai d’Orsay. Et qu’importe les anachronismes. Le fait que le Temple de Salomon ait été construit plus de 1 600 ans avant la naissance de l’islam n’a pas semblé gêner les votants. Bien au contraire. Et pour cause, cela ne fait que confirmer l’immense fourberie des Juifs, capables de s’approprier les lieux saints d’une religion qui n’existe pas encore. Les antisémites en ont rêvé, l’Unesco l’a fait.

Quelques semaines plus tard et devant le tollé continu que ce vote a soulevé, le président de la République, le Premier ministre, le ministre de l’Intérieur et le ministre des Affaires étrangères ont enfin pris leur distance avec ce texte. Mais à quel prix! Celui du ridicule. Un ridicule qui ne tue pas et c’est heureux dans un sens parce que l’exécutif français aurait été décimé en une semaine.

Vote de la France : des explications embrouillées

À court d’imagination, M. Hollande a repris mot pour mot les explications de son ministre des Affaires étrangères. Des explications aux termes desquelles on peut légitimement se demander si nos dirigeants nous prennent pour des idiots ou le sont eux-mêmes.

C’est ainsi que l’Élysée et le Quai d’Orsay regrettent les éventuelles incompréhensions du fait de certaines formulations, mais nous rassurent : la position de la France restera la même à savoir la défense de la liberté d’accès et de culte à Jérusalem pour les trois grandes religions monothéistes. Et en effet, quel meilleur moyen de garantir la liberté d’accès et de culte à Jérusalem pour les Juifs qu’en niant trois mille cinq cent ans de présence et d’histoire ininterrompues entre la capitale du roi David et le judaïsme et de faire croire que les Juifs creusent de fausses tombes dans les cimetières musulmans pour les chasser d’Israël jusque dans la mort?

Et d’ajouter, comme démonstration d’une certaine constance dans la stupidité, que la France avait, par le passé, déjà voté « ce texte avec d’autres partenaires européens pour marquer son attachement au statu quo sur les Lieux saints à Jérusalem ». Voilà le statu quo tant espéré : des lieux saints à Jérusalem mais pas pour les Juifs.

Le Premier ministre et le celui de l’Intérieur ont, quant à eux, fait preuve d’un peu plus de bon sens en soulignant que la résolution était maladroite et que le vote n’aurait pas dû avoir lieu. Mais alors pourquoi l’avoir votée? Et une fois ces regrets inutiles énoncés avec une mine contrite, que fait-on ? Une dénonciation officielle de ce vote, la démission d’office du représentant français auprès de l’Unesco seraient le minimum minimorum. Cela ne changerait pas grand chose mais cela prouverait qu’à moins d’un an des élections présidentielles, la majorité socialiste ne verse pas dans la démagogie la plus racoleuse et a le courage de ne pas remettre en cause les fondements de notre société pour quelques milliers de voix qu’elle a d’ores et déjà perdu au gré de ses promesses non tenues.

Mieux encore, au lieu de contribuer à falsifier la relation plurimillénaire entre Jérusalem et le peuple juif, le gouvernement français devrait contribuer à la naissance d’un nouveau Quai d’Orsay en essayant une politique alternative.

Car non contente de voter et revoter ce type de résolutions honteuses et mensongères, la France contribue également, entre autres réjouissances, au financement :

–          de programmes de constructions illégales en Judée-Samarie via l’Union européenne,

–          des livres scolaires distribués par l’Autorité palestinienne aux petits Palestiniens dans lesquels Israël n’existe pas et les unités de calculs sont des Juifs morts,

–          des salaires que l’Autorité palestinienne verse aux terroristes emprisonnés pour crimes de sang.

Un baroud de déshonneur ?

Et comme si cela ne suffisait pas, la France tiendra à l’été une réunion ministérielle internationale pour relancer le processus de paix israélo-palestinien qui pourrait donner lieu ensuite à un sommet international. François Hollande rêve sans doute d’un sommet sur le modèle du nucléaire iranien pour la postérité de son quinquennat. Et comme Obama pour l’Iran, il lui suffira d’acquiescer à toutes les demandes palestiniennes en prenant des garanties qui n’en sont pas.

Un baroud du déshonneur en quelque sorte. Comment la France, avec un tel passif, une telle partialité, une telle malhonnêteté intellectuelle peut-elle encore prétendre à jouer un rôle utile sur le plan international ?

La France est prisonnière de ses passions arabes et de l’antisémitisme bon teint de sa diplomatie. Et tant que ce sera le cas, elle ne pourra prétendre à rien d’autre qu’à un strapontin aux négociations israélo-palestiniennes et regarder l’Histoire se faire sans elle.

Divorce: on nous prend pour des imbéciles, le saviez-vous?

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Tweet du ministère de la justice
Tweet du ministère de la justice

Rubrique : « Ils ont touché le fond mais ils ont des pelles. » Chaque jour nous apporte un motif d’exaspération et d’accablement. Chaque intervention de ce pouvoir démontre une capacité à transformer en pantalonnade tout ce qu’il touche. Exemple récent donné par un tweet que vient de commettre le ministère de la Justice pour défendre une des mesures contestées du projet de loi « justice du XXIe siècle », la suppression de l’intervention du juge dans les divorces par consentement mutuel. À chaque fois, on se pose la question de savoir s’ils sont vraiment nuls à ce point, ou bien que par mépris des gens ils les prennent systématiquement pour des imbéciles.

La suppression de l’intervention du juge dans le prononcé du divorce par consentement mutuel est une question qui mérite débat. L’institution du mariage républicain été mise à bas par le divorce de masse. Depuis la réforme de 1976 les statistiques sont là pour démontrer que ce qui était vécu avant comme un événement à charge sociale négative est devenu complètement banal.

Au travers d’une procédure empreinte d’une certaine solennité, et marquée par quelques précautions comme la publication des bans, on demande pourtant toujours au maire, de recueillir et par conséquent de vérifier le consentement des futurs époux. Et pour mettre fin à une situation juridique aux conséquences multiples, on voudrait s’en remettre à une simple démarche contractuelle mise en forme par un notaire ? En réfléchissant un peu, on constate alors que ce qui peut être considéré comme une mesure de bon sens pose quand même certains problèmes

Les avocats, qui voient s’enfuir une source de revenus sont contrariés, et c’est normal. Les cathos sont contre le divorce donc leur avis est plein d’arrière-pensées. L’expérience cubaine n’est guère encourageante, puisque qu’après avoir instauré, dans l’euphorie révolutionnaire de 1959 un système de simple déclaration à l’État civil, les barbudos  ont précipitamment battu en retraite. Donc, ça discute et ça grince ce qui ennuie la place Vendôme qui ne voit dans cette mesure qu’un moyen de faire des économies. Alors, les bureaucrates ont eu l’idée de twitter pour parler directement au peuple en passant par-dessus la tête des lobbys.

Et cela donne ceci : « le saviez-vous ? #Étymologie Juger= trancher 1 litige Dans un divorce par consentement mutuel, il n’y a pas de litige ; donc pas besoin de juge ». Est-il possible de faire pire ?

Je sais bien que l’enseignement du latin va être bientôt proscrit, mais lorsque l’on parle d’étymologie, il faudrait éviter de se foutre du monde. « Juger » vient de « judicare », de « jus » (droit) et « dico » (dire). Donc juger, c’est dire le droit, ce qu’on apprend en première année de ses études de droit. Alors, dans un premier temps faisons au rédacteur le crédit de son ignorance crasse, et acceptons qu’en écrivant « étymologie », il ait pensé « définition » et regardons de plus près. Mais là, c’est encore pire. La définition de juger est beaucoup plus large et comprend comme synonyme : apprécier, estimer, évaluer, déclarer coupable, condamner, etc. Donc le constat est clair, on nous prendre pour des imbéciles.

Une mesure qu’on tente de faire passer en contrebande

Alors, interpellés par ce cynisme, penchons-nous un peu sur cette proposition que l’on essaie de faire passer en contrebande. Le divorce met fin à un dispositif dont la construction juridique qui relève peu de la volonté des parties. Le mariage est un contrat organisé par la loi. Lorsqu’on le dissout, au-delà des problèmes affectifs et psychologiques qu’il faut affronter, on doit organiser beaucoup de choses. La question des enfants, les résidences respectives, les pensions alimentaires, les prestations compensatoires, la dévolution et le partage des biens mobiliers et éventuellement immobiliers, toutes questions matériellement compliquées et à fortes charge affectives. Le passage devant le juge est destiné à vérifier le consentement non seulement au divorce, mais également à l’organisation de toutes ses conséquences. C’est la raison pour laquelle lors de l’audience toujours appelée dans le jargon « de conciliation », le magistrat recevra les époux séparément. Pour vérifier que le consentement n’a pas été arraché, et ne souffre d’aucun vice tel que ceux décrits par le Code civil pour tous les contrats : l’erreur, le dol, la violence. Chacun aura compris qu’en l’état actuel de la société, ce sont surtout les femmes qu’il convient de protéger, même si l’inverse existe.

Et le juge se penchera aussi sur l’équilibre des conventions qui lui sont soumises. C’est un contrôle a priori de la « commune intention des parties ». Dans un contrat commercial civil banal, ce contrôle relève toujours de l’office du juge, même s’il se produit a posteriori lorsque le contrat lui est soumis. Le mariage républicain n’est pas un contrat banal.

Ajoutons dans un autre ordre d’idées, que lorsqu’une entité publique met fin à un litige par une transaction, après l’avoir fait voter par son assemblée délibérante elle va saisir le juge administratif pour lui demander d’homologuer le protocole et lui donner ainsi force exécutoire. Que de précautions… Inutiles pour des époux ?

Alors, « le saviez-vous ? » nous demande un ministre de la Justice par l’intermédiaire de son twittos. Non Monsieur le ministre, nous ne risquions pas de le savoir puisque c’est faux. En revanche ce dont nous sommes sûrs, c’est que l’on ne peut pas vous faire confiance.

François, quo vadis domine?

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Célébration, en 2013, de l'Immaculée Conception (Photo : SIPA.00671040_000004)
Célébration de l'Immaculée Conception en 2013 (Photo : SIPA.00671040_000004)

« Ah, la laïcité française ! » C’est un cri du cœur. Et il n’a pas été poussé par un imam quelconque, par un apôtre bien-pensant du « vivre-ensemble » ou par un rappeur rendant hommage à l’islam. C’est le pape François qui l’a dit dans une interview au journal La Croix.

Le souverain pontife est un partisan sincère de la liberté. Et en l’occurrence, il plaide pour la liberté, entravée selon lui en France, des musulmanes de porter le voile. Depuis, dans tous les médias, ça dégouline d’eau bénite. Évêques, porte-paroles et spécialistes de la religion défilent au micro pour dire tout le bien qu’il convient de penser des saintes paroles du saint homme.

Le pape François ne peut ignorer que la liberté des uns s’arrête là où commence la liberté des autres. Ma liberté à moi, qui ne suis pas très catholique, c’est de dire que le Saint-Père fait beaucoup de bruit. Et qu’à ce bruit, je préfère celui de la musique d’un Requiem de Mozart ou d’un Ave Maria de Gounod.

Rien ne me permet de me mêler des choix d’un pape. Et comme je ne suis pas cardinal, je ne suis pour rien dans l’élection de François. Pour autant, je m’autorise à avoir des préférences concernant celui qui occupe le Saint-Siège. Il y en a eu un que j’aimais bien : Benoît XVI. Quand il n’était encore que le cardinal Ratzinger, il avait prononcé quelques phrases définitives et critiques sur Mahomet « chef de guerre ». C’était rafraîchissant.

Les propos du pape François m’amènent à penser à un livre qui vaut toutes les évangiles : Quo vadis de Henryk Sienkiewicz. L’histoire se passe au temps où Néron donnait les chrétiens aux lions. Pierre quitte Rome et sur sa route il aperçoit Jésus qui marche dans le sens inverse. Pierre : « Quo vadis domine ? » (« Où vas-tu maître ? »). « Je vais à Rome, que tu as abandonnée ». Pierre, honteux, rebrousse chemin. Et s’en va mourir avec les siens.

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