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Oui à la loi Hadopi


Oui à la loi Hadopi

La volée de bois vert servie aux 52 artistes qui ont lancé cette semaine un appel en faveur de la loi Hadopi sur le téléchargement illégal appelle quelques commentaires. Rassurez-vous, je ne dirai rien sur le fond de l’affaire, ou alors pas grand chose, mais bon, si, un peu quand même. Si vous êtes assez cruchon pour croire que la musique doit être gratuite, je crois que je ne peux rien pour vous. Même motif, même punition si vous pensez, comme on le lit souvent sur le web, que la déconnection d’Internet équivaut, à une « condamnation à la mort sociale ». Recevez, en prime, l’expression de toute ma compassion pour ce que doit être votre « vie sociale ».

En revanche, si vous craignez que la fameuse « riposte graduée » soit disproportionnée au délit, là, on peut échanger quelques idées. Et je crois bien que j’ai en rayon de quoi vous rassurer. Tout d’abord, comme qui dirait, la riposte est graduée : il ne s’agit pas de couper l’accès à Internet dès la première infraction, mais après le troisième avertissement ! Si on est assez benêt pour refaire trois fois la même bêtise alors qu’on sait que Big Brother vous a déjà personnellement à l’œil, est-on vraiment digne d’appartenir à la grande famille de l’intelligence virtuelle ?

Si je ne vous ai pas convaincu, tentons une autre approche. Essayez, juste pour voir, d’aller voler le dernier CD de Manu Chao à la Fnac ou chez Auchan. Dès qu’on vous aura relâché du commissariat du coin avec une bonne engueulade et peut-être, en prime, une convocation chez le juge, retournez immédiatement dans le même magasin pour vous procurer à l’œil le coffret collector de l’intégrale James Bond en quarante DVD ; imaginez la suite dès que le vigile aura exprimé son désaccord avec votre conception de l’accès libre aux biens culturels. Honnêtement, après ces deux tentatives, je ne crois vraiment pas que vous aurez envie de revenir dans le même magasin, ni d’ailleurs que vous serez libre de le faire…

Voilà pour le fond ; pour la forme, deux bricoles ont attiré mon attention. Tout d’abord, on moque beaucoup sur le net le plus célèbre de ces 52 signataires, en l’occurrence Johnny Hallyday. Que lui reproche-t-on en substance (l’avantage du résumé sur le verbatim, ce n’est pas qu’il vous permet de prendre plus rapidement connaissance des attaques anti-Johnny – surtout quand l’auteur fait des parenthèses interminables – mais qu’il vous épargne l’orthographe et la syntaxe djeunz) ? Donc, on l’accuse de vouloir, lui, gagner quelques millions en plus sur le dos de ses malheureux fans internautes. Ça, c’est vraiment pas gentil ! Et surtout, que c’est totalement faux. De tous les artistes français, Johnny est celui qui souffre le moins du téléchargement illégal. A chaque fois qu’il sort un disque, son public ne veut pas seulement écouter les chansons, il persiste à vouloir aussi acheter son CD avec sa tronche dessus. On en déduira que le vrai crime de Johnny, c’est d’être solidaire de ses collègues, qui eux, perdent leur chemise avec le téléchargement. A moins qu’en vrai, on lui en veuille d’être d’accord avec l’UMP ou avec Sarkozy, un délit que, bizarrement, la loi ne sanctionne pas, y’a pas de hasard !

L’autre bricole qui m’a amusé, c’est la signature de Diam’s en bas de ce texte. Je ne suis pas totalement sûr que les auteurs de la pétition aient eu raison de faire appel à elle. Non pas que Diam’s n’ait rien à dire sur le sujet, mais quand elle s’exprime sur la question, elle le fait souvent avec un certain manque de finesse qui risque in fine de décrédibiliser la cause ; ainsi a-t-elle comparé, à plusieurs reprises, le téléchargement illégal à un viol. A sa décharge, il semblerait que Diam’s n’ait pas toujours une vision très claire de ce qui constitue une infraction aux lois de la République (ni peut-être de ce qu’est la République elle-même). A moins que ma mémoire ne me joue des tours et que ce ne soit pas elle, mais Tino Rossi qui a chanté « Ma France à moi elle (…) se démène et vend de la merde (NB : du shit) à des bourges. » Toutes choses qu’un rappeur mal intentionné pourrait résumer ainsi : « Le MP3, t’as pas le droit, deale donc du shit, ça c’est licite. »

Juillet 2008 · N°1

Article extrait du Magazine Causeur



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