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Exportations : pourquoi le modèle italien devrait inspirer la France


Exportations : pourquoi le modèle italien devrait inspirer la France
La première Lamborghini fontionnant au diésel, au 2023 SEMA Show, Las Vegas, le 31/10/2023 UPI/Newscom/SIPA

Au moment où le champion européen des exportations, l’Allemagne, connaît des difficultés, un autre État-membre vient à la rescousse de l’UE. Ce n’est pas la France – qui a toutes les raisons d’être jalouse de ce concurrent – mais l’Italie. En 2022 le montant des exportations a atteint 624,6 milliards d’euros, soit 20% de plus qu’en 2021. Et 2023 s’annonce être l’année de tous les records. La France, trop obsédée par le modèle allemand, ferait mieux de regarder du côté de son voisin transalpin.


En 2022 les entreprises italiennes ont fait preuve de résilience et de vitalité dans le commerce international, même après les chocs de la pandémie et de l’invasion russe de l’Ukraine qui a fait flamber les prix de l’énergie et perdre une importante partie des exportations italiennes vers la Russie. En particulier, les exportations ont atteint 624,6 milliards d’euros, soit 100 milliards de plus qu’en 2021, retrouvant les niveaux d’avant le Covid. La performance italienne est nettement meilleure que celle de l’Espagne (+7,6%) et surtout de l’Allemagne (-2,0%) et de la France (-4,7%), qui en 2022 sont encore inférieures aux niveaux d’avant Covid. Toujours en 2022, la Botte gagne une position en devenant le sixième exportateur mondial.

Les marchés et les secteurs

L’Europe demeure la première destination des exportations italiennes avec un volume d’exportations égale à 418.536 milliards d’euros, suivi par les États-Unis avec 90.579 milliards et l’Asie avec 80 milliards. Quant à l’Afrique, les exportations, même si elles sont inférieures, progressent à 21.5 milliards et enfin l’Océanie avec 14.2 milliards.

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Les secteurs qui exportent le plus ont été les machines, avec une valeur égale à 92,9 milliards d’euros (+10,3%). Ensuite le secteur de la mode qui avec ses 86 milliards d’exportations (+18%) dont 28 d’excèdent commercial, est destiné à devenir dans les prochaines années le numéro un des exportations. Quant au secteur agroalimentaire, il continue sa progression avec 52,3 milliards d’euros d’exportations (+16,7%). Le secteur pharmaceutique a généré un volume qui s’élève à 47,6 milliards d’euros (+42,8%). Le bois et l’ameublement ont atteint 21 milliards (+13,3%).

Décryptage

L’Italie fait partie des six premiers pays au monde avec un excédent commercial extérieur, hors coûts et minéraux énergétiques de plus de 100 milliards d’euros.

La question récurrente qui vient à l’esprit est : comment fait l’Italie, un pays basé sur des PME souvent familiales, totalement dépendant sur le plan énergétique, dépourvu des grands groupes industriels, pour enregistrer des meilleures performances à l’export que certaines nations économiquement plus grandes ?

Il y a quatre aspects fondamentaux qui expliquent cette performance.

Tout d’abord l’industrie manufacturière représente le pilier sur lequel repose l’économie du pays avec une chiffre d’affaires d’environ 1200 milliards d’euros dont plus de 50% est exporté à l’international. La mondialisation avec sa compétition basée sur les bas coûts de production n’a pas limité la capacité industrielle du pays. L’essence du « Made in Italy »  est son industrie.

La compétitivité italienne dérive de la structure particulière de son système de production qui ne repose que de manière minimale sur de grands secteurs industriels mais plutôt sur environ 3000 niches dans lesquelles elle est leader mondial. L’Italie présente le plus haut degré de différenciation des exportations par rapport à tous les autres pays du monde. Pour cette raison le chiffre d’affaires des exportations italiennes est potentiellement plus résistant que celui d’autres pays qui se concentrent uniquement sur certains types de produits et qui sont donc plus exposés à d’éventuelles conditions économiques négatives.

La taille des entreprises ne constitue pas un frein aux exportations. Près de 80% des exportations manufacturières sont réalisées par 9000 entreprises moyennes et grandes entreprises (de 50 à 4 999 salariés). A cela s’ajoutent 27 000 petites entreprises employant entre 10 et 49 salariés, qui couvrent les 13 % restants. Il n’existe cependant que 13 entreprises employant plus de 5 000 salariés qui représentent moins de 7% des exportations. L’Italie n’est donc pas forcement pénalisée par le manque de grands groupes industriels.

Parmi d’autres facteurs déterminants, l’Italie est traditionnellement dotée de chaînes d’approvisionnement courtes, que ce soit de moyenne ou de grande dimensions. Il y a aussi l’ancrage local de nombreuses et diverses activités de production, ainsi que leur capacité à innover et à réinterpréter des produits.

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La deuxième manufacture d’Europe bénéficie d’un des plus hauts degrés d’automatisation au monde avec environ 23 000 robots installés. Grâce à l’utilisation de robots, les entreprises rendent la production plus flexible tant en termes de volumes que de qualité, acquérant ainsi une capacité de réponse beaucoup plus rapide aux changements de la demande globale. Cela améliore considérablement la compétitivité des entreprises sur un marché de plus en plus mondialisé, où la variété des produits augmente de façon exponentielle et leurs cycles de vie se raccourcissent progressivement. La spécialisation de l’Italie dans le commerce international est suivie de près par différents analystes qui étudient son modèle économique. À l’instar d’autres grandes nations, son réseaux de PME régionales a su s’adapter à une compétition internationale de plus en plus agressive en se positionnant sur des niches des marchés. Dans un pays comme la France où le sujet de la réindustrialisation est plus que jamais d’actualité, le modèle italien pourrait bien être plus proche culturellement et économiquement du modèle français et donc plus facile à mettre en œuvre que le modèle allemand, par exemple, qui est totalement différent.



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