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Mgr Vingt-Trois, macho man


Mgr Vingt-Trois, macho man

Le clergé a sur le commun des mortels un avantage certain, qui devrait appeler tout un chacun à mûrement réfléchir avant de s’engager dans le mariage plutôt que dans l’état ecclésiastique : un curé peut rentrer à n’importe quelle heure du soir et de la nuit, jamais bobonne ne l’attendra sur le perron, prête à mugir et à vociférer, à le sermonner et à lui faire la morale[1. A titre personnel, je suis favorable au mariage des prêtres. S’ils s’aiment.]. Tout juste a-t-il la Vierge Marie qui en a tant vu depuis qu’elle fait Mère de Dieu à temps plein qu’elle ferme les yeux et pardonne. Une soupe, un chaste baiser sur le front, et au lit !

Seulement, c’était sans compter les Chiennes de Garde, une association dont le seul nom évoque, mieux que le poète, les charmes discrets de la féminité et invite chacun de nos congénères du sexe fort à prendre un aller-simple pour Sodome plutôt que la barque pour Cythère. Elles ont décidé d’enquiquiner le calotin, en la lui faisant bouffer, sa calotte.

Voilà-t-il pas que Mgr Vingt-Trois, interrogé sur la place des femmes dans l’Eglise, déclare en novembre 2008 sur les ondes de la bien nommée radio Notre-Dame : « Le plus difficile, c’est d’avoir des femmes qui soient formées. Le tout n’est pas d’avoir une jupe, c’est d’avoir quelque chose dans la tête. »

Que n’avait-il dit là ! Quoi ? La jupe n’est pas tout ? Salaud de machiste, l’archevêque de Paris, même pas respectueux du petit plissé qui a fait la réputation de la maison Saint-Laurent et devrait définir à lui seul le plan de la Providence pour les cent mille prochaines années.

Et les Chiennes de garde de mordre au mollet Mgr Vingt-Trois en lui décernant le titre de « macho de l’année », cinq mois après son horrible forfait (soit elles ont la vengeance tenace, soit elles sont lentes à la détente, les Vigilantes canines). Le brave Mgr Vingt-Trois – si brave que ça en devient inhumain, autant de bravitude – ne se fait pas prier : il présente illico ses plus plates excuses. Le comble est qu’il s’était déjà excusé en novembre dernier auprès des quelques femmes catholiques heurtées par ses propos – mais ça ne devait compter que pour du beurre, puisque ça n’avait pas fait la une des journaux.

Seulement, faudrait savoir : voilà cinquante ans que les féministes de tous poils (pas question de les raser !) prêchent que le tout n’est pas d’avoir une jupe mais quelque chose dans la tête… Fils de son temps, Mgr Vingt-Trois répète la leçon apprise chez Antoinette Fouque et consœurs : la jupe n’est rien. Et il parle en connaisseur, lui qui portait encore la robe quand le féminisme rive-gauche ne jurait que par le blue jean même pas moulant, mais symbole d’émancipation vestimentaire.

Que s’est-il donc passé pour que l’archevêque de Paris soit voué aux gémonies ? Pourquoi de soi-disantes féministes défendent la jupe autrefois honnie ? La phrase épiscopale n’avait, en soi, rien de choquant : l’un des grands problèmes de l’Eglise catholique aujourd’hui est la formation pastorale des laïcs, dommage collatéral de la crise des vocations. Le hic, c’est que les questions de la vie, et de la vie telle qu’elle va, ça n’intéresse pas les Chiennes de garde.

Qu’est-ce qui, au fond, d’ailleurs, intéresse les Chiennes de garde ? Rien. Les violences conjugales ? La parité salariale ? Les mariages forcés ? Ça va pas la tête ! Elles n’ont qu’une seule chose dans la caboche : l’espace médiatique que pourra occuper leur prochaine ineptie.

Mgr Vingt-Trois, lui, n’est pas chienne. Il est si absorbé par son job qu’il n’a même pas le temps de tenir des propos antisémites comme n’importe quel oisif monsignore qui vous vient sous la main. Un tout petit rien l’occupe, qui porte le nom de réalité : celle de paroisses où le manque de prêtres réclame, par exemple, que les obsèques soient présidées par des laïcs, qu’il faut évidemment former, hommes ou femmes. Dans ces affaires-là, la jupe ne change, en effet, rien à l’affaire, quand c’est le ciboulot qui doit fonctionner au clair pour accompagner, aider et apaiser.

À la campagne, d’où je viens, quand un chien a tant mordu qu’il a le goût du sang dans la gueule, on l’abat. Et on fait pareil avec les chiennes. Et aussi avec les chiens qui portent des jupes. Et Dieu sait qu’on n’est pas sexiste. Hein, maman ?

Je dédie ces lignes à mon ami Daniel Riot, dont le machisme consistait à tomber amoureux chaque fois qu’il croisait une représentante de cette variété pas nécessairement désagréable de l’espèce humaine.



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