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Mehlemamba Ngidi, un Blanc devenu un jeune influenceur zoulou

La relève de Johnny Clegg est assurée


Mehlemamba Ngidi, un Blanc devenu un jeune influenceur zoulou
Capture Youtube

La culture zouloue a dépassé les frontières de l’Afrique et a été largement popularisée par le chanteur Johnny Clegg. Depuis trois ans, Stefano Di Mauro suscite l’admiration de toute une nation. Anglo-afrikaner, ce jeune blanc d’Afrique du Sud se revendique comme membre à part entière de cette ethnie guerrière sous le nom «Mehlemamba Ngidi». Devenu influenceur, il fascine par sa maîtrise de la langue de Shaka Zulu et totalise des millions de vues sur les réseaux sociaux.


Rien ne distingue ce jeune homme de 18 ans des autres garçons de son âge en Afrique du Sud. Pourtant, il y a trois ans, son apparition durant une quinzaine de secondes, dans une publicité de la chaîne Chicken Licken, a provoqué un engouement inattendu sur les réseaux sociaux. S’exprimant dans un parfait zoulou, Stefano di Mauro est devenu en peu de temps un influenceur qui totalise des millions de vues sur ses comptes Instagram ou Tik-tok. Aussi blanc qu’un cachet d’aspirine, cheveux corbeau, interrogé régulièrement pas les médias, celui qui se fait désormais appeler « Mehlemamba Ngidi » explique qu’il a appris à parler le zoulou dès son plus jeune âge. « C’est grâce à notre domestique, Lindiwe Ngidi, qui a toujours été près de moi depuis que j’ai un an, que j’ai pu apprendre cette langue. Mais je parle anglais avec ma mère, mon père et mes frères et sœurs. Mes parents ne parlent pas l’isiZulu [mais] en comprennent des phrases » affirme-t-il au magazine SA People. « Elle m’a porté dans son dos, me parlant et chantant toujours en zoulou. Vous savez, je l’appelle aussi maman » poursuit Stefano Di Mauro qui s’est amusé à se mettre en scène avec sa « Mam » dans une de ses vidéos Tik-Tok.

Certains refusent désormais de s’assoir à côté de lui

Avec son panama blanc, ses brassards et bracelets en poil de chèvre typiques de la culture zoulou, il confesse avoir également une passion pour la musique maskandi qui accompagne toutes les danses de cette tribu dont il se revendique désormais. « J’ai découvert ce type de musique par hasard quand j’ai été abordé par un ouvrier de chantier qui m’a demandé ce que j’écoutais dans mes écouteurs. A cette époque, j’écoutais Dladla Mshunqisi et DJ Tira. Il m’a conseillé alors d’écouter du maskandi. J’ai tout de suite adoré les chansons [et] les messages que véhiculent ces chants. C’est magique ». Stefano di Mauro a demandé à prendre des cours de guitare afin de devenir lui-même un musicien spécialisé dans ce genre de musique acoustique. C’est un passionné… qui n’a pas que des aficionados. Il explique également que ses camarades de classe n’ont pas vraiment compris pourquoi il s’intéressait à cette culture qui n’était pas celle de l’Afrikanerdom. Il préfère s’en amuser. « Mes amis blancs deviennent un peu irritables quand je leur parle isiZulu parce qu’ils ne comprennent pas [et] pensent souvent que je les ridiculise » rigole-t-il, facétieux. « Je leur donnais de temps en temps des leçons et des traductions quand nous étions ensemble » poursuit Stefano Di Mauro. Il reconnaît que certains à son lycée ont refusé de s’asseoir à ses côtés en cours, ou ne lui parlent plus aujourd’hui en raison de son attachement à la culture zouloue.

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Peuple bantou d’Afrique australe, c’est au début du XIXe siècle que les différentes tribus zouloues (« fils du ciel ») sont unifiées par Shaka. Surnommé le « Napoléon noir », il va en faire une nation redoutée des autres. Ses Impis (régiments) composés de milliers de soldats, à qui il impose un mode de vie très drastique, vont déferler sur toute cette partie du continent, contraignant les autres ethnies à fuir toujours plus loin. L’épisode du « grand déplacement » (Mfecane) va transformer à jamais le visage de la future Afrique du Sud colonisée par les Néerlandais puis les Britanniques. Les Zoulous vont très vite se confronter aux ambitions coloniales de Londres qui entend mettre fin à l’hégémonie de cette dynastie marquée par le sceau du régicide. Le 22 janvier 1879, les Anglais sont sévèrement défaits à la bataille d’Isandhlwana. Une humiliation qui sera vengée quelques jours plus tard. La réputation des Zoulous est telle que la reine Victoria recevra officiellement le roi Cetshwayo kaMpande dont les pouvoirs ont été réduits à ceux d’une simple chefferie, son empire démembré. C’est aujourd’hui la seconde ethnie d’Afrique du Sud. Le roi MisuZulu Sinqobile kaZwelithini est monté sur le trône en 2021. Il dirige cette nation qui continue de fasciner l’Europe. On ne compte plus les séries (comme celle à succès de « Shaka Zulu » sortie en 1986), les films consacrés à ces guerriers par Hollywood qui ont alimenté tous les fantasmes et contribué à populariser cette ethnie respectée des afrikaners eux-mêmes. Au plus fort de la fin de l’Apartheid (1992-1994), ces deux peuples n’ont pas hésité à s’allier pour contrer l’African National Congress (ANC) de Nelson Mandela, le héros de la lutte anti-apartheid. Leur nom a dépassé les frontières et provoque toujours fierté et crainte dans les autres pays africains. Dernièrement, c’est la franchise Marvel qui a repris certains aspects de leur culture guerrière avec le film « Black Panthers »

Le rêve d’une société postraciale

Stefano Di Mauro n’a pas connu le régime de ségrégation raciale et se revendique comme un pur produit de la nation arc-en-ciel. « Il ne faut pas forcer les gens à apprendre les langues africaines si ils n’en ressentent pas l’envie ni le besoin. Si on les force, ils vont développer un sentiment de haine envers les tribus qui peuplent l’Afrique du Sud » avertit le jeune homme qui travaille aujourd’hui pour une de ces nombreuses sociétés de sécurité qui pullulent dans son pays et qui suit les traces de son père, policier à la retraite. « IsiZulu est ce que je suis au plus profond de moi. Dès mon plus jeune âge, j’ai su ce que je voulais être » déclare-t-il. « Je suis vraiment fatigué par tous ces problèmes raciaux que nous avons. Les gens se chamaillent parce que l’un est blanc et l’autre noir, parce que l’un est chrétien et l’autre juif ou musulman. Ils se battent en oubliant qu’en fin de compte, nous sommes tous humains » rappelle Stefano di Mauro. « Apprendre et embrasser différentes cultures contribueraient grandement à trouver le chemin de la réconciliation » renchérit l’influenceur, qui a été officiellement introduit dans un clan. Un parcours de vie qui n’est pas sans rappeler celui de Johnny Clegg, le chanteur devenu célèbre grâce à sa chanson « Asimbonanga » dont les paroles rendent hommage au combat mené par Nelson Mandela. Adulé, véritable star locale comme le montrent diverses vidéos sur You Tube, où des jeunes filles zouloues aux seins nus se précipitent sur lui et prennent quantité de selfies, Stefano Di Mauro reste humble, se contentant de danser avec les guerriers du roi Misuzulu. « Je suis un natif du Zoulouland ! » aime juste à rappeler « Mehlemamba Ngidi », le nouveau zoulou blanc d’Afrique du Sud, qui cherche encore l’élue de son cœur. Quelle que soit sa couleur.




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Journaliste , conférencier et historien.

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