Les tomates de la colère


Les tomates de la colère

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C’est sans doute l’un des symptômes les plus aberrants des inepties qui ravagent notre économie et la manifestation des travers les plus odieux de la mondialisation. Alors que la France dispose de l’un des plus prodigieux patrimoines agricoles du monde, le marché des fruits et légumes y vire parfois au cauchemar. Pourquoi ? Parce que la production française est soumise à des lois et des pratiques infâmes que lui imposent la logique économique européenne et les règles du commerce international. Nos étals et nos frigos devraient normalement regorger de fruits et de légumes de très bonne qualité à bas prix, or, à quelques exceptions près, ils croulent sous des produits de culture intensive, saturés de chimie, la plupart du temps importés de pays aux tarifs déloyaux, où la protection de l’environnement relève encore de la chimère.

Ou alors il faut débourser de 8 à 10 € le kilo pour se payer une denrée saine et goûteuse. Si la tomate et la fraise espagnole cultivées sous plastique à coups d’engrais et de pesticides (qui suffiraient à dératiser Paris en une journée) demeurent le symbole de l’horreur, suivies de près par les productions marocaines et italiennes, on sait aussi que l’agriculture française reste grande consommatrice de « produits phytosanitaires de protection des plantes », ainsi que l’on désigne officiellement les charmantes molécules avec lesquelles l’industrie agro-chimique empoisonne nos campagnes.[access capability= »lire_inedits »] Et quand ce n’est pas les importations, c’est la grande distribution, avec ses monstrueuses conditions d’achat, qui étrangle nos agriculteurs. Combien de producteurs de fruits et légumes du Sud-Est ne sont-ils pas pris à la gorge par des grandes surfaces qui leur achètent leur récolte au-dessous du prix de revient ? À prendre ou à laisser, sinon on ira voir à l’étranger. Comment ne pas comprendre le désespoir de ces producteurs de pommes, de poires, de pêches ou d’abricots de la vallée du Rhône ne parvenant pas à boucler leurs fins de mois ? Ceux-là voient défiler sur l’Autoroute du soleil des centaines de camions espagnols pleins à craquer de saloperies. Et que dire de ces maraîchers français dont on annule le contrat passé avec les cantines scolaires de leur département sous prétexte que la municipalité n’a pas respecté l’appel d’offres public favorisant le mieux-disant ? Ainsi, grâce à la bêtise ou à la mauvaise foi de certains préfets, les grossistes importateurs récupèrent-ils le marché d’une restauration collective pour remplacer de bons produits destinés à nos enfants par de la malbouffe. Bien sûr, il y a l’effort constant des tenants d’une agriculture paysanne à visage humain, bio ou raisonnée, qui se démènent pour proposer des produits remarquables et pas forcément plus coûteux, mais que les normes mercantiles de la distribution, les règles communautaires et la dérision des subsides européens qui leur sont consentis chaque année confinent dans la marginalité. Raison de plus pour que nos concitoyens fassent pression sur le système et reconquièrent leur droit à se nourrir au juste prix des bons fruits et légumes de la terre de France.[/access]

*Image : soleil.

Septembre 2014 #16

Article extrait du Magazine Causeur



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